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Commission des affaires étrangères

Mardi 30 octobre 2007

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Audition de Mme Hind Khoury, déléguée générale de Palestine en France

Audition de Mme Hind Khoury, déléguée générale de Palestine en France.

Mme Hind Khoury, déléguée générale de Palestine, a remercié la commission de lui faire le grand honneur de la recevoir et de lui donner l’occasion de prendre la parole alors que les prochains mois vont être déterminants pour la paix dans la région.

A la veille de la conférence d’Annapolis sur le Moyen-Orient, l’accent doit être mis sur la nécessité d’une sortie de crise dans un conflit à la fois régional et aux dimensions internationales. L’action du Président Mahmoud Abbas s’inscrit dans le cadre d’une résolution durable du conflit sur la base de l’initiative de paix arabe.

L’expérience d’Oslo a montré que, sans solution politique du conflit, la situation humanitaire ne pouvait s’améliorer. Dans la Bande de Gaza, 80 % des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté. Un actif sur deux est au chômage. En moyenne, 8,4 personnes vivent entassées dans un logement. L’aide humanitaire internationale nourrit plus de 1,1 million de Palestiniens, sur 1,4 million d’habitants. Ces quelques chiffres permettent de redonner la vraie valeur des choses. Les Territoires palestiniens, se sont 579 barrages, un mur de 650 km de long, des attaques quotidiennes, des arrestations, des maisons et des infrastructures détruites, ou encore sept années de siège qui ont anéanti l’économie.

Mme Hind Khoury a souhaité apporter son témoignage de Palestinienne. Elle a estimé que la division politique entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza ne devait rien au hasard. Cette division est une conséquence directe de l’occupation et de la colonisation qui perdurent en toute impunité malgré les condamnations de la communauté internationale.

Enfermés dans une prison à ciel ouvert, sans perspectives politiques, les Palestiniens de Gaza ont sans conteste été plus perméables aux discours radicaux du Hamas. Pendant que Mahmoud Abbas parlait de paix à ses compatriotes de Gaza, les arrestations et les raids israéliens s’intensifiaient. Pendant que le Président était impuissant devant l’embargo économique, le Hamas était ouvertement aidé par l’Iran.

Comment un Président pourrait-il être crédible alors qu’il est incapable de garantir la sécurité, les droits et les besoins les plus élémentaires à son peuple ? Comment un Président pourrait-il exhorter son peuple à la démocratie alors que les élections démocratiques de 2006 ont eu pour conséquence l’embargo économique ? Enfin, pourquoi ne pas avoir aidé Mahmoud Abbas dans le cadre du gouvernement d’Union nationale issu de l’accord de la Mecque et approuvé par 96 % des Palestiniens ? Ce gouvernement était une chance historique de bâtir une paix consensuelle entre Palestiniens. Très habilement, Mahmoud Abbas avait réussi à intégrer le Hamas dans un processus politique.

Enfin, concernant la division entre le Fatah et le Hamas, il convient de rappeler que la vie politique israélienne est aussi composée de courants extrémistes comme par exemple les Russophones et leur leader M. Avigdor Liebermann. Ce n’est pas parce que ce parti politique existe que les Palestiniens refusent de discuter avec Ehud Olmert. Le Hamas existe, mais les Palestiniens ont d’abord leur représentant légal, garant des accords signés par l’OLP et unique partenaire dans les pourparlers de paix avec Israël : ce partenaire n’est autre que le Président Abbas.

Mme Hind Khoury a estimé que le passé devait servir de leçon pour ne pas reproduire les mêmes erreurs et, à ce titre, le nouveau gouvernement a montré l’exemple. Composé de personnalités modérées et indépendantes, le nouveau gouvernement de M. Salam Fayyad remplit absolument toutes les exigences démocratiques de la communauté internationale.

Ce gouvernement palestinien a fait preuve d’un courage et d’une détermination exemplaires face à une situation chaotique. Malgré la situation actuelle, M. Salam Fayyad fait de son mieux pour maintenir une continuité territoriale, assurer la paix interne, verser les salaires, redonner un peu de souffle à l’économie et bien sûr venir en aide à tous les Palestiniens.

Mais ce gouvernement sera-t-il viable alors qu’Israël avance le seul argument de la sécurité pour agir unilatéralement dans la région. C’est en ce moment le cas à Gaza où la distribution d’énergie est rationnée arbitrairement. Ce fut également le cas après Oslo où toutes les infrastructures ont été détruites sans raison. A ce sujet, nous attendons beaucoup de la conférence de Paris du 17 décembre prochain qui accueillera les pays donateurs. Il faut impérativement une reprise des aides directes.

Il est hélas certain que les adversaires de la paix brandiront toujours l’épouvantail des extrémistes, ils considéreront toujours le Hamas et plus généralement les Arabes comme un peuple animé d’une violence innée. Ceux-là trouveront toujours des excuses pour refuser le dialogue et la paix. Ceux qui désirent vraiment une paix durable fondée sur deux Etats doivent passer outre les éléments extrémistes palestiniens comme ils doivent faire fi des extrémistes israéliens qui prônent des thèses racistes.

Il faut être sérieux. Aucune avancée politique en Palestine ne sera possible tant que 45 % de la Cisjordanie seront colonisés. A ce titre Jérusalem-Est, colonisée par 250.000 Israéliens, vient encore d’être spolié de 110 hectares. Seule la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, avec pour capitale Jérusalem-Est et une solution juste pour les réfugiés, pourront générer une paix équilibrée et durable dans la région.

Mme Hind Khoury a souligné que, à la veille de la Conférence sur le Moyen-Orient d’Annapolis, les raisons de l’échec d’Oslo devaient nous faire réfléchir pour ne plus reproduire les mêmes erreurs. A l’époque, toutes les questions sur le statut final des deux Etats avaient été remises à plus tard, dans le but de signer un accord à tout prix. Ces points fondamentaux concernaient la définition de l’Etat, la colonisation, le tracé exact des frontières, la question de Jérusalem, le statut des réfugiés, ou encore la question de l’eau… autant de points essentiels qui n’ont pas été réglés et qui par la suite ont fait échouer les Accords d’Oslo.

C’est pourquoi à présent tout doit être mis à plat pour parvenir à un accord clair, bilatéral et de ce fait durable entre Israéliens et Palestiniens. Il faut mettre fin à ce rapport de force dissymétrique entre les deux pays, où Israël n’a de comptes à rendre à personne.

Au cœur de ces nouvelles règles du jeu que l’Autorité palestinienne souhaite voir émerger à partir de la conférence d’Annapolis, Mme Hind Khoury a fait part de ses espoirs que la France joue son rôle traditionnel d’acteur avisé et estimé au Moyen-Orient.

La voix de la France manque aux Palestiniens. Une France traditionnellement présente dans la région, une France dont le sol a accueilli Juifs et Arabes, une France dont la politique impartiale qui incarne la défense des droits de l’homme, une France qui a toujours été sensible aux injustices subies par les Palestiniens, une France courageuse et libre, qui place l’homme au cœur du projet politique. Enfin, une France influente au cœur de cette Europe qui doit peser de tout son poids comme membre du Quartet.

Tout le monde connaît les conditions de cette paix mais malheureusement le temps passe et joue contre les Palestiniens. Chaque année les colonies prospèrent et parallèlement les Territoires deviennent de plus en plus petits. Des 22 % de la Palestine historique qu’avait acceptés Yasser Arafat à Oslo, il reste maintenant moins de 15 % ! Mahmoud Abbas ne pourra plus rien concéder en deçà des 22 %, les Palestiniens ne le comprendraient pas.

Le monde est maintenant à une croisée de chemins où peuvent se dessiner deux mondes arabes :

– soit, un monde arabe qui va se dresser contre l’Occident, se constituant derrière un islamisme radical. C’est le scénario créé par la politique unilatérale actuelle de Washington et de Tel-Aviv, politique dénoncée par le rapport Baker. Tous les extrémistes de la région se nourrissent des injustices faites aux Palestiniens ;

– ou bien un monde arabe uni derrière le Plan de paix arabe, c’est-à-dire reconnaissant Israël et l’intégrant au Moyen-Orient. La France, l’Europe et la communauté internationale ont tout intérêt à peser de tout leur poids pour appuyer les partisans de cette paix. A l’heure du projet Euro-méditerranéen, il faut que tout le monde soit bien conscient que cette entité politique ne sera jamais viable sans un Moyen-Orient pacifié.

L’avenir de la région est en train de se dessiner et à ce titre la solution du conflit israélo-palestinien sera déterminante. Chaque injustice faite aux Palestiniens est vécue comme une injustice faite au monde arabe. Chacun a pu le constater en France, le conflit israélo-palestinien est devenu un symbole pour toute la communauté arabe qui se sent meurtrie et s’identifie à cette politique subie du « deux poids, deux mesures ».

Après 40 ans d’occupation illégale, Mme Hind Khoury a jugé qu’il était temps d’en finir avec un conflit d’un autre âge. Les députés ne doivent pas s’y tromper : il ne s’agit pas d’être pro-juif ou pro-arabe, il s’agit tout simplement d’être du côté du droit international. Les revendications des Palestiniens ne vont pas au-delà d’une stricte application des multiples résolutions de l’ONU, de la 4ème Convention de Genève ou encore du droit international humanitaire, qui sont violés par Israël depuis 60 ans.

Faisant état de ses entretiens lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le Président Axel Poniatowski a souligné que les Palestiniens plaçaient des espoirs importants dans la conférence d’Annapolis. Il s’est ensuite interrogé sur plusieurs points : les sujets sensibles tels que le retour des réfugiés ou le statut de Jérusalem pourront-ils être abordés et faire l’objet d’un accord lors de cette Conférence ? Quelles sont les attentes à l’égard de la conférence des donateurs de Paris ? L’annonce d’élections législatives par le président Abbas, alors que le Hamas serait exclu de ce processus, est-elle de nature à apaiser la situation ? Quand et dans quelles conditions ces élections auront-elles lieu ? Le processus de paix peut-il progresser durablement sans accepter la discussion avec le Hamas ?

Mme Hind Khoury a estimé que les espoirs placés dans la conférence d’Annapolis s’inscrivent dans la continuité des attentes exprimées de longue date par les Palestiniens. L’établissement d’un document de principe sur le statut final n’est pas exclu. L’issue positive dépend de la volonté politique israélienne. A cet égard, la mise en exergue récente des questions de sécurité au détriment du problème politique est préoccupante. L’Autorité palestinienne est soutenue par les Etats qui ont approuvé l’initiative de paix arabe, tandis que Mme Condoleezza Rice travaille, par ses nombreuses visites, à rapprocher les points de vue. Il est souhaitable que le Quartet s’implique plus activement dans la préparation de la Conférence.

La conférence de Paris, bien que de nature différente, revêt un caractère déterminant puisqu’elle doit permettre d’apporter aux Palestiniens le soutien économique indispensable à l’amélioration des conditions de vie de la population.

Pour participer au processus électoral, le Hamas doit accepter les accords conclus antérieurement entre Israéliens et Palestiniens. Les évolutions résultant d’une négociation éventuelle seront soumises à l’approbation du peuple palestinien soit par référendum soit par le biais d’élections législatives. Ces consultations pourraient coïncider avec la fin du mandat présidentiel prévue en janvier 2009. Jusqu’à cette échéance, le président de l’Autorité palestinienne est compétent pour mener les négociations.

Après avoir évoqué la situation déjà exsangue de Gaza en 1998, M. Jean-Jacques Guillet a constaté que la politique américaine était souvent inspirée par la politique israélienne puis s’est interrogé sur l’attitude des Etats-Unis qui semblent attiser la confrontation avec la Syrie et l’Iran. Citant la décision de la Haute Cour de Justice qui garantit la fourniture d’électricité à Gaza, il a demandé à Mme Hind Khoury quel regard elle portait sur l’évolution de la position de la société israélienne vis-à-vis des Palestiniens.

Mme Hind Khoury a répondu qu’il n’est un secret pour personne que la politique américaine dans la région a de nombreux points de concordance avec celle d’Israël. Toutefois, une telle situation est susceptible de connaître des évolutions. La septième visite de Mme Rice dans la région, les rencontres avec Stephen Hadley semblent indiquer que les Etats-Unis souhaitent parvenir à l’élaboration d’un statut final. Il subsiste toutefois des incertitudes sur l’intensité des pressions américaines en direction d’Israël afin de modifier sa posture exclusivement sécuritaire à l’heure actuelle. A cet égard, la politique menée au Moyen-Orient par les Etats-Unis jusqu’à aujourd’hui a été, plus qu’un échec, un facteur d’accroissement des tensions. De la même manière, Israël ne cherche pas seulement à entretenir des tensions avec l’Iran ou la Syrie, mais également attise les affrontements entre les Palestiniens eux-mêmes.

Les acteurs intervenant dans la région sont aujourd’hui à la croisée des chemins. Les demandes actuelles formulées par la partie palestinienne ne peuvent pas être réduites, sous peine de priver le peuple de Palestine de toute perspective politique. La diplomatie palestinienne a fait preuve d’une grande activité en multipliant les contacts avec ses partenaires arabes traditionnels mais également avec d’autres pays musulmans. La visite du prince saoudien en Grande-Bretagne a également été l’occasion de présenter les initiatives arabes en faveur de la paix.

L’évolution de la société israélienne est un point clé. Malheureusement, celle-ci n’est pas favorable à l’heure actuelle, comme le montrent les changements de position de M. Ehud Olmert et de Mme Tzipi Livni qui annoncent ne plus croire à la possibilité d’un accord sur le statut final. De même, M. Ehud Barak demande désormais le retour à la phase initiale de la feuille de route. Les Palestiniens sont en faveur de l’application de celle-ci, sous réserve que les Israéliens se conforment à leurs obligations, notamment l’interdiction de la colonisation et la fin de toute violence. L’occupation d’une centaine d’hectares à Jérusalem-Est, les mauvais traitements subis par les détenus dans la prison du Néguev, les restrictions posées par Israël à la fourniture d’énergie en Palestine ne correspondent pas aux engagements israéliens. La stratégie sécuritaire d’Israël a pourtant montré son inefficacité, et le Président Shimon Peres a également affirmé que la paix ne pouvait être établie sans solution politique.

La décision favorable de la Haute Cour de Justice israélienne n’a pas d’effet global sur la situation très difficile des Palestiniens aujourd’hui. L’existence du mur de séparation complique beaucoup leur vie quotidienne, sépare les Palestiniens entre eux, les empêche de travailler. L’attitude générale d’Israël n’est pas modifiée par la décision en question.

M. Jacques Myard a rappelé qu’un article de Henry Kissinger publié dans le Monde daté du 31 octobre souligne les nombreux obstacles à surmonter avant d’aboutir à une solution. Est-il envisageable de trouver une solution pour le Proche-Orient en l’absence d’évolution du Moyen-Orient dans son ensemble, s’agissant par exemple des problèmes posés par le Hamas en Palestine ou le Hezbollah au Liban ? Bien qu’une initiative locale puisse aider à construire un plan global, une évacuation de la Cisjordanie afin de créer un Etat palestinien est-elle encore possible ? N’est-il pas trop tard ?

Mme Hind Khoury a indiqué que cet article proposait une vision intéressante quoique largement en faveur de la position israélienne, dont il soutient l’orientation sécuritaire. Alors que l’auteur semble mettre en doute la possibilité d’une solution définitive, de nombreuses prises de position de personnalités, ainsi que le rapport Baker-Hamilton, estiment qu’un règlement du conflit est possible.

La question palestinienne est centrale au Moyen-Orient. Si le conflit en Irak accroît les tensions au sein des pays musulmans, la sensibilité de leurs populations aux souffrances du peuple palestinien est particulièrement aiguë.

Le rapprochement entre le monde arabe et l’Europe ne peut avoir lieu qu’après le règlement du conflit israélo-palestinien. Une meilleure coopération entre chacune des rives de la Méditerranée passe par cet impératif premier.

Mme Hind Khoury a déploré que la question de la Palestine soit utilisée dans le cadre d’autres enjeux politiques dans la région. Cette instrumentalisation complique encore davantage la situation et fait émerger de nouveaux groupuscules extrémistes.

Dans un contexte où la volonté de paix du Président Abbas n’est pas en doute mais où le jeu du Hamas vient compliquer la donne et où les souffrances du peuple palestinien, comme celles du peuple israélien, sont grandes, M. Jean-Marc Roubaud s’est interrogé sur le rôle joué par l’Iran et les risques de conflit mondial qui pouvaient en résulter.

Mme Hind Khoury a d’abord souhaité compléter sa réponse sur la viabilité d’un Etat palestinien en Cisjordanie et les chances de parvenir effectivement à la paix entre les deux Etats. Elle a estimé que la conférence d’Annapolis représentait l’une des dernières chances de voir naître un Etat palestinien, aux côtés de l’Etat israélien. A l’heure actuelle, il n’existe pas de projet alternatif. Si la position du Président Abbas est délicate, les difficultés sont partagées comme le montre la situation d’Ehud Olmert qui n’est soutenu actuellement que par une minorité d’Israéliens. Actuellement, deux options politiques existent : d’une part, celle du Président Abbas qui défend la voie des négociations ; d’autre part, celle du Hamas qui considère que les négociations sont désormais inutiles et qu’il convient d’organiser la résistance. Cette dernière option constitue un véritable retour en arrière. C’est une des raisons principales pour lesquelles la conférence d’Annapolis est si importante. Elle doit en effet permettre de vérifier si le projet de l’OLP puis du Fatah a encore une chance d’aboutir.

En ce qui concerne l’Iran, Mme Hind Khoury a estimé que son apparition comme puissance régionale n’était pas une surprise compte tenu de l’importance du pays et de l’affaiblissement de l’Irak. Dans un contexte où l’hypothèse d’un conflit n’est effectivement pas à exclure, l’existence d’une Palestine affaiblie peut s’avérer utile pour certains.

Ignorant s’il fallait évoquer avec tristesse ou cynisme les occasions manquées au cours des dix dernières années, M. Didier Mathus a regretté l’aveuglement des pays occidentaux et s’est demandé si le soutien qu’ils accordaient aujourd’hui à Mahmoud Abbas ne risquait pas, in fine, de l’affaiblir. Il s’est également interrogé sur la possible intervention d’autres dirigeants sur la scène politique, notamment celle de M. Marwan Barghouti, actuellement en prison, dont il a rappelé qu’il présidait auparavant le groupe d’études parlementaire à vocation internationale entre la Palestine et la France. Il a ensuite souhaité recueillir le sentiment de la Déléguée générale sur le silence actuel de la France alors même que sa voix était traditionnellement forte et écoutée. Ce silence est-il perçu comme le signe d’un alignement atlantiste de la diplomatie française ou existe-t-il encore des attentes vis-à-vis de notre pays ?

Reconnaissant qu’il y avait eu de nombreuses occasions manquées, Mme Hind Khoury a insisté sur la nécessité d’en tirer aujourd’hui les leçons. L’argument selon lequel il était nécessaire d’établir un dialogue avec un « partenaire » palestinien a constitué un prétexte pour la poursuite, par Israël, d’une politique unilatérale. Un soutien rhétorique au Président Abbas est inutile, voire dangereux, quand, sur le terrain, sa position est fragilisée par la construction d’un mur, l’implantation de nouvelles colonies et la poursuite d’incursions militaires. Cet affaiblissement est perceptible dans les médias arabes dont certains considèrent Mahmoud Abbas comme un traître alors qu’il a été de tous les combats pour son peuple et le principal ingénieur des accords d’Oslo. Il faut sortir de cette vision manichéenne de la situation, qui est non seulement absurde mais également préjudiciable au dialogue et à la paix. Un véritable soutien pourrait effectivement passer par la libération de tous les prisonniers palestiniens, dont naturellement, celle de M. Marwan Barghouti, dont le mandat de député est en cours.

Enfin, elle a confirmé que la diplomatie française suscitait encore des attentes importantes, du fait notamment de son rôle au sein de l’Union européenne. A l’heure actuelle, l’intérêt porte essentiellement sur la dégradation quotidienne des conditions de vie et non sur la question du statut final d’un Etat palestinien. Ce vide laisse la place à l’unilatéralisme américain. Or, pour débloquer la situation, il faut recourir aux instruments multilatéraux comme c’est le cas pour le Liban et, dans une certaine mesure, l’Irak. Il est aujourd’hui nécessaire de recourir aux règles du droit international et de mobiliser des acteurs comme le Quartet – dont la création résulte d’une résolution des Nations unies – et l’Union européenne. Les déclarations qui sont faites aujourd’hui sur le Moyen-Orient portent rarement sur la situation en Palestine. C’est la raison pour laquelle la conférence d’Annapolis et la prochaine rencontre des donateurs, à Paris, sont importantes et essentielles pour permettre à Mahmoud Abbas de poursuivre son travail.

Le Président Axel Poniatowski a souhaité connaître plus précisément l’opinion de la Déléguée générale sur la voix de la France dans la région.

Mme Hind Khoury a relevé que la politique étrangère avait été absente de la campagne présidentielle et que l’intérêt porté au Moyen-Orient concernait avant tout le Liban et l’Iran, rarement la Palestine. Or, la voix de la France a été longtemps très importante et il est nécessaire qu’elle soit à nouveau audible, de concert avec l’Union européenne.

M. Lionnel Luca a demandé à Mme Hind Khoury ce qu’elle attendait de l’Union européenne et quelle est la visibilité de l’action de l’Europe.

Le Président Axel Poniatowksi a demandé des précisions sur le montant total de l’aide reçue par l’Autorité palestinienne, au-delà des 600 millions d’euros versés par l’Union européenne. D’où viennent les aides et comment sont-elles gérées et redistribuées, notamment entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza ?

Mme Hind Khoury a rappelé que l’Union européenne faisait partie du Quartet, déjà chargé de mettre en place un Etat palestinien en 2005. Elle a regretté que, par le passé, le Quartet ait manqué d’efficacité et que ses résolutions n’aient pas été suffisamment suivies d’effets. Le Quartet peut désormais s’appuyer sur M. Tony Blair dont le mandat est toutefois limité aux besoins économiques et institutionnels et non aux sujets politiques. Or pour la Palestine, c’est la question politique qui est la plus importante. Puis elle a cité des propos tenus par Mme Leila Chahid, déléguée générale de la Palestine auprès de l’Union européenne, sur la forte influence des Etats-Unis au sein du Quartet. Cela doit changer. La politique de l’Union européenne doit gagner en cohérence pour qu’elle reste un acteur international. Pour affronter la concurrence de la Chine et de l’Inde, l’Europe a besoin d’un Moyen-Orient paisible et de stabilité politique en Méditerranée.

C’est à l’Europe de décider d’être un acteur politique à la hauteur des aides versées. Le montant total de l’aide reçue par l’Autorité palestinienne s’élève à 1,3 milliard d’euros, dont au moins 600 millions d’euros en provenance de l’Union européenne. C’est pourquoi l’Europe doit jouer un rôle politique proportionné au montant de ses aides. Celles-ci ne sont pas toutes transférées au budget palestinien car une grande partie transite par divers mécanismes. Or la nouvelle planification centrale doit désormais rendre plus efficace la gestion directe par l’Autorité palestinienne. Mme Hind Khoury a alors rappelé la priorité du Premier ministre, M. Salam Fayyad, qui est de restaurer l’unité du pays entre Gaza et la Cisjordanie et de garantir le paiement des salaires. Elle a mentionné un récent rapport de la Banque Mondiale qui fait état de perspectives très sombres pour l’année 2008, alors que le secteur privé de Gaza est détruit à 90 %. Sans aides nouvelles d’ici à la fin de l’année, les salaires ne pourront être payés.

Le Président Axel Poniatowski a fortement nuancé les propos tenus par Mme Hind Khoury s’agissant de l’influence des Etats-Unis au sein de l’Union européenne. Il a également appelé à ne pas confondre l’Union européenne et l’OTAN.

M. Gilles Cocquempot s’est déclaré inquiet, en écoutant l’analyse présentée par Mme Hind Khoury, de la conjonction de trois facteurs : d’une part, l’ouverture d’une période décisive pour l’avenir de la Palestine, à un an du renouvellement du mandat de M. Abbas ; d’autre part, un supposé affaiblissement de la voix de la France en direction de la Palestine ; enfin, le fait que la France présidera le Conseil de l’Union européenne au second semestre 2008 et qu’elle devra, à ce titre, convaincre ses partenaires du bien fondé de l’aide aux Palestiniens. Il a alors souligné la nécessaire connexion entre l’aide économique et le renforcement du projet politique que défend l’Autorité palestinienne.

M. Jean-Paul Lecoq a déclaré que aussi longtemps que des peuples seront victimes d’injustices, la paix sera en péril partout sur la planète. Le peuple palestinien est le symbole du non-respect des droits de l’Homme. Puis il a demandé à Mme Hind Khoury ce qu’elle attendait de la France lors de la réunion d’Annapolis. Il s’est également interrogé sur la place de l’Autorité palestinienne au sein des relations euro-méditerranéennes et d’une éventuelle Union méditerranéenne proposée par le Président Nicolas Sarkozy. M. Jean-Paul Lecoq a déclaré soutenir ce concept, tout en soulignant les deux « épines » de la Méditerranée : la problématique du peuple sahraoui d’une part, et celle du peuple palestinien, d’autre part. Les deux sont victimes d’injustices et de non respect du droit international. Souhaitant que l’Autorité palestinienne soit invitée au sommet de lancement de l’Union méditerranéenne, il a demandé comment les Palestiniens comptaient peser sur ce projet et s’ils envisageaient d’organiser des solidarités au sein du monde arabe afin de construire cette union méditerranéenne.

Mme Hind Khoury a souligné que la présidence française de l’Union européenne allait intervenir au moment où s’achèverait le mandat du président Mahmoud Abbas. L’ensemble des leaders palestiniens place de grands espoirs dans la conférence d’Annapolis mais l’opinion publique est plus sceptique. Il est essentiel que chacun joue son rôle le mieux possible. La Communauté internationale attend souvent qu’un problème tourne à la catastrophe pour le résoudre. Il faut éviter d’en arriver là au Moyen-Orient alors qu’une catastrophe risque de se produire à tout instant. L’aide que l’Autorité palestinienne attend de la France consisterait à la fois en une pression politique sur les responsables israéliens et en une aide économique qui permette de rendre les services nécessaires à la population et de continuer le travail diplomatique et de communication indispensable à la défense des intérêts des Palestiniens. La diplomatie conduite par le Premier ministre et le Président de l’Autorité palestinienne est dirigée en priorité vers le monde arabe et les grands pays musulmans, auxquels est demandée une aide politique et économique. Les Européens disent eux-mêmes que l’Autorité palestinienne ne doit pas trop attendre de l’Union européenne, ce qui est regrettable car tout doit être fait pour que soit saisie cette opportunité de faire la paix. La France pourrait y contribuer en effectuant un travail de fond en préparation de sa présidence de l’Union européenne.

La France a fait part de sa disponibilité pour aider à l’amélioration de la vie quotidienne des Palestiniens en s’efforçant de combattre les mesures de rétorsion israéliennes et en contribuant au budget de l’Autorité palestinienne. Elle est aujourd’hui plus proche des Etats-Unis et d’Israël qu’auparavant, ce qui est de nature à renforcer l’efficacité des pressions qu’elle pourrait exercer sur eux afin que soient sérieusement abordées les questions posées par le statut final. Les problèmes persistants de la Palestine restent posés parce que l’Union européenne n’a pas su défendre ses propres principes, au premier rang desquels les conventions de Genève, les droits de l’Homme, et les différentes résolutions votées par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui sont violés chaque jour dans cette région du monde.

Le Président Axel Poniatowski a remercié la Déléguée générale pour le caractère direct et franc de ses réponses et a fait part de la disponibilité de la commission pour la recevoir à nouveau prochainement.

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