Accord de stabilisation et d’association avec l’Albanie (n° 1037)
La séance est ouverte à dix heures trente
La commission examine, sur le rapport de Mme Geneviève Colot, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part (n° 1037).
Mme Geneviève Colot, rapporteure. Notre commission est saisie du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République d’Albanie, d’autre part.
Cet accord, signé le 12 juin 2006 à Luxembourg, conclut un processus politique visant à stabiliser l’Albanie et à préparer l’adhésion de cet Etat à l’Union européenne. Ce processus a commencé lors d’une réunion du Conseil « Affaires générales et Relations extérieures » du 21 juillet 2002, qui avait autorisé la Commission européenne à ouvrir des négociations avec ce pays.
Le présent accord de stabilisation et d’association constitue un élément de l’action européenne au profit de l’ensemble des pays des Balkans occidentaux. L’objectif est d’encourager les réformes institutionnelles et économiques dans ces pays afin de préparer leur adhésion. Plusieurs instruments, parmi lesquels l’aide financière communautaire, les accords de stabilisation et d’association ou les accords de partenariat doivent accompagner leur modernisation. A ce jour, l’Albanie (2006) et la Serbie (2008) ont signé les accords de stabilisation et d’association, tandis que la Croatie et la Macédoine ont conclu depuis 2004 un accord de partenariat, qui leur confère le statut de pays candidats.
Au-delà de l’aspect technique et souvent complexe, de tels accords, l’enjeu, pour l’Union européenne, est de ramener définitivement la paix dans une région ravagée par plusieurs guerres civiles à la suite de l’éclatement de l’ex Yougoslavie. Il n’est nul besoin de rappeler que des actes de barbarie (épuration ethnique, génocide, utilisation du viol comme arme de terreur…) ont été commis au cœur de l’Europe, et que la plupart des pays des Balkans qui ont été en guerre n’ont pas encore rétabli entre eux des relations normales. Dans ce contexte difficile, la perspective de l’adhésion à l’Union européenne constitue pour les populations une perspective d’avenir.
L’Albanie est pour sa part dans une situation différente. Elle n’a heureusement pas souffert des guerres civiles qui ont traversé les Balkans, mais 40 années de régime autoritaire ont laissé le pays exsangue. L’économie était délabrée à la mort d’Enver Hoxha, le pays souffrait d’isolement politique et de nombreux Albanais vivaient sous le seuil de pauvreté. La reprise des relations avec l’Union européenne, puis désormais la perspective à moyen ou long terme d’une adhésion ont redonné espoir à l’ensemble de la société. L’Albanie demeure le pays le plus pauvre d’Europe, mais elle bénéficie du soutien de l’Union européenne pour se réformer et aborder une nouvelle phase de son histoire.
La politique de stabilisation et d’association avec l’Albanie fait l’objet d’un consensus général au sein de l’Union européenne. 21 Etats membres, ainsi que l’Albanie, ont déjà ratifié le présent accord. La plupart des pays de l’UE, également membres de l’OTAN, ont participé ou participent aux opérations de rétablissement de la paix et de reconstruction civile en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et au Kosovo. L’arrimage de l’Albanie à l’Europe ne souffre d’aucune contestation dans son principe et l’ensemble des partis politiques considère que ce processus est une priorité pour leur pays. Seuls demeurent des problèmes techniques.
Les négociations ont en revanche duré près de quatre ans, malgré ce consensus en raison de la relative inertie de l’Albanie à mettre en œuvre les réformes nécessaires en matière d’Etat de droit et de lutte contre la corruption et la criminalité organisée. Le Gouvernement nommé à la suite des élections de 2005 a donné la véritable impulsion à la mise en œuvre des réformes, permettant la signature en juin 2006 de l’accord qui nous est soumis.
Le Conseil européen a rappelé à plusieurs reprises que l’Albanie se voyait offrir de véritables perspectives d’adhésion, à la condition de satisfaire aux critères exigés par l’Union européenne et de résoudre certains problèmes propres à la société albanaise. L’Europe se montre particulièrement attentive à la corruption et à l’existence de puissantes mafias se livrant à des trafics d’être humains. L’ouverture sur l’Europe peut en effet permettre aux membres des mafias albanaises de circuler plus facilement, et leur facilite l’accès à des investissements leur permettant de blanchir l’argent issu de trafics illégaux. La prostitution constitue également une forte préoccupation, car elle touche des femmes vulnérables, généralement peu éduquées, qui s’y adonnent pour nourrir leurs enfants. De l’aveu même des autorités albanaises, la prostitution a considérablement augmenté dans le pays, au point d’être désormais considérée comme un phénomène socialement dangereux.
Le gouvernement du Premier ministre M. Sali Berisha s'est attaché à mettre en œuvre, avec un certain succès et un volontarisme affiché, un programme de lutte contre la corruption, le crime organisé et les trafics mais il lui reste beaucoup à faire en ce domaine.
Je vous renvoie à mon rapport quant au contexte économique dans lequel s’inscrit l’accord de stabilisation et d’association avec l’Albanie. Pour résumer, le rapprochement de l’Albanie avec l’Europe a déjà généré une forte augmentation des volumes d’échanges comme des investissements directs, en provenance d’Italie et de Grèce, principalement. L’agriculture albanaise est néanmoins très en retard dans ses techniques de production, et l’industrie se limite le plus souvent à l’extraction minière et à la sous-traitance de produits textiles.
J’en arrive aux grandes lignes de l’accord de stabilisation et d’association.
Comme je l’ai indiqué, cet accord a pour principal objectif de renforcer le dialogue politique entre l’Union européenne et l’Albanie. Il porte notamment sur le respect des principes démocratiques, des Droits de l’Homme et de l’économie de marché qui fondent ce dialogue.
Il a par ailleurs pour objet d’opérer un rapprochement de la législation albanaise de celle de l’Union européenne dans la majeure partie des grands domaines de l’acquis communautaire : libre circulation des marchandises, constitution progressive d’une zone de libre échange, libre circulation des travailleurs, des capitaux et libre prestation de services, justice et affaires intérieures.
En janvier 2006, le Conseil européen a adopté un nouvel outil de partenariat pour l’Albanie, qui identifie les priorités à court et moyen termes que ce pays doit mettre en oeuvre. En juillet 2006, l’Albanie a adopté un plan d’action national pour appliquer les recommandations du Partenariat européen. Les progrès réalisés sont soutenus par la Commission européenne.
Entre 2001 et 2007, le programme CARDS (assistance à la reconstruction, au développement et à la stabilisation) a été le principal instrument financier mis en place par l’UE pour l’Albanie, au même titre que les autres pays de la région. Initialement centré sur la reconstruction, ce programme a substantiellement évolué par la suite, et se focalise dorénavant sur le renforcement des structures administratives, la justice et la protection des libertés.
A compter de janvier 2007, le Programme IPA (Instrument de pré-adhésion) a remplacé le programme CARDS. Ce programme s’articule autour de cinq volets, mais l’Albanie n’est éligible qu’aux deux premiers d’entre eux : Aide à la transition et au renforcement des institutions et Coopération transfrontalière avec les Etats membres de l’Union européenne ainsi qu’avec les autres pays bénéficiaires de l’IPA.
Au titre de l’IPA pour 2007, l’Albanie a bénéficié d’une aide de 61 millions d’euros. Dans la programmation 2008-2010 qui vient d’être approuvée par la Commission, l’Albanie bénéficierait d’une enveloppe globale de 245,1 millions d’euros, dont 214,7 millions d’euros au titre du premier volet et 30,4 millions d’euros au titre du second volet.
La mise en place de l’accord intérimaire entre l’Albanie et l’Union européenne a eu pour conséquence, en toute logique, une réduction sensible des droits de douane perçus par l’Albanie sur les importations. Dans le budget de l’Etat pour 2007, les recettes douanières ont enregistré une réduction importante de 4,1 milliards de leks, soit 33,2 millions d’euros. Mais cette perte en recettes a été largement compensée par une hausse parallèle des autres recettes fiscales, résultant d’une meilleure collecte.
L’Albanie attend énormément de l’accord d’association et de stabilisation pour la mise à niveau de ses infrastructures de transports terrestres, notamment routières. Le Gouvernement vient de signer un mémorandum d’entente avec ses voisins, afin de faciliter l’intégration des pays du Sud Est de l’Europe, entre eux et avec les Etats de l’Union européenne en développant les infrastructures de transport.
En définitive, l’accord de stabilisation et d’association avec l’Albanie constitue une étape importante pour la stabilisation et la modernisation des Balkans occidentaux, et bien évidemment pour ce pays, qui a un besoin urgent d’investissements. Les problèmes liés à l’intégration de l’Albanie (criminalité organisée, manque d’infrastructures) sont clairement identifiés et le Gouvernement albanais, soutenu par la Commission européenne, s’emploie à les résoudre. Je vous propose, pour cette raison, que l’Assemblée nationale autorise la ratification de cet accord, comme l’a fait le Sénat, afin d’apporter un soutien clair à un pays qui est le plus pauvre d’Europe et avec lequel nous entretenons des relations d’amitié de longue date.
Je ne l’ai pas évoqué, car ce n’est pas l’objet de mon travail aujourd’hui, mais l’Albanie est une terre francophile et largement francophone, qui attend beaucoup de la France. En ratifiant cet accord, nous enverrons un signal fort d’amitié et de confiance à ce pays, mais il faudra l’accompagner par une véritable politique d’investissements de nos entreprises, car l’Albanie recèle de fortes potentialités, notamment dans le domaine touristique.
Mme Martine Aurillac. Outre les deux volets de l’Instrument de pré-adhésion auxquels l’Albanie est éligible (Aide à la transition et au renforcement des institutions et Coopération transfrontalière), quels sont les trois volets de ce programme ?
M. Jacques Remiller. Quels sont les pays de l’Union européenne qui n’ont pas encore ratifié l’accord de stabilisation et d’association avec l’Albanie ?
Mme Geneviève Colot, rapporteure. Les trois autres volets de l’IPA sont destinés uniquement aux pays d’ores et déjà candidats. Ce sont les volets Développement régional, Développement des ressources humaines et Développement rural qui permettent aux pays en question de bénéficier respectivement des crédits du Fonds européen de développement régional et du Fonds de cohésion, du Fonds social européen et du Fonds européen agricole pour le développement rural.
Parmi les 25 Etats membres qui ont signé l’ASA le 12 juin 2006, seuls la Belgique, l’Allemagne, la France et la Grèce ne l’ont pas encore ratifié.
M. Jean-Paul Bacquet. N’est-il pas abusif de dire que l’Albanie a été épargnée par les conflits qui ont suivi la désagrégation de la Yougoslavie, alors qu’elle a été directement impliquée dans la guerre au Kosovo ?
Mme Geneviève Colot, rapporteure. Les Albanais ont certes joué un rôle dans ce conflit, et l’Albanie a effectivement accueilli un grand nombre d’Albanais du Kosovo qui fuyaient cette province, mais l’Albanie n’a pas connu de guerre sur son territoire.
Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n° 1037).
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Convention fiscale France-Qatar (n° 1059)
La commission examine, sur le rapport de Mme Marie-Louise Fort, le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Etat du Qatar amendant la convention du 4 décembre 1990 en vue d’éviter les doubles impositions et l’accord sous forme d’échange de lettres du 12 janvier 1993 (n° 1059).
Mme Marie-Louise Fort, rapporteure. L’avenant à la convention fiscale France-Qatar de 1990 présente essentiellement un caractère technique. Il convient néanmoins que nous l’examinions car il a été signé avec l’un de nos plus importants partenaires dans le Golfe persique.
L’origine de la convention fiscale France-Qatar remonte au milieu des années 80, quand la France a entrepris de signer des conventions de ce type avec les pays membres du Conseil de coopération des Etats du Golfe, afin d’accompagner le développement des échanges commerciaux et des investissements directs avec les Etats de cette région. Des accords ont ainsi été signés avec l’Arabie saoudite, le Koweït, le Sultanat d’Oman et la fédération des Emirats Arabes Unis.
La convention fiscale avec le Qatar a été signée le 4 décembre 1990 et a été ratifiée par le Parlement par la loi du 31 décembre 1991. Elle a été précisée par un accord du 12 janvier 1993, sous forme d’échange de lettres, ratifié par le Parlement par la loi du 25 avril 1994. Le champ de la convention portait sur l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, l’impôt de solidarité sur la fortune et l’impôt sur les successions. Pour le Qatar, il s’agissait en 1990 de l’impôt sur les sociétés, seul impôt qui existait dans cet Etat.
L’entrée en vigueur de cette convention a été suspendue peu après sa ratification. Les dispositions de l’article 17 concernant l’impôt sur la fortune étaient apparues comme potentiellement susceptibles d’entraîner une évasion fiscale. Par leur imprécision, elles auraient pu permettre à des Qataris vivant en France de constituer des placements de fin d’année, puis de les liquider rapidement pour remplir, brièvement, les conditions d’exonération de l’impôt sur la fortune. L’échange de lettres du 12 janvier 1993 a précisé les conditions d’exonération en imposant un minimum de permanence des investissements, et permis l’application de la convention du 4 décembre 1990.
Les autorités qataries ont à plusieurs reprises souhaité obtenir une modernisation de la convention fiscale liant les deux Etats, destinée notamment à l’aligner sur les dispositions contenues dans la convention liant la France et le Koweït.
Compte tenu de la qualité des relations bilatérales entre la France et le Qatar, le principe des négociations a été accepté par la France. Les négociations ont été difficiles car la France exigeait des dispositions en matière d’échange d’informations et de levée du secret bancaire que le Qatar a initialement refusées, avant de les accepter.
Je viens d’évoquer la qualité des relations politiques entre la France et le Qatar. Elle n’est évidemment pas l’objet du présent rapport, il convient juste de noter que l’avenant que notre commission examine a été signé avec un Etat avec lequel nos liens sont très forts. Cette relation privilégiée s’explique par le souhait des Qataris de diversifier leurs alliances et leurs partenariats, de ne pas dépendre exclusivement des Etats-Unis, mais également par les liens personnels qu’avaient tissés l’ancien Président de la République M. Jacques Chirac avec le Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani (9 visites officielles au Qatar sous son mandat). M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, a renforcé ce climat d’amitié et de confiance. Il s’est rendu en visite officielle à Doha les 14 et 15 janvier 2008, accompagné par cinq membres du Gouvernement.
Outre d’étroites relations commerciales, la France et le Qatar entretiennent une coopération politique, militaire, policière et culturelle. La France et le Qatar sont en phase sur de nombreux dossiers internationaux et partagent une vision commune sur l’avenir du Moyen-Orient. Le Qatar a également joué un rôle discret, mais sans doute décisif, dans les négociations qui ont conduit à la libération des infirmières bulgares emprisonnées en Libye. Les échanges commerciaux sont également très soutenus. Vous en trouverez les détails dans le rapport que je vous soumets. Pour résumer, les échanges bilatéraux entre la France et le Qatar reposent essentiellement sur le secteur gazier. Nos achats de gaz sont qualifiés de « spot » car ils ne font pas l’objet de contrats à terme. Nos ventes se situent surtout dans les domaines des biens d’équipement et de l’aéronautique. Notre commerce extérieur est excédentaire avec ce pays
En ce qui concerne les investissements directs, le montant des investissements français au Qatar à la fin de 2008 sera sans doute supérieur à 500 millions d’euros. Le montant des investissements qataris en France en 2006 s’élevait à 245 millions d’euros. Les acquisitions effectuées dans le domaine de l’immobilier notamment par le fonds souverain qatari QIA depuis 2006 (centre Kléber) et par Qatari Diar (Cegelec) laissent présager une très forte augmentation du stock des investissements qataris en France à la fin de 2008.
Une quarantaine d’entreprises françaises sont implantées au Qatar. Elles sont à l’origine de la présence d’une importante communauté d’expatriés, dépassant les 2000 personnes. Le nombre de citoyens comme d’entreprises qataris présents en France est sensiblement plus réduit, sans doute autour d’une centaine de personnes.
J’en arrive à l’avenant qui nous est soumis, qui comprend 13 articles, d’importance variable. Je ne décrirai que les articles les plus importants.
L’article 3, qui vise à éviter la double imposition sur les dividendes, souhaite mettre fin à des pratiques de sociétés relais permettant d’échapper à toute imposition. Il s’agit d’exclure du bénéfice de la convention les sociétés écran qui s’interposent entre le débiteur des revenus passifs et le bénéficiaire réel des sommes.
Les articles 4 et 5 visent, comme l’article 3, à éviter les doubles impositions des revenus de créances et des redevances, à condition que le résident de l’autre Etat en soit le bénéficiaire effectif.
L’article 6 modifie l’article 13 de la convention de 1990 précitée sur l’imposition des employés de navires ou d’aéronefs, en prévoyant que ces derniers seront imposables dans l’Etat où le siège de direction effective de l’entreprise est situé.
L’article 8 complète l’article 17 de la convention de 1990 précitée, relatif à l’imposition sur la fortune, dont le paragraphe 5 prévoit que les biens situés hors de France, appartenant à un citoyen du Qatar résidant en France sans avoir la nationalité française, n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les cinq années suivant l’année civile au cours de laquelle ce citoyen du Qatar est devenu résident en France. L’avenant à la convention couvre le cas où un citoyen du Qatar cesse d’être résident en France pendant au moins trois ans, avant de le redevenir. Ses biens, à nouveau, n’entrent pas dans l’assiette de l’ISF au cours des cinq années suivant l’année civile au cours de laquelle il redevient résident en France. L’exigence d’une durée minimale de trois ans pour cesser d’être résident en France permet d’éviter un mécanisme de soustraction abusif à l’ISF. Déjà introduites dans des conventions conclues par la France avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Koweït, ces dispositions ont été reprises à l’article 121 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et ne concernent qu’un nombre limité de citoyens qataris.
L’article 10, demandé par la France lors de la négociation, est relatif à l’échange d’informations entre les administrations des deux pays et prévoit sous condition un mécanisme de levée du secret bancaire. Il s’agit évidemment d’éviter que la convention fiscale offre un mécanisme d’évasion fiscale.
L’article 12 modifie le paragraphe 6 de l’accord sous forme d’échange de lettres de 1993 et étend le bénéfice des exonérations de plus-values immobilières aux gains provenant de l’aliénation d’actions, parts ou droits dans une société dont l’actif est constitué pour plus de 80 % de biens immobiliers, quel que soit le lieu de situation de l’immeuble cédé par l’un des Etats ou l’une de ses entités publiques.
Telles sont les grandes lignes de cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Qatar, que notre pays a négocié avec beaucoup de précautions. L’avenant apporte quelques adaptations techniques nécessaires à l’évolution de nos relations économiques avec ce pays et renforce la lutte contre une fraude éventuelle. Je vous recommande en conséquence de bien vouloir l’adopter.
Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n° 1059).
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Accords relatifs aux transports aériens France-Mongolie (n° 1038), France-Algérie (n° 1039), France-Macao (n° 1040)
La commission examine, sur le rapport de M. Marc Dolez, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord relatif aux transports aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Mongolie (n° 1038) ; le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n° 1039) et le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Macao de la République populaire de Chine (n° 1040).
M. Marc Dolez, rapporteur. Il nous est demandé d’examiner aujourd’hui trois accords bilatéraux en matière de transports aériens que le Sénat a approuvé en juillet dernier et qui viennent d’être transmis à l’Assemblée nationale.
Il s’agit tout d’abord d’un accord négocié par le gouvernement avec l’Algérie, signé le 16 février 2006, puis de deux autres, l’un signé avec la région administrative spéciale de Macao le 23 mai 2006 et l’autre avec la Mongolie, le 22 février 2007. Je souhaite tout d’abord vous présenter les éléments de contexte qui sont fort différents selon les pays : En effet, l’accord avec l’Algérie redonne un cadre juridique bilatéral avec notre plus important partenaire aérien, hors Union européenne, après les USA, alors que les deux autres intéressent en fait des pays avec lesquels il n’y a encore pas de relation aérienne commerciale.
Indépendamment de cela, le contenu des trois accords est grandement similaire, comme vous le verrez, et appellera par conséquent peu de commentaires de ma part.
Il faut tout d’abord signaler que les relations commerciales aériennes que la France entretient avec l’Algérie sont anciennes mais qu’elles ont traversé ces dernières années, comme vous le savez, de fortes zones de turbulence.
Peu après l’indépendance, en février 1963, la France et l’Algérie signaient un accord relatif au transport aérien qui devait rester en vigueur près de 25 ans, jusqu’à sa dénonciation par l’Algérie à la fin de 1987.
C’est un accord qui contenait une clause d’équilibre, dans la mesure où l’organisation des dessertes devait garantir aux deux compagnies, Air France et Air Algérie, un partage égalitaire des sièges. De même, un autre article encourageait-il les compagnies à s’entendre en matière de fixation de tarifs. Cependant, l’évolution du trafic aérien a été telle que la partie algérienne a finalement considéré être pénalisée par l’accord, faisant valoir que, l’essentiel du trafic étant généré en Algérie, elle devait être autorisée à augmenter ses capacités. Elle revendiquait également une plus grande liberté tarifaire, et a finalement souhaité une renégociation de l’accord en juillet 1987. Les négociations ayant rapidement échoué, en novembre 1987, l’Algérie dénonçait l’accord de 1963, avec effet au 1er janvier 1988.
Depuis lors, les relations commerciales aériennes entre les deux Parties se sont bien entendu poursuivies, mais sur la base de droits de trafic accordés dans le cadre d’autorisations administratives semestrielles qui présentaient l’inconvénient majeur de pouvoir être remises en cause et donc, pour les opérateurs, de manquer de garanties juridiques sur le long terme.
Sur un plan strictement commercial, on peut signaler que, à partir de 1991, pour des raisons de rentabilité, Air France avait réduit ses dessertes, en supprimant quelques destinations. C’est surtout le dramatique détournement de l’Airbus d’Air France sur l’aéroport d’Alger, à la Noël de 1994 qui a ensuite porté un coup d’arrêt au trafic puisque, immédiatement, les autorités françaises prirent la décision de suspendre les vols vers l’Algérie.
Ce n’est que le 28 juin 2003 que Air France a rouvert cette destination qui avait été précédée par Aigle Azur, dans un premier temps avec des vols non réguliers. Depuis lors, l’évolution du trafic s’est faite au bénéfice des opérateurs français : les parts de marché d’Air France et d’Air Azur ont en effet régulièrement progressé puisqu’elles sont passées de 17 % en 2003 à près de 50 % l’an dernier, d’un marché annuel désormais de 2,4 millions de passagers.
C’est un marché qui présente certaines caractéristiques que je veux souligner. Il s’agit d’un trafic à la fois très saisonnier et très important puisque c’est le deuxième pour la France, hors Union européenne, après celui avec les Etats-Unis et il intéresse un nombre très important de liaisons, réparties entre une dizaine d’aéroports français et une vingtaine d’aéroports algériens. Voilà pour la situation avec l’Algérie.
Avec Macao et la Mongolie, elle est radicalement différente puisque, dans un cas comme dans l’autre, aucune liaison aérienne n’est en service. Il est néanmoins apparu nécessaire de négocier et de signer ces accords avec ces deux Parties pour plusieurs raisons.
En ce qui concerne Macao, l’accord ne répond pas à une nécessité immédiate ni à court terme, dans la mesure où l’ouverture d’une ligne directe n’est pas envisagée dans un avenir proche, mais il permet de souligner ainsi les bonnes relations bilatérales qui lient la France et Macao et de tenir aussi compte qu’il s’agit d’une zone au potentiel touristique importante et en développement. Avec la Mongolie, il s’est agi surtout dans l’immédiat, en l’absence de liaison aérienne, de prévoir le cas où un problème technique survenant lors du survol du territoire mongol obligerait l’atterrissage non prévu d’appareils français. Cela étant, je rappellerai aussi que nos relations avec la Mongolie ont toujours été bonnes et que notre pays a ainsi été le premier pays occidental à établir des relations diplomatiques, en 1965.
Le contenu des accords est tout à fait classique. Leur structure est similaire, et je distinguerai d’une part les dispositions relatives aux droits de trafic et à l’exploitation des services aériens et, d’autre part, les dispositions qui intéressent la sécurité et la sûreté des vols.
En matière de droits octroyés, il s’agit des différentes libertés de l’air consacrées en droit international, à savoir droit de survol, d’escale, de transit, de débarquer et d’embarquer des passagers. Quelques différences apparaissent entre les trois traités, que je vous signale néanmoins : la « cinquième liberté », c’est-à-dire la possibilité de desservir des points intermédiaires ou au-delà des territoires concernés, n’est prévue que dans l’accord avec l’Algérie. Elle est accordée aux transporteurs français vers tous points en Algérie et en Afrique, et vice-versa en ce qui concerne les compagnies algériennes, vers tous points en France et en Europe. En revanche, en ce qui concerne Macao, elle exclut la Chine continentale, Hong Kong et Taïwan. Et dans le cas de la Mongolie, elle devra faire l’objet d’un accord spécial.
Chaque partie, et cela se retrouve dans les trois accords, a le droit de désigner autant de transporteurs qu’il le souhaite, lesquels, s’agissant de la France, peuvent aussi être européens, conformément au règlement (CE) n° 847/2004 du 29 avril 2004 et à la notion communautaire de « droit d’établissement ».
Les traités précisent aussi les conditions de révocation ou de suspension des transporteurs aériens, établissent des règles de concurrence équitables, d’exploitation loyale. Enfin, les trois accords aériens règlent également quelques points en matière de sécurité et de sûreté des vols entre la France et les différentes parties signataires. Il s’agit simplement en fait pour les parties de réaffirmer leurs obligations en matière de protection contre la piraterie telles qu’elles découlent des conventions internationales de l’OACI en la matière. En ce qui concerne la sécurité des vols, les dispositions les plus récentes, conformes à la réglementation de l’OACI, ont été incluses dans les différents accords. Elles prévoient notamment la faculté pour chaque partie de faire des inspections sur les appareils de l’autre pendant son séjour dans leur zone.
C’est ce que je voulais vous dire, mes chers collègues sur ces trois accords. Celui entre la France et l’Algérie vient opportunément normaliser les relations aériennes bilatérales avec un partenaire très important, lesquelles, ont l’a vu, ont souffert de certaines tensions au cours de ces vingt dernières années.
Les accords signés avec la région administrative spéciale de Macao et avec la Mongolie s’inscrivent clairement en revanche dans une perspective à plus long terme, en prévision de l’ouverture possible, dans un futur plus ou moins proche, de lignes aériennes bilatérales avec ces deux destinations.
Je vous recommande d’adopter les projets de loi portant approbation de ces trois accords.
Je vous remercie.
Mme Geneviève Colot. L’accord avec l’Algérie concerne-t-il aussi les accords de cabotage à l’intérieur du pays parce que je sais que cela avait posé problème avec les Etats-Unis ?
M. Marc Dolez. Non, l’accord ne concerne que l’objectif que je vous ai décrit et exclut expressément la possibilité d’embarquer des passagers ou marchandises sur le territoire d’une Partie à destination d’un autre point sur ce même territoire.
M. Jacques Remiller. Le rapporteur pourrait-il être plus précis sur les dispositions en matière de piraterie auxquelles il a été fait mention ?
M. Marc Dolez. Il s’agit simplement de rappeler les dispositions les plus récentes prévues par les conventions internationales en la matière qui prévoient notamment que les parties signataires prennent les mesures pour garantir la sûreté des appareils et s’apportent assistance mutuelle.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte les projets de loi (n°s 1038, 1039 et 1040).
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Accord de partenariat France-Tadjikistan (n° 1102)
La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la République du Tadjikistan (n° 1102).
M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Peu après la disparition de l’Union soviétique, en 1991, l’Europe a mis en place une politique de coopération et de partenariat à destination des pays de la Communauté des Etats indépendants, en adoptant des lignes de négociation en 1992. Cette politique a abouti à la conclusion, avec ces Etats, de plusieurs accords-cadres, baptisés accords de partenariat et de coopération.
En Asie centrale, trois de ces accords sont entrés en vigueur en 1999. Ces traités concernent le Kazakhstan, la République kirghize et l’Ouzbékistan. Sur les cinq ex-Républiques soviétiques d’Asie centrale, seules deux ne sont pas encore liées à l’Europe par un accord de partenariat et de coopération entré en application, le Turkménistan et le Tadjikistan.
Dans le cas du Turkménistan, un accord a été signé en 1998, mais le processus de ratification a été retardé par l’opposition rencontrée au sein du Parlement européen.
L’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et le Tadjikistan, quant à lui, n’a été signé que le 11 octobre 2004. Un tel retard s’explique par l’histoire, particulièrement agitée, de la naissance de la République du Tadjikistan.
Proclamée le 9 septembre 1991, l’indépendance du Tadjikistan a donné lieu à une exacerbation des tensions, déjà en germe entre les différentes mouvances politiques du pays. Dès 1992, l’aggravation de la guerre civile pousse la Russie à intervenir.
Après plus de cent mille morts, et un million de réfugiés, un accord de cessez-le-feu est finalement conclu, en 1997, entre le président Emomali Rakhmon, élu avec plus de 95 % des voix , et les forces d’opposition. Laissant le temps aux nouvelles institutions de se mettre en place, les négociations entre les Communautés européennes et le Tadjikistan ont commencé en 2003.
La conclusion d’un accord de partenariat et de coopération avec le Tadjikistan doit permettre à l’Europe de renforcer son rôle dans ce pays. A l’heure actuelle, alors même que le Tadjikistan a reçu environ 60 millions d’euros, entre 2002 et 2006, au titre du programme TACIS, la Commission européenne ne dispose que d’un simple bureau et n’a pas encore de représentation.
Or, le Tadjikistan n’est pas dénué d’importance stratégique. Il est proche d’une zone de conflits potentiels, aux confins Nord du Pakistan et de l’Inde, et à l’Est de l’Afghanistan. Le territoire du Tadjikistan se retrouve ainsi au cœur de nombreux trafics, notamment de drogue. Il est également décrit comme un maillon faible dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, du fait de la faiblesse du contrôle exercé sur les infrastructures et les exportations de produits sensibles.
L’accord du 11 octobre 2004 reprend les grandes lignes des accords de partenariat et de coopération déjà en vigueur. Il soumet la coopération entre l’Europe et le Tadjikistan au respect des principes démocratiques, à la promotion des droits de l’homme et de l’Etat de droit.
Le principal objectif de l’accord reste le renforcement du dialogue politique. Les relations entre les Communautés européennes et le Tadjikistan se voient désormais organisées de manière plus claire, dans le cadre d’un Conseil de coopération, au niveau ministériel, et de diverses rencontres de hauts fonctionnaires et d’experts. Une commission parlementaire de coopération est également prévue. Elle réunira des membres du Parlement tadjik et des membres du Parlement européen.
L’accord prévoit de favoriser les échanges commerciaux, et l’établissement de sociétés européennes au Tadjikistan. Ces stipulations sont assorties de réserves relatives à la protection des producteurs locaux et à l’application des dispositions d’ordre public.
Enfin, les Communautés européennes s’engagent à fournir une assistance technique au Tadjikistan, passant par l’échange d’informations et la formation de personnels tadjiks, sur plusieurs sujets. Une coopération est ainsi prévue en matière législative, afin de rendre le droit tadjik compatible avec l’acquis communautaire. Des actions doivent également être menées dans le domaine de la démocratie, des droits de l’homme, mais aussi en matière culturelle.
Les Communautés européennes promettent également de contribuer à la modernisation de l’économie tadjike, sur des points aussi divers que l’agriculture, l’industrie, la production de statistiques économiques fiables ou la mise en place d’un système de protection sociale.
A l’heure actuelle, plus de la moitié des Etats membres de l’Union européenne ont procédé à la ratification de l’accord de partenariat et de coopération, et le Tadjikistan a envoyé ses instruments de ratification fin 2005.
Toutefois, au titre de l’article 101 de l’accord de partenariat et de coopération, un accord intérimaire a été signé, également le 11 octobre 2004, et a permis l’entrée en vigueur de certaines dispositions de l’accord principal. La ratification de ce dernier a donc lieu alors que certaines de ses stipulations sont déjà en vigueur.
Au-delà de cette particularité juridique, la ratification de l’accord d’octobre 2004 entre l’Europe et le Tadjikistan intervient dans un contexte particulier. En effet, l’Union européenne a adopté, en octobre 2007, une nouvelle approche stratégique pour l’Asie centrale, intitulée « Stratégie pour un nouveau partenariat ». Ce document insiste sur la dimension politique de l’influence communautaire dans la région, en promouvant notamment de nouvelles initiatives pour la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit.
Parmi les instruments à la disposition des Communautés pour mener leur action, la nouvelle stratégie rappelle la création d’un instrument de coopération au développement, au titre duquel, sur la période 2007-2013, plus de 700 millions d’euros devraient être alloués à l’Asie centrale, soit environ trois fois plus que le volume versé dans le cadre du programme TACIS, entre 2002 et 2006.
Le renforcement des moyens de l’Europe en Asie centrale s’appuie sur les instruments de négociation déjà existant, parmi lesquels les accords de partenariat et de coopération figurent en première place. Dès lors, l’entrée en vigueur pleine et entière d’un accord de ce type avec le Tadjikistan favoriserait la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie européenne.
S’agissant des relations bilatérales entre la France et le Tadjikistan, celles-ci sont excellentes. Les ministres de la défense et des affaires étrangères s’y déplacent régulièrement. Le président tadjik, pour sa part, a effectué deux voyages en France. Par ailleurs, le Tadjikistan abrite, depuis 2001, un détachement de notre armée de l’air, afin de soutenir les troupes déployées en Afghanistan. Deux avions Transall y stationnent en permanence, accompagnés de 150 hommes environ. Entre 2002 et 2007, des avions de combat Mirage et Rafale ont également utilisé des infrastructures situées au Tadjikistan, avant d’être redéployés à Kandahar.
Pourtant, malgré ces liens très étroits, l’influence française au Tadjikistan reste limitée sur le plan économique. Seulement trois entreprises françaises possèdent des bureaux de représentation dans ce pays. Seul un projet d’ampleur, l’agrandissement de l’aéroport de la capitale, a donné lieu à un partenariat entre des entreprises françaises et l’Etat tadjik.
L’accord de partenariat et de coopération avec le Tadjikistan, qui fait l’objet du présent projet de loi, permet de renforcer la place de l’Europe et de la France dans une région stratégique.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1102).
La séance est levée à 11 heures 30
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