Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires étrangères > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires étrangères

Mardi 8 janvier 2008

Séance de 16 h 15

Compte rendu n° 28

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne (n° 561)

– Suriname : coopération transfrontalière en matière policière (n° 522)

Révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Lisbonne

La commission a examiné, sur le rapport pour avis de M. Hervé de Charette, le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution (n° 561).

M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis, a introduit son propos en rappelant les étapes de l’adoption du traité de Lisbonne, depuis l’accord politique intervenu lors du Conseil européen du 23 juin 2007, sous l’autorité de la Chancelière allemande, Mme Angela Merkel. Le texte du traité a ensuite été adopté le 19 octobre 2007 sous présidence portugaise de l’Union européenne, puis formellement signé à Lisbonne le 13 décembre dernier. Ce même jour, le Président de la République a soumis le traité au Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision le 20 décembre, par laquelle il conditionne la ratification du traité de Lisbonne à une révision préalable de notre Constitution.

Le rapporteur pour avis a souligné que le fait de soumettre les traités européens à l’examen du Conseil constitutionnel était une pratique finalement relativement récente puisque, avant celui de Maastricht en 1992, aucun traité européen n’avait entraîné avant sa ratification une révision préalable de la Constitution.

Il a alors rappelé que le titre XV de la Constitution trouvait son origine dans la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 qui a également ouvert la possibilité à 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité d’un engagement international à la Constitution. Après en avoir exposé l’économie générale, le rapporteur a ensuite évoqué les modifications successives dont avait fait l’objet le titre XV de la Constitution : en 1999, pour autoriser la ratification du traité d’Amsterdam, en 2003 pour autoriser la ratification de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen et en 2005, pour autoriser la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Mais l’absence d’entrée en vigueur du traité constitutionnel européen a rendu caduque cette révision constitutionnelle de 2005.

La décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007 relative au traité de Lisbonne appelle une nouvelle révision constitutionnelle. Après avoir indiqué que le Conseil constitutionnel s’était abstenu de vérifier la constitutionnalité des engagements internationaux antérieurement souscrits par la France, le rapporteur pour avis a précisé les raisons qui justifient de modifier la Constitution. Elles concernent notamment les clauses du traité qui opèrent, au profit de l’Union européenne, des transferts de compétences mettant en cause les conditions essentielles de la souveraineté nationale. Un transfert de compétence correspond à de nouvelles modalités de prise de décision : il peut s’agir de l’application de la procédure législative ordinaire à des domaines nouveaux, qui confère un pouvoir de décision au Parlement européen. Cela peut également concerner le passage à la majorité qualifiée
– immédiat ou différé – à des domaines jusqu’alors régis par la règle de l’unanimité, privant ainsi la France de tout pouvoir d’opposition.

Appellent également une révision constitutionnelle les pouvoirs nouveaux conférés aux Parlements nationaux, à savoir le droit reconnu au Parlement français de s’opposer à la mise en œuvre de la révision simplifiée des traités qui permet au Conseil européen, statuant à l’unanimité, d’adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans un domaine jusqu’alors régi par la règle de l’unanimité. Il en est de même des nouveaux droits reconnus à l’Assemblée nationale et au Sénat en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité qui permettront d’adresser des avis motivés aux institutions de l’Union et, le cas échéant, de saisir directement la Cour de justice de Luxembourg dans le cadre de recours en annulation pour violation du principe de subsidiarité.

Le rapporteur pour avis a alors présenté les dispositions du projet de loi constitutionnelle dont l’article 1er modifie l’article 88-1 de la Constitution pour autoriser la République française à participer à l’Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne, et non plus dans celles du traité établissant une Constitution pour l’Europe.

L’article 2 concerne les modifications apportées au titre XV de la Constitution, mais seulement à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Cela concerne :

– l’extension du champ d’application de l’article 88-4 à l’ensemble des projets d’actes législatifs au sens européen du terme et non plus aux seuls projets ou propositions d’actes européens comportant, selon le droit français, des dispositions de nature législative ;

– l’ajout d’un article 88-6 qui autorise l’Assemblée nationale ou le Sénat à émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité et de saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne ;

– l’ajout d’un article 88-7 pour fixer les conditions dans lesquelles le Parlement français pourra faire opposition à la procédure dite de révision simplifiée des traités européens.

Enfin, l’article 3 du projet de loi abroge les dispositions caduques de la révision constitutionnelle de 2005.

Soulignant que ce projet de loi constitutionnelle était strictement limité à ce qui est nécessaire pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne, le rapporteur pour avis a soulevé deux questions qui pourraient être examinées le moment venu, à l’occasion de la future révision constitutionnelle annoncée dans le cadre de la réforme des institutions de la Ve République.

Il s’agit d’une part de l’opportunité de prévoir dans la Constitution une clause européenne de portée générale autorisant les transferts de compétences introduits par les traités européens actuels et futurs, à l’instar de ce qui existe dans la Loi fondamentale allemande et dans la Constitution portugaise. Une telle clause n’éviterait pas des révisions constitutionnelles liées à d’autres motifs que les transferts de compétences. C’est la raison pour laquelle il a suggéré que dans les cas où l’autorisation de ratifier un traité européen serait conditionnée par une révision constitutionnelle, il n’y ait qu’un seul et même débat. Cela permettrait d’alléger une procédure très lourde et redondante.

Il s’agit d’autre part de l’extension du champ d’application de l’article 88-4, après le débat ouvert en 2005 par l’amendement présenté par M. Edouard Balladur, alors Président de la commission des affaires étrangères, et dont le rapporteur pour avis a rappelé qu’il en avait le co-signataire avec son collègue M. Roland Blum. Cet amendement visait à contraindre le Gouvernement a transmettre au Parlement tout projet d’acte européen, comportant ou non des dispositions de nature législative, dès lors que l’Assemblée nationale ou le Sénat, selon certaines modalités, en aurait fait la demande. Ce sujet sera très vraisemblablement abordé lors du futur débat sur la réforme des institutions, le comité présidé par M. Balladur l’ayant traité dans son rapport remis au Président de la République.

En conclusion, le rapporteur pour avis a indiqué que la Hongrie avait ouvert, le 17 décembre dernier, le cycle des ratifications en devenant le premier pays de l’Union à approuver le traité de Lisbonne. Il a alors estimé qu’à quelques mois de sa présidence de l’Union européenne, au cours de laquelle les décisions préparatoires à la mise en œuvre du traité devront être adoptées, la France devait à son tour donner l’exemple en achevant sa procédure de ratification dans les meilleurs délais, et avec l’approbation du Parlement la plus large possible.

Il a ainsi appelé la commission à donner un avis favorable à ce projet de loi constitutionnelle.

Le Président Axel Poniatowski a apporté son soutien à la double proposition consistant, d’une part, à ajouter une « clause européenne générale » à la Constitution et, d’autre part, à coupler le débat de révision constitutionnelle avec celui de ratification du traité à proprement parler, lorsque l’autorisation de ratification est conditionnée par une modification de la Constitution.

Il a ensuite évoqué la question des symboles de l’Union européenne, qui ne sont plus mentionnés dans le traité de Lisbonne, mais qui continueront néanmoins à être utilisés par l’Union. Il a alors fait référence à la déclaration adoptée par seize Etats membres par laquelle ils réaffirment leur attachement à ces symboles.

Puis il a demandé au rapporteur des précisions relatives aux modalités de mise en œuvre des nouveaux droits reconnus au Parlement français. Quelles seront les bases juridiques applicables en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité et de droit d’opposition à la procédure de révision simplifiée des traités ?

Le rapporteur pour avis a indiqué que les nouvelles prérogatives dévolues aux parlements nationaux, prévues par le traité de Lisbonne, seront intégrées au Titre XV de la Constitution nationale puisqu’elles modifient l’équilibre institutionnel de notre pays. En revanche, les modalités de mise en œuvre seront fixées par les règlements respectifs de chaque assemblée.

M. Marc Dolez a salué l’habileté du rapport présenté à la commission. En se concentrant sur les questions techniques et en concluant sur la possibilité de créer une clause générale sur les futurs traités européens, celui-ci élude la question de fond : le traité modificatif est-il différent du traité que les Français ont rejeté par référendum en 2005 ? Le Président Valéry Giscard d’Estaing a publiquement affirmé, considérant la proximité des deux textes et la soumission du traité de Lisbonne à la seule ratification parlementaire : « Quel est l’intérêt de la manœuvre ? D’abord et avant tout, échapper à la contrainte du référendum ».

Le principal problème soulevé par le texte du traité de Lisbonne est donc celui du respect de la souveraineté populaire. Le seul moyen d’imposer qu’un référendum soit organisé est d’empêcher que la majorité des trois cinquièmes du Congrès réuni à Versailles ne se prononce en faveur du projet de révision.

Le rapporteur pour avis a répondu que l’objectif de son rapport n’était pas de faire preuve d’habileté mais de clarté. La seule question étudiée est celle de la révision de la Constitution qui permettrait, s’il en est ainsi décidé, de ratifier le traité signé à Lisbonne. La méthode à suivre pour décider d’une telle ratification ne peut interférer dans cette discussion.

M. Jean-Paul Lecoq a insisté sur le fait que la question posée n’était pas celle du traité lui-même, mais plutôt celle de la réalité du pouvoir de décision en France. Il n’est pas question ici d’empêcher la ratification d’un texte qui a été rejeté il y a deux ans : le peuple français a le droit de se contredire, l’essentiel est que ce soit lui qui le fasse.

Le fait que la ratification du traité modificatif par voie parlementaire ait été une promesse de campagne du Président de la République ne peut être considéré comme un argument suffisant pour revenir par une voie différente sur une décision du peuple français.

Le Président Axel Poniatowski a fait remarquer qu’il ressortait de l’ensemble des interventions que la proposition de n’organiser qu’un seul débat en cas de ratification d’un traité européen semblait rencontrer de nombreux échos positifs.

M. Jacques Myard a affirmé que le traité modificatif posait une question cruciale, à la fois technique et politique mais ayant également des implications vis-à-vis du concept de civilisation européenne. D’abord, du point de vue juridique, il n’est pas acceptable qu’un envoyé plénipotentiaire puisse signer un traité dont le caractère contradictoire à la Constitution est évident. Ceci a pourtant été le cas pour le traité de Lisbonne, dont il ressortait clairement qu’il bouleversait la nature de la construction européenne et réduisait singulièrement le rôle du Parlement en transférant de nombreuses compétences aux institutions communautaires. En deuxième lieu, un problème politique subsiste : seul un référendum peut dédire un référendum précédent. En troisième lieu, il est nécessaire de questionner, à l’aune de la mondialisation actuelle, la pertinence de la construction européenne telle qu’elle se fait.

En réalité, le traité modificatif contribue encore à hypertrophier l’appareil bureaucratique européen, aujourd’hui menacé de thrombose. Ce texte va à l’encontre des intérêts de la France et de l’Europe, dont l’organisation devrait être souple et flexible pour faire face à des enjeux internationaux toujours plus changeants et qui ressortira toujours plus paralysée de la réforme des institutions qui est ici proposée.

M. Jean-Marc Roubaud a indiqué qu’à l’heure où le monde changeait rapidement et face aux difficultés rencontrées de ce fait par les Français, en matière de pouvoir d’achat notamment, certaines critiques et remarques allaient à l’encontre de l’intérêt de tous. Le traité signé à Lisbonne convient à tous, la France est aujourd’hui la seule à hésiter. La demande de procéder à un référendum n’est pas recevable. Celui organisé en 2005 a biaisé le débat sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe parce que les enjeux nationaux avaient alors été prédominants. Pour les semaines à venir, le déroulement optimal de la procédure de ratification doit être privilégié par rapport à des considérations de politique intérieure qui nuisent à la clarté des débats.

Mme Nicole Ameline a tout d’abord insisté sur la nécessité d’adopter le traité de Lisbonne afin de renforcer le rôle de l’Europe dans un monde de plus en plus polycentrique. Puis, elle a estimé que les parlementaires devaient faire preuve de cohérence non seulement au plan politique mais également au plan juridique : le projet de loi examiné ne porte pas sur le traité proprement dit mais sur la révision constitutionnelle nécessaire à son adoption. Enfin, en parfait accord avec M. Jean-Marc Roubaud, elle a souligné que les parlementaires avaient une responsabilité collective et devaient adresser un signal politique fort à nos partenaires européens à quelques mois de la présidence française de l’Union européenne. L’image de notre pays en Europe a, en effet, énormément pâti du rejet de la Constitution européenne et il importe aujourd’hui de revaloriser l’image de la France en s’engageant résolument en faveur de l’adoption du traité de Lisbonne. Elle a, par ailleurs, souhaité obtenir des précisions sur les procédures de ratification du traité, engagées par nos partenaires européens.

Le rapporteur pour avis a rappelé que la Hongrie avait d’ores et déjà ratifié le traité de Lisbonne et que le parlement tchèque pourrait se prononcer d’ici à la fin du moins de janvier. Une nouveauté par rapport aux autres textes réside dans le fait que les délais de ratification sont très courts puisque la ratification par les Etats membres doit avoir lieu dans un délai d’un an afin de permettre une entrée en vigueur du traité le 1er janvier 2009.

En réponse à Mme Nicole Ameline, M. François Loncle s’est, au contraire, félicité de la cohérence dont ses collègues avaient fait preuve en posant une question de méthode ainsi qu’une question de fond. Dans la mesure où le présent traité a été construit à partir du projet de constitution européenne et que ce projet a été rejeté par nos compatriotes, il est légitime de s’interroger sur la méthode retenue, à moins d’admettre un dysfonctionnement démocratique majeur. Dans ces conditions, un souci de cohérence impose, au contraire, de respecter le peuple qui s’est exprimé, par référendum, sur la constitution européenne.

Le rapporteur pour avis a relevé que le débat engagé portait en réalité sur l’étape suivante de la procédure, à savoir sur la ratification proprement dite du traité de Lisbonne et non sur le principe de la révision constitutionnelle. Si ce débat est compréhensible, les parlementaires n’en doivent pas moins assurer, pour l’heure, leur travail de législateur en se prononçant sur le projet de révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité. Il s’agit d’une exigence intellectuelle à laquelle nul député ne peut se soustraire, quelle que soit son opinion sur les dispositions du traité de Lisbonne. Il a ajouté qu’il était naturellement en faveur d’un véritable débat de fond sur le contenu même du traité, dont le déroulement au sein de l’Assemblée ne devait pas être escamoté. Sous réserve de ces observations, il s’est déclaré favorable à l’adoption du projet de révision constitutionnelle.

Avant d’appeler au vote, le président Axel Poniatowski a indiqué que les députés étaient appelés à se prononcer sur le principe d’une révision constitutionnelle et non sur le débat de fond concernant le traité de Lisbonne. A cet égard, il a indiqué que la commission des affaires étrangères procéderait, conjointement avec la délégation pour l’Union européenne, à l’audition de M. Valéry Giscard d’Estaing le 16 janvier, de M. Reinhard Silberberg, secrétaire d’État auprès du ministre allemand des affaires étrangères, le 22 janvier, et de M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, le 29 janvier prochain.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi (n° 561).

*

Suriname : coopération transfrontalière en matière policière (n° 522) (rapport)

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Marc Roubaud, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation d’un accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière (n° 522).

M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur, a rappelé que, le 19 décembre dernier, le Sénat avait adopté le projet de loi autorisant l’approbation d’un accord entre la France et le Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni, le 29 juin 2006.

Situé tout au nord du Brésil, le Suriname, qui est indépendant depuis 1975, est limité à l’ouest par le Guyana, à l’est par la Guyane française et au nord par l’océan Atlantique. Il partage une frontière terrestre avec la Guyane de 520 km de long, le long du fleuve Maroni.

Si la coopération entre la France et le Suriname comporte différents volets, parmi lesquels des actions importantes dans le domaine de la santé, la sécurité, prise dans le sens large du terme, reste la pierre angulaire de nos relations. Il est indispensable de mieux maîtriser les mouvements migratoires et les flux de marchandises diverses, licites ou non, qui traversent cette frontière. De part et d’autre du Maroni vit en effet une même population qui s’est toujours refusée à voir dans le fleuve autre chose qu’une voie de circulation, tandis que la faiblesse de l’Etat surinamais et de ses institutions ne lui permet pas d’en assurer le plein contrôle.

La France et le Suriname ont signé un accord de réadmission le 30 novembre 2004 à Paris, que la France a ratifié en décembre 2005, mais que les autorités surinamaises se refusent à approuver pour des raisons de politique intérieure. La non-application de cet accord n’a toutefois pas empêché 3 599 éloignements de ressortissants surinamais en situation irrégulière en Guyane en 2006 et 2 457 de janvier à juin 2007.

Alors que le volet institutionnel de la coopération bilatérale en matière de sécurité contribue à la modernisation de l’administration de la justice, des services chargés de la prévention et de la lutte contre la criminalité et les fraudes, dans le respect des libertés publiques, l’accord de coopération transfrontalière en matière de police vise à renforcer le volet opérationnel de la coopération bilatérale dans ce domaine.

Cet accord a un champ d’application limité : en application de son article 1er, ses stipulations concernent exclusivement les forces de police (et de gendarmerie, côté français) compétentes dans l’arrondissement de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane française, et dans les districts de Marowijne et Sipaliwini, au Suriname, c’est-à-dire les circonscriptions administratives situées le long du fleuve. Elles ne sont en outre applicables que dans la zone frontalière, composée du fleuve Maroni lui-même et d’une bande de 2 kilomètres de largeur de part et d’autre des rives de celui-ci.

L’article 2 précise le but de cette coopération transfrontalière, qui vise à « prévenir les faits punissables et faciliter la lutte contre la criminalité et la délinquance transfrontalières ».

Trois formes de coopération sont distinguées : les patrouilles conjointes, le détachement d’agents et la coopération directe. Dans tous les cas, ne sont autorisés à procéder aux actes de police que les agents de l’Etat sur le territoire duquel ils se trouvent, tandis que ceux de l’autre Etat remplissent exclusivement le rôle d’observateurs ou des fonctions de coordination.

La coopération directe peut consister en échanges d’informations statistiques, mais pas de données nominatives car le Suriname ne possède pas de législation de protection des données personnelles.

L’accord met aussi l’accent sur la nécessité, pour les services concernés, de favoriser une formation linguistique appropriée au bénéfice des agents susceptibles de participer à des opérations transfrontalières. Ce point est essentiel car la barrière majeure à toute coopération directe entre les services de police français et surinamais reste la langue. Si des agents de la police militaire et de la police judiciaire du Suriname suivent des cours à l’Alliance française de Paramaribo et que la plupart d’entre eux est capable de travailler en anglais, tel n’est que rarement le cas des agents français. Il serait dans notre intérêt de renforcer les formations linguistiques à destination de nos fonctionnaires de police et des douanes en poste en Guyane.

Cette coopération se déroulera dans le respect de la souveraineté des Etats, l’article 2 de l’accord soulignant que la coopération s’exerce sans préjudice des conventions internationales liant les Etats parties et de leur droit interne, et son article 9 permettant à un Etat de refuser sa coopération ou de la soumettre à certaines conditions lorsqu’il estime qu’elle pourrait nuire « à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public, aux règles d’organisation ou de fonctionnement de l’autorité judiciaire ou à d’autres intérêts essentiels de l’Etat ou de restreindre son droit national ».

Etant donné l’ampleur des mouvements migratoires illégaux entre la Guyane et le Suriname, le renforcement de la coopération policière et la mise en œuvre de l’accord de réadmission sont absolument nécessaires. La France a ratifié le second, elle pourra approuver l’accord de coopération transfrontalière dès que le présent projet de loi aura été adopté par l’Assemblée. Mais la partie surinamaise ne semble pas prête à faire de même. Le rapporteur a souhaité que la prochaine visite du Président de la République en Guyane soit l’occasion d’insister sur l’importance de ces deux accords et d’obtenir que ce blocage soit surmonté.

M. Jean-Paul Lecoq a déclaré que l’accord examiné ne poserait pas de difficulté particulière s’il se limitait à encourager la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes. Or, ce texte ne mentionne que des généralités, à l’exception des dispositions relatives à la remise d’étrangers en situation irrégulière qui sont, elles, très détaillées. Ce déséquilibre revient à criminaliser l’immigration et confirme la politique actuelle fondée sur le refus de la différence et de l’autre. Dans ces conditions, le présent accord n’est pas acceptable en l’état.

Estimant qu’une telle interprétation de l’accord était de nature à introduire une confusion inutile sur son contenu, M. Jean-Marc Roubaud a précisé que ce texte ne visait qu’à renforcer la coopération entre les Etats sur les questions frontalières, ce qui incluait les questions d’immigration. A cet égard, ces questions ne sont pas éludées puisque son rapport indique clairement que 3 599 expulsions ou reconduites à la frontière ont été réalisées en 2006 et 2 457 entre janvier et juin 2007.

M. Hervé de Charette a souligné que l’accord examiné constituait un accord classique entre Etats relatif à l’ensemble des questions transfrontalières qui leur étaient posées conjointement. Dans ces conditions, il porte sur toutes les formes de trafics et de criminalités auxquelles ces Etats sont confrontés dans la gestion commune et la surveillance de leur frontière. A cet égard, il existe de sérieux problèmes en Guyane qui militent en faveur de cet accord dont la conclusion est sans doute attendue depuis longtemps par les populations concernées. Il convient donc de se réjouir de l’adoption de cet accord.

M. François Loncle a précisé qu’à la demande de ses collègues du groupe SRC, le présent accord fera l’objet d’un débat en séance publique le 17 janvier prochain, dans l’après-midi.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 522).

_____