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Commission des affaires étrangères

Mercredi 14 novembre 2007

Séance de 11 h 30

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Axel Poniatowski, Président

– Union européenne : affectation des aides financières 2008-2013 selon l’accord de partenariat ACP-CE ainsi qu’aux pays et territoires d’outre-mer (n° 354) et accord de partenariat, signé à Cotonou le 23 juin 2000, avec les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (n° 355) – Mme Henriette Martinez, rapporteure

Union européenne : affectation des aides financières 2008-2013 selon l’accord de partenariat ACP-CE ainsi qu’aux pays et territoires d’outre-mer (n° 354) et accord de partenariat, signé à Cotonou le 23 juin 2000, avec les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (n° 355)

Le président Axel Poniatowski a rappelé l’importance du partenariat institué par l’accord de Cotonou ainsi que de son instrument financier, le Fonds européen de développement (FED), pour la coopération entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique mais également pour les actions de la coopération française.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a déclaré que, le 6 novembre dernier, le Sénat avait adopté deux projets de loi autorisant, d’une part, la ratification de l’accord révisé de Cotonou et, d’autre part, l’accord interne du 17 juillet 2006 instituant le 10ème Fonds européen de développement (FED), pour la période 2008-2013. Elle a rappelée que les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) étaient anciennes et étroites. Depuis les deux premières conventions de Yaoundé, puis les quatre conventions de Lomé, ces relations s’inscrivent dans le cadre d’un partenariat global qui met l’accent à la fois sur l’aide au développement et la coopération économique et commerciale. L’accord de Cotonou a pris la relève de ces conventions en 2000, date à laquelle il a été signé pour une durée de vingt ans. Cet accord contient une clause de révision quinquennale dont la mise en œuvre a conduit à l’adoption, le 25 juin 2005, de l’accord modifié dont la ratification fait l’objet du projet de loi n°355.

Le rapporteure a précisé que l’accord de Cotonou avait pour finalité de « promouvoir et d’accélérer le développement économique, culturel et social des Etats ACP, de contribuer à la paix et à la sécurité et de promouvoir un environnement politique stable et démocratique ». Dans cette perspective, il repose sur trois grands volets : le dialogue politique, des préférences commerciales et un programme d’aide publique au développement. En ce qui concerne la dimension politique de l’accord, elle est incontestablement renforcée par la première révision quinquennale de 2005. Cette révision prévoit, en effet, un rôle accru des acteurs locaux. L’objectif est d’éviter une concentration, par les autorités publiques, de la mise en œuvre des projets financés dans le cadre de l’accord et de renforcer, dans le même temps, les capacités de la société civile. Par ailleurs, l’accord révisé contient désormais une référence à la Cour pénale internationale qui permet d’affirmer le refus des Etats parties de l’impunité pour les crimes contre l’humanité. L’accord modifié comporte également deux dispositions, l’une confirmant l’engagement des partenaires dans la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme ; l’autre relative à la prévention des activités des mercenaires. Enfin, la révision de 2005 a permis d’élargir l’accord de Cotonou aux questions de sécurité, en introduisant une référence à la coopération en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. En matière d’aide au développement, la première révision quinquennale a apporté une série de modifications aux stratégies sectorielles de développement en accentuant notamment la référence aux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Une plus grande flexibilité dans la mise en œuvre de l’aide a, par ailleurs, été recherchée. C’est ainsi que les conditions de mise en œuvre de la facilité d’investissement, gérée par la Banque européenne d’investissement (BEI), ont été assouplies. Dans le cas des pays concernés par l’initiative des « pays pauvres très endettés » (PPTE), la BEI doit désormais proposer des taux permettant de limiter les risques d’un nouveau surendettement. En outre, la facilité d’investissement sera soumise à une évaluation conjointe de son efficacité, qui pourra déboucher sur des propositions visant à améliorer sa mise en œuvre. Enfin, la révision de 2005 a également conduit à un assouplissement des procédures d’éligibilité aux ressources du FED en faveur des parlements nationaux, des acteurs non étatiques, des collectivités locales et des Etats non membres du groupe d’Etats ACP lorsqu’une initiative commune est envisagée. Enfin, Mme Henriette Martinez a souhaité évoquer le troisième volet de l’accord de Cotonou, qui, certes, n’était pas concerné par la révision de 2005, mais qui faisait l’objet de négociations difficiles dont les échéances étaient imminentes. Il s’agit du volet commercial du partenariat entre l’Union européenne et les pays ACP. L’accord de Cotonou a mis fin au régime des préférences commerciales non réciproques et prévoit la mise en place, à partir du 1er janvier 2008, d’accords de partenariat économique (APE). A l’heure actuelle, les négociations sont marquées par un important retard, alors que la dérogation dont bénéficie le régime des préférences commerciales en faveur des pays ACP expire à la fin de l’année. La rapporteure a souligné que, comme la France l’avait recommandé en début d’année, il importait que ces négociations privilégient une ouverture des marchés la plus asymétrique possible, une période de transition bien supérieure au droit commun ainsi que des mesures d’accompagnement conséquentes dans l’intérêt des pays ACP.

Puis, Mme Henriette Martinez a abordé le deuxième projet de loi n°354 visant à autoriser la ratification de l’accord interne entre les Etats membres du 17 juillet 2006 instituant le 10ème FED. Elle a rappelé que le Fonds européen de développement était le principal instrument financier de la coopération européenne avec les pays ACP ainsi qu’avec les pays et territoires d’outre-mer (PTOM). Il s’agit d’un instrument tout à fait original dans le dispositif communautaire pour trois motifs principaux. En premier lieu, le FED relève d’une logique intergouvernementale. Ce fonds est, en effet, alimenté par des contributions volontaires des Etats membres, négociées tous les cinq ans, dans le cadre d’accords intergouvernementaux. Il n’est donc pas intégré dans le budget de l’Union européenne et échappe, de ce fait, au contrôle du Parlement européen. Depuis de nombreuses années, la France est favorable à sa budgétisation mais cette option ne pourra être évoquée à nouveau que lors de la négociation des prochaines perspectives financières de l’Union pour 2014 – 2020. En second lieu, le FED mobilise des ressources financières importantes. L’enveloppe du 9ème FED s’est, en effet, élevée à 13,8 milliards d’euros tandis que celle du 10ème FED devrait atteindre 22,6 milliards d’euros. Ce montant de plus de 22 milliards tient compte de l’allongement de la durée d’application de 5 à 6 ans, ainsi que de la croissance, de l’inflation et de l’élargissement de l’Union européenne. Il s’agit de montants significatifs : ramenée à notre effort d’APD, la part de la contribution française au FED a, en effet, représenté près de 8 % de notre aide totale en 2005 et 2006. Enfin, le FED obéit à des mécanismes partenariaux inscrits dans l’accord de Cotonou dont il ne constitue qu’un des volets, comme cela a été évoqué.

La rapporteure a fait observer que la gestion du FED avait fait l’objet de vives critiques en raison de sa complexité et, surtout, du faible rythme de ses décaissements. Depuis 2000 et la réforme du dispositif de l’aide communautaire, le rythme de ces paiements s’est amélioré pour trois raisons principales : tout d’abord, la déconcentration des compétences vers les délégations de la Commission européenne sur le terrain ; ensuite, un recours accru à l’aide budgétaire – l’objectif de la Commission étant de parvenir à 50 % de l’aide sous cette forme – ; enfin, l’obligation d’engager tout le budget du 9ème FED avant le 31 décembre 2007 – il s’agit de la clause dite « couperet » –. Grâce à ces efforts, la Commission est parvenue à réduire progressivement la durée moyenne d’exécution des opérations financées. Les décaissements ont ainsi progressé, passant de 1,8 milliard d’euros à 2,8 milliards d’euros par an entre 2001 et 2006. La rapporteure a souligné que ce progrès dans les décaissements avait un impact significatif sur la contribution française, dont la hausse modifiait sensiblement la structure de notre aide. La contribution de la France au FED est, en effet, passée d’environ 300 millions d’euros dans les années 90 à 654 millions d’euros en 2006. Elle a ajouté que l’accord interne examiné fixait le montant du 10ème FED ainsi que celui des contributions financières des Etats membres sur la période de sa mise en œuvre. Dans le cadre de cette nouvelle programmation, la contribution de la France s’élèvera à 4,43 milliards d’euros, soit une contribution moyenne annuelle de 739 millions d’euros. Si la France est parvenue à diminuer significativement son taux de contribution par rapport au 9ème FED (19,55 % par rapport à 24,3 %), elle reste le premier Etat membre sur-contributeur par rapport à sa clef de financement au budget général. Pour l’heure, les appels à contribution portent sur l’enveloppe du 9ème FED qui ne sera épuisée que vers mi-2011. La clé de contribution en vigueur restera donc à 24,3 % jusqu’à cette date ; l’enveloppe du 10ème FED prendra ensuite le relais. Cette progression des appels à contribution au FED constitue un véritable défi budgétaire. En qualité de rapporteure pour avis des crédits de l’aide publique au développement, Mme Henriette Martinez a déclaré qu’elle ne manquerait pas de veiller à ce que cette progression ne se fasse pas au détriment de nos autres engagements en faveur du développement, et en particulier des moyens de notre aide bilatérale. Elle a également insisté sur la nécessité de parvenir à une meilleure complémentarité de l’action de la Commission européenne avec celle de la coopération française. Sous réserve de ces observations, elle a recommandé l’adoption des projets de loi n°354 et n°355 aux membres de la commission en soulignant que le Fonds européen de développement restait un instrument essentiel de la coopération européenne en faveur des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Après avoir remercié la rapporteure pour sa présentation, le président Axel Poniatowski a souhaité connaître quelle était la part totale de l’aide française qui empruntait le circuit européen, au-delà des 8 % qui représentaient la part de notre contribution au FED.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a répondu que l’aide de l’Union européenne aux pays ACP passait effectivement par deux canaux principaux : les fonds prélevés sur le budget communautaire et les fonds prélevés sur le FED. Au total, la part d’aide publique au développement française qui emprunte le circuit européen – via le FED et le budget communautaire – est d’environ 18 %. Notre pays est ainsi le premier pays contributeur de l’aide au développement de l’Union européenne.

M. François Loncle s’est interrogé sur la part de l’aide française consacrée aux actions multilatérales, au-delà de la contribution française au FED et au budget communautaire, soulignant qu’il fallait également prendre en compte notre participation au financement des agences onusiennes, par exemple.

Mme Henriette Martinez, a indiqué que les crédits multilatéraux représentaient environ un tiers de l’aide total de la France en matière de développement. Toutefois, il importe de préciser que la part bilatérale comprend les opérations d’allègement et d’annulation de dette.

Le président Axel Poniatowski a ensuite souhaité obtenir des précisions sur les conditions de suspension de l’aide accordée à certains pays.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a indiqué que l’accord de Cotonou prévoyait effectivement une procédure susceptible de conduire à la suspension de l’aide mise en œuvre en cas de violation des droits de l’homme et des principes démocratiques. De fait, l’aide a été suspendue dans une dizaine de cas (République centrafricaine, Haïti, Guinée-Bissau, Togo, Guinée Conakry, Mauritanie, Comores, Fidji et Zimbabwe). A ce jour, seul le Zimbabwe reste sous le coup de sanctions européennes. Elle a ajouté que l’accord de Cotonou prenait également en compte la « bonne gestion des affaires publiques ». Ainsi, les « cas graves de corruption » peuvent conduire à une suspension de l’aide, conformément à l’article 97 de l’accord. Cette suspension est précédée de consultations qui ne peuvent durer plus de 60 jours. L’article 97 précise qu’« il est entendu que la suspension serait un dernier recours ». Toutefois, elle a précisé qu’à la demande des pays ACP, l’accord révisé renforçait les conditions de recours à la clause de non-exécution en cas de violation des principes essentiels de l’accord, définie par l’article 96. L’objectif est de privilégier le dialogue sous toutes ses formes avant toute décision définitive.

Mme Martine Aurillac a interrogé la rapporteure sur les conditions et l’état de la de la ratification dans les États membres de l’Union européenne, d’une part, et au sein du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a répondu que les pays ACP étaient rassemblés au sein d’une organisation régionale, le groupe ACP, qui était l’interlocuteur privilégié de l’Union européenne. Elle a ajouté que la France figurait parmi les tous derniers Etats membres de l’Union européenne à ne pas avoir ratifié l’accord. Lors d’un déplacement à Bruxelles pour la préparation de son avis budgétaire sur les crédits de l’aide publique au développement pour 2008, elle a été alertée de l’urgence de la ratification de l’accord de Cotonou pour éviter tout blocage et en a aussitôt informé la commission des Affaires étrangères.

M. Marc Dolez s’est interrogé sur la participation de Cuba aux accords de Cotonou dans la perspective d’un rétablissement des relations apaisées avec l’Union européenne.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a fait observé que Cuba était membre du groupe des États ACP depuis le 14 décembre 2000 mais ne participait pas encore à l’accord. Elle a ensuite convenu de la nécessité d’obtenir des précisions sur ce dernier point au cours de la séance publique.

M. François Loncle a déploré que la France une nouvelle fois s’illustre par son retard dans la ratification des conventions internationales. Il s’est ensuite étonné que le Zimbabwe soit le seul pays actuellement sanctionné et a souhaité que l’attention de la Commission européenne soit attirée sur le respect des critères en matière de droits de l’homme ou de corruption.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a fait valoir que d’autres pays avaient été sanctionnés par le passé. Elle a ajouté que, dans le but d’encourager les réformes, la Commission avait élaboré des profils de bonne gouvernance et demandé aux pays partenaires d’établir des programmes de réformes. Ces documents serviront à allouer une « tranche incitative à la gouvernance démocratique », prélevée sur les 2,7 milliards d’euros que la Commission a mis de côté à cet effet. L’idée est d’accorder un montant qui peut s’élever jusqu’à 30% de l’allocation initiale pour les pays présentant un programme de réforme jugé excellent. La Commission a fixé quatre paliers : 10% pour les pays se contentant de présenter un programme quelle que soit sa qualité, 15 ou 20% pour un programme jugé bon, 25% pour un programme jugé très bon et 30% pour un excellent programme ou la participation au mécanisme de revue par les pairs. Cette initiative témoigne de la volonté de prendre davantage en compte la bonne gouvernance dans l’attribution des aides.

M. François Loncle a estimé que le laxisme actuel pénalisait les pays qui luttent effectivement contre la corruption et cherchent à améliorer leur gouvernance.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a estimé que l’initiative de la Commission visait précisément à prendre en compte cette situation en proposant une forme de bonus aux pays qui réalisent de réels efforts dans ce domaine.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission a adopté les projets de loi (n° 354 et 355).

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