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Commission des affaires étrangères

Mardi 31 mars 2009

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Examen pour avis du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (n° 1216) – M. Loïc Bouvard, rapporteur

Examen pour avis du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (n° 1216)

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Loïc Bouvard, le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (n° 1216).

M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. Le projet de loi qui vous est soumis pour avis programme les dépenses militaires de notre pays pour six ans. Son exécution a déjà commencé, 2009 en constituant la première annuité.

Ce texte dote les armées de 185 milliards d’euros de crédits pour la période 2009-2014, et prévoit un effort continu au cours de la période 2015 – 2020. Les mesures qu’il contient nous permettront de disposer d’un outil militaire plus efficace, car modernisé et plus mobile. Une telle réforme s’impose, à l’heure où notre pays entame une importante évolution stratégique.

En annonçant officiellement, le 11 mars dernier, que la France reprendrait toute sa place au sein des structures de commandement intégrées de l’OTAN, le Président de la République a choisi de mettre fin à une situation qui, en fait, desservait nos intérêts depuis un certain temps. En effet, alors que notre pays assume une part importante des charges financières et humaines nécessaires au fonctionnement et aux opérations de l’OTAN, il ne prend part ni à la planification des missions auxquelles il participe, ni à la définition de la stratégie de l’Alliance pour l’avenir. Je crois au contraire qu’il est important pour la France de participer à la rénovation du lien transatlantique !

Le projet de loi de programmation pour 2009 – 2014 indique les conditions de notre retour au sein de l’OTAN : nos forces nucléaires restent indépendantes, nous conservons une capacité autonome d’appréciation des situations et sommes libres de participer ou non à une mission; enfin, aucune troupe française ne sera placée sous commandement étranger en temps de paix.

Nos alliés américains et européens attendaient ce retour depuis longtemps, et l’ont unanimement salué, comme le savent bien ceux qui, comme moi, participent aux travaux de l’assemblée parlementaire de l’OTAN. Une fois ce rapprochement effectué, la France sera mieux à même de développer l’Europe de la défense, en partenariat avec les Etats-Unis.

Sur ce point, je ne peux que citer Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense de 2002 à 2007 : « les réticences de certains pays européens à faire les efforts nécessaires pour renforcer la Défense européenne seront d’autant plus faciles à surmonter qu’ils auront l’assurance que celle-ci ne se construit pas contre l’OTAN ». Ce changement d’attitude est nécessaire : alors que 21 des Etats membres de l’Union européenne participent à l’OTAN, la France et la Grande-Bretagne représentent à elles seules près de la moitié des dépenses européennes d’investissement militaire, et les deux tiers des budgets de recherche !

De plus, parce qu’une fois ce retour accompli, la France sera mieux en mesure de participer à ce que l’on peut appeler « l’européanisation » de l’OTAN. Notre pays devrait ainsi diriger le commandement allié pour la transformation, situé à Norfolk, dont la tâche est d’adapter l’OTAN aux nouvelles conditions géopolitiques, dans lesquelles la Russie n’est plus un ennemi, et qui voient émerger des puissances nouvelles, comme la Chine et l’Inde.

Présente dans l’OTAN, la France n’en abandonne pas pour autant ses ambitions européennes. Le deuxième semestre 2008 a été l’occasion de montrer notre attachement au projet d’Europe de la défense, né à Saint-Malo en 1998 et explicitement rappelé dans le rapport annexé au présent projet de loi. De nombreuses initiatives ont été lancées sous la Présidence française de l’Union européenne, parmi lesquelles je retiendrai les deux plus emblématiques. D’abord, la création d’un programme de formation et d’échanges pour les officiers européens. De cet « Erasmus militaire », nous pouvons attendre l’émergence d’une doctrine militaire commune.

En second lieu, une nouvelle version de la stratégie européenne de sécurité a été mise au point, pour prendre en compte les menaces pesant sur la sécurité informatique, et les risques climatiques.

Ces efforts pourraient être prolongés, au cours des prochaines années, par des programmes plus ambitieux. Je plaide ainsi pour la création d’une agence européenne de l’armement, qui centraliserait les besoins des Etats membres, et permettrait de conduire des programmes authentiquement européens. Il serait également souhaitable de conduire une revue des programmes nationaux à l’échelle européenne.

De plus, le traité de Lisbonne institue des coopérations structurées permanentes dans le domaine de la défense, ce qui permettra aux pays réellement intéressés de développer plus facilement de grands programmes d’équipement, auxquels les autres Etats membres pourront participer par la suite.

Enfin, je souhaite que l’Europe se dote d’un véritable livre blanc, qui aille plus loin que la stratégie européenne actuelle, et définisse les intérêts communs des pays européens, les menaces qui pèsent sur eux, et les moyens dont l’Union doit être dotée pour les combattre.

Nous ne pourrons atteindre ces objectifs diplomatiques qu’en réformant nos armées. Il nous faut donc les adapter aux standards les plus exigeants. La présente loi de programmation militaire s’efforce, par conséquent, de moderniser à la fois le fonctionnement, mais aussi l’équipement, de notre outil de défense.

D’abord, le choix a été fait, plutôt que d’imposer un modèle global difficile à réaliser pleinement, d’adapter nos armées aux menaces contemporaines, à savoir le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, et la multiplication de conflits régionaux susceptibles de menacer nos intérêts.

Aussi, nos forces sont-elles investies d’une nouvelle fonction stratégique, intitulée « connaissance et anticipation », qui vise à garantir notre capacité d’appréciation autonome des situations. Couvrant notamment le renseignement, cet aspect de notre défense fait l’objet d’un effort bienvenu, qui inclut l’embauche de 700 personnels spécialisés, et le renforcement de nos moyens spatiaux, dont certains en coopération avec d’autres Etats européens.

Les autres fonctions stratégiques ne sont pas négligées pour autant. La dissuasion se voit dotée de crédits suffisants pour la maintenir au niveau technique le plus avancé. Notre appareil militaire prépositionné, qui participe à la fonction de prévention, est ajusté pour correspondre aux principales zones de tension, aujourd’hui concentrées autour d’un arc de crise allant de la Méditerranée à l’océan Indien. Enfin, les instruments de protection du territoire et de la population évoluent pour prendre en compte les nouvelles menaces, en particulier biologiques et informatiques.

Nos forces armées sont également dotées des matériels nécessaires pour intervenir efficacement partout où elles pourraient être appelées. Tenant compte des besoins exprimés par nos soldats, le présent projet de loi privilégie, dans un premier temps, la protection de nos troupes et leur mobilité sur les théâtres d’opération.

A terme, les armées devraient pouvoir compter sur une force opérationnelle terrestre de 88 000 personnes disposant d’environ 250 chars Leclerc, 650 véhicules blindés de combat de type VBCI, 80 hélicoptères de combat dont des Tigre, 130 hélicoptères de manœuvre, notamment des NH 90, et de l’ordre de 25 000 équipements individuels du combattant de type Félin.

En deuxième lieu, une marine dotée de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, 6 sous-marins nucléaires d’attaque, 1 porte-avions et son groupe aérien, 18 frégates de premier rang, 4 bâtiments de projection et de commandement.

Enfin, une composante aérienne mettant en œuvre 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000, des systèmes de détection et de contrôle avancé de type Awacs, 14 ravitailleurs de type MRTT et environ 70 avions de transport.

Contrairement à la précédente, la loi de programmation militaire pour 2009 – 2014 fixe un équilibre financier qui couvre tout le budget de la défense. Les dépenses d’équipement augmentent ainsi de 49 à 58 % du budget total, tandis que les effectifs diminuent de 314 à 276 000 personnes. Diverses réformes de fonctionnement permettent également de réaliser des économies, notamment le regroupement des implantations de défense au sein de 90 bases interarmées et un nouveau fonctionnement des structures centrales du ministère de la défense.

Pour aider à la réalisation de ce projet ambitieux, le contrôle du Parlement doit s’exercer sur les lois de finances initiales et surtout sur la réalisation des budgets que nous aurons votés. L’exécution de la précédente loi de programmation a donné lieu à des erreurs qui ne doivent pas être reproduites. L’excellent rapport d’information, présenté sur ce sujet par nos collègues Yves Fromion, Patricia Adam et Patrick Beaudoin devant la Commission de la défense, en fournit malheureusement des exemples édifiants.

Plusieurs mesures réformant les administrations centrales du ministère de la défense répondent directement aux critiques adressées à l’exécution de la précédente loi.

D’abord, le présent projet de loi donne plus de pouvoir au chef d’état-major des armées dans le domaine des équipements. Une équipe de programme est ainsi créée, qui suivra chaque programme du début à la fin, et sera placée sous son autorité en matière de conception, de définition et d’utilisation des équipements.

D’autres réformes doivent permettre de réduire le coût du maintien en condition opérationnelle des équipements. Une structure intégrée est ainsi créée pour les matériels terrestres, similaire à celles qui existent pour la marine et l’armée de l’air. Les coûts de l’entretien seront également négociés avec les industriels, en prévoyant des indices de performance afin de mieux maîtriser ce poste de dépenses.

Enfin, la loi de programmation militaire pour 2009 – 2014 autorise la cession au secteur privé de la société nationale des poudres et explosifs et de ses filiales. Une telle mesure permettra de réduire les dépenses. La même opération, décidée pour la société DCN, avait ainsi permis de réduire le coût de l’entretien d’environ 20 %.

Le présent projet de loi vise donc à doter la France d’un outil militaire suffisamment crédible pour faire entendre sa voix, et celle de l’Europe, au sein de l’Alliance Atlantique. Partageant cet objectif global, et la méthode choisie pour le remplir, je vous demande de donner un avis favorable à son adoption.

M. François Rochebloine. Je voudrais tout d’abord faire une remarque. M. le rapporteur a indiqué, comme le souligne le rapport d’information de certains de nos collègues, dont M. Fromion, que la précédente loi de programmation militaire n’avait pas été exécutée conformément aux engagements du ministre de l’époque. J’en suis plutôt surpris car il me semble que des engagements, très forts et très précis, avaient été pris par la ministre Mme Michèle Alliot-Marie. On a ainsi vu un certain nombre d’emplois disparaître, et en particulier chez Giat Industrie, et j’en parle en connaissance de cause puisque ma région a été touchée alors qu’on aurait pu, et dû, conserver un certain nombre d’emplois qui font peut-être défaut aujourd’hui au ministère de la défense.

J’aurai deux questions. La première concerne un problème récurrent, celui du financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX). Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, nous apporter des précisions sur le mécanisme que prévoit la nouvelle loi de programmation militaire pour éviter de mettre à contribution les crédits d’équipement des armées pour financer les OPEX ? Ma deuxième question est la suivante : après avoir auditionné l’ambassadeur M. Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement auprès du Président de la République, pourriez-vous nous faire un point sur le renforcement des capacités du renseignement dans la future loi ?

M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. Il est évident que, dans le passé, les coûts des OPEX ont été en partie seulement financés par les crédits interministériels et plus de la moitié sont restés à la charge du budget de la défense, réduisant donc ainsi les équipements. Pour l’avenir, je vous renvoie à la page 91 du rapport annexé au projet de loi concernant le financement des opérations extérieures. Je cite « Un double objectif sera poursuivi afin d’éviter que le financement des opérations extérieures ne pèse sur la réalisation de la programmation des investissements : une maîtrise du coût des opérations extérieures, qui sera mis en regard de leur intérêt politique ; un niveau de budgétisation suffisant, assorti d’une meilleure identification des surcoûts. » J’en accepte l’augure. « En gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle », et non pas sur les crédits d’équipement.

M. François Rochebloine. Pour être plus clair ?

M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. Pour être plus clair, ce ne sera pas pris sur les investissements. C’était la grave erreur de la loi précédente de programmation militaire.

Pour répondre à votre deuxième question sur le renseignement, je vous renvoie aux pages 46 et 47 du rapport annexé. Pour les ressources humaines, j’ai déjà indiqué qu’il s’agissait de 700 personnes de plus. Pour les équipements, cela va des satellites d’observation MUSIS et du système d’écoute CERES jusqu’au niveau des théâtres d’opération avec les nacelles d’écoute életromagnétique ROEM aéroportées et les drones. L’accent sera mis sur les drones, avec au niveau tactique, les drones tactiques, les nacelles RECO mais également sur le système satellite européen Galileo.

En ce qui concerne l’observation spatiale, la France y contribuera avec Helios 2 (imagerie et optique infrarouge). Nous avons un accord d’échange d’images avec l’Allemagne mais tout cela sera remplacé ensuite par le système MUSIS qui est un projet européen en coopération avec l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique et la Grèce et qui fédérera les futurs projets nationaux en un programme international commun. Vous voyez là un exemple de l’effort pour européaniser la défense et personnellement, je m’en réjouis beaucoup.

M. Jacques Myard. En ce qui me concerne, je ne me réjouis pas de l’atlantico-béatitude de notre rapporteur et je tiens à le dire avec la plus grande énergie. L’européanisation de l’OTAN relève du mythe et cela est dit par de nombreux militaires, dans la plus grande discrétion parce qu’ils sont tenus par le devoir de réserve. On ne changera pas les concepts qui règnent à l’OTAN, dont le logiciel est nord américain et ce ne sont pas nos partenariats européens limités qui vont changer la nature de cela. J’en veux pour preuve, M. le rapporteur, l’Agence européenne de défense, dont on sait bien qu’elle est déjà morte.

D’autant plus morte que les Européens, les Britanniques, les Allemands et les Néerlandais, viennent de financer à fonds perdus l’ACF, l’avion de combat futur, sans avoir le moindre retour de savoir-faire industriel. Lorsqu’on se prive, en Europe, de la capacité technologique de construire un avion de combat de nouvelle génération, qui viendra après les autres, Rafale et Eurofighter, on va dans le mur et on ne peut donc pas parler d’européanisation de l’OTAN.

Ce qui s’est passé est extrêmement grave en cela qu’il n’y a plus qu’un seul constructeur aujourd’hui capable de développer un avion. C’est Dassault, qui garde la maîtrise technologique. Les autres ont totalement aliéné leur savoir-faire et ont financé l’avion de combat futur américain.

Je demanderai donc à notre rapporteur un peu de retenue. Ce projet de loi de programmation militaire tient compte du reformatage à la baisse des forces armées françaises. Je constate en effet que la mission de défense augmente de 5 % en euros courants, passant de 29 à 31 milliards d’euros sur la période. Si l’on tient compte du fait qu’il s’agit d’euros courants, cela revient à une réduction très forte des moyens de la France consacrés à la mission Défense. C’est la raison pour laquelle on peut s’en inquiéter et non pas dire que tout va bien, car ce n’est pas le cas.

M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. Je m’attendais à ce que notre collègue Jacques Myard s’exprime ainsi. Pour ma part, je ne crois pas de façon béate à ce que, du jour au lendemain, l’OTAN et l’Europe puissent se transformer. L’OTAN va pouvoir se transformer progressivement et la France va y prendre sa part. Avouez que c’est quand même mieux ! Je me réjouis que le commandement sur la transformation de l’OTAN soit donné à la France. Nous aurons au moins une voix à faire entendre. D’autre part, je vous assure que les efforts faits par le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne ou l’Italie peuvent contribuer à cimenter l’Union européenne, à la condition qu’imitant la Grande-Bretagne et la France, certains pays acceptent d’augmenter le pourcentage de leur PIB alloué à la défense. Je reconnais toutefois que même si cette condition était remplie, cela ne nous donnerait pas le moyen d’équilibrer complètement le poids des États-Unis. Je vous rappelle que l’Europe, avec ses cinq cents millions d’Européens, ne représente que 40% du budget militaire américain. Donc il est évident que le poids des Etats-Unis dans la balance est pour le moment plus lourd que celui des Européens.

Ce que nous souhaitons quand nous parlons d’européanisation, qui est un terme utilisé par Mme Michèle Alliot-Marie dans l’article du Figaro que j’ai cité tout à l’heure sans citer ce passage, c’est qu’il est évident que l’effort fait par la France pour accroître le poids de l’Europe dans l’OTAN doit permettre précisément à la France de ne pas se sentir isolée et seule. Votre thèse est de dire que nous diminuons notre effort de défense. En réalité, je me permets de vous dire que si nous diminuons les effectifs, en termes de qualité, au contraire, nous allons équiper nos forces avec des moyens beaucoup plus modernes. C’est une armée qui sera peut-être moins nombreuse mais plus manœuvrière, plus mobile, plus performante et mieux équipée.

J’ajoute que les réductions d’effectifs porteront principalement sur ceux qui assurent le soutien des armées, qu’ils soient militaires ou civils, et non sur les combattants. L’effort financier programmé pour 2009-2014 est considérable, remarquable même, et il va se poursuivre lors de la prochaine loi de programmation militaire. Par les moyens ainsi mis en œuvre, je pense que la France, qui se distingue déjà par la qualité de ses combattants et de leurs performances, va pouvoir améliorer et augmenter sa capacité militaire d’intervention et mieux faire entendre sa voix en Europe et au sein de l’OTAN.

M. Jean-Michel Boucheron. Sans vouloir faire de polémique, je me permets de signaler à nos collègues de la majorité qui semblent surpris des conclusions du rapport d’information de la commission de la défense sur l’exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008, que les avis budgétaires de la commission des affaires étrangères, rédigés par des commissaires de l’opposition sous cette législature et sous la précédente, ont régulièrement dénoncé la sous-exécution de cette loi de programmation.

Plus fondamentalement, la construction de l’Europe de la Défense s’est toujours heurtée à deux difficultés : les Britanniques avaient de l’argent à y consacrer mais n’y étaient pas très favorables, tandis que les Allemands, qui la voyaient d’un bon œil, n’avaient pas de moyens financiers pour y participer. Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN est présenté comme un moyen de favoriser le développement de l’Europe de la Défense. Mais les Britanniques ne remettent pas en cause le principe de non-duplication entre les moyens de l’OTAN et ceux de l’Europe de la Défense, notamment en matière stratégique, et les Allemands ne semblent plus aussi proches de la France sur ces questions qu’ils l’ont été par la passé : tout comme l’accord de Siemens avec le groupe russe Rosatom au détriment de son partenaire français Areva, l’échec de l’A400M témoigne de la détérioration des relations franco-allemandes.

M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. Il est vrai que les parlementaires de la majorité n’ont pris conscience qu’avec un certain retard de l’ampleur des problèmes de mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2003-2008, dont l’avis budgétaire de M. Boucheron faisait effectivement le constat. Les 9 milliards d’euros perdus sur les six années de cette programmation représentent en effet l’équivalent d’une demie année de programmation, ce qui est considérable.

En ce qui concerne la position britannique, il ne faut pas oublier que c’est le sommet franco-britannique de Saint Malo du 4 décembre 1998 qui a constitué l’acte de naissance de la vision moderne de l’Europe de la défense. En reprenant sa place dans le commandement intégré de l’OTAN, la France prouve que l’Europe de la Défense n’est pas un projet qui s’oppose à l’OTAN, mais qu’elle doit trouver sa place dans l’OTAN. Une base industrielle et technologique de défense européenne doit être bâtie, ce à quoi Français et Britanniques contribuent en construisant en commun un porte-avions.

La chancelière allemande est très favorable au retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, et le froid entachant nos relations bilatérales est désormais passé, les deux pays étant unis dans leur volonté de combattre la crise économique et financière.

L’A400M constitue une catastrophe, qui pourrait nous obliger à recourir à des achats sur étagères.

M. Jean-Michel Ferrand. Le projet de loi indique que la privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) devrait permettre à l’Etat de réaliser 20 % d’économie dans ce domaine. Mais qu’en est-il des actuels sites de la SNPE ? Comment être sûr que, une fois privatisée, l’entreprise ne va pas en fermer un certain nombre ?

M. François Loncle. Une partie des parlementaires est inquiète de l’absence de toute référence à la gendarmerie dans le projet de loi. Celle-ci conserve pourtant son statut militaire. Alors qu’elle souffre de fortes réductions d’effectifs, ce silence est mal perçu par les gendarmes eux-mêmes et par les élus qui son attachés à cette arme. Il constitue un signe de plus de son transfert sous la tutelle du seul ministère de l’intérieur.

M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. La préservation du statut militaire de la gendarmerie n’est pas en cause, mais son budget sera examiné dans la loi d’orientation pour la sécurité intérieure pour 2010-2015.

En principe, seul le statut et les détenteurs du capital de la SNPE seront modifiés à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de programmation militaire. Les sites ne sont pas concernés.

M. le président Axel Poniatowski. La discussion générale est close. Avant l’examen de l’amendement de M. Lecou, je vous propose d’émettre un avis sur l’adoption des articles 1 à 9 sur lesquels aucun amendement n’a été déposé.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des articles 1 à 9 du projet de loi.

M. le président Axel Poniatowski. Nous sommes saisis après l’article 9 d’un amendement portant article additionnel présenté par M Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Cet amendement résulte de mon expérience d’élu local dans l’Hérault. La suppression d’implantations consécutive à la réforme de la carte militaire laisse de nombreux terrains vacants qui pourraient utilement être attribués aux collectivités territoriales afin qu’elles mettent en œuvre leurs projets de développement économique.

C’est pourquoi mon amendement vise à donner la priorité aux collectivités territoriales qui souhaiteraient reconvertir les terrains militaires en mettant en œuvre un projet d’intérêt général. Lorsque les collectivités locales ne manifestent pas d'intention en ce sens, la priorité serait alors donnée aux anciens propriétaires ou à leurs ayants droit.

M. Loïc Bouvard, rapporteur pour avis. Votre amendement pose deux types de difficultés :

D’une part, un problème juridique. En choisissant de modifier le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, l’amendement restreint en réalité son champ aux seuls sites qui auraient fait l’objet d’une expropriation datant de trente ans ou moins. Une telle condition ne s’applique à pratiquement aucun des sites impliqués dans la réforme de la carte militaire.

D’autre part, une telle disposition ne tient pas compte des mesures, annoncées par le Gouvernement, qui offrent aux collectivités locales la possibilité de racheter pour un prix symbolique les bases désaffectées, à condition qu’un projet viable soit proposé pour l’avenir de ces sites. Ce dispositif est encore en cours de négociation avec les élus locaux, et l’adoption de l’amendement nuirait à la cohérence d’ensemble des mesures envisagées.

Accepteriez-vous, au bénéfice de ces explications, de retirer votre amendement ?

M. le président Axel Poniatowski. J’ajoute que certaines dispositions permettent déjà aux collectivités territoriales de reprendre des sites pour les reconvertir dans des conditions favorables. En revanche, le retour aux anciens propriétaires me semble difficile à admettre sur le plan juridique.

M. Robert Lecou. J’entends les arguments qui me sont opposés mais je m’interroge. Il ne me semble pas que mon amendement puisse gêner d’une quelconque manière le ministère alors qu’il permet l’inscription dans la loi d’un dispositif envisagé par le Gouvernement. J’accepte cependant de le retirer.

L’amendement est retiré.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous propose d’émettre un avis sur l’adoption des articles 10 à 17 sur lesquels aucun amendement n’a été déposé.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des articles 10 à 17 du projet de loi.

M. le président Axel Poniatowski. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

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