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Commission des affaires étrangères

Mardi 13 novembre 2007

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Axel Poniatowski, Président

– Audition de Mme Rama Yade, secrétaire d’Etat chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme, sur les activités au Tchad de l’organisation « l’Arche de Zoé »

Audition de Mme Rama Yade, secrétaire d’Etat chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme, sur les activités au Tchad de l’organisation « l’Arche de Zoé »

Après avoir accueilli Mme Rama Yade, Secrétaire d’Etat chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme, le président Axel Poniatowski a rappelé que deux résolutions du Conseil de sécurité avaient décidé l’envoi au Darfour d’une force hybride de 26.000 hommes (résolution 1769) et le déploiement d’une force internationale dans l’Est du Tchad (résolution 1778). Il a ajouté que la France s’était pleinement engagée pour aider à résoudre les conflits dans la région et que des négociations difficiles étaient en cours pour permettre le déploiement de ces forces. L’« affaire de l’arche de Zoé » survient donc à un moment délicat. Rappelant que la ministre avait très fermement condamné les agissements des responsables de cette association, il a fait part de sa préoccupation sur les conséquences que cette affaire pouvait avoir sur l’ensemble des opérations humanitaires menées dans la région, mais aussi sur le plan international, dans la mesure, notamment, où une demande d’enquête internationale avait été formulée. Il a invité Mme Rama Yade à s’exprimer sur les actions qu’elle entendait mettre en place pour prévenir de telles dérives, les éventuelles adaptations dont la législation en matière d’adoption internationale pouvait faire l’objet ainsi que sur les relations entre l’Etat et les différentes ONG qui intervenaient dans le domaine humanitaire. Sur ce dernier point, il a précisé que, sous la précédente législature, la commission des affaires étrangères avait adopté le rapport de la mission d’information présidée par Roland Blum et dont le rapporteur était Michel Destot, qui avait formulé une série de préconisations dont il pourrait être utile de s’inspirer.

Mme Rama Yade, secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères et des droits de l’homme, a déclaré que, depuis l’éclatement de l’affaire de « l’Arche de Zoé », le 25 octobre dernier, l’action humanitaire, l’adoption, la générosité mais aussi la politique étrangère de la France en Afrique étaient au centre d’un vaste débat national et international. Attachée au principe de transparence démocratique, elle s’est réjouie de cette occasion de s’exprimer, rappelant qu’au cours de la séance des questions du 30 octobre, elle avait invité des parlementaires de tous bords politiques, à une réunion afin de faire le point sur la situation. Puis, elle a évoqué les faits dont il était question. Le 25 octobre dernier, un convoi de neuf Français d’une association dénommée « Children Rescue », s’apprêtant à embarquer clandestinement 103 enfants à bord d’un Boeing 757 à l’aéroport d’Abéché, a été arrêté par la police tchadienne. Elle a souligné que le ministère des Affaires étrangères et européennes avait été alerté, à plusieurs reprises au cours des six derniers mois – cinq mois s’agissant du secrétariat d’Etat aux Affaires étrangères et aux droits de l’Homme –, d’une opération envisagée par une association dénommée « l’Arche de Zoé » qui proclamait vouloir rapatrier en France, initialement 10.000, puis 1000, puis 309 orphelins du Darfour. Elle a insisté sur l’obstination des responsables de l’organisation à ne pas prendre en considération les avertissements qui leur avaient été adressés.

Le ministère des Affaires étrangères et européennes s’est pourtant fortement mobilisé afin de prévenir cette opération. Il a notamment alerté les familles en diffusant trois communiqués de presse ainsi qu’une déclaration personnelle de Rama YADE auprès de l’Agence France Presse (AFP) et en prenant l’initiative de nombreux échanges. Il s’est également appuyé sur les organisations humanitaires que l’ambassade de France au Soudan a sollicitées à de multiples reprises pour s’informer sur d’éventuelles activités de « l’Arche de Zoé ». Mme Rama Yade a précisé avoir réuni ces organisations en juillet dernier. Lors de ces échanges nombreux, les organisations humanitaires ont indiqué que « l’Arche de Zoé » était totalement inconnue au Soudan, qu’aucune association de ce nom n’agissait sur place. La ministre a dénoncé l’illégalité de l’opération annoncée qui contrevenait à tous les droits de l’Enfant et a ajouté que, dès son arrivée, elle avait décidé de prendre au sérieux cette affaire malgré son caractère apparemment rocambolesque. Deux procédures exceptionnelles ont ainsi été engagées contre l’association : d’une part, le ministère l’a signalée au Parquet de Paris, le 9 juillet dernier et a contribué à l’enquête de la brigade de la protection des mineurs en août ; d’autre part, M. Eric Breteau, responsable de « l’Arche de Zoé » a été convoqué au Quai d’Orsay où un message de fermeté lui a été adressé par sa directrice de cabinet. Au cours de cet entretien, ce dernier s’est refusé à communiquer le moindre détail sur l’opération projetée, persistant dans son silence. Les informations recueillies par la suite ont confirmé cette attitude de dissimulation et de silence face aux enquêteurs de la brigade de la protection des mineurs. Le ministère des Affaires étrangères a également mobilisé notre ambassade à Khartoum. Face au risque de voir cette opération se dérouler au Soudan, l’ambassade a, en effet, été interrogée à de multiples reprises. A chaque fois que l’attaché humanitaire a pris contact avec les organisations humanitaires intervenant sur place, la réponse a été la même : l’Arche de Zoé n’est pas au Soudan. Il est impossible de réunir 300 à 1.000 orphelins du Darfour et encore plus impossible de les faire sortir du pays. Enfin, le ministère des Affaires étrangères a alerté les autres ministères qui pouvaient être concernés, de par leur champ de compétences, par l’opération annoncée : six ministères susceptibles d’être impliqués dans l’accueil par des familles ou l’arrivée en France d’enfants orphelins ont été alertés à deux reprises. L’objectif était de s’assurer que ces administrations étaient en mesure d’alerter les éventuelles familles d’accueil, de répondre à leurs interrogations et de signaler d’éventuels préparatifs. C’est d’ailleurs par le biais des familles ou de leurs proches, et grâce à deux parlementaires que des informations très parcellaires sur les préparatifs d’une opération délibérément clandestine ont pu être recueillies.

Mme Rama Yade a précisé qu’un mois avant l’opération, le 27 septembre 2007, des informations étaient parvenues au ministère des Affaires étrangères, laissant penser qu’en réalité, « l’Arche de Zoé » pourrait intervenir au Tchad et non au Soudan. Sur le fondement de ces informations, le ministère a immédiatement alerté l’ambassade de France au Tchad qui, comme au Soudan, s’est informée auprès de la communauté humanitaire présente sur place. Il a été répondu que l’association n’était pas présente au Tchad et qu’aucune association ne préparait l’expatriation d’enfants orphelins du Darfour. De fait, ce n’était pas « l’Arche de Zoé » qui était au Tchad mais l’association « Children Rescue ». Cette association ne manifestait, par ailleurs, aucune intention d’expatrier des orphelins du Darfour, sa présence se justifiant par un projet d’une durée de deux ans, portant sur le traitement sanitaire et l’instruction d’enfants. La ministre a fait observer qu’au sein des ONG présentes au Tchad, « Children Rescue », dont le personnel revêtait un uniforme de sapeurs-pompiers, présentait toutes les apparences de l’honorabilité, disposant des autorisations tchadiennes nécessaires, travaillant avec du personnel local pour un projet utile. Mme Rama Yade a estimé qu’au-delà du traumatisme subi par les enfants, de la situation dans laquelle se trouvaient aujourd’hui nos compatriotes et des implications de cette affaire sur la scène politique internationale, l’une des pires conséquences des agissements de « l’Arche de Zoé » était la perte de la confiance accordée aux interventions des acteurs humanitaires.

Face à la situation de crise déclenchée par l’arrestation de l’équipe « Children Rescue », la ministre a indiqué que le Quai d’Orsay s’était mobilisé sur de multiples fronts, instituant, à la demande de M. Bernard Kouchner, une cellule de crise de suivi et d’information dont la direction lui avait été confiée. La priorité a naturellement été la santé et le bien-être des enfants inconnus, dont la prise en charge a été assurée. Les enfants ont ainsi été installés dans l’orphelinat d’Abéché. Le travail de la commission quadripartite, chargée d’identifier les enfants et dont les premiers résultats ont permis de constater que leur grande majorité était originaire du Tchad et n’était pas des orphelins, a fait l’objet d’un suivi attentif. Un agent du Quai d’Orsay a été dépêché à Abéché, à cette fin. En outre, nos compatriotes ont été placés sous protection consulaire renforcée. Le ministère a également obtenu des autorités tchadiennes qu’ils soient détenus dans des conditions meilleures que celles des détenus tchadiens, et qu’ils bénéficient d’une visite médicale individuelle tous les jours. Depuis leur arrestation, 40 visites consulaires ont eu lieu, ce qui leur a permis de recevoir rapidement des effets personnels et diverses fournitures qu’ils réclamaient tandis que les malades étaient pris en charge à l’hôpital militaire français de N’Djamena. Deux agents du Quai d’Orsay sont, également, partis renforcer les effectifs du consulat de France. Par ailleurs, le ministère a œuvré auprès du gouvernement tchadien pour faire libérer les journalistes. L’action du Président de la République a été déterminante pour obtenir ce résultat et les journalistes ont pu regagner la France moins de 10 jours après leur arrestation. La ministre a ajouté qu’elle n’avait, en outre, pas ménagé ses efforts pour réconforter les familles. Elle a rencontré des représentants des familles d’accueil qui espéraient l’arrivée d’un enfant ainsi que les représentants des familles des inculpés pour leur parler directement de la situation de leurs proches et de l’évolution de la procédure judiciaire. Le Président de la République a tenu à les recevoir lui-même pour leur confirmer l’engagement sans faille de la France à leurs côtés, quelles que soient les charges qui pèsent sur leurs proches. Il a dit clairement quelle était sa préférence pour le lieu de leur jugement s’il devait y en avoir un. A cet égard, Mme Rama Yade a indiqué que la France irait aussi loin que le permettait la convention de coopération judiciaire franco-tchadienne. L’ambassade de France au Tchad a constitué une liste d’avocats tchadiens de renom tandis que le ministère s’est assuré de la transmission rapide de la commission rogatoire internationale à la justice tchadienne et a aidé les avocats français à se rendre au Tchad pour rencontrer leurs clients et les assister pendant les interrogatoires. La ministre a également déclaré qu’elle s’était portée aux côtés de la communauté humanitaire, rencontrant les représentants de diverses organisations pour les assurer de son soutien, s’ils venaient à rencontrer des difficultés sur le terrain. Une nouvelle réunion a eu lieu ce matin même à Paris pour faire un point de situation qui a permis de recueillir des informations préoccupantes en provenance du Soudan. La ministre a, en outre, envoyé un agent au Tchad pour servir de point de contact avec leurs équipes. Enfin, une intense activité diplomatique a été engagée : le Président de la République a obtenu du Président Idriss Déby l’assurance que cette affaire n’affecterait pas le déploiement de l’opération EUFOR. L’ensemble de nos partenaires européens ont, par ailleurs, été informés de notre position ainsi que des actions engagées. La France a d’ailleurs apporté son soutien aux autorités espagnoles et belges qui ne disposent pas de représentation consulaire à N’Djamena pour assister leurs ressortissants. Il reste encore à faire face aux tentatives d’instrumentalisation de l’affaire par le gouvernement soudanais auprès de l’ONU où ce dernier dénonce un « crime contre l’humanité ». La ministre a évoqué le front de vives critiques et de manifestations auquel doit faire face notre ambassade à Khartoum. Sur le reste du continent africain, les réactions suscitées par cette affaire sont restées, pour l’instant, mesurées et plutôt factuelles, mais les efforts d’explication engagés par nos ambassades doivent être poursuivis.

Enfin, Mme Rama Yade a fait part de sa volonté d’éviter toute condamnation ou polémique et de faire face aux responsabilités qui incombent à notre pays, du fait de personnes qui avaient cru possible de s’affranchir du droit. Ces personnes sont aussi face à leurs propres responsabilités. Cette affaire ne doit pas conduire à opposer le Parlement aux ministères. Certains parlementaires étaient informés de la situation et ont indiqué n’avoir pas eu le temps de prévenir ou d’agir ; ni les ONG à l’Etat, puisque les ONG elles-mêmes n’ont pas été en mesure de détecter « l’Arche de Zoé » derrière « Children rescue », alors qu’elles disposaient d’une connaissance approfondie du terrain tchadien ; ni la droite à la gauche. Dans ce contexte, la tentation de surenchères ne peut que nuire à l’image de la France et aviver les passions. Il importe, au contraire, de parvenir à une forme de sérénité, nécessaire au travail des juges mais aussi des diplomates.

Pour conclure, Mme Rama Yade a rappelé que de nombreux volets du dossier - judiciaire et militaire notamment – ne relevaient pas de sa compétence mais affirmé qu’elle tenterait d’apporter des informations aussi complètes que possible, dans le respect de la présomption d’innocence et du secret de l’instruction en cours.

Le président Axel Poniatowski a demandé à la ministre des précisions sur la mission d’enquête interne commune aux ministères des affaires étrangères et de la défense diligentée par le Premier ministre et sur les éclaircissements que cette mission pourrait apporter. Constatant ensuite que l’ONG l’Arche de Zoé avait manifestement bénéficié d’un soutien logistique des militaires français présents au Tchad – qui ont agi de bonne foi dans le cadre d’une procédure finalement assez courante –, il a souhaité savoir dans quelle mesure et à quelles conditions les organisations humanitaires pouvaient recourir à des facilités de l’armée française à l’étranger. Enfin, la crédibilité de la France et des ONG françaises étant mise en cause par cette affaire aux conséquences gravissimes, n’est-il pas souhaitable de prendre des mesures pour éviter, qu’à l’avenir, de tels agissements ne se reproduisent ?

La ministre a indiqué que la mission commune d’inspection, conformément à la lettre du Premier ministre qui l’a créée, doit déterminer dans quelles conditions l’Arche de Zoé a continué la préparation de son opération malgré les nombreuses mises en garde dont elle a fait l’objet. Il faut connaître les circonstances dans lesquelles cette association a pu dissimuler sur le terrain son identité et ses agissements aux services et aux personnels de l’Etat, notamment ceux de l’Ambassade de France au Tchad. Deux inspections sont mandatées conjointement : une mission de l’inspection générale du ministère des affaires étrangères et une enquête de commandement de l’inspection des forces en opération, pour ce qui concerne le ministère de la défense. Les membres de la mission sont au Tchad depuis le 11 novembre dernier et enquêtent sur le terrain pour comprendre, notamment, comment l’Arche de Zoé a pu cacher ses activités et se déclarer auprès des autorités tchadiennes qui lui ont délivré des autorisations. En ce qui concerne l’action des militaires, elle a rappelé que le ministre de la Défense s’était déjà exprimé sur ce sujet, indiquant que l’armée venait fréquemment en soutien des organisations humanitaires qui ne disposent pas toujours des moyens logistiques nécessaires à leur action sur le terrain. Dès lors que toutes les autorisations requises sont obtenues, les militaires français ont l’habitude de transporter des acteurs humanitaires.

Évoquant ensuite les conséquences de cette affaire sur les ONG dans leur ensemble, elle a souligné le statut par définition non gouvernemental de ces organisations. Il s’agit de structures indépendantes souvent soumises au statut d’association loi de 1901. A chaque fois que la question d’un contrôle supplémentaire a été posée, les ONG ont fait valoir – et c’est là un argument tout à fait recevable – qu’un renforcement du contrôle étatique pourrait donner le sentiment d’une trop grande proximité avec leur Etat d’origine, ce qui pourrait leur interdire l’accès aux zones de crise dans lesquelles elles interviennent. Loin d’assimiler les ONG à l’Arche de Zoé qui reste un cas exceptionnel et marginal, cette affaire pose néanmoins un problème important à l’ensemble des organisations humanitaires. C’est pourquoi la ministre a souhaité que l’on ouvre une réflexion, avec les parlementaires, sur la responsabilisation des ONG qui est la contrepartie de leur liberté d’action. Pour pouvoir bénéficier de la protection de l’Etat, elles doivent accepter d’être contrôlées ou de s’auto-contrôler. On ne peut pas se retourner contre l’Etat dès qu’il y a un problème, et s’en démarquer systématiquement le reste du temps.

Le président Axel Poniatowski a alors indiqué que la Commission aurait la possibilité d’interroger sur ce sujet, lors de prochaines auditions, M. Hervé Morin, ministre de la Défense, ainsi que les représentants du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et du Comité International de la Croix Rouge (CICR).

M. François Rochebloine a remercié la ministre pour les informations qu’elle a communiquées en complément de celles déjà transmises aux parlementaires qu’elle a récemment reçus à son ministère. Puis il l’a interrogée sur le risque de dérive sectaire de certaines ONG que révèle cette affaire. Il lui a également demandé si tous les enfants enlevés avaient aujourd’hui retrouvé leur famille. D’un point de vue juridique, il a ensuite plaidé en faveur d’une procédure obligatoire d’agrément de l’ensemble des ONG, dès lors que certaines d’entre elles sont éligibles au mécanisme de déductibilité fiscale. Était-ce le cas de l’Arche de Zoé, ce qui aurait conduit à lui conférer une certaine honorabilité ?

M. Renaud Muselier a remercié la ministre pour les propos qu’elle a tenus et l’a félicitée de son action sur un sujet délicat car il concerne des enfants et soulève la question de l’adoption. Il a dénoncé des escrocs qui, sous couvert d’humanitaire, exploitent la souffrance de parents adoptifs potentiels pour procéder à des rapts d’enfants qui ne sont pas orphelins. Les conséquences sont dramatiques pour l’image de notre pays et pour la diplomatie française. En effet, alors que les autorités de Khartoum ne veulent en aucun cas reconnaître le génocide perpétré au Soudan, cette affaire affaiblit la pression exercée par la communauté internationale. Le Président tchadien Idriss Deby se retrouve lui-même en difficulté politique, étant issu de tribus de l’Est du Tchad, à la frontière avec le Darfour. Cela explique sa réaction vive et rapide. En réalité, l’Arche de Zoé ne mérite pas l’appellation d’ONG et il faut communiquer auprès de l’opinion publique, notamment à travers la télévision, pour rappeler à quel point les agissements de cette organisation sont en totale infraction avec le droit international et le droit français. M. Renaud Muselier a estimé que les parlementaires devaient soutenir le Gouvernement dans la gestion de cette affaire et s’est félicité de la condamnation ferme exprimée par la ministre.

Puis il a rappelé l’existence en son temps du dispositif dénommé « Synergie » qu’avait mis en place le Quai d’Orsay, avec d’autres ministères comme la Défense, l’ensemble des ONG et les collectivités territoriales finançant des projets dans le cadre de leur action internationale. Ce dispositif permettait un autocontrôle des ONG et le respect d’une éthique. Souscrivant aux déclarations de la ministre sur l’indispensable responsabilisation des ONG, il a évoqué l’opportunité de relancer le dispositif « Synergie ». Puis il s’est interrogé sur les moyens de professionnaliser davantage nos ONG, à l’instar des organisations anglo-saxonnes, afin de les mettre en situation de remporter les appels d’offres internationaux et de bénéficier des financements correspondants. Il a enfin estimé nécessaire d’ouvrir le débat sur la question de l’adoption – comme l’avait fait en son temps M. Jacob lorsqu’il était chargé de ce sujet – afin d’éviter que des familles françaises qui souhaitent adopter se retrouvent malgré elles entraînées dans des filières illégales. Il faut œuvrer au respect du droit international et de l’éthique tout en facilitant le recours à l’adoption.

La ministre a indiqué que l’enquête ouverte le 9 juillet suite au signalement fait par le ministère des Affaires étrangères établira la nature de cette association. Des auditions et des perquisitions ont déjà été menées mais leurs résultats sont couverts par le secret de l’enquête.

S’agissant des actions menées à l’égard des enfants, l’initiative a été prise dès les premiers jours de solliciter des acteurs présents sur place afin de les identifier, ce qui a permis de découvrir qu’il ne s’agissait pas d’orphelins du Darfour mais bien d’enfants tchadiens ayant des parents. A l’heure actuelle, les mesures prises en faveur des enfants sont entrées dans une deuxième phase, consistant à les rapprocher de leurs familles. En attendant, l’orphelinat d’Abéché où sont logés les enfants a reçu notre appui.

Concernant l’éventuelle obligation pour les associations intervenant dans certains domaines de recevoir un agrément des autorités publiques, la ministre a affirmé son attachement, à titre personnel, à un régime de liberté associé à une responsabilisation accrue des associations. Le risque que ferait courir un régime d’autorisation est d’inciter les associations auxquelles l’agrément serait refusé à s’implanter à l’étranger pour contourner le système français. Toute solution impliquant la reconnaissance a priori des associations implique une réflexion au moins au niveau européen. De manière plus générale, dans la continuité du système Synergie, le ministère des affaires étrangères a engagé des réflexions afin de mieux structurer le cadre des discussions qu’il a régulièrement avec les associations, en vue notamment de les aider à mieux se réguler.

La ministre a indiqué que « L’arche de Zoé » n’avait pas bénéficié de subvention pour mener des opérations à la suite du tsunami survenu en Asie du Sud Est, sa demande ayant été refusée.

L’adoption internationale est une des victimes collatérales de cette affaire. Les parents français désirant adopter sont désormais inquiets de voir leurs demandes suspectées. Une mission a été confiée par le Président de la République à Jean-Marie Colombani qui devra faire évoluer cette situation. Aujourd’hui, 25 000 familles françaises sont en attente d’enfants. Si leur souffrance, liée à leur désir inassouvi d’enfant, est compréhensible, les réponses à y apporter ne sauraient nier les droits, primordiaux, de l’enfant.

M. Marc Dolez a affirmé qu’il ressortait des propos de la ministre que les services du ministère des Affaires étrangères étaient au courant des activités de « L’arche de Zoé ». Comment expliquer son inaction à l’égard de « Children rescue » ? Par ailleurs, comment expliquer les propos tenus par l’ambassadeur de France au Tchad immédiatement après la découverte par le public des agissements de cette association, qui laissaient entendre que rien ne serait fait pour empêcher que des Français soient jugés au Tchad ?

M. Jacques Bascou a indiqué que l’engagement de l’armée française avait pu apporter une onction de crédibilité aux activités de « L’arche de Zoé », incitant dès lors certains à participer à des activités qu’il n’aurait pas soutenues autrement. De plus, quels sont les moyens qui seront mis en œuvre pour protéger les ressortissants français au Tchad ?

Rappelant qu’elle a démontré que le Ministère des Affaires étrangères et européennes était loin d’être resté inactif, la ministre a indiqué qu’elle ne connaissait pas l’association « Children rescue », les agissements de cette dernière ont été découverts par hasard, et malgré la mise en place d’une procédure exceptionnelle, les informations sont restées lacunaires. D’autres sources ont donc été mobilisées, sur le terrain, pour compléter ces renseignements malgré le fait que les participants à cette opération ont systématiquement eu recours à la dissimulation. De nombreuses organisations non gouvernementales, agissant sur place, et même certains membres de l’association « Children rescue », ont dit ne pas avoir eu connaissance des intentions finales de l’association

La protection des ressortissants sera assurée au titre de la responsabilité de l’Etat français envers ses citoyens. Pour autant, il faut se départir d’une posture consistant à présenter les participants à l’opération « Children rescue » comme des victimes et à rejeter la faute sur d’autres acteurs. Le fait que de nombreux membres de cette association affirment être prêts à recommencer doit nous alerter sur la gravité de discours qui tendraient à les exonérer de toute responsabilité. Le fait que l’Etat leur vienne en aide de manière exemplaire n’est pas une raison pour les exonérer de toute responsabilité.

Après avoir approuvé l’analyse de la ministre sur la gravité des faits et de leurs conséquences, M. François Loncle a rappelé que MM. Hubert Védrine et Rony Brauman avaient formulé à plusieurs occasions des propositions dignes d’intérêt sur la problématique des ONG. En ce qui concerne la mise en place de l’EUFOR, est-il sûr que l’affaire n’aura pas de conséquence ? Le Président Deby avait déjà exprimé ses réticences sur le déploiement de cette force ; cette affaire ne va-t-elle pas contribuer à les attiser ?

La déclaration de l’ambassadeur selon laquelle les personnes mises en cause seraient jugées au Tchad est critiquable mais celle du Président de la République selon laquelle ils seraient jugés en France était tout aussi excessive. La ministre ayant indiqué que certains parlementaires étaient au courant des intentions de l’association : quels étaient ces parlementaires et que savaient-ils exactement ?

M. André Schneider a contesté l’utilisation du terme « rocambolesque » pour qualifier cette affaire. Elle le serait en effet si des enfants n’en étaient pas les victimes et si elle ne faisait pas un tort considérable à notre pays et aux familles auxquelles une adoption avait été promise. Il a ensuite souhaité savoir ce qui se serait passé si l’avion affrété par l’association avait décollé et si les enfants étaient arrivés en France.

Mme Martine Aurillac a félicité la ministre pour sa gestion de cette triste affaire et l’a interrogée sur les moyens de réguler le fonctionnement des ONG ou de mettre en place un système assurant leur autorégulation. Une réflexion devrait être menée à ce sujet. Les personnes emprisonnées au Tchad ont bénéficié de plusieurs visites consulaires et ont rencontré le conseiller du Président de la République : ressort-il de ces entretiens que certaines d’entre elles ont pris conscience de l’illégalité et de la gravité des faits ?

En ce qui concerne l’EUFOR, la ministre a rappelé que le Président Deby avait assuré que cette affaire n’aurait pas de conséquence sur le déploiement de la force européenne. La déclaration du Président de la République doit être replacée dans son contexte. Il était interrogé sur un ton polémique par un journaliste au cours d’un débat avec les pêcheurs du Guilvinec. La position des autorités françaises est toujours critiquée : si elles ne font rien, elles sont accusées de lâcher nos ressortissants, quand elles prennent des initiatives, on les accuse d’en faire trop et de ne pas respecter la souveraineté tchadienne.

Un sénateur, qui avait entendu des rumeurs relatives à l’opération que préparait l’ONG, en a averti le ministère des affaires étrangères. Si les enfants étaient arrivés en France, ils auraient certainement été pris en charge par les services sociaux. Les inculpés français ont reçu la visite du premier conseiller du Président de la République et de notre ambassadeur au Tchad, qui ont pu constater qu’ils bénéficiaient de conditions matérielles satisfaisantes, meilleures que celles accordées aux prisonniers tchadiens.

M. Jean-Paul Bacquet a souligné le souci de la ministre de ne pas faire passer pour victimes des personnes qui ne le sont aucunement. Alors que de nombreuses précautions semblent avoir été prises, et que le ministère des affaires étrangères se serait efforcé de dissuader l’association de mener cette opération, celle-ci a bénéficié de moyens de transport militaires. Les inquiétudes du ministère des affaires étrangères ont-elles été communiquées aux militaires ? Ceux-ci ont-ils interrogé le ministère sur le sérieux de cette association ? L’ONG avait certes changé d’identité mais l’armée apporte-t-elle une aide logistique sans avoir des garanties sur ceux qui en bénéficient ? M. Jean-Paul Bacquet a indiqué que cette affaire lui rappelait les circonstances de la canicule de l’été 2003 : la commission d’enquête sur le sujet avait montré que les différents services compétents connaissaient la gravité de la situation mais qu’ils n’avaient pas suffisamment échangé leurs informations.

M. Jean-Marc Roubaud a indiqué que cette affaire aurait peut-être le même effet sur les ONG que l’affaire d’Outreau en a eu sur le fonctionnement de la justice. Ne serait-il pas pertinent de créer une commission d’enquête sur les ONG ? Par ailleurs, la création de l’agence de l’adoption n’a en rien réglé les problèmes qui se posent dans ce domaine. Des mesures radicales ne devraient-elles pas être prises pour éviter de nouveaux drames ?

Le président Axel Poniatowski a indiqué que la commission avait décidé la création d’une mission d’information sur les ONG dans le prolongement des travaux effectués sur ce sujet au cours de la législature précédente. La mission d’information conduira ses travaux au printemps prochain.

Après avoir remercié la ministre pour sa sincérité, Mme Henriette Martinez a déploré que l’accent ait été mis sur le fait que les enfants concernés n’étaient pas orphelins. Il est en effet très fréquent que des enfants abandonnés mais non orphelins fassent l’objet d’une adoption dans le cadre national ou international. Il est regrettable que soit ainsi stigmatisée l’adoption d’enfants non orphelins. Dans cette affaire, ce qui est grave c’est que ces enfants aient été enlevés à leur famille.

La ministre a fait valoir que si le terme d « orphelins » est utilisé, c’est parce que l’association elle-même avait présenté ainsi les enfants qu’elle prétendait sauver. La confusion a été entretenue par les déclarations de l’association.

Les révélations de la presse sur un prétendu défaut d’information du ministère de la Défense témoignent d’une méconnaissance du fonctionnement des ambassades. La saisine de l’ambassade permet d’alerter tous les services de celle-ci parmi lesquels le poste militaire. En outre, la question a été évoquée lors de la réunion des directeurs de cabinet du 23 juillet, en présence d’un représentant du ministère de la Défense.

M Jean-Paul Bacquet a précisé que son propos, appuyé par l’exemple de la canicule, visait uniquement à souligner le dysfonctionnement dans la transmission d’informations entre les services des différents ministères.

La ministre a affirmé que les informations disponibles avaient été transmises mais que ces dernières étaient nécessairement partielles dès lors que l’association cherchait à dissimuler ses activités. La démocratie n’autorise pas à mettre en cause des personnes sur le fondement de seuls soupçons ou d’une intention malveillante présumée.

Il appartient aux parlementaires de se prononcer sur la nécessité de renforcer la législation en matière d’adoption internationale. Une réflexion pourrait être engagée sur l’agrément que beaucoup de familles considèrent, malheureusement à tort, comme l’acte final de la procédure d’adoption. Le délai entre l’agrément et l’adoption effective peut être très long. Les familles sont également confrontées aux obstacles procéduraux qui se développent dans plusieurs pays ayant récemment décidé de renforcer leur contrôle en matière d’adoption internationale. Afin d’y remédier, la Ministre avait obtenu qu’une commission soit, par exemple, mise en place à Haïti pour faciliter un processus jusque là interminable. Il importe également que les ambassades accompagnent davantage les familles sur le plan psychologique.

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