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Commission des affaires étrangères

Mardi 15 avril 2008

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 45

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement (AFD)

– Information relative à la commission

Audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement (AFD)

M. le président Axel Poniatowski a remercié M. Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement, d’avoir accepté de présenter devant la commission l’activité de l’opérateur pivot du dispositif de coopération.

Le contexte est marqué par la baisse, pour la deuxième année consécutive, de l’aide publique au développement accordée par les principaux donateurs mondiaux, dont la France. Les objectifs du Millénaire pour le développement risquent de ne pas être tenus. L’OCDE estime qu’ « il faudrait encore injecter près de 38 milliards de dollars dans leurs budgets [des donateurs] pour que leurs engagements pris en 2005 d’accroître substantiellement l’aide à l’horizon 2010 puissent être pleinement atteints. » L’aide de la France a baissé en 2007, principalement en raison du fléchissement des opérations d’allégement de dette. Par ailleurs, notre pays a entrepris, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, de moderniser sa politique d’aide au développement. La commission a donc jugé utile de connaître les orientations stratégiques de l’Agence dans les années à venir.

M. Jean-Michel Severino a remercié la commission de lui donner une nouvelle fois l’occasion de s’exprimer devant les membres de la commission des affaires étrangères pour présenter les activités de l’Agence, établissement public, et d’envisager au-delà de la relation générale Nord-Sud, les actions particulières menées par celle-ci.

Le groupe AFD a vu sa vocation, qui est de trouver des solutions aux problèmes Nord-Sud et à ceux posés par la globalisation, réaffirmée en 2001 et en 2007. Dans ce cadre, trois objectifs lui sont assignés : accélérer la croissance dans les pays à potentiel économique ; lutter contre les inégalités en pratiquant la redistribution au profit des zones à l’écart de la croissance internationale ; protéger les biens publics mondiaux à travers la lutte contre le réchauffement climatique, contre la perte de biodiversité et les grandes endémies, qui sont des conséquences néfastes de la mondialisation. L’ampleur de la tâche, qui inspire humilité, n’empêche pas la détermination qui se traduit directement dans les orientations de l’agence. Elles sont d’ailleurs assorties d’indicateurs d’impact et de volumétrie.

L’Agence travaille avec le souci de l’influence française puisqu’elle n’est pas une organisation multilatérale. C’est avec l’aide des différents opérateurs nationaux qu’elle peut atteindre ses objectifs techniques et elle y voit la légitimité de son statut d’établissement public bilatéral. Son action s’inscrit pleinement dans la stratégie de l’État, par le biais du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement, de la Conférence d’orientation stratégique et de programmation qui est présidée par le secrétaire État à la coopération. Le conseil d’administration de l’Agence, dans lequel l’État est très largement représenté, et auquel siègent deux députés et un sénateur, valide ses orientations stratégiques et, sur le terrain, les ambassadeurs contrôlent ses opérations.

Les actions se répartissent selon des logiques différentes. Le mandat historique, correspondant à la solidarité internationale et à la redistribution, s’exerce surtout au sud du Sahara. Dans le monde des pays émergents – Chine, Inde, Brésil,… –, c’est uniquement un mandat de « chasse au carbone » que met en œuvre l’agence. Il ressort que 62 % de l’effort budgétaire de l’Etat mis en œuvre par l’Agence vont à l’Afrique subsaharienne qui recueille entre 40 % et 45 % de ses engagements. Autrement dit, à volume donné, cette zone coûte plus cher à l’État que d’autres. Le rapport entre le coût budgétaire, d’une part, et les engagements-versements, d’autre part, sert à établir un classement qui est ajusté en partenariat avec l’État.

L’Agence est en forte croissance puisque, en 2001, elle pesait 1,5 milliard d’euros, dont 370 millions étaient destinés à l’Afrique subsaharienne, contre, respectivement, 4 milliards et plus d’un milliard en 2008, soit un triplement sur la période, sans que, malheureusement, ou heureusement, le coût budgétaire n’ait bougé. La croissance a été obtenue par une amélioration de l’effet levier et en démultipliant les activités. L’Agence intervient surtout en cofinancement et s’efforce de lever sept à huit fois plus qu’elle n’engage elle-même. Le tour de table financier représente donc une trentaine de milliards d’euros. Comment réussir ce tour de magie ? Avec un peu d’ingénierie financière qui permet de transformer les contributions budgétaires de l’État français, les émissions obligataires – une tranche d’un milliard de dollars est sur le point d’être lancée – ou des cofinancements obtenus auprès de banques françaises ou étrangères – aujourd’hui même a été réalisée l’augmentation de capital de 300 millions de la filiale Proparco qui finance l’investissement privé dans les pays les plus pauvres. En 2007, avec 486 millions de subventions, avec les fonds propres et les émissions obligataires, 3,3 milliards de financements ont pu être distribués, dont 2,7 milliards au nom de l’Agence et 600 millions au nom de Proparco, sous forme tantôt de participations dans des entreprises, tantôt de prêts à long terme non concessionnels, tantôt de prêts concessionnels à des acteurs privés ou publics, tantôt de subventions ou de garanties.

Partant du constat que la plupart des acteurs du développement ont acquis un savoir-faire, l’Agence considère qu’il faut leur permettre d’agir dans leur domaine de compétence, en leur proposant des solutions de financement adaptées à leur problème. C’est donc une démarche différente de la démarche habituelle. Alors qu’en 2001, 90 % des financements allaient à des États, l’Agence explore désormais deux sillons nouveaux. Il s’agit tout d’abord des collectivités locales, afin de tirer les conséquences de la décentralisation institutionnelle en cours et à venir. L’Agence estime qu’il lui faut être un financeur puissant des collectivités locales des pays en développement et un partenaire de la coopération décentralisée des collectivités locales françaises, instrument majeur de l’efficacité opérationnelle de notre aide. Ainsi, en 2006-2007, neuf accords ont été conclus et 100 millions d’euros ont été alloués à des collectivités étrangères, parmi lesquelles Dakar, Ouagadougou, Istanbul ou Durban. Il s’agit ensuite des acteurs du secteur privé qui jouent un rôle décisif à la fois comme moteurs de la croissance économique – c’est d’ailleurs tout le sens de l’Initiative pour le soutien à la croissance économique en Afrique annoncée dans le discours du Président de la République au Cap –, et acteurs de la mise en œuvre des politiques publiques. L’année dernière, les entreprises privées recueillaient un quart des financements. Enfin, les fondations et les ONG sont aussi caractéristiques de notre monde où les États ont perdu le monopole de l’action collective. Ainsi, la fondation de Bill Gates fait aujourd’hui la politique publique internationale en matière de santé. Il a fallu s’engager étroitement auprès de ces acteurs internationaux et français aux structures très diverses. Un partenariat global avec Action internationale contre la faim (ACF) a par exemple été signé.

Quel est le modèle économique de l’Agence ? L’activité de prêts a dégagé en 2007 une marge exceptionnelle de 130 millions d’euros, due à d’importantes reprises de provisions. L’objectif est de parvenir à l’équilibre sur moyenne période – tout gain de productivité doit revenir à l’État ou aux bénéficiaires des opérations – en matière de prêts, de gestion des subventions du ministère des affaires étrangères ou de prestations pour compte de tiers. À terme, les commissions perçues doivent couvrir à peu près les charges effectives. En revanche, la production intellectuelle, c'est-à-dire les travaux d’élaboration stratégiques ou les contributions aux gouvernements, représentera toujours un coût net. Chaque année, le conseil d’administration en fixe le plafond, soit 10 % du produit net bancaire. Enfin, le placement des fonds propres rapporte beaucoup, plus de 200 millions d’euros. On pourrait présenter l’AFD comme une fondation à qui le placement de son capital permettrait de conserver sa valeur économique et de financer des activités d’intérêt général comme le conseil et l’appui aux autorités. Le dividende versé à l’État, soit 288 millions d’euros, est recyclé en aide publique au développement, les autres activités, à l’exception de la production intellectuelle, devant s’équilibrer.

Le triplement de l’activité depuis 2001 s’est accompagné d’une amélioration considérable de la productivité puisque les charges d’exploitation sont restées quasiment stables. Si l’on rapporte le coût net pour le contribuable aux engagements, on constate que l’effet de levier des ressources publiques s’est considérablement amélioré.

L’action des 1 700 collaborateurs de l’Agence est mesurée année après année grâce à des indicateurs d’impact. Dans le domaine des grandes infrastructures, ce sont 22,5 millions de personnes qui ont été raccordées à des réseaux de télécommunications dans les pays les plus pauvres. L’initiative Afrique, qui se déploiera sur plusieurs années, concernera, pour le seul pourtour méditerranéen, près de 90 000 bénéficiaires d’un microcrédit. En matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités, les financements de 2007 auront permis à 3,1 millions de personnes d’accéder à l’eau potable, à 660 000 personnes de se loger dans la région Méditerranée-Moyen-Orient. Près de 5 millions d’enfants auront été scolarisés dans le primaire, 2,2 millions de personnes atteintes de maladies transmissibles auront bénéficié de traitements additionnels et 6,5 millions de ruraux auront vu leur revenu directement amélioré par les projets qui ont été mis en place. Quant à l’action en faveur des biens publics mondiaux, en particulier la lutte contre le réchauffement climatique, elle aura permis d’économiser définitivement 2,5 millions de tonnes de carbone, c'est-à-dire l’équivalent du retrait de 1 million de véhicules du marché automobile français. Ces opérations, souvent spectaculaires, ont un impact macroéconomique significatif. Il suffit de penser à la ferme éolienne de Dali en Chine, qui produit 65 000 mégawatts d’équivalent carbone. Afin de les optimiser, les opérations font en permanence l’objet de mesures, qui mettent en regard les charges, les marges dégagées et l’impact concret.

La croissance devrait se poursuivre au même rythme, de l’ordre de 30 % en 2008, et un peu moins vite en 2009 et 2010. La contrainte budgétaire se fait sentir dans la mesure où le développement pourrait encore s’accélérer avec davantage de subventions. Cela étant, la logique veut que l’on cherche désormais à devenir moins dépendant de la contribution budgétaire de l’État. Le but est de parvenir, avec moins d’argent public, à atteindre plus de bénéficiaires, en privilégiant les urgences comme la lutte contre la pauvreté et contre le réchauffement climatique.

En réponse au président Axel Poniatowski qui l’a interrogé sur la marge financière de l’Agence, qui est considérable, M. Jean-Michel Severino a précisé qu’elle provient surtout du produit du placement, selon une politique très prudente, des 4,5 milliards de fonds propres, ce qui correspond à l’activité de fondation. Les prêts se distinguent selon qu’ils sont concessionnels ou non. S’agissant des prêts concessionnels, ils sont tarifés au coût de la ressource majoré des coûts de fonctionnement et de celui du risque, déduction faite de la bonification accordée pour ce type d’opération par l’État français. Or, ces dernières années, le taux de sinistres des dossiers a été systématiquement moindre que celui prévu dans les modèles. Dans l’activité non souveraine, il a été de l’ordre de 3 %. Du coup, l’Agence a dégagé plus de marge. Les instruments de prêts non concessionnels, quant à eux, sont au taux du marché, notamment les 600 millions de Proparco, et distribués en association avec d’autres investisseurs. C’est alors une rentabilité comprise dans une fourchette de 5% à 10 % de rendement interne qui est recherchée. Les résultats ainsi dégagés s’ajoutent aux fonds propres. Le modèle économique de l’Agence veut que la totalité de la marge ainsi produite soit restituée à l’État qui a décidé de la consacrer à l’aide publique au développement (APD). L’Agence est aussi une machine à financer l’APD.

Le président Axel Poniatowski a observé que la part des fonds propres continue d’augmenter année après année dans la totalité du résultat net.

M. Jean-Michel Severino a objecté que tel n’est plus le cas. L’Agence n’a jamais procédé à aucune augmentation de capital, sinon par incorporation des résultats. Mais, depuis trois ans, le dividende est intégralement versé à État, même si ce dernier le restitue sous forme de subvention. L’augmentation des fonds propres de l’Agence provient de ce que sa filiale Proparco, détenue à plus de 50 %, est consolidée de sorte que tout investissement privé vient augmenter les fonds propres de l’Agence. L’État a par ailleurs autorisé l’incorporation de provisions pour risque qui n’avaient jamais été utilisées. Les fonds propres sont très confortables au regard des 13 milliards d’encours total et la question de leur augmentation ne se posera pas avant plusieurs années.

M. Jacques Myard a demandé si les prêts accordés par l’Agence sont à taux révisable et s’ils peuvent faire l’objet d’une titrisation. Quel coût cette pratique entraîne-t-elle pour le pays recevant le prêt ?

Par ailleurs, quelle appréciation peut être portée sur les aides aux collectivités locales – souvent prétexte à voyages pour satrapes locaux ?

M. Jean-Michel Severino a répondu, s’agissant de la technique bancaire, que la quasi-totalité des financements de l’Agence est à taux révisable, mais que cette dernière se couvre en effectuant une opération de refinancement auprès du marché aux mêmes conditions que pour les prêts.

Quant à la titrisation, les seules opérations qui peuvent s’en rapprocher datent d’il y a plusieurs années, lorsqu’un petit montant de cinquante millions d’euros environ, correspondant à des risques souverains sur le Maroc et la Tunisie, a été revendu à BNP Paribas et au Crédit agricole – qui portent toujours ces créances –, l’Agence s’étant alors approchée des plafonds prudentiels autorisés par la loi bancaire.

Si l’AFD a ainsi cédé une partie de ses créances à des opérateurs privés, c’était pour répondre à une demande du gouvernement de l’époque d’accroître les volumes de prêts au Maroc et à la Tunisie. Comme les créances ont été reprises moyennant une marge payée par l’Agence, le coût de l’opération n’a eu d’impact ni pour les bénéficiaires finaux du prêt, lesquels avaient bien entendu donné auparavant leur accord au changement de créancier, ni pour l’APD. Plus généralement, si l’Agence ne recourt pas à cette pratique, c'est non seulement par vertu, mais également parce que son portefeuille est, par nature, difficilement titrisable.

Pour ce qui est des collectivités locales, le problème tient au contrôle de la multitude des opérations de coopération décentralisée qui sont menées. Aussi l’octroi de nombre de prêts est-il consubstantiel à l’assistance technique de grandes villes métropolitaines, qu’il s’agisse de Lyon à Ouagadougou pour l’aménagement de quartiers pauvres, ou encore de Lille et d’autres collectivités locales à Saint-Louis-du-Sénégal. Pour l’Agence, il ne peut y avoir d’actions en matière de développement urbain sans une telle assistance.

M. Gérard Voisin a déclaré être intéressé par les résultats de l’Agence – qu’il considère comme étant plutôt une banque – moins sur le plan financier que sur le plan humain. À cet égard, l’impact de l’action de cette dernière peut-il être évalué non pas seulement en tonnes de CO2 émises, mais en termes de créations d’emplois ?

Par ailleurs, qui sont les parlementaires qui siègent au conseil de surveillance de l’Agence ?

M. Jean-Michel Severino a rappelé que près de 5 millions d’enfants ont été scolarisés en plus dans le primaire en 2007 et que près de 2,5 millions de personnes atteintes de maladies transmissibles ont été prises en charge en plus de manière permanente. Si une déconnexion peut apparaître entre les résultats au quotidien des opérations menées et l’ampleur de l’ingénierie financière mise en œuvre, il n’en reste pas moins que cette dernière est au service des populations.

Les impacts en matière d’emplois des activités de l’année 2007 seront communiqués à la commission, mais ils peuvent d’ores et déjà être évalués à plusieurs centaines de milliers. C'est ainsi que l’initiative de soutien à la croissance économique de l’Afrique, annoncée par le président Sarkozy au Cap, tend à créer quelque 300 000 emplois sur cinq ans au sein d’entreprises qui seront soit créées soit développées, cet objectif reposant sur les ratios actuels relatifs aux emplois auxquels conduit chaque euro octroyé. Là encore, l’aspect humain est fondamental.

Quant aux parlementaires qui siègent au conseil de surveillance de l’Agence, il s’agit, pour l’Assemblée nationale, de M. Loos et de M. Muselier, et, pour le Sénat, de M. Charasse.

M. Jean-Louis Christ a demandé si l’AFD, dans son appui aux filières agricoles, aidait également la filière agro-carburant dont la concurrence directe avec la production agricole participe à la flambée des prix alimentaires.

Que répondre, par ailleurs, à ceux qui reprochent à l’Agence de ne pas être adaptée à ses nouvelles missions en matière d’éducation et de santé, secteur qui lui a été transféré depuis qu’elle est devenue l’opérateur pivot de l’APD ?

M. Jean-Michel Severino a répondu que l’Agence est très prudente en matière d’agro-carburants du fait justement de leur concurrence avec les cultures alimentaires et de leur faiblesse en matière de rendement carbone. Si elle finance la filière, elle reste attentive tant au contexte foncier dans lequel se situent les quelques opérations lancées qu’à leur bilan carbone. Ainsi centre-t-elle ses actions sur la production de carburant par le jatropha ou par la canne à sucre. Les améliorations technologiques permettront peut-être à l’avenir de reconsidérer l’action de l’Agence en la matière.

S’agissant du secteur de l’éducation et de la santé, la compétence transférée à l’AFD a d’abord été limitée, en 1998, au financement des infrastructures, avant de commencer à déborder de ce cadre en 2006. Il s’agit d’autant plus d’une compétence partielle que le ministère des affaires étrangères conserve la maîtrise de l’enseignement supérieur et son pouvoir sur toutes les activités de niveau régional. C’est ce qui explique que la part de l’Agence dans l’effort fourni par la France en matière d’éducation et de santé reste modeste.

De plus, c'est essentiellement sur la base des 350 millions d’euros de subventions du ministère des affaires étrangères que l’Agence finance des actions de santé et d’éducation dans les pays pauvres. Si des possibilités de financement sur prêts existent dans des pays à revenu intermédiaire qui acceptent d’emprunter, la première préoccupation de l’Agence pour dénouer cette contrainte est donc de trouver, soit des subventions additionnelles, soit des formules d’intervention par l’intermédiaire du secteur privé. Telle est la raison principale pour laquelle ces secteurs sociaux représentent un peu moins de 15 % du total de son activité. Il s’agit moins d’un choix que d’une contrainte.

Quant à savoir si l’Agence est adaptée à ce transfert, il faut savoir que celui-ci a repris – après certaines péripéties d’ordre notamment budgétaire – la quasi-totalité de l’assistance technique opérée en la matière par le ministère des affaires étrangères, soit à peu près 320 assistants techniques. Il convient donc d’être optimiste. L’épreuve de vérité ne viendra que si le ministère transfère l’intégralité des activités d’éducation et de santé. Un cap qualitatif resterait alors à franchir pour l’Agence, qui aurait à se saisir de toutes les compétences d’ordre pédagogique qui dépendent encore du ministère.

Mme Henriette Martinez a souligné que la flambée des prix des produits alimentaires de base pose la question de l’APD des pays du Nord, sur le plan à la fois qualitatif et quantitatif. L’objectif de la France de consacrer en 2015, à l’instar des pays membres du Comité d'aide au développement de l’OCDE, 0,7 % de son PIB à l’aide publique au développement, est-il encore pertinent, d’autant qu’au sein de ce pourcentage, certains montants ne correspondent pas toujours à de l’aide au développement ? À cet égard, une opération vérité de notre APD ne doit-elle pas être menée ?

Si la France avait d’ores et déjà atteint l’objectif de 0,7 % en s’intéressant davantage à l’agriculture afin de mieux satisfaire les besoins de base, la situation serait-elle la même aujourd’hui ?

Dans le cas où l’AFD aurait vocation à devenir l’opérateur unique de l’aide publique au développement, quelle lisibilité de la présence française peut-on en attendre dans les pays où elle intervient ?

M. Jean-Michel Severino a répondu que si la réponse à ces questions est plutôt du ressort du Gouvernement, sa conviction est qu’il existe des raisons très solides pour continuer à mener une action collective internationale en faveur de la réduction de la croissance, de la lutte contre la pauvreté et de la protection des biens publics mondiaux.

Le niveau optimum de moyens nécessaires pour atteindre un tel objectif a été évalué à 300 milliards d’euros par la communauté scientifique à partir du coût de la lutte contre le réchauffement climatique et des grandes endémies ou encore de l’impact keynésien, en termes de rythme de croissance, d’un tel montant de capitaux dans les différentes économies. Tous les rapports arrivent à peu près à la même conclusion, à savoir qu’un effort de redistribution entre 0,7 et 1 % du PIB est bien calibré.

Si la communauté internationale avait atteint un tel niveau de transfert, il est vraisemblable que le réchauffement climatique, les grandes endémies et les mouvements migratoires seraient beaucoup mieux maîtrisés, et que la pauvreté et la conflictualité seraient moindres. L’argent consacré à l’APD aurait eu des conséquences positives. Telle est en tout cas la conviction intellectuelle que l’AFD soutient, devant tous les gouvernements en place.

Pour autant, il est difficile de défendre une dépense publique effectuée dans des zones du monde inconnues, voire simplement peu connues, de la plupart des Français : dans les années soixante, les dernières colonies étaient plus proches, affectivement et culturellement, qu’aujourd’hui. Le contribuable français reste disposé à payer pour cette aide, mais, selon les sondages effectués chaque année par l’AFD, moins que par le passé.

La France a déjà consacré dans le passé 1 % de son PIB à l’aide publique au développement et si ce pourcentage était retombé à 0,6 % en 1990-1991, elle était alors moins riche qu’aujourd’hui. La question ne se pose donc pas en termes de contrainte financière, mais de disponibilité politique et psychologique des dirigeants et des contribuables à payer. Aussi l’AFD estime-t-elle urgent qu’une action de communication soit lancée auprès de la société française. Une chose est de parler de politique de logement social dans notre pays, une autre est d’appuyer – et donc d’améliorer la disponibilité des citoyens à financer l’aide publique – des actions effectuées à des milliers de kilomètres du territoire.

Selon une étude récente, plus on est ressortissant d’un pays nordique, plus on accepte de payer pour l’aide publique au développement et plus son gouvernement investit dans la communication ; à l’inverse, plus on est latin, moins on accepte de payer et moins son gouvernement communique sur la politique d’aide. La France se situe entre ces deux extrêmes, ce qui signifie, dans le moment charnière actuel, qu’elle peut basculer soit d’un côté soit de l’autre.

Le Gouvernement doit tenir l’objectif poursuivi et davantage communiquer, le pire étant de dire une chose et de faire son contraire. Il ne faut pas annoncer que le pays converge vers l’objectif européen de 0,54 puis de 0,7 % du produit intérieur brut, tandis que les allocations budgétaires démontrent le contraire. Il faut un discours politique clair. Il est possible d’expliquer pourquoi le pays ne convergerait plus budgétairement et s’engagerait dans la logique exprimée par le Président de la République, lors de son discours du Cap, de viser la croissance économique et d’utiliser davantage les instruments bancaires. Cette explication, qui a sa cohérence, pourra être critiquée, mais au moins sera-t-elle entendue.

Le président Axel Poniatowski a remercié M. Severino.

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Information relative à la commission

Au cours de sa séance du 15 avril, la commission a nommé M. Roland Blum rapporteur sur le projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes, sous réserve de son dépôt à l’Assemblée nationale.

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