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Commission des affaires étrangères

Mardi 15 janvier 2008

Séance de 11 h 30

Compte rendu n° 29

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Conseil de l’Europe : ratification d’une convention pour la prévention du terrorisme (n° 516) – M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur

– Etats-Unis d’Amérique : accord-cadre relatif à l’exploration et à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (n° 521) – Mme Geneviève Colot, rapporteure

Conseil de l’Europe : ratification d’une convention pour la prévention du terrorisme

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Marc Roubaud, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification d'une convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (n° 516).

M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur, a rappelé que, le 2 octobre dernier, il avait présenté devant la commission le projet de loi autorisant l’approbation du protocole du 15 mai 2003 amendant la convention du Conseil de l’Europe pour la répression du terrorisme de 1977. Le présent projet de loi vise à permettre la ratification d’une autre convention du Conseil de l’Europe, relative pour sa part à la prévention du terrorisme, et dont les stipulations complètent celles de la convention de 1977 modifiée, ainsi que les nombreux instruments internationaux en vigueur dans ce domaine.

Cette nouvelle convention a été élaborée par le groupe de travail qui a préparé l’amendement à la convention de 1977 : ce groupe de travail a été mis en place par le Conseil de l’Europe à la suite des attentats du 11 septembre 2001 afin de réfléchir aux moyens de combler les lacunes du droit international et de l’action internationale dans ce domaine. Dès le départ, la nouvelle convention s’est voulue complémentaire des instruments internationaux en vigueur : elle s’en distingue en mettant l’accent sur la prévention du terrorisme, et pas sur la répression, mais elle s’appuie sur les normes internationales, notamment pour ce qui est de la définition des actes terroristes.

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté la Convention le 3 mai 2005 et a décidé de l’ouvrir, à compter du 16 mai 2005, à la signature des Etats membres, de la Communauté européenne et des Etats non membres du Conseil de l’Europe ayant participé à son élaboration. La Convention a été signée par 41 Etats sur les 47 membres du Conseil de l’Europe. La France fait partie des signataires depuis le 22 mai 2006. Sept Etats l’ont ratifiée, ce qui a permis son entrée en vigueur le 1er juin 2007 pour ces Etats.

La nouvelle convention a trois objectifs principaux : obtenir, dans les droits nationaux, la création de nouvelles incriminations en amont de la commission d’actes terroristes, développer la coopération entre les Parties et garantir l’indemnisation des victimes.

La convention exige que les Etats parties érigent en infractions pénales la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le recrutement pour le terrorisme, l’entraînement pour le terrorisme, ainsi qu’une série d’infractions accessoires, à savoir la complicité, l’organisation de la commission d’une infraction précitée, la contribution à la commission ou la tentative de commettre une telle infraction. La convention précise qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’un acte constitue l’une des infractions précitées, qu’un acte terroriste soit effectivement commis. Les Etats parties doivent aussi prévoir la mise en œuvre de la responsabilité des personnes morales, et faire en sorte que les infractions visées par la Convention soient passibles de peines « effectives, proportionnées et dissuasives », dans le respect de leurs obligations relatives aux droits de l’Homme et du principe de proportionnalité des moyens aux buts poursuivis.

La Convention crée un devoir d’enquête pour les Etats parties sur le territoire desquelles pourrait se trouver l’auteur ou l’auteur présumé d’une infraction visée par la Convention.

La Convention renforce la coopération internationale dans plusieurs domaines : en matière de prévention, afin d’améliorer la capacité des Etats parties à prévenir les actes terroristes, mais aussi en matière pénale, les Parties devant s’accorder « l’assistance la plus large possible pour toute enquête, procédure pénale ou procédure d’extradition ». Est aussi prévue la « transmission spontanée » d’informations recueillies à l’occasion d’une enquête par un Etat à un autre si le premier estime qu’elles peuvent être utiles au second.

Mais la Convention constitue surtout une avancée importante en matière d’extradition. Elle pose d’abord le principe « extrader ou poursuivre » : si une Partie refuse l’extradition d’une personne suspectée de la commission de l’une des infractions visées par la Convention, elle est obligée de soumettre sans retard l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale.

Par ailleurs, toute infraction prévue par la Convention est automatiquement considérée comme un cas d’extradition dans tout traité d’extradition conclu entre les Parties, ces dernières s’engageant à les considérer comme telles dans tout traité d’extradition qu’elles seraient amenées à conclure. En cas de besoin, la Convention peut constituer la base juridique d’une extradition liée à l’une de ces infractions si les Etats concernés n’ont pas conclu de traité bilatéral d’extradition.

Les stipulations de la Convention excluent la clause d’exception politique pour les demandes d’extradition relatives à une infraction prévue par la Convention. Une telle demande d’extradition ou d’entraide judiciaire ne peut être refusée au seul motif qu’elle concerne une infraction politique, connexe à une infraction politique ou inspirée par des motifs politiques.

Enfin, la Convention exige des Etats parties qu’ils adoptent des mesures pour protéger et soutenir les victimes des infractions terroristes commises sur leur territoire. Ces mesures, qui sont soumises à la législation interne des Etats, peuvent comprendre, par exemple, une aide financière et un dédommagement des victimes du terrorisme et de leur famille proche.

La ratification par la France de cette convention constituera un signe fort de la fermeté de la France vis-à-vis du terrorisme, mais elle n’entraînera pas de changement dans son droit interne. En effet, la France respecte d’ores et déjà les obligations d’incrimination figurant dans la Convention et s’est dotée dès 1986 d’un fonds d’indemnisation en faveur des victimes d’attentats en France et des ressortissants français victimes d’actes de terrorisme à l’étranger, qui porte depuis 1990 le nom de Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

L’exclusion de la clause d’exception politique apparaît en revanche plus délicate au regard du droit français, qu’il s’agisse du code de procédure pénale ou de la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui considère comme « un principe fondamental reconnu par les lois de la République ayant à ce titre valeur constitutionnelle » le principe selon lequel l’Etat doit se réserver le droit de refuser l’extradition pour des infractions à caractère politique. Il a néanmoins accepté des assouplissements à ce principe lorsque les faits sont d’une « particulière gravité », notamment lorsqu’il s’agit d’actes de terrorisme. Le Gouvernement français n’a donc pas jugé nécessaire de déposer une réserve qui lui aurait permis de refuser une extradition au motif que l’infraction était politique.

Par sa dimension préventive, la Convention apporte des compléments très utiles aux instruments internationaux en vigueur, et en particulier à la convention européenne pour la répression du terrorisme, récemment amendée.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 516).

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Etats-Unis d’Amérique : accord-cadre relatif à l’exploration et à l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (n° 521)

La commission a examiné, sur le rapport de Mme Geneviève Colot, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques (n° 521).

Mme Geneviève Colot, rapporteure, a indiqué que le projet de loi n°521 visait à ratifier l’accord-cadre signé le 23 janvier 2007 par la France et les Etats-Unis. Celui-ci fixe les grands principes destinés à faciliter les coopérations entre nos deux pays dans le domaine des activités spatiales à des fins pacifiques.

La France a signé depuis plusieurs années des accords de coopération spatiale comparables, avec l’Inde, la Russie, la Chine et plus récemment avec l’Algérie et l’Italie.

La coopération franco-américaine est ancienne mais reposait jusqu’à présent sur des accords conclus directement entre le CNES, français, et les agences américaines. C’est en matière d’observation de notre planète que les avancées ont été les plus marquantes.

Cet accord-cadre est la conclusion de négociations aux objectifs initiaux très limités. En effet, à l’origine, les deux gouvernements avaient engagé des discussions dans le seul but de supprimer un obstacle qui pesait sur le lancement et la mise en orbite d’un satellite d’observation de la Terre baptisé Jason 2. Nos partenaires américains souhaitaient lever toute ambiguïté en matière de responsabilité liée aux dommages causés dans le cadre d’activités menées en coopération. Au fil des débats portant sur ce thème, a émergé une volonté commune d’élaborer le cadre général de nos futurs partenariats spatiaux.

La France et les Etats-Unis ont un long passé spatial commun, malgré l’absence jusqu’à aujourd’hui de texte bilatéral de référence.

La France et les Etats-Unis mènent des coopérations en matière de vols habités et de recherche fondamentale liée à l’espace. Toutefois, ces deux secteurs donnent de plus en plus souvent lieu à une association entre les moyens de l’Agence spatiale européenne et ceux de ses homologues américains. La France participe à ces programmes principalement en tant que membre de l’agence européenne et, d’une moindre manière, en tant que partenaire direct des Etats-Unis.

En fait, les principales actions communes à la France et aux Etats-Unis concernent des programmes d’étude de notre planète depuis l’espace. Nos deux pays ont été les premiers innovateurs dans ce domaine avec le lancement du satellite Topex/Poséidon en 1992, remplacé en 2001 par le satellite Jason 1. Cette capacité d’innovation perdure, comme le prouve la mise en place de la constellation de satellites appelée « A-train », synchronisation unique d’une série de six satellites permettant d’observer à de très faibles intervalles de temps les divers aspects de l’atmosphère.

Aujourd’hui, la fructueuse association franco-américaine dans cette matière est intégrée à une initiative plus large.

Réunis au sein du groupe international d’observation de la Terre, plus de soixante-dix gouvernements ont en effet décidé, en 2005, de se doter d’un système global coordonné d’observation de la planète. Celui-ci vise à associer plusieurs équipements de mesure afin de réunir des données toujours plus précises et variées. Au sein de ce dispositif, la France et les Etats-Unis jouent un rôle essentiel grâce à l’expérience dont ils disposent en matière de recherche et de développement d’instruments de mesure depuis l’espace.

Le satellite Jason 2 a été développé pour répondre aux spécifications particulières demandées par le programme international. Mené par le CNES et les deux principales agences américaines, la NOOA et la NASA, ce projet devrait aboutir cette année. Les modifications du calendrier de vols de la navette américaine ne permettent pas encore de connaître la date précise de la mise en orbite du satellite.

L’ouverture des négociations ayant abouti à la signature de l’accord du 23 janvier 2007 était indispensable à la poursuite du programme Jason 2. Les autorités américaines souhaitaient clarifier le régime de responsabilité auquel celui-ci était soumis. L’article 9 de l’accord crée donc une clause de renonciation mutuelle à tout recours en cas de dommage provoqué dans le cadre des activités menées en coopération.

Sa rédaction est largement inspirée de celle retenue pour la clause de même type intégrée à l’accord de 1998 sur la coopération relative à la station spatiale internationale. La renonciation à tout recours concerne donc les deux parties et leurs entités associées, y compris leurs contractants et sous-traitants. Elle ne s’applique pas aux dommages corporels et aux dommages résultant d’une faute intentionnelle. Elle prévoit une répartition équilibrée de la responsabilité éventuelle en cas de recours d’un tiers.

Cet accord-cadre rappelle fortement les textes juridiques signés avec les autres partenaires de la France en matière spatiale.

Conclu pour dix ans et renouvelable par tacite reconduction pour des durées de cinq ans, l’accord-cadre du 23 janvier 2007 offre une sécurité juridique nouvelle aux partenariats franco-américains en matière spatiale. Dans ce domaine, de nombreux développements sont à attendre, en plus du lancement de Jason 2.

D’abord, la France, par l’intermédiaire de l’Agence spatiale européenne, participera avec les Etats-Unis au développement de la station spatiale internationale. Deux éléments européens devraient en effet y être adjoints cette année : le laboratoire Columbus, le module de construction appelé « Harmony ». D’autre part, le premier exemplaire du véhicule automatique de transport, baptisé Jules Verne, viendra bientôt remplacer des vaisseaux de fabrication russe.

D’importants programmes de recherche fondamentale en Europe et aux Etats-Unis devraient associer personnels et organismes français et américains. Il s’agit de découvrir ce que recouvrent réellement les expressions d’énergie noire et de matière noire, longtemps ignorées par la physique alors qu’elles composent plus de 95 % de notre Univers.

Enfin, les agences américaines se sont fixées, à l’instar des acteurs de la politique spatiale française, des objectifs ambitieux en matière d’exploration de la planète Mars. Dès 2009, le programme de laboratoire scientifique Mars, « Mars science laboratory », piloté par la NASA, devrait être mis en route. Utilisant, entre autres, des instruments français, il vise à estimer la possibilité d’habiter cette planète.

Ainsi, les perspectives offertes par l’accord-cadre du 23 janvier 2007 sont très nombreuses. Les débats sur l’opportunité de son approbation doivent donc prendre en compte plusieurs éléments.

La coopération spatiale entre la France et les Etats-Unis a été, jusqu’à aujourd’hui, marquée par des succès importants et des relations de grande confiance. Elle ne manque pas de projets d’avenir, dont certains pourraient entrer en phase d’exploitation dans les prochains mois. Nos pays ont donc un passé commun fructueux et un futur prometteur.

Les liens que nous avons su tisser avec les agences spatiales américaines sont éminemment précieux. Les Etats-Unis sont, et vont très probablement rester dans les prochaines années, la première puissance spatiale au monde. Un simple chiffre permet d’évaluer l’importance de ce partenaire pour la France : alors que le budget civil du CNES est inférieur à deux milliards d’euros, celui des deux principales agences américaines, la NASA et la NOAA, représente un montant d’environ vingt milliards de dollars.

Il est donc essentiel que la France puisse associer ses efforts à ceux déployés par les Etats-Unis. L’accord-cadre du 23 janvier 2007 offre les conditions d’un renforcement des liens de nos deux pays et un intérêt certain pour la France dans le domaine scientifique spatial.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission a adopté le projet de loi (n° 521).

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