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Commission des affaires étrangères

Mardi 5 mai 2009

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 53

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Accord France-Bahreïn relatif aux services aériens (n° 1432) – M. Tony Dreyfus, rapporteur

– Accord France-Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (n° 1438) – M. Michel Vauzelle, rapporteur

– Accord France-Angola sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 1490) – M. Jean-Louis Christ, rapporteur

– Accord France-Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 1491) – M. Michel Terrot, rapporteur

– Accord France-Seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n° 1492) – M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur

La séance est ouverte à dix-sept heures trente

M. François Rochebloine. M. le Président, permettez-moi de m’interroger sur les moyens de respecter l’obligation qui nous est faite d’assister simultanément à une réunion de commission et à la séance publique !

Le Président Axel Poniatowski. Je reconnais, M. Rochebloine, que l’organisation de nos travaux n’est pas toujours compatible avec notre présence en séance publique, mais nous avons justement reporté notre réunion d’aujourd’hui d’une heure afin de nous permettre de participer aux différents votes qui étaient prévus après la séance de questions au gouvernement. Une fois que notre règlement aura été modifié, nous nous efforcerons de réserver certaines demi-journées aux réunions de commission et d’autres à la séance publique.

*

Accord France-Bahreïn relatif aux services aériens (n° 1432)

La commission examine, sur le rapport de M. Tony Dreyfus, le projet de loi autorisant l'approbation du protocole à l'accord du 3 juillet 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Bahreïn relatif aux services aériens (n° 1432).

M. Tony Dreyfus, rapporteur. Le protocole signé le 22 mars 2007 entre la France et Bahreïn fait de l’accord initial de 1995 en matière de services aériens un texte parfaitement à jour des exigences du droit communautaire de la concurrence.

Le cadre international de référence en matière de trafic aérien est fixé par la Convention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l’aviation internationale civile, qui définit les termes, les principes et les mécanismes communs à l’ensemble des États signataires en matière de liberté de trafic, d’immatriculation des aéronefs ou encore de sécurité. Mais les questions commerciales, telles que le tableau des routes autorisées, le nombre de compagnies pouvant être désignées sur telle route, les fréquences des vols ou encore les types d’appareils utilisables, ne peuvent être traitées que dans un cadre bilatéral. Le projet de loi autorisant l’approbation d’un deuxième protocole à l’accord du 3 juillet 1995 entre la France et Bahreïn en matière de services aériens nous invite à nous pencher sur la mise à jour de l’un de ces accords, classique s’il en est. Il s’agit de constater en l’espèce l’avancée du droit communautaire dans ce domaine, et d’évoquer les accords dits de « ciel ouvert ».

La portée de ces accords a été profondément modifiée depuis une série d’arrêts de la Cour de justice des communautés européennes, en novembre 2002, à propos d’accords bilatéraux, jugés discriminatoires, entre certains États membres de l’Union et les États-Unis. Un meilleur équilibre concurrentiel a pu être rétabli grâce à ces arrêts, au bénéfice des Européens dans leur ensemble. La Commission européenne a par ailleurs retrouvé toutes ses prérogatives et un Règlement de procédure entré en vigueur le 1er juin 2004 régit, depuis lors, tous les accords aériens bilatéraux. Ainsi, l’accord du 3 juillet 1995 entre la France et Bahreïn en matière de services aériens avait déjà fait l’objet d’une première adaptation, avec la signature à Paris d’un premier protocole le 23 février 2004.

Le deuxième protocole, soumis à notre examen par le présent projet de loi, a été signé le 22 mars 2007 à Manama ; il est objectivement d’une portée très limitée. La partie française a, en fait, saisi une occasion d’adapter l’accord de 1995 aux clauses commerciales les plus modernes en matière de services aériens. Cette occasion, c’est le souhait du Royaume de Bahreïn de développer sa plate-forme aéroportuaire et d’augmenter encore les débouchés de sa compagnie nationale, Gulf Air. Avant de détailler le contenu de l’accord je voudrais aborder la question du développement manifeste du trafic des passagers et du fret entre nos deux pays − même si les volumes globaux demeurent limités.

S’agissant du trafic de passagers, la seule ligne existant entre la France et Bahreïn est le Paris-Bahreïn. Jusqu’en 1995, cette ligne a été exploitée par deux compagnies : UTA puis Air France d’une part, et Gulf Air d’autre part, avec un trafic total annuel maximum de l’ordre de 20 à 25 000 passagers. Après le retrait de la compagnie française, laissant Gulf Air seule, le trafic de la ligne a diminué, puis il a repris à partir de 1999. Il est aujourd’hui en très forte croissance puisqu’il a plus que doublé entre 2003 et 2008, passant de 60 000 à 128 000 passagers par an environ. Il convient cependant de souligner qu’une large part de ce trafic − à hauteur de près des trois quarts − est en fait du trafic de correspondance à Bahreïn depuis la France, vers la Thaïlande et l’Inde en particulier. Depuis novembre 2008, Gulf Air exploite la ligne Paris-Bahreïn à raison de neuf vols aller-retour par semaine contre un seul vol par jour auparavant. Cela devrait entraîner, en 2009, une augmentation de l’offre en sièges de l’ordre de 20 % par rapport à 2008. Le trafic de fret entre la France et Bahreïn est lui aussi en forte croissance, notamment depuis 2006. Près de 9 000 tonnes de fret ont été transportées en 2008, alors que sur la période 1989-2005, ce nombre s’était toujours situé entre 500 et 3 300 tonnes. Air France est présente sur ce marché de façon significative depuis 2007 avec environ 20 % de parts de marché.

Quant à faire de Bahreïn la « plaque tournante aérienne de la région », comme le souhaite le Royaume… l’objectif demeure encore très ambitieux. Pour le trafic de passagers, Bahreïn est le quatrième acteur du Golfe avec 7 millions de passagers en 2007, loin derrière les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, et le Qatar dans une moindre mesure. Pour le trafic de fret, les Émirats arabes unis dominent très largement dans la région, l’aéroport le plus actif étant celui de Dubaï. Le Royaume de Bahreïn ne semble donc pas en mesure d’occuper rapidement la place dominante qu’il convoite en matière de transport aérien. Il a néanmoins quelques raisons de nourrir des ambitions en la matière, ne serait-ce que pour pallier les difficultés rencontrées récemment dans le domaine de la finance − un des axes choisis pour son développement par ce pays qui est le premier à être sorti d’une économie exclusivement dépendante des hydrocarbures.

Enfin, il est utile d’évoquer un autre élément de contexte à propos de ce projet de loi : la compagnie Gulf Air a signé, le 28 mai 2008, une commande ferme de 35 Airbus, comprenant 15 moyen-courriers A 320 et 20 long-courriers A 330 pour un montant de 5 milliards de dollars. Par ailleurs, la compagnie privée à bas coûts Bahrain Air a signé le 24 août 2008 une lettre d’intention avec Airbus pour l’achat de 6 appareils A 320-200, pour un montant de 450 millions de dollars.

Le protocole à l’accord du 3 juillet 1995 dont l’approbation nécessite l’autorisation du Parlement porte sur trois points précis, tous liés au droit communautaire de la concurrence. L’article Ier de ce protocole consiste à supprimer la clause d’entente tarifaire entre compagnies aériennes qui n’avait pas encore disparu de l’accord de 1995. En 2003 déjà, la Commission, au vu des consultations menées entre nos deux pays, avait fermement exigé la suppression de cette clause, si théorique fût-elle. Pour le reste, l’article de l’accord relatif aux tarifs, censés être raisonnables, est maintenu, afin de rappeler l’attachement de la France à l’exercice d’une concurrence qui soit juste et équitable. Or les autorités françaises constatent l’existence de conditions de concurrence inégales entre les compagnies du Golfe et les compagnies européennes, sur les points suivants : un régime fiscal très favorable applicable aux compagnies et à leurs personnels navigants, des taxes aéroportuaires fort basses alors que les installations très modernes sont le résultat d’investissements considérables, des conditions favorables d’achat du carburant et la garantie par l’État des emprunts nécessaires à l’achat des flottes d’appareils.

L’article II du protocole est une dérogation introduite dans l’accord de 1995, lequel prévoit une large exonération fiscale − de droits de douane en particulier − sur les biens et services utilisés dans le cadre de l’accord. Toujours pour des raisons communautaires, il s’agit concrètement de permettre à deux États membres qui décideraient, dans un but environnemental, de taxer le carburant utilisé pour les vols entre eux, d’appliquer la même taxation aux vols opérés par une compagnie de Bahreïn entre ces deux États. En l’absence d’une telle stipulation, la compagnie de Bahreïn aurait la possibilité d’exploiter un tronçon de vol intra-communautaire − par exemple le segment Paris-Francfort d’un vol Manama-Paris-Francfort − tout en s’exonérant des taxes que, sur le même tronçon, toute compagnie communautaire devrait pourtant acquitter.

Enfin, l’article III du protocole s’analyse également comme une clause nécessitée par le droit communautaire de la concurrence. Il introduit la possibilité pour une compagnie aérienne de s’auto-assister en escale, possibilité inexistante dans l’accord initial. Il s’agit plus précisément d’assurer la conformité de l’accord avec la directive de 1996 sur ce sujet. Celle-ci prévoit, par exception au principe de libre accès aux services d’assistance, la possibilité pour des États membres de limiter le nombre de fournisseurs de services et la faculté pour les compagnies d’assurer elles-mêmes leurs propres services, pour des motifs tenant à la sécurité, à la sûreté ou à des contraintes d’espace ou de capacité. Quant aux stipulations finales du protocole, elles sont des plus classiques.

En conclusion, ce protocole signé le 22 mars 2007 complète bien celui de 2004 et montre la voie à suivre pour d’autres accords bilatéraux du même type, en créant, en vue d’éventuels développements commerciaux, les conditions d’un plein respect du droit communautaire applicable. Même si à titre personnel je m’interroge sur de tels développements, je recommande l’adoption du projet de loi.

M. le Président Axel Poniatowski. Monsieur le rapporteur, quelles perspectives cet accord trace-t-il, selon vous, en matière de développement de la concurrence sur cette ligne Paris-Bahreïn ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur. La situation actuelle est celle d’un monopole de fait pour le trafic de passagers, le jeu étant certes plus ouvert pour le fret. Même si je suis dubitatif par nature, on peut penser que l’accord modifié par le protocole permettra d’envisager sous un jour plus favorable qu’auparavant la possible réouverture de la ligne régulière abandonnée naguère par les compagnies françaises.

M. Jean-Claude Guibal. Bahreïn est l’État le moins prospère de la région. Or vous avez mentionné des chiffres de commandes d’avions importantes. Faut-il en conclure que le royaume a amorcé une diversification de son économie privilégiant le domaine des transports ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur. Bahreïn était le premier État à développer une économie tout entière centrée sur l’exploitation des hydrocarbures ; il est aussi le premier à en être sorti. Dès lors, sa diversification ne peut que se poursuivre. Les transports en sont un exemple ; il y en a d’autres, comme la finance ou l’organisation annuelle d’un grand prix de formule 1.

M. Jean-Marc Nesme. Des négociations seraient en cours entre les États du Golfe en vue de créer une compagnie aérienne unique. Quel serait l’impact de cette création en termes de concurrence ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur. Si j’en juge par les observations récentes que j’ai pu faire concernant la compagnie Qatar Airways, une telle perspective ne me paraît pas très réaliste dans la région.

M. le Président Axel Poniatowski. Le sens de l’histoire est même tout à fait contraire : il y a une quinzaine d’années n’existaient véritablement dans les États du Golfe que Gulf Air et Saudia, et le nombre de compagnies n’a cessé de croître depuis lors.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1432).

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Accord France-Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (n° 1438)

La commission examine, sur le rapport de M. Michel Vauzelle, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (n° 1438).

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Merci monsieur le Président. L’Australie a annoncé, samedi 2 mai, qu’elle débloquait plus de 70 milliards de dollars pour sa défense. Il y a donc une volonté manifeste de cette puissance d’augmenter ses capacités en matière de défense. Le Gouvernement travailliste, qui vient d’arriver au pouvoir, a décidé de se doter de missiles longue portée, de renouveler et doubler sa flotte de sous-marins pour la porter à douze, d’acquérir cent avions de chasse F-35 et huit nouveaux navires de guerre. Un livre blanc de la Défense vient d’être publié par le gouvernement australien, sous la plume de son ministre de la défense, qui indique la volonté de l’Australie de prendre en compte la situation des forces rassemblées autour des Etats-Unis de par le monde et autour de l’OTAN et de prendre également en compte la situation régionale : la Chine, dont le budget militaire atteint 6,3 % de son budget et un autre voisin plus éloigné de l’Australie, l’Inde, qui a porté son budget militaire à 15 % de son budget total. Il y a également et naturellement le fait que le gouvernement australien, qu’il soit conservateur ou travailliste, suit toujours et depuis toujours les souhaits du gouvernement américain. C’est donc avec cette grande puissance que la France entend ratifier l’accord signé à Paris le 14 décembre 2006, accord qui est la formalisation juridique d’une coopération entre la France et l’Australie qui existe depuis longtemps. Ce projet de loi sera en effet de nature à lui donner son assise juridique et fixe le statut juridique des forces militaires participant aux échanges entre les deux pays.

Cet accord sera suivi d'un autre accord plus technique, qu’on appelle accord d'entraide logistique mutuel qui précisera le cadre plus général dont nous parlons en cet instant. Il est inutile de rappeler, comme c’est le cas pour le royaume dont nous venons d’entendre parler par l’excellent orateur qui m’a précédé, les relations excellentes entre la France et l’Australie. Il y a des liens qui nous lient avec l’Australie depuis longtemps et qui ont été à un moment un peu « abîmés » par les essais nucléaires de la France dans le Pacifique. Cette période est close, la page de ce moment difficile pour la diplomatie française et pour les populations concernées par les ondes dégagées par ces essais est tournée. La fin de ces essais, en 1996, a en effet permis à nos deux pays de se rapprocher. Ainsi, les accords FRANZ, qui réunissent la France, l'Australie et la Nouvelle Zélande, ont pu être signés. Ils permettent de coordonner l'aide de ces pays, notamment en cas de catastrophes naturelles, On en a eu un exemple très lourd lors du Tsunami où nous avons rejoint nos forces pour agir ensemble et ce sera à nouveau le cas si de telles catastrophes venaient à se reproduire. Depuis cette coordination lors du tsunami, nos liens n’ont cessé de s'intensifier avec l’Australie malgré des crises passagères. Il y a eu des divergences de vue notamment concernant notre engagement ou notre non engagement dans le conflit en Irak. Depuis l'élection du travailliste Kevin Rudd en 2007, nos visions sont de plus en plus convergentes en ce qui concerne l’approche des problèmes posés par la situation en Afghanistan et en Irak.

L’intérêt pour la France et pour l’Australie d’un tel accord entre nos deux politiques de défense et de coopération militaire est évident à la fois sur le plan politique et sur le plan géopolitique. L'Australie est un observateur privilégié au sein de l'OTAN. C’est un pays qui a toujours été très proche des États-Unis diplomatiquement et culturellement, mais qui est obligé de modérer ce lien très étroit avec les Etats-Unis pour prendre en considération, dans l’expression de sa politique étrangère, sa position géographique, ce qui l’amène à être attentif à ses propres intérêts qui ne coïncident pas forcément, pour ses partenariats commerciaux asiatiques, avec les intérêts des Etats-Unis.

L'Australie comme la France n'a pas pour objectif le choc des civilisations, elle s'est retirée d'Irak et tient un discours proche de celui de la France concernant l'Afghanistan. Les contingents français et australiens, d’ailleurs, jusqu’à présent et il n’y a pas de raison pour que cela change, coopèrent bien, en Afghanistan, là où ils sont côte à côte. Nous avons une attitude qui nous rapproche beaucoup, sur le terrain comme sur le plan diplomatique, dans le cadre global du rapport des forces au niveau mondial.

Sur le plan régional, la France et l'Australie ont d’évidence un certain nombre d'intérêts communs. L'armée française, et notamment les forces armées stationnées en Nouvelle-Calédonie, nous amènent à avoir une coopération avec les forces australiennes, qui sont les plus modernes de la région, et qui d’autre part nous permettent par cet échange politique et militaire sur la situation dans cette région du monde d’envisager ensemble le maintien d’une certaine stabilité dans les arcs mélanésiens et polynésiens. L’Australie s’est illustrée par son intervention au Timor Oriental qui a frappé les observateurs. Il y a aussi des aspects qui ne concernent pas forcément la guerre ou la sécurité militaire. Il y a ainsi la lutte contre les pêches illégales dans ces immenses territoires où nos pêcheurs, australiens et français, ont leurs droits et doivent les voir préservés. Les contacts politiques et militaires sont constants. Il y a eu des réunions des ministres de la défense, des réunions des ministres des affaires étrangères. Il y a également de multiples réunions au niveau de nos Etats-majors et la nomination, c’est un signe important, d'un contact unique de l'Armée Australienne pour les forces françaises, le colonel Cornhall, qui va permettre la coordination permanente entre nos forces armées.

Enfin, cette collaboration va peut-être permettre à la France de vendre quelques armes à l’Australie parce que dans ce que je vous ai énoncé, vous avez vu comme moi que le budget australien va consacrer des milliards de dollars à des avions, à des sous-marins, à des missiles de longue portée qui ne sont forcément de fabrication française. Mais nous avons le sentiment que l'interopérabilité qui naît d’opérations menées en commun entre l’armée australienne et des éléments de l’armée française, rendant ces armées plus complémentaires dans leur fonctionnement, permet à cette occasion à des soldats australiens d'être formés à des matériels français et peut-être d’ouvrir Canberra à l’idée de passer quelques commandes dans des secteurs où nous pouvons leur faire des propositions. Je pense aux chars, aux torpilles mais aussi aux hélicoptères de combat qui sont produits par Eurocopter.

Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, ce qui me semble devoir être dit, pour ne pas être trop long, sur cet accord qui semble aller de soi compte tenu de la situation dans cette partie du monde, de nos excellentes relations avec l’Australie, de notre intérêt commun et enfin du fait que la France ayant réintégré le commandement de l'OTAN, rien ne s’oppose, bien au contraire, à ce que nous renforcions encore notre coopération avec l’Australie dans ce domaine.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est la première convention de cette nature que j’examine au sein de la commission et, à sa lecture, il m’a semblé que c’était une convention type dénuée de spécificité australienne. Qu’en est-il ? Connaissez-vous la législation australienne en matière d’armement et de stockage des armes, notamment au regard des conventions internationales sur le sujet ? Il me semble que la population australienne est particulièrement sensible à la question nucléaire.

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Je pense que tout cela est bien étudié par des personnes plus qualifiées que moi sur le plan technique, vous le comprendrez aisément. C’est un texte qui ne présente pas de particularités et qui en aucun cas n’amène à discuter avec les Australiens de nos décisions en terme de stratégie nucléaire. Les gouvernements néozélandais et australien sont très sensibles à ces questions mais nous gardons notre indépendance dans le domaine nucléaire et il n’y a rien à discuter dans le cadre de cet accord qui puisse concerner ou inquiéter en aucune mesure les Australiens et leur façon de concevoir les choses en ce domaine.

M. Jean-Paul Lecoq. Pour être plus précis, le stockage d’armes nucléaires françaises sur le sol australien serait-il possible ?

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Cette éventualité, qui n’est pas traitée dans la convention, ne me semble pas envisageable.

M. Jean-Paul Bacquet. Quel est le délai d’intervention minimal, en cas de catastrophe, pour l’intervention réciproque entre la France et l’Australie ?

M. Michel Vauzelle, rapporteur. Il est évident que cela prendrait un certain temps !

M. le Président Axel Poniatowski. Vous avez compris que ce texte portait essentiellement sur la responsabilité de chaque partie en matière de coopération militaire, de forces armées et de personnel militaire.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1438).

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Accord France-Angola sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 1490)

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Louis Christ, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 1490).

M. Jean-Louis Christ, rapporteur. Alors que les pays d’Afrique voient bien souvent leur processus démocratique interrompu, les progrès accomplis en Angola, pour fragiles qu’ils soient, doivent être salués : en septembre dernier, les premières élections législatives depuis la fin de la guerre civile se sont déroulées dans des conditions correctes et leurs résultats ont été acceptés par les partis qui en sont sortis vaincus ; l’élection présidentielle, prévue fin 2009, constituera un test important pour la nouvelle vie démocratique du pays.

Les autorités ont entrepris la reconstruction du pays, que les vingt-sept années de guerre civile ont ravagé. Le chantier est immense. La guerre a provoqué la destruction de 60 à 70 % des infrastructures, notamment de santé, si bien que plus de la moitié de la population n’a accès ni à des structures de santé de base, ni à l’eau potable. L’espérance de vie n’est que de quarante-deux ans ; entre un cinquième et un quart des enfants décède avant d’avoir atteint cinq ans. L’Angola n’occupait encore, en 2007, que le 162ème rang sur 177 en termes d’indice de développement humain.

68,2 % de la population disposent de moins de deux dollars par jour– tandis que 3 % des habitants se partageraient 70 % de la richesse nationale – et 60 % sont officiellement sans emploi. Le taux d’alphabétisation des adultes serait de 67 % et celui de la scolarisation primaire d’environ 50 %. 31 % des enfants souffrent de malnutrition.

Pourtant le pays dispose de richesses minières, diamantifères, pétrolières, gazières, agricoles, halieutiques et hydrauliques. Jusqu’ici ce sont surtout les hydrocarbures qui ont été exploités : avec 1,9 million de barils par jour, l’Angola est le troisième producteur de pétrole d’Afrique, après la Libye et l’Algérie, mais à égalité avec le Nigeria, dix fois plus peuplé. La production de brut croît rapidement ; elle a été multipliée par 2,5 entre 2004 et 2008. Le secteur pétrolier emploie 27 % de la population, est à l’origine de 57 % du PIB, de 90 % des exportations et des deux tiers des recettes fiscales.

Grâce à l’augmentation de sa production de pétrole et au prix longtemps élevé de celui-ci, le taux de croissance a été de l’ordre de 20 % par an depuis 2000, et a même dépassé 24 % en 2007 – quand la moyenne africaine n’est que de 5,5 %. Il était encore de 15 % en 2008, malgré la crise, et les prévisions s’établissent à 11 % pour 2009. Quoique toujours supérieure à 10 %, l’inflation est en baisse. Depuis 2004, la balance des paiements courants est positive. Le flux des investissements directs à l’étranger à destination de l’Angola a dépassé 5 milliards de dollars en 2007, mais ils sont destinés à 90 % à l’industrie pétrolière.

L’Angola a des relations économiques très développées avec les Etats-Unis – 54 % du pétrole angolais est extrait par des compagnies américaines –, avec la Russie – en matière d’hydrocarbures, mais aussi de diamants et dans le secteur militaire – et avec la Chine, qui a obtenu environ 70 % des grands chantiers de reconstruction et est devenu le premier partenaire commercial du pays en 2006.

Mais les entreprises françaises sont néanmoins très présentes, à l’exemple de Total et de nombreuses entreprises du secteur parapétrolier, mais aussi de Sodexho, de BNP Paribas, l’Alcatel-Lucent ou de BIC, pour ne citer que quelques exemples : nos entreprises bénéficient notamment de la bonne image de la France, où un certain nombre d’Angolais ont vécu et étudié. La visite du Président de la République, en mai 2008, a en outre relancé politiquement la relation bilatérale. L’accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements a été signé à Paris quelques semaines seulement après cette visite, le 24 juin.

Le présent accord vise principalement à protéger les investisseurs français en Angola contre le risque politique.

Le champ de l’accord englobe tous les investissements réalisés par les nationaux ou sociétés de chaque partie, et notamment les droits de la propriété intellectuelle.

Il s’applique aux investissements légalement constitués, effectués avant ou après son entrée en vigueur, mais uniquement pour des difficultés relatives à des faits postérieurs à son entrée en vigueur.

Les risques de nature politique susceptibles de peser sur les investissements étrangers sont non seulement le risque de confiscation, mais aussi celui d’autres formes de restrictions plus insidieuses, comme la réglementation des transferts ou des conditions particulières imposées au fonctionnement des établissements contrôlés par des étrangers, à l’exemple du harcèlement fiscal.

L’accord garantit à l’investisseur un traitement juste et équitable de la part de l’autre partie, l’absence de mesures arbitraires ou discriminatoires à son encontre et la bienveillance des autorités en matière de droit au séjour des ressortissants du pays de l’investisseur dont les activités professionnelles sont liées à l’investissement.

Comme toujours dans ce type d’accords, les clauses de traitement national et de traitement de la nation la plus favorisée sont garanties : les investissements d’une partie ne peuvent pas être traités moins favorablement que ceux réalisés par des investisseurs de l’autre partie ou par ceux de la nation la plus favorisée, si ce traitement est plus avantageux. Il est précisé que ces stipulations ne concernent pas les questions fiscales : l’Angola n’a d’ailleurs signé de conventions fiscales ni avec la France ni avec aucun autre pays.

Ces clauses ne s’appliquent pas non plus aux avantages résultant d’accords économiques régionaux, comme ceux accordés au sein de l’Union européenne ; elles n’empêchent pas les Etats parties de prendre des mesures en faveur de la diversité culturelle et linguistique.

Les clauses de traitement national et de traitement de la nation la plus favorisée s’appliquent aussi au bénéfice des investisseurs d’un Etat partie qui auraient subi dans l’autre Etat des pertes du fait d’une guerre ou d’un autre conflit armé, d’un état d’urgence nationale, d’une révolution, d’une insurrection ou d’autres événements analogues.

L’accord pose le principe de l’interdiction de la dépossession des investisseurs de l’autre Etat « si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans les conditions prévues par la législation et à condition que ces mesures ne soient pas discriminatoires ». Dans ce cas, l’investisseur aura droit à une indemnité « prompte, adéquate et effective », dont les modalités de calcul et de versement sont encadrées.

Une autre garantie importante est apportée en matière de transfert des diverses formes de revenus que peut générer l’investissement. Ce transfert sera libre, sous réserve du respect des obligations fiscales. Des exceptions sont néanmoins prévues dans des circonstances exceptionnelles.

L’accord prévoit enfin les modalités de règlement des différends.

Lorsque le différend oppose les deux parties quant à l’interprétation ou l’application de l’accord, la voie de la négociation doit être privilégiée pour le régler ; si la négociation n’a pas donné de résultat dans un délai de six mois, est prévu le recours à un tribunal d’arbitrage ad hoc, dont la composition est définie par l’accord. Les décisions prises par ce tribunal sont définitives et exécutoires de plein droit.

De même, tout différend entre un Etat partie et un investisseur de l’autre partie doit être réglé à l’amiable dans un délai de six mois. Si cette voie n’aboutit pas, trois options sont ouvertes à l’investisseur : les tribunaux de l’Etat partie où l’investissement a été réalisé, un tribunal international ad hoc constitué selon les règles d’arbitrage de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, ou le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). L’Angola n’étant pas, à ce jour, partie à la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats du 18 mars 1965, il ne pourra être recouru qu’au mécanisme supplémentaire du CIRDI.

En conclusion, les investisseurs français doivent avoir la possibilité de participer à la reconstruction de l’Angola, vaste chantier que les autorités issues des élections législatives de l’automne 2008 semblent décidées à conduire résolument.

L’accord sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements leur permettra de le faire dans un cadre juridique sûr et protecteur.

Mme Geneviève Colot. Alors que les règles foncières posent souvent des problèmes à ceux qui souhaitent implanter leur entreprise à l’étranger, sont-elles prises en compte par cet accord ?

M. Jean-Claude Guibal. Peut-on considérer que cet accord fait partie de la politique en faveur du codéveloppement que conduit le gouvernement ?

M. Jean-Michel Ferrand. La question du foncier est en effet essentielle : en l’absence d’accord entre les Etats, les entreprises risquent de ne pas être reconnues comme propriétaires des locaux qu’elles auront construits, par exemple.

M. Jean-Louis Christ, rapporteur. Les questions de la propriété foncière ne sont pas traitées par l’accord. Elles relèvent du droit national en vigueur en Angola, selon lequel c’est l’Etat qui est propriétaire du sol et du sous-sol ; cela n’empêche pas la propriété privée des bâtiments et ne pose pas de problème particulier aux entrepreneurs. Il est certain que, comme le Conseil supérieur du notariat me l’a signalé, les entrepreneurs français se heurtent régulièrement à des difficultés liées à la propriété foncière dans d’autres pays africains. Il serait utile qu’un effort de clarification soit mené dans ce domaine.

Cet accord bilatéral sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements est un accord classique, très proche des quelque quatre-vingt dix accords du même type déjà conclus par la France. Il n’est pas lié à notre politique de coopération et ne peut être rapproché des accords très spécifiques de codéveloppement récemment signés ou actuellement en cours de négociation.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1490).

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Accord France-Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 1491) 

La commission examine, sur le rapport de M. Michel Terrot, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 1491).

M. Michel Terrot, rapporteur. Près de cent accords de promotion et protection des investissements bilatéraux entre la France et un autre pays, visant à protéger les investissements à l’étranger contre les risques de nature politique, ont déjà été signés. D’autres, avec la Malaisie, la Colombie, la Syrie et l’Indonésie, sont en cours de négociation.

La conclusion d’un accord de protection des investissements avec Djibouti, pays d’importance géostratégique dans la Corne de l’Afrique qui s’efforce, malgré ses désavantages économiques et sociaux, de créer un environnement favorable aux investissements étrangers, s’inscrit dans ce cadre. 

Je vous rappellerai d’abord la situation politique et économique de Djibouti ainsi que l’état des relations franco-djiboutiennes, avant d’examiner brièvement les dispositions du présent accord, de facture assez classique.

La situation en République de Djibouti, petit pays de 700 000 habitants, indépendant depuis 32 ans, s’est stabilisée sur le plan tant politique qu’économique depuis la signature de l’accord de réforme et de concorde civile en 2001, mettant fin à dix ans de conflit.

Au plan politique, le pays dispose d’un régime présidentiel. Le Président Ismail Omar Guelleh, qui a succédé en 1999 à Hassan Gouled, au pouvoir depuis l’indépendance (1977), a été réélu, seul en lice, lors des élections présidentielles en 2005. L’assemblée nationale se compose de 65 députés, qui – suite à un boycott des élections parlementaires en février 2008 par les partis de l’opposition – sont tous membres du parti majoritaire, l’UMP (Union pour la Majorité Présidentielle).

Depuis le 11 septembre 2001, l’importance géostratégique de Djibouti a augmenté. Depuis 2002, Djibouti accueille, outre une forte présence militaire française, une base militaire américaine d’environ 2 000 hommes dans le cadre de la lutte anti-terroriste. La présence militaire étrangère (France, Etats-Unis, Allemagne) est d’ailleurs à l’origine de près de 8 % du PIB et 19 % du budget de l’Etat.

Bien que Djibouti reste un pays pauvre qui est classé à la 151ème position sur 179 par l’indice de développement humain, et dans lequel les inégalités sont importantes, son économie commence à gagner en compétitivité. Elle est très largement dépendante du secteur tertiaire, qui est à l’origine de 80 % du PIB, et notamment des activités portuaires, qui sont avant tout constituées par des activités de transit à destination de la Somalie et surtout de l’Ethiopie.

Au cours des dix dernières années, Djibouti a mis en place des réformes profondes visant à transformer le pays en une plate-forme commerciale et de services pour la région de la Corne de l’Afrique. Au port de Djibouti, géré par Dubai Ports World (DPW) depuis 2000, s’est ajouté un deuxième port, le port de Doraleh, qui permet d’effectuer des opérations plus complexes et s’accompagne d’une zone franche. Un nouveau terminal pétrolier, construit par Dubai Ports World et Emirates National Oil Co., est entré en service en 2006 et un terminal à conteneurs a été inauguré en décembre 2008.

Les réformes ont réussi : la croissance djiboutienne a doublé au cours des trois dernières années. Elle est surtout entretenue par un flux d’investissements directs étrangers important (24 % du PIB en 2008), en provenance notamment du Golfe Arabo-Persique. En chiffres absolus, les investissements directs étrangers ont augmenté d’une moyenne annuelle de 3 millions USD entre 1990 et 2000 à 39 millions USD en 2004 et 195 millions USD en 2007.

Djibouti s’efforce de créer un environnement favorable aux investissements, par exemple par des reformes du droit, la mise en place d’une TVA à taux unique de 7 % et d’un tarif extérieur commun. Le Franc Djibouti est totalement convertible et indexé sur le dollar à un taux fixe depuis 1973.

Le FMI estime que Djibouti, comme les autres pays africains, ressentira les effets de la crise internationale, ce qui se traduira surtout par des retards dans les projets d’investissements directs étrangers et une décélération de la croissance du volume d’échanges avec l’Ethiopie. Il prédit néanmoins une croissance du PIB réel de 5 % en 2009.

La présence française à Djibouti est marquée surtout par celle des forces françaises de Djibouti (FFDj). Le dispositif militaire français, fort de 2 900 personnes, constitue le contingent français le plus important en Afrique. La France paye une contribution forfaitaire de 30 millions d’euros par an à la République de Djibouti en contrepartie de cette présence.

Les relations économiques entre Djibouti et la France sont traditionnellement relativement denses. Néanmoins, la France a perdu, en 2007, sa position de premier fournisseur au profit de la Chine, et a aussi dû céder du terrain face aux opérateurs du Golfe, qui, depuis 2003, ont investi massivement dans des grands projets. Les investissements directs français à Djibouti comprennent notamment, dans le secteur bancaire, la BCI Mer Rouge (Banque pour le Commerce et l’Industrie), filiale de la BRED-Banque populaire, et la BIMR (Banque Indosuez Mer Rouge), filiale du Crédit Agricole/Indosuez, ainsi que Total, Colas, et Air France. D’autres sociétés sont présentes dans le secteur des services (transport, transit, assurances) et de la distribution.

L’organisation à Djibouti, en mars 2009, d’un grand forum économique bilatéral, précédé d’une rencontre Sénat-Ubifrance-MEDEF International sur « Djibouti, hub économique de la corne de l’Afrique » en octobre 2008 à Paris, devrait relancer encore davantage les relations économiques entre les deux pays.

L’accord avec Djibouti sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements, signé à Paris le 13 décembre 2007, est un accord bilatéral assez classique de protection des investissements et en tant que tel n’appelle pas beaucoup de commentaires. Il est conclu pour une durée initiale de dix ans, mais restera en vigueur après cette date s’il n’est pas dénoncé par une des Parties, et s’applique aux investissements réalisés à partir de la date de son entrée en vigueur ainsi qu’aux investissements existant à cette date qui ont été réalisés en conformité avec la législation en vigueur.

Comme tous les accords de protection des investissements, le présent accord établit des conditions de protection minimales dont bénéficient les investisseurs d’une Partie contractante sur le territoire de l’autre. Ils doivent notamment être traités de manière juste et équitable, et de manière aussi favorable que les investisseurs nationaux et ceux de la Nation la plus favorisée, sauf dans le cas de privilèges particuliers résultant de l’appartenance ou de l’association d’une Partie à une union économique régionale.

L’accord garantit le libre transfert des différents revenus liés aux investissements, et une indemnisation prompte et adéquate en cas de dépossession. Il prévoit le recours à l’arbitrage international en cas de litige entre un investisseur et les autorités du pays hôte ou entre les Parties contractantes.

Cet accord arrive au bon moment pour promouvoir et renforcer l’engagement commercial français à Djibouti en apportant des garanties aux investissements directs. Je vous recommande donc l’adoption de ce projet de loi.

Mme Marie-Louise Fort. J’ai bien noté l’importance des investissements français à Djibouti mais également leur diminution, en valeur relative, par rapport à l’implication de la Chine ou des États du Golfe. La cause doit-elle en être recherchée dans une hypothétique hausse du niveau de vie à Djibouti ou dans une certaine perte d’influence de la France ?

M. Michel Terrot, rapporteur. L’implication croissante de la Chine est à l’image de ce qui se produit dans les autres pays d’Afrique. Quant aux relations croissantes avec les États du Golfe, elles s’expliquent notamment par leur proximité géographique avec Djibouti. En particulier, les installations portuaires djiboutiennes ont été réalisées grâce à des investissements en provenance du Golfe. Quant à l’influence française, elle demeure importante, y compris dans le domaine de l’enseignement et de la promotion de la francophonie. Ainsi, quelque 25 ou 30 enseignants français travaillent à l’université de Djibouti et, d’une façon générale, le souhait de conserver une relation bilatérale très forte est largement partagé dans nos deux pays. Il n’est qu’à considérer les intérêts stratégiques en jeu dans la région, qu’il s’agisse de la situation en Érythrée ou de la lutte contre la piraterie maritime.

M. Jean-Michel Ferrand. Existe-t-il dans l’accord une clause relative à la propriété foncière ? Si son article 3 proclame l’encouragement et l’admission des investissements sur une base réciproque, rien n’est dit de la question du foncier. Il serait souhaitable que tous les rapporteurs de projets de loi autorisant l’approbation d’accords de ce type se penchent sur le sujet.

M. le Président Axel Poniatowski. La remarque est pertinente.

M. Michel Terrot, rapporteur. Si la France s’appuie sur une longue tradition de droit écrit et d’actes notariés, tel n’est pas le cas de nombreux pays avec lesquels elle coopère. Or les accords d’encouragement et de protection réciproques des investissements ne remettent pas en cause les législations internes. À dire vrai, ces accords sont bien souvent la traduction d’une bonne entente diplomatique davantage que l’affirmation d’une réelle volonté économique, cette réalité ayant déjà été déplorée à plusieurs reprises.

M. Jean-Paul Bacquet. Dans quelle mesure la piraterie maritime qui sévit dans la région constitue-t-elle un frein à l’investissement ? La négociation en cours impliquant Djibouti, le Yémen, les États-Unis, le Royaume Uni, l’Italie et la France est-elle, également, un obstacle ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Djibouti est un îlot de sécurité dans une région qui en manque singulièrement. Je pense surtout à la situation entre l’Erythrée et l’Éthiopie. Dans ce contexte, la présence militaire française est évidemment de nature à rassurer les investisseurs.

Dans la lutte contre la piraterie autour de la Corne de l’Afrique, la France déploie une activité importante dans un cadre multilatéral. En particulier, notre pays est à l’origine, avec les États-Unis, en juin 2008, de la première résolution du Conseil de sécurité des Nations unies permettant aux États d’agir contre la piraterie dans les eaux territoriales somaliennes. En septembre 2008, c’est à l’initiative de la France et de l’Espagne que le Conseil européen a décidé la création d’une cellule de coordination de la lutte contre la piraterie maritime, chargée d’une part de coordonner les moyens déployés dans le Golfe d’Aden et, d’autre part, d’informer les armateurs européens de tels déploiements. Enfin, la France participe aux actions militaires entreprises pour lutter contre la piraterie, telle l’opération EU NAVFOR / Atalante en Somalie, avec l’apport de moyens maritimes – une frégate –, aériens – un avion de patrouille maritime – et logistiques – avec le dispositif prépositionné à Djibouti.

M. François Loncle. Les relations entre la France et Djibouti ont été perturbées ces dernières années par « l’affaire Borrel », du nom de ce magistrat français dont les autorités djiboutiennes ont tenté de faire passer l’assassinat pour un suicide. La veuve de ce magistrat et certains militants associatifs se sont battus pour la manifestation de la vérité et Mme Borrel a pu être reçue par le Président de la République Nicolas Sarkozy au tout début de son mandat, geste auquel son prédécesseur s’était toujours refusé. Où en est-on aujourd’hui, alors que Mme Borrel vient de faire part publiquement de sa déception quant à l’absence de reconnaissance officielle de l’assassinat de son mari ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Cette affaire a certes eu des conséquences sur la relation bilatérale mais le climat diplomatique s’est notoirement amélioré à la suite de la visite à Paris, en 2007, du président djiboutien. Le procureur général de Djibouti et le chef des services secrets de ce pays ont été renvoyés devant un tribunal français et condamnés pour subornation de témoins. Cette condamnation n’est certes pas suffisante aux yeux de la veuve du magistrat ; pour autant, l’affaire n’est plus considérée comme une source de tension majeure entre les deux pays à l’heure actuelle. Il faut noter que les autorités judiciaires françaises elles-mêmes ont abandonné la thèse du suicide en 2007 ; il reste que les preuves sont difficiles à rassembler pour la qualification de meurtre ou d’assassinat et que tout nouveau développement sur ce point nécessitera sans doute beaucoup de temps.

M. Jean-Claude Guibal. L’influence française à Djibouti est manifeste, de son action en matière de défense à la promotion de la francophonie ; au-delà de ces activités publiques, qu’en est-il des investissements privés ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, les investisseurs français privés sont très présents, notamment dans le secteur bancaire ou dans les services en général. Parmi les principales entreprises françaises sur place, on peut citer Air France, Total ou Colas.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1491).

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Accord France-Seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n° 1492) 

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Seychelles sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n° 1492).

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Quelques mots pour commencer sur les Seychelles : Il s’agit d’un archipel dans l’océan indien de 115 îles, dont la plus grande est Mahé, couvrant 455 km2. Ses 82 247 habitants sont tous des descendants d’immigrés : Européens, Africains, Chinois et Indiens notamment.

Les Seychelles doivent leur nom à l’occupation française à partir de 1756, et plus précisément à Jean Moreau de Seychelles, contrôleur général des finances de Louis XV. Les îles passent sous contrôle britannique en 1814 ; l’armée des Seychelles s’engagera d’ailleurs aux côtés de l’armée britannique pendant la première guerre mondiale. Depuis le 29 juin 1976, l’archipel est un Etat indépendant, longtemps gouverné par France-Albert René dans un régime de parti unique puis à partir de 1993 dans un cadre multipartite. Son successeur en 2004, James Alix Michel, a été réélu en 2006.

L’économie seychelloise repose sur le tourisme et la pêche thonière ainsi que plus récemment sur le secteur offshore. L’indice de développement humain y est de 0,843 ce qui place l’archipel au 47e rang mondial.

L’accord entre la France et les Seychelles sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Victoria le 29 mars 2007, vient compléter la liste des accords bilatéraux de cette nature déjà ratifiés par la France et dont nous examinons trois nouveaux exemples aujourd’hui.

Si cet accord emprunte très largement aux modèles précédents, il se distingue d’une part par la place singulière de premier partenaire commercial de l’archipel qu’occupe la France. D’autre part, la procédure de ratification intervient alors que les Seychelles ont été récemment confrontées à de graves difficultés financières qui ont donné lieu à une aide du FMI.

En octobre 2008, confrontées à la crise financière, les Seychelles ont sollicité l’aide du FMI. Après la signature d’un accord de deux ans avec le FMI en novembre 2008 qui leur octroyait notamment 25,9 millions de dollars, les Seychelles se sont engagées dans un programme strict et courageux de réformes économiques structurelles.

A ainsi été mis en œuvre le train de mesures suivantes : une politique budgétaire rigoureuse visant à rééquilibrer les comptes publics ; une révision à la baisse de l’emploi public, un abandon des subventions généralisées au profit d’aides ciblées en direction des plus nécessiteux. La dette extérieure va faire l’objet d’une renégociation au club de Paris et auprès des créanciers privés.

En outre, la roupie est devenue librement convertible avec un régime de flottaison contrôlé. Après une perte de valeur de 50 % au lendemain de la flottaison, le cours de la roupie seychelloise semble se stabiliser. Les réserves de change se reconstituent progressivement.

En 2008, du fait de la diminution du nombre de touristes, la croissance a été nulle. Elle devrait être négative de 9,5 % en 2009. Après la flottaison de la roupie et la fin des subventions, l’inflation a explosé. La situation tend cependant à se normaliser, l’inflation devrait se situer à 15 % à la fin de l’année 2009. Le chômage reste limité.

Selon le FMI, le déficit des échanges demeure important, 343 millions de dollars en 2008 contre 342 en 2007. Les exportations d’un montant de 511 millions ont cru de 30 % et les importations sont passées de 734 millions de dollars à 854 millions.

D’après les statistiques du National Statistics Bureau (NSB), les principaux pays fournisseurs des Seychelles demeurent l’Arabie Saoudite (hydrocarbures), Singapour, la France et l’Espagne. Les exportations seychelloises se résument aux conserves de thon, au poisson frais et surgelé, ainsi que d’autres produits de la mer vers l’Europe.

Le règlement du problème de la dette et des arriérés des Seychelles vis-à-vis de l’AFD (près de 39 millions d’euros en septembre 2006) a longtemps pesé sur nos relations bilatérales.

Chroniquement déficitaires au détriment de la France depuis 2000, nos échanges commerciaux affichent pour la deuxième année consécutive un solde positif croissant, 30 millions d’euros en 2008 contre 7 millions en 2007 après des déficits de 2 et 4 millions d’euros en 2005 et 2006. Ce résultat est dû essentiellement à une croissance des exportations françaises de 46,4 % en 2008. Selon les statistiques publiées par les douanes françaises, les exportations ont atteint 83 millions d’euros en 2008 contre 57 millions d’euros en 2007.

En dépit de sa qualité de premier partenaire commercial, la France est faiblement présente aux Seychelles. Alors que les deux pays cherchent à développer leur coopération dans le cadre de l’océan indien, l’accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Victoria le 29 mars 2007, s’inscrit dans cette logique en offrant notamment aux investisseurs français une protection juridique.

La présence française se concentre dans quelques secteurs ciblés : assainissement (groupe Suez), armement de pêche (Cobrecaf) et restauration pour les compagnies aériennes (Servair). La société pétrolière Total a développé avec la compagnie nationale des pétroles des Seychelles (Sepec) une collaboration étroite et de longue date qui se matérialise à travers l’utilisation de ses facilités d’entreposage d’hydrocarbures afin d’approvisionner les îles du sud de l’océan indien.

Il convient d’ajouter la présence à titre individuel de quelques opérateurs français dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et de l’immobilier. De plus importants investissements français pourraient voir le jour dans le domaine de la distribution (Carrefour) de la pêche (Sapmer) des services publics (Suez) de la banque (Groupe Caisses d’épargne).Un supermarché Carrefour, le premier centre de grande distribution de l’île devrait ainsi ouvrir ses portes avant la fin de l’année 2009 et les entreprises françaises s’intéressent aux secteurs de la pêche ainsi qu’au programme de privatisation du secteur bancaire et des services publics de l’eau et de l’électricité.

L’accord d’encouragement et de protection réciproques des investissements, signé avec les Seychelles le 29 mars 2007, offre aux investisseurs français une protection juridique qui devrait les convaincre de s’implanter localement.

Le texte de l’accord franco-seychellois s’éloigne très peu de l’accord type français. Je ne reviendrai pas sur le contenu de l’accord déjà exposé par mon collègue Jean-Louis Christ.

En confortant le dynamisme du partenariat économique entre les deux pays, le présent accord témoigne du soutien de la France à l’ambition réformatrice affichée par l’Etat seychellois mais également de la volonté commune d’une coopération renforcée dans l’océan indien. C’est pourquoi je vous recommande l’adoption du présent projet de loi.

M. Jean-Michel Ferrand. Comment expliquez-vous le déclin brutal du tourisme aux Seychelles ? Pour quelle raison un groupe hôtelier comme Accor n’est pas plus implanté aux Seychelles ?

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Le tourisme comme d’autres secteurs a été victime de la crise financière ; en outre, le prix du pétrole a handicapé les destinations lointaines comme les Seychelles. L’instabilité politique aux Seychelles a longtemps freiné les investissements étrangers.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1492).

La séance est levée à dix-neuf heures