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Commission des affaires étrangères

Mardi 20 novembre 2007

Séance de 16 h 15

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Axel Poniatowski, Président

– Audition de M. Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire

Audition de M. Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire

Le président Axel Poniatowski, après s’être réjoui d’accueillir M. Medelci, a rappelé que, depuis son élection à la Présidence de la République, M. Nicolas Sarkozy a clairement affirmé son intention de renforcer les relations entre la France et l’Algérie, en instaurant notamment un partenariat d’exception fondé sur un dialogue politique soutenu et sur la réalisation de projets concrets. Il faut ainsi se féliciter de la signature prochaine d’une convention de coopération culturelle, scientifique et technique, mais aussi économique, financière et de développement.

Au-delà des relations bilatérales intenses entre les deux pays, l’Algérie dispose d’une influence croissante sur la scène régionale et internationale. Aussi, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée serait heureuse d’entendre le ministre présenter les priorités de l’Algérie en matière de politique étrangère.

M. Mourad Medelci, ministre des affaires étrangères de la République algérienne démocratique et populaire, s’est réjoui de cette occasion de faire devant les représentants de la nation française un point sur la situation en Algérie et plus particulièrement sur les perspectives de coopération entre la France et l’Algérie, dans un contexte international qui n’est ni tout à fait calme ni dénué de promesses.

L’Algérie enregistre depuis plusieurs années des avancées considérables sur le plan économique et social. Elle a d’ailleurs été parmi les premiers pays à se prêter à un exercice d’évaluation par les pairs et elle est aujourd’hui le quatrième pays à en avoir fait l’objet. Le ministre a d’ailleurs souhaité remettre de façon symbolique au président Poniatowski le rapport qui a été rédigé dans ce cadre par d’éminentes personnalités africaines. Ce rapport a été présenté aux chefs d’État africains à Accra en juillet dernier et, alors qu’il était prévu qu’il serait rendu public dans les six mois, le Président de la République algérienne a souhaité que cette publication soit plus rapide encore, ce qui permet aujourd’hui de le remettre pour la première fois de façon solennelle à une partie extérieure.

Ce rapport comporte nombre d’éléments flatteurs pour l’Algérie ; il salue les efforts accomplis, mais il rappelle aussi les défis qu’il convient de relever de façon plus déterminée encore. L’Algérie va s’y atteler, comme elle l’a fait ces dernières années.

Cela étant, ce qui a été fait jusqu’à présent paraît suffisant pour dire qu’au plan politique la situation est en 2007 beaucoup plus claire qu’il y a quelques années. Ainsi, la stabilité que les Algériens appelaient de leurs vœux règne désormais et la sécurité est revenue même si des problèmes ponctuels demeurent. Cela montre que le pays a effectivement tourné la page du grand terrorisme des années 90.

Il s’est également engagé dans un très grand programme de développement qui se poursuit aujourd’hui, en particulier avec le partenariat d’entreprises françaises. Les résultats peuvent être vérifiés au plan national comme international, ils confirment que l’Algérie enregistre un retour à la croissance économique dont le taux, hors hydrocarbures, est supérieur à 5 % depuis maintenant cinq ans. Les grands équilibres sont tout à fait consolidés. Le taux d’inflation est relativement modeste puisque, dans la pire des hypothèses, il devrait être de 3 % cette année après avoir été inférieur à 2 % les années précédentes. Le taux de chômage, qui était de 30 % il y a six ans, est descendu à 12 % fin 2006 et il sera probablement autour de 10 % cette année.

Les nouvelles technologies sont désormais constitutives du décor économique algérien : alors qu’il y a sept ans, les téléphones mobiles se comptaient en dizaines, aujourd’hui 24 millions d’Algériens en disposent. Il existe aussi maintenant un système de paiement interbancaire électronique et dématérialisé.

Par ailleurs, et cela tient en particulier à la bonne compréhension du partenaire français, le désendettement extérieur du pays est remarquable puisque le taux de la dette publique extérieure est proche de zéro. L’Algérie a remboursé à la France plus d’un milliard de dollars.

Pour autant, les défis qui restent à relever sont importants. Il s’agit en premier lieu de continuer à renforcer les institutions et la démocratie. Cependant l’un des objectifs les plus importants est de diversifier l’économie pour sortir d’une dépendance pétrolière excessive, la part des hydrocarbures dans le PIB se situant légèrement en deçà de 50 %.

Il convient également d’améliorer le développement humain dans tous les domaines, y compris celui du genre, avec un accès de plus en plus ouvert des femmes à l’école, à l’université et à tous les secteurs de la vie économique et sociale.

L’Algérie doit aussi prendre sa part dans l’ensemble des politiques qui se développent pour assumer les exigences du développement durable.

Si la relation algéro-française s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique nouvelle, il faut en premier lieu évaluer ce qui a déjà été fait ensemble. Ainsi, la visite du président Sarkozy en juillet dernier comme celle qu’il accomplira dans quelques jours sont à la fois des grands moments d’évaluation mais aussi des chances pour relancer la coopération et pour l’adapter aux exigences de l’heure. Les moyens dont on dispose pour cela sont aujourd’hui plus importants que jamais.

Faut-il pour autant taire les contradictions qui apparaissent ? En premier lieu, et cela vaut pour l’ensemble de l'Union européenne mais tout particulièrement pour la France qui est le premier partenaire de l’Algérie, les flux d’investissements ne sont pas assez soutenus. On note ainsi un écart entre la tendance du commerce et celle des investissements : ce ne sont pas les plus grands partenaires commerciaux de l’Algérie qui y effectuent le plus d’investissements.

Si la balance commerciale de l’Algérie avec ses autres partenaires européens est déficitaire, avec la France elle est équilibrée, malgré la facture pétrolière. En revanche la balance des services et celle des paiements sont excédentaires, au bénéfice de la France. Toutefois les investissements directs étrangers (IDE) ne sont pas au rendez-vous, en particulier dans le secteur où le commerce est important. Ainsi, alors que la moitié du parc automobile algérien est d’origine française et que l’Algérie importe plus de 150 000 voitures par an, on n’enregistre aucun IDE dans le secteur automobile. On peut même parler d’une véritable fracture en ce qui concerne le secteur du médicament, où les investissements ne sont pas à la hauteur des attentes algériennes, bien que la France fournisse plus de la moitié du milliard de dollars d’importations annuelles. On pourrait aussi évoquer la téléphonie, qui est à 100 % entre les mains d’investisseurs arabes, si l’on compte l’Algérie elle-même au nombre de ces derniers.

Souligner tout cela revient à la fois à donner les résultats de l’évaluation et à tracer des pistes pour l’avenir.

La seconde contradiction, fort ancienne, tient au fait qu’en même temps que le commerce se développe, on restreint les mouvements de circulation des populations. La question des visas, la question des modalités de rapatriement de ceux qui ne respectent pas les règles, toutes les questions accessoires montrent bien qu’il y a beaucoup d’efforts à faire pour que les ressources humaines se mettent au diapason de la mondialisation, qui ne saurait concerner uniquement les marchandises et les flux de capitaux. Si l’on sait faire preuve de beaucoup d’écoute et d’intelligence de part et d’autre, on n’est encore parvenu qu’à trop peu de solutions globales.

Le projet d’Union méditerranéenne défendu par le Président de la République française s’inscrit d’ailleurs dans cette problématique de la circulation des personnes et des ressources, qu’il conviendra de préciser dans le cadre d’un projet qui vise l’Algérie en tant que pays du sud de la Méditerranée mais qui concerne surtout les Européens.

L’Algérie est un pays africain, méditerranéen, arabe, musulman. Sur chacun de ces fondements, elle voit aujourd’hui se profiler des perspectives prometteuses mais elle ressent aussi la nécessité d’un effort plus important d’écoute et de communication dans les différentes enceintes.

S’agissant de la politique extérieure, la France et l’Algérie entretiennent des relations diplomatiques plus que normales. Le degré de convergence est élevé dans la plupart des situations ; dans certains cas, l’Algérie a des observations à faire ; sur des points beaucoup plus limités, on constate parfois une certaine diaphonie.

S’agissant du projet de l’Union méditerranéenne, il ressort de la conférence ministérielle Euromed de Lisbonne, qu’il n’est pas question, en créant cette nouvelle Union, de remettre en cause le processus de Barcelone, qui reste tout à fait central. Pour autant, un accord se fait sur l’idée d’aller plus loin, ce qui signifie se montrer plus ambitieux, plus responsable, plus engagé et plus concret. Il faut donc passer des déclarations à des actes perceptibles par les populations.

Remettre aujourd’hui au président de la commission le rapport d’évaluation des pairs revient à rendre hommage à l’Afrique et à ses efforts pour améliorer son système de gouvernance : là où elle était jusqu’ici sous surveillance extérieure, elle s’est désormais dotée des moyens de l’exercer elle-même. Cette avancée, qui traduit un effort réel, est d’ailleurs appréciée des institutions internationales, qu’elles soient politiques ou financières. Il est vrai que le continent a un retard considérable et que des dizaines d’années s’écouleront sans doute avant qu’il sorte de sa situation de sous-développement. Il est vrai également que les situations sont extrêmement diverses selon les pays : si certains sont dans une position difficile, d’autres sont déjà engagés vers les objectifs du Millénaire. Le sommet de Lisbonne UE-Afrique, début décembre, permettra aux Européens et aux Africains d’aborder ces questions ensemble, de procéder, là encore, à des évaluations, mais aussi de porter un espoir commun de progrès.

M. Kouchner se trouve aujourd’hui au Moyen-Orient, où la diplomatie française s’efforce, avec le talent qu’on lui connaît, d’essayer de régler la question du Liban. Cela permettrait d’aborder les discussions d’Annapolis dans des conditions plus sereines qu’aujourd’hui. La conférence d’Annapolis est une promesse, mais aussi une source d’interrogations car si les positions arabes et européennes semblent assez proches, celles des Israéliens demeurent assez éloignées. Le rendez-vous d’Annapolis permettra de mesurer les progrès réalisés par les uns et par les autres. L’Algérie espère que le processus permettra d’aller au Moyen-Orient vers une solution définitive, permettant le retour de la paix non seulement dans cette région mais dans le monde entier.

On sait en effet que le terrorisme n’est pas seulement le produit du mal vivre local mais qu’il s’alimente des grandes crises internationales, en particulier de celle du Moyen-Orient. L’Algérie accompagnera par conséquent tous ceux qui, comme la France, apporteront une contribution utile au retour à la paix dans cette zone très sensible et très proche géographiquement de la région la plus intéressante en matière pétrolière.

À ce propos, dans le cadre du dernier sommet de Riyad, l’OPEP a appelé de ses vœux le renforcement de la coordination avec les pays consommateurs. Elle n’est pas seulement destinée à déterminer les prix mais aussi à stabiliser le marché. Comme les pays consommateurs, les pays producteurs sont concernés par le développement des énergies renouvelables, en particulier par le nucléaire civil.

Particulièrement importantes, les relations entre l’Algérie et la France restent encore marquées du sceau du passé. La visite de M. Nicolas Sarkozy promet de les engager dans une dynamique nouvelle, même si des efforts restent à accomplir, y compris dans la relecture de l’histoire commune aux deux nations. La préparation d’un traité d’amitié a montré une bonne volonté commune mais qui n’a pas pu jusqu’ici s’exprimer totalement. L’espoir reste toutefois de mise, l’exemple de la France et de l’Allemagne comme celui de la Libye et de l’Italie sont des références prometteuses.

La présence d’une très forte communauté algérienne en France nourrit également l’espoir de mieux mobiliser ensemble les énergies, de part et d’autre de cette mer commune – la mare nostrum – qui est un atout commun de plus et pas seulement une frontière.

L’Algérie est en même temps plus consciente de la nécessité de poursuivre ses efforts, notamment pour moderniser son administration économique et pour rendre le marché algérien encore plus attractif, afin de promouvoir durablement est concomitamment commerce, investissements et échanges humains avec ses partenaires d’aujourd’hui, qui sont plus nombreux et plus engagés mais au sein desquels la France demeure un partenaire de choix.

Le président Axel Poniatowski a relevé le fait que le ministre considère que les investissements français en Algérie sont notoirement insuffisants et il a noté l’intérêt que porte ce pays au projet d’Union méditerranéenne, dès lors qu’il s’inscrit dans la suite du processus de Barcelone, qui demeure une priorité dans les relations entre l’Algérie et l'Union européenne.

Les relations bilatérales entre l’Algérie et l’Union sont marquées depuis septembre 2005 par un accord d’association. Est-il d’ores et déjà possible d’en dresser un premier bilan ? Sur quels aspects de cette coopération conviendrait-il de mettre plus particulièrement l’accent ?

Par ailleurs, l’Algérie est en train de finaliser son adhésion à l’OMC. Où en sont les négociations ? Quelles réformes reste-t-il à accomplir pour préparer le pays à l’ouverture de son marché et de ses échanges ?

M. Mourad Medelci a souligné que l’accord d’association avec l'Union européenne est une des avancées enregistrées par l’Algérie et qu’il s’inscrit non seulement dans une vision économique mais aussi dans une vision globale. En le ratifiant, l’Algérie a voulu apporter la preuve qu’elle n’avait vocation à être marginalisée ni par les autres ni par elle-même : elle fait partie d’un ensemble et elle a marqué par cet accord qu’elle en est solidaire.

Bien évidemment, les questions économiques sont importantes et le gouvernement a pris les dispositions nécessaires à l’ouverture du marché national. Un processus de démantèlement tarifaire est ainsi en cours depuis deux ans et les choses se déroulent exactement comme elles avaient été prévues dans l’accord. Ce sont les conditions préalables à l’accord qui ont permis d’avancer : il a fallu revisiter l’ensemble de la législation algérienne, en matière judiciaire comme dans les domaines économique et social, et 90 % des textes ont aujourd’hui été remis à niveau.

Cet exercice a aussi préparé le pays à l’adhésion à l’OMC, dont les Algériens pensaient qu’elle interviendrait assez rapidement après l’accord d’association avec l’Union. Tel n’a pas été le cas, d’une part sans doute parce que les efforts de l’Algérie n’avaient pas été suffisants, d’autre part parce que les conditions d’accès à l’OMC sont régies par un certain malthusianisme qui fait que l’on n’ouvre les portes qu’à un ou deux pays par an. Qui plus est, l’Algérie est un pays pétrolier et gazier et les discussions sur l’ouverture de ce marché et sur la pratique du double prix – international et national – ont également ralenti le processus. Ce ralentissement s’explique aussi par le fait que la composante des services, qui faisait aussi l’objet des négociations ouvertes en 2001 avec l’Union, ne figure finalement pas dans l’accord d’association. L’idée était que l’Union aide préalablement l’Algérie dans ses négociations sur ce point avec l’OMC, mais cela n’a pas été fait.

L’Algérie a décidé de reprendre la main sur ce dossier et elle a transmis à l’Union européenne une offre complète et révisée pour les services, qui sera discutée à Bruxelles à compter du 27 novembre. Elle espère qu’un prochain rendez-vous avec le groupe de travail permettra de finaliser l’ensemble des dossiers pendants avec l’OMC.

L’Algérie a consenti des efforts considérables pour réaliser sa mutation. Il y a seulement quinze ans, son économie était centralisée et planifiée. Aujourd’hui, l’ouverture est telle qu’alors que le commerce extérieur était totalement aux mains de l’État il y a dix ans, désormais les entreprises privées réalisent 75 % des importations. Il n’existe plus aucun secteur qui ne soit pas éligible à l’ouverture : rien n’empêche ceux qui le souhaitent de produire de l’énergie ou de s’impliquer dans les chemins de fer, l’aviation civile ou la banque, et tout ceci est confirmé par les investissements effectivement réalisés.

Des efforts sont aussi faits pour améliorer le climat des affaires. Des infrastructures sont actuellement réalisées pour améliorer le quotidien des Algériens, mais aussi pour faciliter l’implantation des opérateurs étrangers : routes, autoroutes, chemins de fer, télécommunications, formation, disponibilité de l’eau, un programme de plus de 150 milliards de dollars est en cours de réalisation, auquel participent d’ailleurs nombre d’entreprises européennes, notamment françaises.

Ce nouveau visage de l’Algérie, la fermeté de ses positions, son engagement à s’ouvrir aux autres portent l’espoir de mieux travailler avec les autres, et tout particulièrement avec la France. Cela suppose aussi de se parler franchement : les sujets qui séparent aujourd’hui les deux pays ont trait au passé. Même si des points du traité d’amitié restent en suspens, il faut les aborder de façon ouverte et il y a aujourd’hui plus de raisons d’espérer que la qualité des relations s’améliore que de craindre le contraire.

Mme Élisabeth Guigou a souhaité savoir, en dehors de son message clair sur la faiblesse des investissements français en Algérie, que les parlementaires français sauront relayer, ce qui paraît indispensable au ministre pour améliorer encore les relations bilatérales entre les deux pays. La signature d’un traité lui paraît-elle absolument indispensable ? Quel devrait être son contenu ?

Le ministre a par ailleurs marqué son intérêt pour le projet d’Union méditerranéenne, qui paraît une belle idée, qu’il convient de ne pas gâcher. Quelle pourrait être, selon lui, la complémentarité entre ce projet et le processus de Barcelone, qu’il faut absolument préserver ? Qu’est-ce que l’Union méditerranéenne pourrait apporter de plus, en termes de projets concrets comme de partenariat politique ?

M. Mourad Medelci a répondu qu’en matière de coopération bilatérale, un message n’a de valeur que s’il est porté par les deux parties. Travailler à ce point de rencontre est déjà un objectif en soi. On l’a vu à propos des IDE, mais il y a aussi le problème de l’accès des populations. Alors qu’en 1984, 1,2 million d’Algériens traversaient la frontière française, ils n’étaient plus que 120 000 en 2006, du fait du système des visas.

Cela ne signifie pas que le Gouvernement français ne fait pas preuve de bonne volonté. Il faut donc s’efforcer ensemble d’améliorer les performances dans ce domaine afin que moins d’Algériens attendent trop longtemps pour avoir un visa. Aujourd’hui, le délai est au minimum d’un mois pour ceux qui ont la chance de l’obtenir, quand bien même l’urgence est avérée. Il faut aussi que moins de demandeurs se voient éconduits, surtout dans la mesure où chacun doit déposer 60 euros au moment de sa demande – on imagine le coût pour toute une famille qui souhaite se rendre en vacances en France ! – et que cette somme est perdue en cas de refus.

S’agissant de l’immigration clandestine, l’Algérie est aujourd’hui concernée à double titre. En effet, elle reçoit un grand nombre de migrants originaires d’Afrique subsaharienne qui arrivent sur son territoire dans l’espoir d’atteindre la rive nord de la Méditerranée. Ils n’y parviennent qu’une fois sur cinq et dans les quatre autres cas, ils restent sur le territoire algérien. Dans certaines villes du sud du pays, le nombre d’Africains est ainsi devenu plus important que celui des Algériens.

Comment travailler ensemble de façon intelligente et complète afin de trouver des solutions aux problèmes de l’immigration clandestine ? La volonté politique existe, mais il faut trouver des mécanismes efficaces et engager les moyens nécessaires pour ne pas, là aussi, se contenter de susciter des espoirs.

Or c’est un peu cela la différence entre le processus de Barcelone et le projet d’Union méditerranéenne : en l’associant à l’Union européenne, le processus de Barcelone a permis à l’Algérie de s’intégrer dans un espace, mais ce qu’elle reçoit en trois années de Bruxelles au titre de l’aide prévue par l’accord d’association, correspond à une année de manque à gagner lié au démantèlement tarifaire. C’est dire l’indigence de l’effort financier consenti pour nourrir une ambition comme celle du processus de Barcelone !

Il apparaît donc clairement que le projet d’Union méditerranéenne doit mobiliser davantage de ressources en faveur de la réalisation de projets concrets. Il semble que le président Sarkozy l’a bien compris : il n’a pas émis l’idée d’une sorte de contrat d’adhésion, mais il laisse venir les réactions dans le cadre d’un processus participatif qui peut permettre d’ici le mois de juin de donner une cohérence et un contenu à son projet. C’est ce que les Algériens espèrent.

M. Renaud Muselier a remercié M. Medelci de sa présence.

Il lui a fait remarquer que les députés du sud de la France, notamment ceux des circonscriptions marseillaises, étaient particulièrement attachés à l’Algérie. Il est effectivement nécessaire de faire progresser les relations commerciales entre la France et l’Algérie. Evoquant la récente visite en Algérie du sénateur-maire de Marseille, M. Jean-Claude Gaudin, qui a été accueilli par le président Bouteflika, M. Renaud Muselier a souligné le dynamisme de la coopération décentralisée qui peut fonctionner au niveau de la région comme de la ville de Marseille, qu’il s’agisse de l’entretien des cimetières, des hôpitaux, de l’intervention des marins pompiers, etc.

Il a ensuite demandé au ministre comment pouvait s’expliquer le fait que les Américains investissaient autant en Algérie, alors que les Français n’y parviennent pas, ou pas suffisamment. Quelle est par ailleurs la position du Gouvernement algérien vis-à-vis de l’intégrisme, qui est une source d’inquiétude pour les Occidentaux, et vis-à-vis du discours du président iranien, qui vient encore compliquer la situation ?

Puis il a évoqué l’Union méditerranéenne. Une mission parlementaire s’y intéresse et le Président de la République y est très attaché. Le processus de Barcelone fait penser au verre d’eau à moitié plein ou à moitié vide. L’idée du Président de la République vise à relancer le projet politique autour de la Méditerranée et, comme l’a souligné le Ministre, il est important qu’il permette de rassembler des ressources supplémentaires.

Tous les pays du bassin méditerranéen devraient pouvoir y participer, sans exclusive ; il faudrait y ajouter la Mauritanie, et plus généralement les pays du dialogue « 5 + 5 ». Les sujets pourraient être plus ciblés, par exemple sur l’eau et l’environnement.

M. Mourad Medelci a salué les importants efforts réalisés dans le domaine de la coopération, notamment régionale, en particulier dans la région de Marseille, et souhaité qu’ils soient étendus à d’autres régions.

Il a réfuté le fait que les investisseurs américains soient plus forts que les investisseurs français ou européens, sauf dans le secteur des hydrocarbures. Ils y sont plus présents que les Français, qui manifestent néanmoins la volonté de les rattraper : de plus en plus de sociétés françaises interviennent en Algérie. Néanmoins ce sera aux responsables d’annoncer officiellement les contrats qui ont été passés ou qui vont l’être, dans ce secteur, dans les jours qui viennent. Quoi qu’il en soit, c’est dans les secteurs hors hydrocarbures que les IDE se font attendre, sauf de la part des pays arabes. Ils sont les premiers et les seuls dans les télécommunications, quasiment les seuls dans les infrastructures et le tourisme. Il reste donc encore beaucoup à faire, et pour les Américains, et pour les Européens, et pour les Français en matière d’investissements.

Sur le plan intérieur, l’Algérie a vécu une période très dure. Elle travaille encore pour comprendre ce qui s’est passé, et qui est lié autant à l’Algérie profonde qu’à la conjoncture internationale. Elle souhaite que la paix revienne au Moyen-Orient, dont la crise est l’une des sources du terrorisme ; il ne faut plus donner prise à ceux qui, aujourd’hui, font de l’extrémisme leur fond de commerce.

L’Algérie panse ses blessures dans le cadre d’un plan de réconciliation approuvé par référendum par la population. Celle-ci s’est totalement rangée du côté de l’unité, de la paix, de la sécurité et contre le terrorisme. Le fait est incontestable et se vérifie au quotidien. Même les familles de ceux qui ont été invités à jouer le rôle de kamikazes se démarquent de leurs propres enfants, tout en admettant qu’ils ont été l’objet de violences et présentent leurs excuses aux familles des victimes. La situation a donc complètement changé. Quant à ceux qui sont encore dans les maquis et continuent de brandir l’étendard de l’extrémisme religieux, leur nombre est beaucoup moins important ; ils doivent faire face à la lutte que la République leur a promis après le référendum, lutte qui commence à porter ses fruits.

Il n’y a pas de négociation possible avec l’extrémisme, d’où qu’il soit. Il y a des réponses qui doivent être apportées par chacun, dans un cadre national comme dans les enceintes internationales. Incontestablement, il faut travailler ensemble.

L’Union méditerranéenne doit être plus concrète. Il faut faire en sorte que la partie vide du verre se remplisse et soit plus visible. Pour cela, il faut travailler ensemble, non plus sur des objectifs généraux, mais sur des projets. Les Européens sauront trouver les moyens de passer à l’acte. Il y a trente ans, le Portugal était dans la position de l’Algérie d’aujourd’hui ; et le Portugal d’aujourd’hui doit beaucoup à la solidarité européenne. Il est souhaitable que la France et l’Europe soient solidaires du projet de M. Sarkozy.

M. Jean-Louis Christ a relevé le propos de M. Medelci à propos de la faiblesse des investissements français en Algérie, que ce dernier estime liée essentiellement à une concurrence exacerbée à laquelle les entreprises françaises ne peuvent faire face.

Depuis quelques années, l’Algérie a diversifié ses relations bilatérales. La Chine participe de plus en plus largement aux appels d’offres lancés par l’Algérie. L’implantation de la Chine et les parts de marché qu’elle prend sur le continent africain soulèvent interrogations et inquiétudes.

M. Christ s’est donc interrogé sur le champ et le poids des activités de la Chine en Algérie, et sur la spécificité des relations politiques qu’entretient l’Algérie avec ce pays.

M. Roland Blum a évoqué la rencontre de M. Medelci avec Mme Ferrero-Waldner, commissaire de l’Union européenne, qui a proposé à l’Algérie de passer du processus de Barcelone à celui de la politique européenne de voisinage. Cette offre a été déclinée par l’Algérie. Pour quelles raisons ?

L’UMA, l’Union du Maghreb arabe, a-t-elle encore un sens, tant que la question du Sahara occidental n’est pas réglée ?

M. Mourad Medelci a reconnu que la résolution de la question du Sahara occidental donnerait davantage de punch à l’UMA. Il faut espérer que le processus de Manhasset aboutisse et qu’on parvienne à séparer le dossier du Sahara du reste.

Des efforts sont accomplis, les ministres des affaires étrangères se réunissent à nouveau. Ils rencontrent, en tant que UMA, les Européens : la première réunion a eu lieu à Lisbonne ; la prochaine se déroulera le 30 novembre à Rabat pour discuter de l’Union méditerranéenne. Cela prouve que ces pays sont capables de transcender le problème du Sahara occidental. Dans certains cas, il conviendrait néanmoins de s’interroger sur la position des uns et des autres qui, parfois, malgré le désir qu’ils en ont, ne contribuent pas à la solution finale.

La Chine fait peur à tout le monde. Cette peur est alimentée par la mondialisation, la compétition et l’ouverture. Les pays du Sud n’ont pas été à l’origine du concept de mondialisation, mais ils ont fini par l’accepter. S’il faut en subir les inconvénients, autant en maximiser les profits.

La Chine est bien là, mais ce n’est pas une sorte de « Mère Teresa des pays du Sud ». L’Algérie a passé des contrats avec la Chine dans le domaine autoroutier, mais elle a aussi passé des contrats avec le Japon. Dans le cadre d’une compétition ouverte, des Européens et les Américains étaient également en lice. Les prix proposés étaient les mêmes, à peu de choses près. Les Européens ont toutes leurs chances, pour peu qu’ils essaient d’aller de l’avant.

Lorsque l’Algérie a ouvert le secteur des télécommunications, les Français se sont trouvés en compétition avec les pays arabes s’agissant des téléphones mobiles. Les Français ont proposé 400 millions de dollars pour la première licence algérienne. Ils connaissaient beaucoup mieux le marché algérien que les Égyptiens. Pourtant, ce sont les Égyptiens qui lui ont fait confiance. Ils ont conclu à 730 millions de dollars, et ils ne le regrettent pas : ils ont récupéré leur argent et sont en train d’investir partout en Algérie ; avec la rente qu’ils dégagent, ils réalisent les plus grandes usines de ciment d’Afrique et continuent à travailler dans le secteur des télécommunications.

Le territoire du Maghreb doit être vu comme une force pour l’Europe ; alors, les investissements européens suivront. C’est ainsi que le président Sarkozy l’entend : il ne s’agit pas seulement de faire plaisir aux pays de la rive Sud, mais de considérer ceux-ci comme un axe stratégique qui peut donner davantage d’équilibre à l’Europe, laquelle s’est peut-être étendue un peu rapidement vers l’Est.

La politique européenne de voisinage proposée par Bruxelles est un processus qui se distingue de l’accord d’association, mais on peut se demander pourquoi et en quoi la PEV apporterait davantage que l’accord d’association. Le seul point qui est clair, c’est que celle-ci est soumise à des conditionnalités. Or l’Algérie n’a pas besoin de conditionnalités pour progresser sur le système de gouvernance, la transparence de la gestion, etc ; elle a décidé de le faire elle-même, et le rapport qui vient d’être remis au président Axel Poniatowski est bien le témoignage qu’elle est à même de s’imposer des règles de bonne gouvernance.

M. Jean-Paul Lecoq a souligné l’honneur que M. Medelci faisait, par sa présence, à la commission. Il a adressé à l’Algérie ses remerciements ; en effet, lorsqu’il est intervenu à trois reprises devant la quatrième commission, aux Nations unies, seule la délégation algérienne lui a réservé un accueil de qualité.

Le terrorisme peut aussi se nourrir des injustices ; tel est le cas s’agissant du conflit palestinien ; ce pourrait l’être pour la question sahraouie et du Sahara occidental. Le ministre des affaires étrangères français, interpellé sur cette question, a répondu qu’il ne voyait pas d’autre solution que celle proposée par le Maroc. Pourtant, le référendum d’autodétermination pourrait en être une autre.

Le projet d’Union méditerranéenne répond par ailleurs à une belle idée, qui ne s’appuie pas seulement sur des questions économiques, mais aussi sur les peuples.

Il faut approfondir les choses s’agissant du Sahara occidental, le Président algérien ayant déjà interpellé la France sur sa position en la matière. Tout le monde sait que la position de la France peut avoir de l’influence et permettre d’aller plus ou moins vite dans le règlement du dossier.

De très nombreux investisseurs ou artisans algériens ne parviennent pas à bénéficier du regroupement familial, alors qu’ils gèrent des entreprises en France. Les nouvelles lois françaises sur l’immigration et le droit d’asile ne peuvent qu’accroître les inquiétudes de regroupement familial.

M. Jacques Myard est revenu sur la question récurrente du Sahara occidental et s’est demandé quelles seraient les bases d’une solution acceptable par les parties, dont les positions sont très éloignées. Des négociations semblent se nouer à New York.

L’Algérie a toujours eu des contacts assez suivis avec l’Iran. Elle a, jadis, œuvré sur le plan diplomatique pour résoudre le problème des otages américains. La position iranienne est l’un des éléments de la crise qui est en train de se nouer entre le Moyen-Orient et le Proche-Orient. Quelle est l’analyse algérienne de la question ?

M. Mourad Medelci a d’abord répondu à propos du Sahara occidental.

Il est exact que le temps se fait long, notamment pour les Sahraouis qui ont besoin de sortir de leur dénuement. Voilà trente ans qu’ils sont dans cette situation et il n’est pas question que quelqu’un vienne leur dire d’abandonner leur rêve. Aujourd’hui, la communauté internationale a instauré un certain équilibre au moyen d’une résolution qui a été confirmée deux fois au Conseil de sécurité et qui engage les deux parties à travailler sur deux solutions : celle de l’autodétermination et celle de l’intégration. Les Sahraouis ont déclaré publiquement à plusieurs reprises qu’ils étaient prêts à discuter des deux solutions, alors que les Marocains ont dit qu’ils n’en envisageaient qu’une.

La position algérienne est du côté de la communauté internationale. Dans cette affaire, les Algériens sont des observateurs et pas des négociateurs. Comme le Président de la République algérienne l’a dit et répété, si, demain, les Sahraouis décidaient d’être marocains, son pays serait le premier à venir féliciter le Maroc.

Aujourd’hui, un processus est engagé. Il n’existait pas il y a seulement un an. Ce processus n’est pas simple, mais il est porteur d’espoir. Les uns et les autres doivent s’efforcer de faire en sorte qu’aucune interférence ne vienne affaiblir la confiance entre ceux qui négocient directement.

Telle est la position de l’Algérie. C’est une position juste, médiane, équilibrée. Tout ce qui viendrait exacerber la position des uns contre les autres dérangerait le monde. En tout cas, si l’Algérie se trompait, cela signifierait que la communauté internationale s’est aussi trompée, puisque l’Algérie a rejoint la résolution 1754. Au passage, la communauté internationale est invitée à aider davantage la population sahraouie.

Concernant les mouvements de personnes, il convient de redonner son caractère exceptionnel à la relation entre l’Algérie et la France. Elle est née d’accords conclus en 1968, eux-mêmes qualifiés d’exceptionnels, et qui règlent ces mouvements entre l’Algérie et la France. Il est à craindre que les différentes réglementations françaises n’aient fait perdre ce caractère exceptionnel à la relation entre les deux pays. Pourtant, il faut le conserver, dans la mesure où leur histoire est exceptionnelle à tous points de vue. La force actuelle de la communauté algérienne en France et sa qualité, de plus en plus reconnue, le justifient.

L’Iran a aujourd’hui deux types d’interlocuteurs : ceux qui ne veulent pas l’entendre et ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. L’Algérie ne fait partie ni des uns ni des autres. Elle écoute l’Iran, ce qui ne signifie pas qu’elle s’aligne sur ses positions, et elle lui parle. Sa position est très claire : il n’est pas question de transgresser la norme internationale et les accords de Vienne, mais il n’est pas question non plus de faire un second collège de pays qui n’auront jamais accès à l’énergie nucléaire civile. Si l’Iran est considéré comme inéligible à l’énergie nucléaire civile, cela signifie que demain ce sera le tour de l’Algérie, et après-demain celui d’autres pays.

L’Algérie parle donc à l’Iran et essaie de délivrer son message, qui semble différent de ceux qu’on reçoit par ailleurs. Elle n’a pas le sentiment que l’Iran cherche la guerre et qu’il a pour objectif principal de se doter de l’arme nucléaire à des fins militaires.

M. Medelci a conclu en affirmant qu’il avait apprécié que la commission ait consacré plus d’une heure et demie à la délégation qui l’accompagnait et qui la remerciait par sa voix. Les membres de la commission auront eu l’occasion de vérifier la volonté de coopération et de paix de l’Algérie avec le monde en général, et singulièrement avec son partenaire français avec lequel elle a tant partagé au cours d’une histoire qui remonte à loin et avec lequel elle est en train de construire l’avenir de part et d’autre de la Méditerranée.

Le président Axel Poniatowski a fait valoir le grand intérêt de cette réunion et des messages qui ont été exprimés. Il a remercié le Ministre d’avoir répondu à l’invitation de la commission, et a souligné le plaisir que ses membres, très attachés à son pays, avaient eu à l’entendre.

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