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Commission des affaires étrangères

Mardi 16 octobre 2007

Séance de 17 h 15

Compte rendu n° 8

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Christophe de Margerie, directeur général de Total

Audition de M. Christophe de Margerie, directeur général de Total

M. Christophe de Margerie a indiqué que c’était avec plaisir qu’il avait accepté l’invitation de la commission des affaires étrangères pour rendre compte de la stratégie du groupe Total et évoquer plus particulièrement son rôle dans les deux pays qui nous intéressent aujourd’hui : la Birmanie et l’Iran. Il a insisté sur la nécessité d’inscrire l’activité de la société Total dans ces pays dans le cadre de la stratégie globale du groupe qui n’est pas différente d’un pays à l’autre. Total est présent dans 130 pays et exerce son activité d’exploration-production dans 40 pays, avec pour premier objectif de fournir l’énergie aux consommateurs. Si son rôle prioritaire est avant tout la production des énergies fossiles – le pétrole et le gaz –, la société est parfaitement consciente de ses responsabilités en matière de respect de l’environnement et conduit en conséquence une politique de développement dans le domaine des énergies nouvelles, même si elle n’a pas été conviée à la Conférence du Grenelle de l’environnement. Il a estimé que, compte tenu de ses responsabilités, le groupe Total continuera à s’exprimer, comme par le passé, et sans doute de plus en plus, sur l’ensemble de ses activités dans le monde et pas uniquement sur la Birmanie.

Après avoir rappelé que les investissements du groupe étaient très importants dans le monde ainsi qu’en France, où la société exerçait deux activités principales à savoir le raffinage et l’approvisionnement des consommateurs, il a souhaité insister sur le fait que les gisements de pétrole se trouvaient souvent dans des pays qui n’étaient pas des démocraties et où les investissements portaient nécessairement sur des durées longues de l’ordre de 20 à 30 ans. S’appuyant sur le cas de l’Algérie pour les années récentes et sur le cas de la Libye pour ce qui est du présent, il a estimé que l’on ne pouvait avoir de certitude quant à la stabilité d’un pays et que la survenance d’une crise était, quel que soit le pays, plus que probable sur une période de 30 ans.

Citant, à titre d’exemple, le montant d’un investissement dans un projet type dans le domaine du pétrole et du gaz dans un pays comme l’Iran qui peut représenter 10 à 15 milliards de dollars pour la globalité du projet, il a souligné que, là comme ailleurs, ceux-ci étaient financés par les entreprises et qu’en conséquence on ne pouvait pas facilement se retirer du jour au lendemain.

Au-delà de sa politique dans le domaine du développement durable, le groupe Total, partout où il exerce son activité, recherche avant tout son intégration et son adéquation à la réalité locale : il est nigérian au Nigeria, iranien en Iran, birman en Birmanie, c'est-à-dire que 80 % au minimum de ses salariés sont locaux (souvent bien plus, comme 90 % en Birmanie), ce qui implique de lourds engagements vis-à-vis de la société civile, plus particulièrement en matière de formation des ressources humaines. Cette adaptation est encore plus nécessaire dans les pays les plus pauvres où la société emploie toujours davantage de personnel local, même si parfois les compétences professionnelles initiales peuvent faire défaut. M. Christophe de Margerie a ajouté qu’il réfutait le reproche fait à l’entreprise qu’il dirige de vouloir « acheter son âme », précisant que dans tous les cas Total était une société locale à capitaux étrangers.

Dans de nombreux pays, le groupe s’associe avec les organisations non gouvernementales quand celles-ci le veulent bien, voire avec l’ONU, pour promouvoir des politiques de développement et d’aide. Pour Total, il n’est pas question d’abandonner les personnels qui travaillent ou ont pris des risques à son service, c’est pourquoi le groupe agit aussi dans le domaine du respect des Droits de l’Homme. Pour ces raisons, M. Christophe de Margerie a réfuté toute controverse visant à présenter Total comme étant uniquement intéressé par l’argent sous prétexte qu’il exploitait du pétrole. A cet égard, il a souhaité rappeler les paroles du Président Nelson Mandela, lorsque celui-ci a accédé au pouvoir, qui avait déclaré que c’était grâce à des sociétés comme Total, qui étaient restées pendant les moments difficiles, que l’Afrique du Sud était ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

Constatant que l’idéal serait que la démocratie existe partout – ce qui n’est pas le cas –, il a ajouté que ce n’était pas une politique de désinvestissements qui pouvait tout résoudre.

Abordant la situation de la Birmanie, il a précisé que des investissements avaient été faits, depuis longtemps déjà, dans un projet de production de gaz naturel principalement demandé par la Thaïlande qui manquait de gaz et d’hydrocarbures. Dans ce programme, Total est l’opérateur et se trouve associé à plusieurs partenaires : la société américaine Chevron, la compagnie thaïlandaise PTTEP et la compagnie nationale birmane. Il a indiqué que, conformément aux contrats, 85 % de la production étaient destinés à la Thaïlande et 15 % à la Birmanie, tout en regrettant que la part birmane ne soit pas plus élevée. Bien avant les évènements survenus récemment, Total, après l’avoir évoqué notamment avec la Prix Nobel de la Paix à Rangoon, avait pris la décision de ne pas procéder à de nouveaux investissements afin de ne pas créer de provocations. Actuellement les seules dépenses mises en œuvre sont destinées à maintenir le niveau de production et à entretenir les équipements existants dans le cadre du projet Yadana, pour les maintenir au meilleur niveau de qualité opérationnelle, notamment pour éviter tout risque d’accident ou de pollution.

Dans le cadre de ses activités au profit des populations locales M. Christophe de Margerie a précisé que Total avait mis en place un vaste programme socio-économique au bénéfice des populations vivant dans le « corridor » – terme qu’il n’apprécie pas à cause de sa connotation négative mais qui techniquement désigne le couloir emprunté par le pipe-line –, afin de mener des opérations à caractère humanitaire. Il a ajouté que sa société avait reçu le Prix Hélène Keller qui est une ONG très ancienne aux Etats-Unis, reconnue et apolitique. Total est par ailleurs engagé dans un programme d’envergure d’aide sanitaire, en particulier à travers des programmes de lutte contre la cécité ou contre le Sida, supervisés par l’Organisation mondiale pour la santé et des ONG, et centrés principalement dans le Nord du pays autour de Rangoon et Mandalay. Le groupe Total a souhaité que ses opérations dans ce pays soient particulièrement exemplaires. Le sentiment partagé par un grand nombre de gens sur place, ainsi que par tous les témoins qui s’y sont rendus, est que ses activités sont nécessaires et doivent être pérennisées, dans l’intérêt du peuple birman qui en est le bénéficiaire direct.

S’agissant de l’Iran, M. Christophe de Margerie a rappelé que la détention d’un droit d’exploitation sur le pétrole iranien faisait partie des actifs historiques de la France. Total a en effet été créé en 1924 à partir d’actifs au Moyen-Orient cédés par l’Allemagne, parmi lesquels figuraient 6 % du consortium pétrolier iranien. Depuis, de nombreux régimes plus ou moins démocratiques se sont succédé dans le pays mais la présence de Total en Iran participe à l’effort de production de ce pays, qui reste indispensable à l’équilibre entre l’offre et la demande globales de pétrole.

Au niveau mondial, ce ne sont en effet pas les réserves qui posent problème mais la capacité de production actuelle. Les compagnies pétrolières internationales investissent pourtant beaucoup : par exemple, Total aura investi au niveau mondial environ 16 milliards de dollars en 2007, pour 8 milliards de dollars en 2002. Malgré cette progression des investissements des « majors », cela reste insuffisant au niveau macro économique car de nombreux pays possédant des réserves veulent les garder pour l’avenir en comptant sur l’augmentation du prix du pétrole. Ces pays sont en outre souvent touchés par des problèmes d’insécurité ou au cœur d’enjeux géopolitiques. Alors que la production irakienne était de 3 millions de barils par jour sous le régime de Saddam Hussein, elle est retombée à 2 millions de barils par jour malgré une capacité potentielle de 5 à 6 millions de barils par jour. Si l’on veut produire les 100 millions de barils par jour qui seraient nécessaires, il faut exploiter les réserves de pays où la sécurité n’est pas garantie et avoir recours à des pétroles difficiles à exploiter comme ceux de l’Athabasca au Canada. Globalement, la capacité actuelle de développement de la production est inférieure à l’évolution anticipée de la demande, ce qui conduit à un niveau de prix élevé. Celui-ci n’est pas lié à des phénomènes spéculatifs : cet été, après le retrait des spéculateurs américains consécutif à la crise des subprimes, le prix du baril est brièvement retombé de 80 à 68 dollars avant de réaugmenter pour atteindre actuellement plus de 85 dollars le baril. Cette situation est notamment le résultat de l’existence de menaces récentes au nord de l’Irak, pouvant affecter le niveau de production au Kurdistan irakien.

En Iran, Total réfléchit actuellement avec des partenaires européens et chinois à un projet de GNL (gaz naturel liquéfié) destiné aux marchés européen et chinois. Si l’environnement international ne permet pas sa réalisation, il ne faudra pas en faire porter la responsabilité sur les compagnies pétrolières. Total ne peut se retirer d’Iran alors que le groupe a réalisé des investissements considérables qui sont en cours de remboursement ; ce ne serait pas responsable. Mais il n’investira pas les sommes nécessaires à la réalisation de ce projet si l’environnement international n’offre pas toutes les garanties nécessaires et si ses conditions économiques ne permettent pas d’assurer une rentabilité satisfaisante.

M. Christophe de Margerie a rappelé que l’Iran avait une tradition culturelle proche de celle de la France et que tous les Iraniens ne soutenaient pas le régime des mollahs. La France a besoin de l’Iran, et là encore la présence d’un grand groupe français comme Total, parmi d’autres, joue un rôle important dans l’évolution des mentalités locales en contribuant au développement économique et social du pays.

Le président Axel Poniatowski a remarqué que M. de Margerie faisait une sorte d’amalgame entre toutes les situations passées, en particulier en Libye et en Afrique du Sud, dans lesquelles Total a continué ses activités, ce dont il n’a pu a posteriori que se féliciter. La situation en Birmanie, où règne un pouvoir militaire mafieux, est en effet très différente de la situation iranienne, où le régime a une certaine légitimité démocratique mais défend des convictions idéologiques jugées dangereuses par la communauté internationale.

Le Président Axel Poniatowski ne s’est pas déclaré en faveur d’un retrait de Total de ces pays car il a estimé que ce retrait serait plus nocif pour les populations que son maintien sur place. Mais mettre un terme à ses activités et décider de nouveaux investissements sont deux choses différentes : le groupe a-t-il l’intention de réaliser de nouveaux investissements en Birmanie ou en Iran ?

Refusant de voir ses propos qualifiés d’amalgame, M. Christophe de Margerie a rappelé que, à une certaine époque, la Libye était présentée comme un pays terroriste et l’Afrique du Sud comme la négation absolue des Droits de l’Homme. En Birmanie, la situation politique ne permet pas à Total de prendre la décision de réaliser de nouveaux investissements. En revanche, le groupe se doit de maintenir ses installations en parfait état. Il ne faut pas oublier que les compagnies pétrolières de certains des pays, comme la Corée du Sud et l’Inde, qui ont exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis de la situation birmane, n’hésitent pas à envisager de gros investissements en Birmanie en profitant notamment des hésitations des compagnies occidentales. Il n’y a qu’à regarder pour cela la carte de l’attribution du domaine minier qui est fort éloquente sur les prises de position de pays émergents en Birmanie, comme d’ailleurs dans d’autres pays aux situations internes complexes.

Pour ce qui concerne d’éventuels nouveaux investissements en Iran, leur réalisation dépendra largement des Iraniens eux-mêmes. Ils ont un gouvernement élu et le problème nucléaire ne regarde pas Total. Le groupe se lancera ou non dans un éventuel projet en fonction du degré de stabilité politique du pays mais aussi en tenant compte de la responsabilité qui est la sienne en terme d’approvisionnement pétrolier. A l’heure actuelle, aucun projet n’est sur le point d’être mis en œuvre.

Evoquant le souhait de l’Assemblée nationale, il y a une dizaine d’années, d’instituer une commission d’enquête sur les activités de la société Elf, M. Roland Blum a rappelé qu’une mission d’information avait finalement été créée à laquelle il avait participé avec deux autres députés. Dans le cadre de cette mission, ils s’étaient rendus en Birmanie pour visiter les installations de Total et avaient conclu que la société ne pouvait être soupçonnée de recourir au travail forcé. M. Roland Blum a ensuite cité les propos de Mme Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix qui considérait, en 1996, que les investissements des sociétés étrangères en Birmanie ne profitaient qu’aux élites du pays ainsi qu’au pouvoir militaire en place. Il s’est donc interrogé sur la gestion de la rente pétrolière dans le pays.

M. Jacques Myard s’est félicité de la vision à long terme de la société Total ainsi que de sa position équilibrée concernant la situation en Birmanie. S’agissant de l’Iran, il a souhaité obtenir des précisions sur le respect de l’embargo par les sociétés étrangères, notamment américaines comme Halliburton, qui ont souvent recours à des sociétés écran. Enfin, il a demandé au responsable de Total quel était son sentiment sur les efforts de lutte contre la corruption, à l’échelle mondiale.

En ce qui concerne la situation en Birmanie, M. Christophe de Margerie a indiqué que Total avait organisé de nombreuses visites de personnalités reconnues, comme le Professeur Gallo par exemple, afin d’apprécier concrètement les efforts de la société sur place. S’agissant des propos de la Prix Nobel, il a souligné qu’ils avaient été exprimés en 1996 alors que la rencontre qu’il avait eue avec elle remontait à 2002. Au cours de cette période, l’image de la société a changé grâce aux efforts qu’elle a engagés et dont témoigne le principe même de la rencontre avec Mme Aung San Suu Kyi. Il a, ensuite, fait part de sa satisfaction de voir reconnaître les efforts de Total pour développer une vision à long terme, sans pour autant que cette position n’exclue des adaptations aux circonstances. Il a, par ailleurs, évoqué sa mise en examen dans une affaire judiciaire qui l’empêchait de s’exprimer davantage sur l’Iran. Il a néanmoins précisé que les instructions relatives à l’embargo étaient claires et que les entreprises américaines avaient effectivement quitté le pays et n’avaient plus d’activités directes en Iran. Enfin, il a approuvé la mise en place d’un cadre légal et réglementaire pour lutter contre la corruption. Contrairement à une idée reçue, les chefs d’entreprise ne sont pas opposés à la pénalisation de leurs actes mais à un excès de pénalisation.

Le président Axel Poniatowski a souhaité savoir si, in fine, Mme Aung San Suu Kyi approuvait le maintien de la société Total en Birmanie.

M. Christophe de Margerie a insisté sur le fait qu’il ne pouvait rapporter la teneur de ses échanges avec Mme Aung San Suu Kyi mais qu’il pouvait, en revanche, affirmer qu’elle n’avait pas demandé le départ de Total de Birmanie. Cette possibilité n’a pas non plus été évoquée par les représentants de l’opposition birmane qui ont été reçus récemment, notamment par le président Sarkozy.

M. Jean-Michel Boucheron a considéré que tous les embargos dans le monde avaient en fait profité, avant tout, au pouvoir en place. Puis, évoquant la stratégie de Total en matière de communication et, notamment, le recours aux ONG, il a souhaité savoir si le groupe ou, plus largement, notre pays, disposait d’un observatoire pertinent permettant de savoir et de détecter qui travaillait pour qui et quels étaient les intérêts en présence.

Eprouvant le sentiment que la position de la diplomatie française à l’égard de l’Iran était de nature à gêner les activités de Total, M. Jean-Marc Roubaud s’est interrogé sur le rôle de notre diplomatie dans l’installation des entreprises françaises à l’étranger. Il a également demandé quelle part représentait le chiffre d’affaires de Total dans la balance extérieure de la France.

M. Christophe de Margerie a affirmé qu’il convenait de distinguer entre deux types d’organisations non gouvernementales, celles poursuivant un but humanitaire et celles ayant un but politique. Ces organisations sont paradoxalement rarement soumises aux obligations de transparence qu’elles voudraient imposer aux gouvernements ou aux entreprises. Il n’appartient toutefois pas aux responsables d’une entreprise privée de porter un jugement sur les choix effectués par les associations en question.

Il est clair, en revanche, que l’information sur les orientations réelles et les intérêts à l’œuvre au sein des organisations non gouvernementales n’est pas suffisante. Le ministère des affaires étrangères a initié quelques actions dans ce sens mais les résultats sont restés limités. L’appréciation des difficultés causées par ces organisations doit être nuancée. Si certaines font montre d’une attitude constructive dans leurs critiques, proposant même des solutions aux problèmes qu’elles pointent du doigt, d’autres refusent de dialoguer avec les entreprises qu’elles attaquent.

En matière de politique internationale, il n’est dans l’intérêt ni de l’entreprise, ni des gouvernements étrangers, ni de la France, que Total ait une attitude contraire à celle de notre diplomatie. En revanche, il faut veiller, par exemple dans le cas iranien, à ce que la mise en œuvre des mesures internationales adoptées ne se fasse pas au seul détriment des entreprises françaises présentes dans le pays.

Total n’a pas de position officielle concernant les embargos mais il est certain que les sanctions internationales peuvent avoir pour effet de renforcer la légitimité des gouvernements en place. Total n’a donc pas à intervenir publiquement dans les débats préalables à l’adoption de telles mesures, y compris contre l’Iran, et se contentera de veiller à maintenir des relations de confiance avec la compagnie nationale iranienne.

Le réseau diplomatique est devenu une aide très précieuse pour les entreprises françaises, celles qui se plaignent de son inefficacité n’ayant souvent pas cherché à utiliser ses ressources.

M. Jean-Paul Lecoq a rappelé l’importance des investissements de Total en France, dont il s’est félicité. Concernant les liens entre le groupe et le gouvernement birman, certaines déclarations peuvent apparaître rassurantes. Au-delà de ces proclamations, le maintien de l’entreprise ne s’explique-t-il pas par des pressions exercées par celui-ci ?

M. Jean-Claude Guibal a rappelé qu’au vu de son poids économique, il était étonnant que les responsables d’une telle entreprise s’efforcent de justifier leur comportement. La totalité des autres groupes internationaux n’ont-ils pas choisi également de ne pas mêler les appréciations éthiques des liens entre pouvoir et population à leurs décisions en matière de stratégie internationale ? Par ailleurs, les pays étrangers ne fournissent-ils pas une part majeure du chiffre d’affaires et des bénéfices distribués par Total ? Enfin, quelle est l’appréciation des dirigeants de Total sur l’avenir de la ressource pétrolière ?

M. Christophe de Margerie a souligné que Total est heureux de pouvoir investir en France, et ainsi y entretenir un outil industriel de grande qualité.

S’agissant de son implantation en Birmanie, Total n’a subi aucune pression. La politique de développement international du groupe implique le respect de son code de conduite dans tous les pays où elle entend exercer une activité. Dès lors, si quoi que ce soit l’avait empêché de se conformer à ces règles, Total aurait quitté ce pays.

La démarche actuelle de la compagnie n’est pas de se justifier mais d’abandonner une attitude qui a parfois été critiquée et considérée comme trop distante et arrogante. Toutefois, Total ne cherche pas à influencer la politique des pays dans lesquels elle investit, contrairement à ce qui a longtemps été reproché aux grandes majors. Si Total ne fait pas la politique des Etats, il n’est pas envisageable non plus que sa politique soit faite par des organisations non gouvernementales.

De nombreuses demandes ont été adressées à Total en vue de la pousser à quitter la Birmanie, arguant notamment du fait que ce pays ne représente qu’une faible part de sa production et qu’un retrait apporterait un bénéfice important en terme d’image. Cet argument n’est pas recevable, un retrait signifiant plutôt l’échec à convaincre de la pertinence de la démarche dans le pays. Ainsi, l’Union européenne a aujourd’hui des difficultés à exercer son influence sur la situation du fait notamment de la faiblesse des investissements européens y subsistant. Total n’est donc pas gêné d’être en Birmanie. Au contraire, il ne peut pas abandonner les employés birmans qui ont contribué à son développement local.

M. Jean-Pierre Kucheida a souligné que le pétrole et le gaz ne jaillissaient pas forcément dans les pays démocratiques mais là où les réserves se trouvaient. Il a, ensuite, insisté sur l’importance des visites de terrain, comme celle qu’il avait eu l’opportunité de faire en Birmanie, pour visiter le site de production de Total. Seuls ces déplacements permettent d’apprécier véritablement la réalité de l’action de la société qui est, dans le cas présent, exemplaire, aussi bien dans le domaine de la santé que de la protection de l’environnement ou du soutien à l’éducation. Il a ajouté que le départ de Total de Birmanie serait un immense gaspillage pour les personnes que la société emploie directement mais également pour celles qui bénéficient indirectement de sa présence. En outre, la nature ayant horreur du vide, Total serait immédiatement remplacé par une autre compagnie.

Après avoir fait également part de sa satisfaction quant à la politique de Total en France, M. Jacques Remiller a rappelé que le Président Axel Poniatowski avait indiqué, dans un communiqué de presse du 11 octobre dernier, que les députés de la commission des Affaires étrangères étaient prêts à se rendre en Birmanie pour apprécier la situation sur place. Il a souhaité connaître les informations dont le directeur général de Total pouvait disposer sur la situation dans le pays afin d’enrichir l’information des membres de la commission.

M. Christophe de Margerie s’est déclaré extrêmement favorable aux déplacements de députés sur le terrain afin de mieux apprécier les efforts de Total dans les différents pays où la compagnie est implantée. Ces déplacements sont cependant souvent contestés, ce qui rend difficile leur organisation. Il a ajouté que Total est birman en Birmanie, de la même manière que la société est angolaise en Angola ou nigériane au Nigeria. L’approche de Total est la même dans tous les pays, sans distinction, avec un recours majoritaire au personnel national (90 % du personnel de Total en Birmanie sont birmans). Il a confirmé qu’il recevait des rapports journaliers sur la situation de la Birmanie, émanant de la directrice générale de la société sur place, dont il a salué la qualité du travail. Toutefois, il a déclaré ne pouvoir faire état du contenu de ces rapports afin de ne pas compromettre la sécurité du personnel sur place. A cet égard, il a précisé qu’aucune mesure de rapatriement du personnel n’avait été envisagée, ce qui constitue un signal fort. Cependant, un dispositif de sécurité renforcé a été mis en place. En tout état de cause, l’opinion d’un responsable de Total en Birmanie ne peut être considérée comme exhaustive : elle ne représente qu’une voix parmi d’autres.

Après avoir remercié M. Christophe de Margerie pour son intervention, le président Axel Poniatowski a manifesté son intérêt pour un nouvel échange sur les questions énergétiques.

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