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Commission des affaires étrangères

Mardi 4 novembre 2008

Séance de 16 h 15

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Hervé Morin, Ministre de la défense

Audition de M. Hervé Morin, Ministre de la défense

La séance est ouverte à seize heures vingt-cinq

M. le président Axel Poniatowski. Monsieur le ministre de la défense, la commission des affaires étrangères est très heureuse de vous accueillir car nombreux sont les sujets qui relèvent de votre compétence et qui nous intéressent.

Cette audition intervient quelques jours avant la discussion des crédits de votre ministère mais nous souhaitons aborder aujourd’hui d’autres questions d’actualité.

Juste avant l’été, M. Jean-Claude Mallet, président de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, nous a présenté les axes de réforme de notre outil de défense. Déposé la semaine dernière sur le bureau de l’Assemblée nationale, le projet de loi de programmation militaire fixe pour cinq ans les perspectives d’évolution de nos armées ; le rapport annexé à ce texte dresse ainsi un panorama de l’avenir de la défense nationale.

Comment l’armée française doit-t-elle s’adapter pour faire face aux nouvelles menaces, à la fois plus nombreuses et plus difficiles à cerner ? Quels sont les équipements qui nous permettront d’assurer notre supériorité technologique sur les théâtres où nous sommes engagés ? Peut-on raisonnablement parier sur une mise en commun croissante, au niveau européen, de l’effort de défense, notamment dans le domaine du développement et de l’acquisition de nouveaux matériels ? Ces questions sont d’autant plus importantes que la mondialisation a profondément modifié les équilibres et que les crises comme les menaces entraînent une multiplication des risques de tensions et de conflits.

Je souhaiterais également que vous nous présentiez nos opérations extérieures, sachant que le Parlement sera à l’avenir amené à se prononcer avant toute prolongation d’un engagement de forces au-delà de quatre mois.

Enfin, deux de nos collègues, MM. Henri Plagnol et Jean Glavany, sont actuellement en Afghanistan et dans la région, dans le cadre d’une mission sur les relations de ce pays avec l’Inde et le Pakistan. Pouvez-vous nous présenter un point d’actualité sur la situation militaire dans ce pays ? Comment se déroule le processus d’« afghanisation » des opérations militaires ?

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Le projet de LPM est cohérent avec le Livre blanc. Les contrats opérationnels fixés par le Livre blanc sont les suivants : capacité de projection, pour l’armée de terre, de 30 000 hommes sur un arc de crise allant de l’océan Atlantique à l’Afghanistan ; à long terme, 70 avions de combat sur ce même arc de crise ; capacité d’intervention de 5 000 hommes supplémentaires sur un théâtre secondaire ; capacité de 10 000 hommes sur le théâtre national.

Ce texte tire les conséquences du concept de sécurité nationale dans le champ de l’organisation des pouvoirs publics en créant un Conseil de défense et de sécurité nationale, dont une formation spécialisée sera le Conseil national du renseignement.

Il comporte un effort financier important orienté vers l’équipement. Sur six ans, de 2009 à 2015, nous percevrons 185 milliards en euros constants. Les crédits d’équipement passeront de 15,4 milliards en 2008 à 18 milliards à 2014, soit une moyenne de 17 milliards. L’effort de réduction du personnel nous permettra donc de dégager des volumes considérables pour l’équipement des forces.

Les choix capacitaires sont conformes à nos objectifs, notamment pour développer la fonction stratégique connaissance et anticipation : 700 postes de catégorie A seront créés au sein de la DGSE ; le programme européen d’observation MUSIS sera lancé, de même que le satellite d’écoute électromagnétique CERES ; le système intermédiaire de drone moyenne altitude longue endurance, SIDM, entrera en service ; un système d’alerte avancée pour les missiles sera mis en service à compter de 2020 ou 2021.

La modernisation de la dissuasion, assurance-vie de la nation, sera poursuivie. Le quatrième sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération, sera doté du missile M51 dès 2010 et le premier escadron de Rafale à capacité nucléaire délivrant le missile air-sol moyenne portée amélioré, sera opérationnel la même année.

Les capacités d’intervention de nos forces armées sur l’arc de crise allant de la Mauritanie au Pakistan seront renforcées. Nous disposerons d’un parc de dix-huit frégates de premier rang. Après les livraisons des deux frégates Horizon en 2008 et 2009, la marine nationale disposera de la première frégate multimissions en 2012 et de la deuxième en 2014. La montée en puissance du Rafale se poursuivra. Les sous-marins nucléaires d’attaque, les SNA, seront progressivement remplacés à partir de 2017 par le Barracuda, qui délivrera le missile de croisière naval. Le déficit en aéromobilité terrestre sera résorbé grâce à la livraison de vingt-trois hélicoptères NH 90 et à la rénovation de vingt-quatre Cougar. Enfin, les véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) remplaceront progressivement les VAB à raison d’un régiment par an, et le programme du soldat du futur FELIN s’accompagnera du renforcement en brouilleurs et matériels de surprotection des véhicules déployés.

À ce jour, 13 000 militaires français sont déployés en OPEX dans une trentaine d’opérations mais concentrés à plus de 95 % sur cinq théâtres : la Côte d’Ivoire, le Darfour – Tchad et République centrafricaine –, le Kosovo, le Liban et l’Afghanistan. Ces engagements extérieurs, sous pavillon de l’Union européenne ou de l’OTAN, mais toujours sous mandat de l’ONU, ont pour objectif : de maintenir la paix, de prévenir les crises et de dispenser de l’aide humanitaire ou de lutter contre le terrorisme. En outre, nous allons lancer une nouvelle mission de lutte contre la piraterie dans le Golfe d’Aden.

L’« afghanisation » des opérations est en cours. La montée en puissance de l’armée nationale afghane est une réalité. Nous espérons que ses effectifs passeront de 60 000 à 80 000 hommes au cours du premier semestre 2009. Conformément au souhait français, l’OTAN a engagé le transfert de la responsabilité d’un certain nombre de zones à l’armée nationale afghane (ANA), même si nous restons en « back-office » pour la soutenir : le centre de Kaboul le 28 août ; le Nord de la RCC – Regional Command Capital – le 12 août. L’idée est de transférer l’ensemble de la RCC avant l’été 2009.

De 2003 à 2005, nous étions perçus comme une armée de libération. Si nous n’accomplissons pas des progrès significatifs, le risque est que nous apparaissions comme une armée d’occupation. Cependant, je m’inscris en faux contre l’idée selon laquelle les Afghans voudraient nous voir partir : pour l’immense majorité de la population locale, le besoin de sécurité et la volonté de paix sont réels. La victoire ne saurait être uniquement militaire ; c’est en construisant les institutions de l’Afghanistan que nous nous mettrons en situation de partir, d’où l’effort colossal qu’accomplit la France dans la formation de l’ANA. Il convient de faire de même à l’égard de la police et de l’ensemble des institutions afghanes. L’aide au développement a été massif : 4 000 kilomètres de routes ont été construits, 80 % des Afghans ont accès à la santé, le système scolaire accueille 5,5 millions de jeunes et une quinzaine d’universités fonctionnent.

L’effort n’a donc pas été vain mais nous nous trouvons au milieu du gué car la situation s’est détériorée – la moitié des attaques, des attentats et autres embuscades ne sont du reste pas motivées par des intentions politiques mais cherchent simplement à déstabiliser une force internationale gênante pour les trafics des chefs de clan. La problématique est triple : il faut se garder de vouloir plaquer des institutions démocratiques occidentales sur ce pays féodal et tribal mais lui appliquer un modèle de gouvernance conforme à son histoire ; il faut favoriser le processus de discussion et de réconciliation nationale entre l’ensemble des communautés, clan et partis afghans, talibans inclus, dès lors qu’ils ont clairement accepté de revenir dans le jeu politique ; et puis, l’aide internationale doit gagner en efficacité.

Les deux candidats à la présidence américaine ont annoncé un renforcement substantiel des effectifs engagés – entre 10 000 et 15 000 hommes – en faisant glisser une partie de leur dispositif irakien, fort de 140 000 hommes. Il s’agit de développer les actions cinétiques – c’est-à-dire militaires – mais aussi celles en faveur de la réconciliation nationale..

L’objectif est de ramener le coût des OPEX en 2009 à 800 millions d’euros.

Je présenterai à la fin du mois des propositions de réduction de nos empreintes à l’extérieur, certaines petites opérations n’ayant plus guère de sens : en Côte d’Ivoire, dès lors que les élections auront eu lieu ; en Bosnie, où le contrat militaire a été rempli ; au Tchad, où nous espérons transférer l’opération EUFOR à l’ONU à compter du 15 mars.

M. le président Axel Poniatowski. Il semblerait que la mise au point de l’hélicoptère de transport NH 90, absolument nécessaire pour nos forces armées, rencontre quelques difficultés. Que pouvez-vous nous en dire ? Quand sera-t-il mis à disposition ?

Outre l’aspect financement, quelles seront les conséquences du transfert à l’ONU de l’opération au Tchad ? Y aura-t-il moins de militaires français et davantage d’autres nationalités ? Franchement, l’échelon européen est fort mal utilisé.

Lorsque les Américains nous demanderont de participer au renforcement des forces en Afghanistan, quelle sera notre réponse ?

La mission de l’OTAN en Afghanistan a été étendue à l’éradication des laboratoires de transformation de drogue. A-t-on déjà obtenu quelques résultats ?

M. le ministre. La version terrestre du NH 90, déjà livrée dans plusieurs pays, ne pose pas de problème majeur. C’est un magnifique succès à l’export ; il est au demeurant assez difficile de promouvoir un appareil dont nous ne pourrons pas livrer un exemplaire avant 2014 ou 2015, bien que l’entreprise embauche quelque 700 personnes supplémentaires par an. Cet engin est cher mais il marche car il est très bon. Le problème du système d’armes de la version marine devrait être réglé. Compte tenu du retard pris et du taux de disponibilité opérationnelle des Superfrelons, tombé à 13 %, nous réaffecterons des hélicoptères issus des forces.

Les Polonais, et probablement les Irlandais, sont prêts à se maintenir au Tchad sous mandat de l’ONU. Nous espérons faire entrer d’autres pays dans le dispositif et parvenir à une capacité militaire critique. L’ONU considère qu’il faudrait 6 000 hommes contre 3 000 actuellement. Nous pensons qu’il faut rester raisonnable car l’opération, du point de vue militaire, n’est tout de même pas très compliquée. La France pourra procurer, à titre transitoire, des capacités logistiques critiques à la force onusienne.

En Afghanistan, nous avons déjà accompli un effort important ces derniers mois et, si je puis dire, nous avons anticipé le mouvement américain. Nous avons encore projeté une centaine d’hommes supplémentaires pour servir des matériels, notamment des moyens d’observation. Un sujet mériterait d’être abordé : la cohérence des forces de la FIAS, la Force internationale d’assistance à la sécurité, sachant que 39 pays sont engagés et qu’il y a 45 caveat, ou réserves opérationnelles. Chaque pays, ou presque, a ses propres règles d’engagement, ce qui complique à l’extrême la tâche du commandement. Seules sont réellement opérationnelles les forces américaines, australiennes, françaises, britanniques et canadiennes, hollandaises et belges, c’est-à-dire les deux tiers des effectifs déployés.

L’OTAN a décidé de lutter non pas contre la culture de la drogue sur le terrain mais contre les laboratoires et les réseaux de trafiquants. La destruction des champs de pavot relève de la compétence des Afghans. En y procédant nous-mêmes, nous risquerions d’être immédiatement considérés comme une force d’occupation par les populations locales.

M. Jean-Louis Christ. La tragédie qui se déroule dans le Nord de la République démocratique du Congo consacre l’échec de la mission de l’ONU quant au maintien de la paix et à la protection des réfugiés. Quel devra être à l’avenir le rôle des forces françaises sur le continent africain ? Avec quels moyens et quels effectifs ?

M. le ministre. S’agissant des forces prépositionnées en Afrique, nous sommes en train de revoir nos accords de défense, qui seront soumis au Parlement. L’idée est de constituer un point sur la côte atlantique et un second à Djibouti. Le choix entre le Gabon et le Sénégal n’a pas encore été fait..

Une nouvelle base sera mise en service l’année prochaine dans le Golfe Persique, aux Émirats arabes unis. Cette implantation stratégique est adossée à l’accord de défense signé par la France. Elle nous permettra d’assurer le soutien des forces françaises positionnées là-bas tout en exprimant la présence de la France dans cette partie stratégique du monde, où nous prenons pied d’armement. Enfin, nous soutenons ainsi un pays qui a décidé d’allier islam et modernité, ce qui constitue un bel exemple.

Au Congo, la MONUC dispose de 18 000 hommes, dont 16 000 militaires, dotés de tous les moyens possibles : c’est déjà la plus grosse force de l’ONU et la mieux équipée. La position de la France est donc très claire : la priorité doit être de réorganiser la MONUC pour qu’elle soit en mesure de répondre à la situation.

M. Jacques Myard. Vous venez de nous annoncer que les États-Unis vont faire la guerre au Pakistan, d’où viennent les talibans. Il est temps de nous retirer de cette affaire désastreuse.

La projection de 30 000 hommes sera nettement insuffisante pour couvrir l’arc de crise qui se développe. Que veut-on faire de l’OTAN, qui a tendance à devenir le gendarme du monde ?

Je ne comprends pas les chiffres que vous avez donnés à propos de l’équipement des forces car les crédits du programme 146 s’établissent à 12,2 milliards. Pouvez-vous nous donner des éclaircissements ?

Je ne suis pas contre la conduite d’opérations en partenariat européen mais je ne fais pas tout à fait confiance aux petits pays, qui nous lâchent toujours à un moment ou l’autre.

Le transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur est une belle sottise. Voulez-vous donc que la police contamine la gendarmerie ?

Je suis surpris que vous n’ayez pas déjà fait tirer le canon pour calmer la situation dans la mer Rouge. Le droit international est pour nous – la piraterie est un crime de juridiction universelle – et cela serait dissuasif.

M. le ministre. Les mêmes propos m’ont été tenus à Djibouti. Mais la France est signataire de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 – dont une partie n’a du reste jamais été transposée en droit interne –, en vertu duquel il est impossible de couler ou d’arraisonner un bateau transportant des armes en haute mer. Et un mouton blanc peut se transformer en mouton noir pendant la nuit – je pense aux milliers de pêcheurs du golfe d’Aden.

Le transfert des crédits de la gendarmerie au ministère de l’intérieur faisait partie du programme du Président de la République. À mon arrivée au ministère, j’ai vraiment poussé dans ce sens, par cohérence, car les gendarmes étaient placés depuis 2003 sous l’autorité fonctionnelle du ministre de l’intérieur. Celui-ci, pour ses arbitrages, a besoin de connaître les problèmes de sécurité dans leur ensemble. Les gendarmes resteront des militaires et continueront d’être soutenus par le ministère de la défense. La gendarmerie en OPEX, la gendarmerie maritime, la gendarmerie des transports aériens, la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires restent sous l’autorité du ministère de la défense.

J’ajoute qu’un acte a été très mal vécu par la communauté militaire : la manifestation de 2001, avec des gendarmes en tenue et en armes. Pour la communauté militaire, ce jour-là, un contrat a été déchiré.. La décision qui a été prise – maintien du statut militaire et mise en cohérence de l’emploi des moyens – me semble positive.

Les études, le maintien en condition opérationnelle et les infrastructures sont intégrés à l’agrégat équipement de la LPM, ce qui porte celui-ci à 18 milliards d’euros.

Il convient effectivement de s’interroger sur l’état de l’OTAN, ses frontières, ses missions et sa vocation. Doit-elle devenir une communauté euro-atlantique ou un système de sécurité collective ? Jusqu’où ira sa composition ? Jusqu’au Pacifique ? Doit-elle devenir une organisation sous-régionale ? Doit-elle se préoccuper des nouveaux risques et des nouvelles menaces ?

Mme Martine Aurillac. Dans le cadre de la programmation, est-il prévu de réorganiser le renseignement ?

M. le ministre. Le renseignement constitue un axe majeur de la LPM : 700 personnels de catégorie A recrutés à la DGSE ; lancement, le 10 novembre, du programme satellitaire MUSIS, auquel les Polonais vont participer ; lancement du programme de renseignement électromagnétique CERES.  M. Jean-Michel Boucheron. Le Président de la République avait annoncé de gigantesques avancées en matière d’Europe de la défense durant son semestre de présidence européenne. Le secret a été bien gardé : à un mois du terme, rien n’a encore été annoncé !

M. le ministre. Je regrette de ne pas avoir suffisamment communiqué sur le sujet et je vous invite à lire l’article que j’ai cosigné la semaine dernière avec Javier Solana dans Le Monde. Lors de la réunion informelle des ministres de la défense qui s’est tenue à Deauville, l’ensemble de mes collègues ont constaté l’ampleur des progrès accomplis lors de la présidence française. Les groupes du Parlement européen et la Commission font la même analyse.

La stratégie européenne de sécurité a été renouvelée, avec l’ambition d’une capacité de 60 000 hommes déployables. Nous avons avancé dans l’analyse commune des menaces et des risques. Toute une série d’avancées capacitaires a été obtenue, avec notamment le programme MUSIS. Il a été décidé de mettre sur pied une flotte commune d’A400M, de constituer une école franco-allemande de formation des pilotes et des mécaniciens et d’assurer ensemble la MCO de l’A400M. Les quatre pays disposant de porte-aéronefs se coordonneront, organiseront des exercices communs, amélioreront leur interopérabilité et feront en sorte qu’un porte-avions européen navigue en permanence, accompagné de bateaux d’autres nationalités – neuf pays ont décidé de participer. Un trust fund va rénover des hélicoptères de l’ancien Pacte de Varsovie, qui seront mis à la disposition des pays européens participant.

L’Agence européenne de défense a enfin un programme de travail, avec un projet d’hélicoptère lourd, l’intégration des drones dans l’espace aérien, le déminage du futur, le segment sol de MUSIS, et j’en passe. J’espère que nous allons signer avant la fin de l’année les deux directives du paquet défense, ouvrant la voie aux transferts intracommunautaires et aux marchés publics européens, qui étaient en souffrance. Nous avons décidé de travailler sur les technologies ITAR-free – International Traffic in Arms Regulations free –, qui nous feraient sortir de la dépendance vis-à-vis des États-Unis.

Dans le domaine des OPEX, nous déciderons je l’espère d’arrêter Althea en Bosnie et nous avons lancé une opération de lutte contre la piraterie. Avec l’Erasmus militaire, des officiers pourront suivre une partie de leur formation à l’étranger. Nous lançons un plan d’évacuation des ressortissants européens en cas crise. Enfin, nous allons mettre en œuvre un réseau de surveillance maritime interopérable en temps réel des côtes européennes.

Le chemin parcouru et l’élan donné sont importants – et encore, je n’ai pas fait le tour de tous les sujets –, d’autant que l’Europe de la défense n’a même pas dix ans d’existence.

M. Michel Terrot. L’armée congolaise régulière est en déroute, les rebelles sont aux portes de Goma voire dans la ville elle-même, la situation humanitaire est désastreuse et la MONUC se trouve dans une situation si précaire que le général qui la commandait a démissionné il y a quelques jours. Si une force européenne est envoyée dans l’Est du Congo, compte tenu de l’éparpillement de nos soldats sur les divers théâtres, serons-nous en mesure de constituer assez rapidement un dispositif à ossature française ?

M. Robert Lecou. Les gendarmes ont beaucoup de vague à l’âme. Qui décidera de l’implantation des unités sur le territoire ? Pouvez-vous nous donner des informations sur le devenir des escadrons de gendarmerie mobile ?

M. le ministre. Ce sujet est de la compétence du ministère de l’intérieur ; je laisse donc à ma collègue Michèle Alliot-Marie le soin de l’aborder avec vous dans le cadre de la réflexion en cours. Le ministère de la défense continuera à former les militaires, à gérer leur carrière, à s’occuper de leur discipline et à assurer leur soutien.

À propos de la RDC, la France réaffirme son soutien au président Joseph Kabila, demande à l’Angola de participer à la résolution de la crise, souhaite éviter de nouvelles tensions avec le Rwanda de M. Paul Kagame et attend que l’ONU prenne ses responsabilités.

La MONUC est la force militaire des Nations unies la plus puissante de la planète, avec 16 000 militaires, 2 000 civils et 86 aéronefs. Seulement 4 000 hommes sont positionnés dans la région de Goma ; il faut y redéployer davantage d’hommes, appartenant à des nations capables d’intervenir au titre du chapitre VII, c’est-à-dire d’employer la force. Nous avons repris pied en RDC et nous entretenons les meilleures relations avec le président Kabila. Nous essayons de rétablir des relations diplomatiques normales avec le président Kagame. Il faut bien réfléchir avant d’intervenir dans cette zone frontalière entre la RDC et le Rwanda. En outre, fournir une force européenne forte de 500 à 1 500 hommes pour encadrer les forces de l’ONU fortes de 16 000 hommes n’aurait pas de sens. L’ONU doit prendre ses responsabilités et mettre en place des moyens pour que cette force devienne opérationnelle. Le cas échéant, nous apporterons évidemment notre soutien humanitaire mais nous ne pouvons pas être les gendarmes de toute l’Afrique.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous remercie pour tous ces éclaircissements, monsieur le ministre.

La séance est levée à dix-sept heures trente

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