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Commission des affaires étrangères

Mercredi 5 novembre 2008

Séance de 12 h 30

Compte rendu n° 12

Présidence de Mme Martine Aurillac, vice-présidente

– Examen pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » du projet de loi de finances pour 2009 – Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis sur les crédits des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires » et M. François Rochebloine, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique »

– Examen pour avis des crédits de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2009 – M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis

Projet de loi de finances pour 2009 – mission « Action extérieure de l’Etat »

La séance est ouverte à douze heures trente

A l’issue de l’audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, (voir compte rendu de la commission élargie du 5 novembre 2008 à neuf heures), la commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de Mme Geneviève Colot, rapporteure des crédits des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires », et sur le rapport de M. François Rochebloine, rapporteur des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » pour 2009.

Article 35 : Etat B – Mission « Action extérieure de l’Etat »

La Commission est saisie de deux amendements en discussion commune, présentés respectivement par M. Jacques Myard et par les deux rapporteurs pour avis.

M. Jacques Myard. Le présent amendement a pour objet de majorer les crédits affectés aux moyens d’actions de la France en matière culturelle et linguistique de 10 millions d’euros par une diminution des crédits consacrés à la scolarisation des élèves français dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Il convient en effet de ne pas amoindrir les moyens d’influence bilatéraux de notre pays en matière d’apprentissage du français ou de diffusion culturelle, là où, au contraire, une action forte est nécessaire, quand nous célébrons le 50e anniversaire de la Francophonie. Or l’action culturelle et linguistique de la France subit une perte de crédits en matière de dépenses d’intervention d’environ 10 millions d’euros, passant de 70 millions d’euros en 2008 à 60 millions d’euros en 2009.

Les gains de productivité ne doivent pas être un prétexte à une érosion généralisée de notre action en faveur du français et des manifestations françaises.

On constate, en revanche, que l’accès des élèves français au réseau de l’AEFE bénéficie d’un accroissement substantiel de ses moyens de près de 20 millions d’euros, passant de 67,06 millions d’euros à 86,1 millions d’euros. Cette action en faveur de la scolarisation gratuite des enfants français entrant en classe de première n’est pas prioritaire dans la mesure où les entreprises françaises aident leurs expatriés qui ont des enfants scolarisés. Il n’est pas utile, dans la conjoncture actuelle, que la puissance publique se substitue à ces dernières au détriment de son action propre.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis. La prise en charge des frais de scolarité pour les enfants français inscrits dans les lycées français à l’étranger entre dans sa deuxième année d’application : la gratuité s’étend aux classes de première et de seconde.

Face à cette mise en œuvre d’un généreux engagement du Président de la République, tous les observateurs ont, depuis plus d’un an, exprimé des craintes quant aux effets pervers de la mesure et tous ont appelé à son encadrement, au nom de l’équité mais aussi pour éviter que les marges de manœuvre budgétaires ne soient préemptées par ce dispositif.

Au nom de considérations élémentaires d’équité – entre familles expatriées mais aussi entre contribuables métropolitains et ressortissants expatriés –, le présent amendement propose une diminution de crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement de 5 millions d’euros, sur l’action « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires », dotée de 86,1 millions d’euros pour 2009, dont 30 millions d’euros pour la seule mesure de gratuité. Cette diminution correspond à la mise en œuvre immédiate, par l’AEFE et sa tutelle, d’un double plafonnement :

– un plafonnement en fonction des revenus bruts des familles, à hauteur de 150 000 euros annuels par foyer ;

– un plafonnement en fonction du montant des droits de scolarité, en n’excluant aucun type d’établissement pourvu qu’il soit au moins homologué, mais en ne prenant pas en charge les écolages au-delà de 8 500 euros annuels par élève, qui est aujourd’hui le montant le plus élevé demandé dans un lycée en gestion directe (8 407 euros en 2008-2009 pour le lycée Van Gogh de La Haye, en l’occurrence).

Cet encadrement est parfaitement cohérent avec celui évoqué par le ministre des affaires étrangères et européennes au cours de la commission élargie sur la mission « Action extérieure de l’Etat » : il devrait permettre une économie de l’ordre de 5 millions d’euros, somme que l’amendement propose d’affecter sur l’action 5 « Service public d’enseignement à l’étranger » du programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

L’autonomie financière de l’opérateur qu’est l’AEFE implique que la subvention du budget de l’État soit globalisée. Pour autant, les auteurs de l’amendement souhaitent que l’augmentation de cette dotation de 5 millions d’euros soit consacrée au programme immobilier de l’Agence qui, depuis qu’elle a repris de l’État la compétence immobilière pour le réseau des lycées français, se trouve confrontée à un réel manque de moyens dans ce domaine. 30 millions d’euros sont nécessaires chaque année, charge assumée par l’AEFE, les parents d’élèves à travers les droits de scolarité… et non plus par l’État qui s’est dessaisi de cette compétence.

J’ai ainsi pu constater, à l’occasion d’un récent déplacement au Sénégal, que la construction en cours d’un nouveau lycée à Dakar allait coûter 20 millions d’euros, pour une estimation initiale de 15 millions d’euros, et que cette dépense devait être couverte par l’AEFE à hauteur de 6 millions d’euros, sur les réserves de l’établissement scolaire à hauteur de 3 millions d’euros, et par l’emprunt pour le reste du financement. L’augmentation du coût de l’opération accroît considérablement le recours à l’emprunt, ce qui inquiète les parents d’élèves.

Je précise que cet amendement, co-signé par Mme Colot, est soutenu par de nombreux collègues, parmi lesquels M. Roatta et Mme Aurillac.

Mme Geneviève Colot, rapporteure pour avis. L’amendement de M. Myard vise à réduire de 10 millions d’euros les crédits destinés à la prise en charge des frais de scolarité des élèves français des classes de terminale et de première et d’abonder de la même somme les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », au bénéfice de l’action culturelle et linguistique.

Il ne me semble pas opportun de réduire de 10 millions d’euros les crédits de prise en charge des frais de scolarité qui devraient s’élever en 2009 au total à environ 30 millions d’euros, les 56 millions d’euros restant sur cette action étant destinés aux bourses accordées pour raisons sociales. M. Myard ne précise d’ailleurs pas comment cette diminution de crédits devrait être répercutée sur la prise en charge des frais de scolarité, mesure dont il semble contester entièrement le bien-fondé : soit il veut mettre un terme à ce dispositif, et il faut alors réduire ces crédits de 30 millions d’euros, soit, comme M. Rochebloine et moi-même le proposons dans notre amendement, il veut seulement obtenir que cette prise en charge soit plafonnée, et la réduction des crédits de 10 millions d’euros est trop élevée.

Par ailleurs, je préfère que les crédits pris sur le programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » et redéployés sur le programme « Rayonnement culturel et scientifique » restent affectés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont le besoin de financement dépasse la subvention prévue, en particulier dans le domaine immobilier, dans la mesure où l’Agence doit assumer les coûts de construction et d’entretien des établissements qui lui ont été confiés.

Je suis donc défavorable à l’amendement de M. Myard, auquel je préfère celui que je présente avec M. Rochebloine.

La Commission rejette l’amendement de M. Jacques Myard, puis adopte à l’unanimité l’amendement de M. François Rochebloine et de Mme Geneviève Colot (amendement n° II-264).

Suivant les conclusions des deux rapporteurs pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » pour 2009, ainsi modifiés.

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Projet de loi de finances pour 2009 – mission « Défense »

La commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Michel Boucheron, les crédits de la mission « Défense » pour 2009.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis. La principale menace qui pèse sur la stabilité internationale reste le terrorisme, notamment l’organisation Al Qaïda. Celle-ci se renforce actuellement en Afghanistan, et commence à développer des liens avec des groupes situés au nord de l’Afrique, aux frontières du Mali – où l’autorité étatique est trop faible pour agir efficacement – et de la Mauritanie, où le gouvernement, quoique menant une politique volontaire contre le terrorisme, n’est pas légitime.

En deuxième lieu, la prolifération continue de faire peser un risque sur la stabilité internationale. Le régime juridique de contrôle actuel n’est pas toujours adapté, comme le montre le vote, par le Congrès américain, d’un programme de modernisation de l’outil de dissuasion, peu compatible avec les préconisations du traité de non prolifération de 1968.

Deux autres menaces sont réapparues récemment, la piraterie au large des côtes somaliennes, et les cyberattaques, comme celles dirigées contre l’Estonie en avril 2007. Celles-ci ne nécessitent pas que de grands moyens soient mis en œuvre pour les contrer.

La réforme de l’outil de défense français doit prendre en compte ce contexte. Le choix a été fait de réduire le nombre d’hommes, tout en améliorant leur équipement. La révision générale des politiques publiques conclue à la possibilité de supprimer plus de 50 000 postes, et le budget pour 2009 procède à une réduction de plus de 8 000, dont 2 000 civils.

Cette orientation générale, qui n’est pas critiquable, donne toutefois lieu à des mesures qui peuvent être contestées. Ainsi, la décision de regrouper les services centraux du ministère de la défense sur le site de Balard risque finalement de générer des coûts bien plus importants que ce qui avait été initialement prévu, qui ne seront peut-être pas compensés par les ressources tirées de la vente de l’îlot Saint Germain.

Le budget de la défense pour 2009, pour sa part, progresse de 1,4 %, mais de plus de 5 % en incluant les recettes exceptionnelles, vente d’immeubles et cessions de fréquences que l’évolution des technologies a rendu disponibles. Cette dernière initiative pose problème, car elle fait reposer des évolutions de long terme sur une ressource incertaine.

Un effort appréciable est consenti en faveur du renseignement. Environ 140 emplois seront créés au sein de la direction générale de la sécurité extérieure, qui voit par ailleurs son budget augmenter de près de 60 %, en autorisations d’engagement, afin de mener des programmes d’équipement de long terme. Une amélioration de la coordination entre les services de renseignement est également prévue, par la nomination d’un coordinateur national du renseignement et la création du conseil national du renseignement, qui regroupe les six services de renseignement français : la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement militaire et la direction de la protection et de la sécurité de la défense ; ainsi que la direction centrale du renseignement intérieur, l’unité de coordination de la lutte anti-terroriste, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et que la cellule de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, dite cellule TRACFIN.

En matière d’équipement, je rappellerais la persistance de problèmes industriels. La date de la livraison des avions de transport tactique A400M reste inconnue ; le programme d’hélicoptère lourd NH 90-NFH, destiné à la marine, prend du retard ; quant aux drones, les ralentissements sont généralisés, comme l’a montré la mise en service avec cinq ans de retards du système intérimaire de drone de moyenne altitude – longue distance.

S’agissant de l’Europe de la défense, j’estime que les ambitions affichées manquent de réalisme. A l’heure actuelle, la France et la Grande-Bretagne dépensent à elles seules près de la moitié de des dépenses totales de défense en Europe, et les trois quarts des dépenses de recherche et développement. Les progrès dans le domaine de l’Europe de la défense ne peuvent donc se passer du partenariat entre ces deux pays, d’autant que l’Allemagne reste contrainte par sa Constitution, qui rend très difficile l’envoi de troupes allemandes pour combattre à l’extérieur du territoire.

Je suis de ceux qui considèrent que l’élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis va ouvrir des perspectives nouvelles dans de nombreux domaines. Il faudra donc profiter des changements prévisibles pour redéfinir l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, revoir la stratégie poursuivie en Afghanistan, et reconsidérer les liens à tisser avec la Russie.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2009.

La séance est levée à treize heures.

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