Audition de M. Alain Joyandet, secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie
La séance est ouverte à dix-sept heures trente
M. le président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.
Monsieur le ministre, merci d’avoir répondu à notre invitation. On le sait, le Président de la République a souhaité, au début de son mandat, définir une nouvelle politique vis-à-vis de l’Afrique, centrée sur l’aide au développement – une des questions importantes traitées par la RGPP et le livre blanc sur la politique étrangère de la France –, la renégociation de nos accords de défense et une action plus volontariste en faveur des entreprises françaises qui participent au développement du continent. Vous-même avez ouvert, peu après votre nomination il y a un peu plus d’un an, huit chantiers pour l’Afrique, articulés autour du développement économique et du rayonnement culturel. Je vous propose donc de tracer un premier bilan de votre action, avant de répondre à nos questions.
M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie. J’avais déjà eu l’occasion de venir devant vous trois mois après ma prise de fonctions. J’avais alors évoqué les principaux chantiers que j’entendais conduire pour mettre en œuvre, aux côtés de Bernard Kouchner, la feuille de route que m’avait confiée le chef de l’État.
Avec l’Afrique, nous travaillons dans un état d’esprit nouveau : depuis deux ans, nous nous efforçons de faire évoluer vers un véritable partenariat une relation qui était encore teintée de paternalisme.
Depuis la crise, la nécessité d’inclure l’Afrique dans la réforme de l’architecture des institutions internationales apparaît avec évidence à tous. Grâce à l’impulsion donnée par le Président de la République, nous avons pu permettre une participation de l’Afrique aussi bien au sommet du G20 à Washington que, tout récemment, lors du sommet de Londres.
Lors des assemblées de printemps de la Banque mondiale et du FMI, je suis intervenu pour que les décisions prises à Londres soient mises en œuvre le plus rapidement possible en veillant tout particulièrement à amortir l’impact de la crise sur le continent africain. J’ai demandé que nous fassions le point sur ce sujet cet automne à New York et que nous affections les montants disponibles aux besoins de l’Afrique, en privilégiant notamment la relance de l’agriculture.
J’organiserai cette présentation en trois thèmes : la francophonie, les crises africaines et l’aide publique au développement.
Comme le Président de la République l’a rappelé avec force, la francophonie est une priorité de notre diplomatie. Après le moment historique qu’a constitué son insertion dans notre Constitution, en juillet dernier, nous avons réussi, en octobre, un sommet moderne et innovant à Québec. En outre, nous sommes en train, avec votre soutien, de mettre en place une Maison de la francophonie, qui ouvrira ses portes en mars prochain. Je tiens d’ailleurs à remercier M. Rochebloine pour le travail qu’il a effectué sur ce dossier. Enfin, nous travaillons actuellement à la création d’un portail numérique francophone et à la mise en place d’un visa francophone.
Sur le plan politique, ces derniers mois ont été marqués sur le continent africain par une série de crises et de conflits, dont je ne mentionnerai que les plus récents.
Les armes ont de nouveau parlé au Tchad. La situation semble aujourd’hui sous contrôle, les rebelles tchadiens venus du Soudan ont été repoussés. Mais la situation entre les deux pays demeure tendue, et nous avons de bonnes raisons de craindre une reprise du conflit. Nous avons donc réitéré notre souhait qu’un dialogue soit engagé de façon à obtenir, conformément aux dispositions de l’accord de Syrte, une réconciliation entre le Gouvernement tchadien et les rebelles.
Le continent a connu des crises à répétition, avec le coup d’État en Mauritanie, en août 2008 ; le coup d’État en Guinée Conakry, le 23 décembre, dès l’annonce du décès du président Conté ; la crise malgache à partir de février 2009, avec l’éviction du Président Ravalomanana et la prise du pouvoir par Andry Rajoelina, lequel s’est placé à la tête d’une Haute autorité de transition ; sans oublier, bien sûr, les événements survenus en mars en Guinée Bissau.
La position de la France est constante : elle consiste à demander, avec l’appui de la communauté internationale, et d’abord, de l’Union Africaine, le retour à l’ordre constitutionnel.
Ainsi, en Guinée Conakry, où je me suis rendu immédiatement après le coup d’État, j’ai pu faire connaître au capitaine Dadis Camara les trois demandes de la France : mise en place rapide d’un gouvernement civil – c’est fait –, organisation d’élections dans un délai très court, et engagement des putschistes à ne pas se porter candidats. Nous avons bon espoir que tous ces engagements soient tenus, mais nous restons vigilants.
Autre dossier que nous suivons de près : celui de Madagascar, où résident plus de 20 000 Français. La situation y est particulièrement confuse, et rien n’est encore joué : le Président de la Haute autorité est en difficulté, tandis que l’ancien Président de la République semble désireux de continuer à jouer un rôle. Il a d’ailleurs tenu des propos un peu injustes à l’égard de la France, laquelle est restée d’une totale neutralité dans ce dossier. Suivant notre ligne habituelle, j’avais même déclaré qu’à nos yeux, M. Ravalomanana était toujours le président en titre, dans la mesure où l’élection qui l’a porté au pouvoir n’a jamais été contestée.
En RDC, le rapprochement avec le Rwanda a permis de réels progrès dans l’Est, même si tous les problèmes ne sont pas réglés. Les FDLR ont été en grande partie désarmées et le leader du CNDP, Laurent Nkunda, a été neutralisé. Nous sommes parvenus, avec l’aide des Américains, dans le cadre de notre diplomatie multilatérale, à faire avancer les choses.
Au Zimbabwe, le Premier ministre, M. Tsvangirai, aborde sa tâche avec une détermination que la France a saluée. Nous nous emploierons à aider ce pays à sortir de la crise.
Je ne saurais omettre la Côte d’Ivoire, d’où je reviens. Nous avions l’habitude que l’annonce d’élections reste sans suite mais cette fois, le président Gbagbo a pris devant moi l’engagement de les organiser ; un décret en conseil des ministres les a fixées au 29 novembre, date qui est approuvé par les leaders politiques. J’espère qu’il n’y aura pas un nouveau report au motif de nouveaux troubles.
J’en viens à l’aide publique au développement.
Courant juin, le Premier ministre réunira le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Le dernier CICID avait eu lieu en décembre 2006.
Dans un contexte de fortes turbulences économiques, cette réunion sera l’occasion de définir plusieurs orientations concernant notre aide publique au développement. Sans anticiper sur les arbitrages qui seront finalement rendus, je souhaite vous donner les principaux éléments du débat et indiquer les propositions qui seront faites.
Le CICID sera tout d’abord l’occasion de réaffirmer l’engagement de la France en faveur des pays en développement. Il s’agit de marquer notre solidarité pour les aider à relever le triple défi de la pauvreté, de la croissance et de la préservation de l’environnement. Notre priorité ira clairement aux plus vulnérables d’entre eux, à commencer par l’Afrique.
Cette priorité se traduira en termes de financement, mais s’exprimera aussi dans notre inlassable plaidoyer en faveur d’une plus grande participation des Africains aux affaires du monde, que ce soit au Conseil de sécurité ou au sein des institutions financières internationales telles que le FMI ou la Banque mondiale.
Nous veillerons à ce que soient honorés les engagements internationaux pris au plus haut niveau, à commencer par celui, pris par le Président de la République et réitéré par le Premier ministre, de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement à l’horizon 2015. Nous devrons pour cela diversifier les instruments et recourir aux prêts et aux garanties. Je souhaite par ailleurs un effort particulier en faveur de l’aide bilatérale. Je sors à l’instant d’une réunion du Comité d’aide au développement de l’OCDE : nous y plaidons pour que certaines interventions qui ne prennent pas la forme classique puissent être comptabilisées dans l’APD.
Nos contraintes budgétaires ne nous empêcheront pas d’agir. Non seulement les crédits votés en loi de finances initiale ont été maintenus, mais nous y avons ajouté 2 milliards d’engagements additionnels de l’ AFD sur cinq ans, qui devraient bénéficier à 2 000 entreprises et permettre de créer 300 000 emplois sur le continent africain. Il s’agit là de l’un des huit chantiers que je vous avais annoncés. L’Agence française du développement a ainsi augmenté ses engagements de 25 %.
Nous avons également été à l’origine, avec la Banque africaine de développement, de la mise en œuvre d’un nouveau fonds pour financer les initiatives agricoles et agroalimentaires, notamment en Afrique subsaharienne. Avec l’arrivée de nouveaux partenaires, nous espérons pouvoir le doter de 500 millions d’euros.
Enfin, pour être plus efficaces, nous allons devoir concentrer nos efforts, tant sur le plan géographique que sur le plan sectoriel. Le CICID devrait en prendre la décision, dans le droit fil des recommandations du Livre blanc et de la RGPP.
Concentration géographique, tout d’abord. Les dons seront majoritairement attribués aux pays pauvres prioritaires, essentiellement des pays francophones d’Afrique subsaharienne. Le solde des dons sera attribué aux pays en crise ou en sortie de crise. Au-delà des dons, l’effort budgétaire total – dons et bonifications de prêts – devra bénéficier pour plus de 60 % à l’Afrique subsaharienne.
Concentration sectorielle, ensuite. En plus des secteurs habituels – santé, éducation et formation professionnelle –, nous souhaitons mettre l’accent sur le développement économique, notamment sur la relance de l’agriculture.
Conformément aux recommandations de l’OCDE, nous serons amenés à formuler en 2010, après une large consultation, un document cadre pour notre politique de coopération, qui servira de référence unique pour l’ensemble des acteurs de la coopération au développement. Il va de soi que le Parlement sera étroitement associé à ce travail. Je tiens à cette occasion à remercier les parlementaires qui sont particulièrement actifs sur ce sujet, auxquels pourront bien entendu s’adjoindre tous ceux qui le souhaiteront.
Je conclurai en évoquant les trois problèmes structurels auxquels l’Afrique est confrontée.
Le premier est celui de la démographie. Les femmes africaines ont cinq enfants en moyenne. L’avenir du continent est entre leurs mains. Il faut les aider à maîtriser leur fécondité, mais aussi à se protéger du fléau du sida. L’éducation doit être au centre des politiques de coopération.
Le deuxième est le changement climatique, dont les pays d’Afrique sont les premières victimes.
Le troisième est le ralentissement de la croissance.
Pour l’ensemble de ces raisons, et en dépit des difficultés que nous connaissons, ce n’est pas le moment de réduire notre de aide publique au développement, bien au contraire, tant pour l’équilibre du monde que dans notre intérêt propre, le développement des pays du Sud bénéficiant aussi à ceux du Nord.
M. le président Axel Poniatowski. Avant de laisser la parole aux nombreux collègues qui l’ont demandée, je vous poserai une question sur Madagascar – un dossier sur lequel votre position a un peu évolué. Le retour au pouvoir de M. Ravalomanana, encore peu vraisemblable il y a quinze jours, semble aujourd’hui, à vous écouter, plus envisageable. Faute d’avoir l’âge requis, M. Rajoelina ne peut pas postuler au poste de président. Pensez-vous que des dispositions vont être prises pour lui permettre d’être candidat ? Qu’en est-il de la situation humanitaire dans l’île ?
M. André Schneider. Vous étiez récemment en Côte d’Ivoire, après M. Bernard Kouchner en juin dernier, afin d’encourager le processus de sortie de crise et de réconciliation nationale. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur la situation et sur la position de la France ?
En tant qu’ancien journaliste, vous devez être sensible à la situation de M. Ney, journaliste français incarcéré en 2008 pour « attentat et complot » contre l’autorité de l’État ivoirien. Quelles sont les avancées obtenues sur ce dossier ?
Permettez-moi enfin un témoignage. En accompagnant à vos côtés le Premier ministre au Cameroun et au Nigeria, j’ai pu mesurer votre proximité avec les Africains. Vous sentez l’âme de l’Afrique et vous y êtes chaleureusement accueilli, ce qui laisse penser que votre action aura les résultats les plus favorables.
M. Jean-Paul Lecoq. Nous avons entendu, ce matin, le président de l’Assemblée populaire nationale de la République algérienne. Il nous a appris que le français était enseigné dès l’école primaire en Algérie, ce qui est une bonne chose pour la francophonie. Mais il nous a également dit que le « grand Maghreb » n’aurait aucun avenir tant qu’une solution ne serait pas trouvée pour le Sahara occidental – ce qui implique l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Pensez-vous qu’il soit possible d’avancer sur cette question avant que le recensement effectué par la MINURSO ne devienne totalement obsolète ?
Par ailleurs, vous revenez du Cameroun, où il y a un an, pendant les émeutes de la faim, près de 140 jeunes avaient été tués. Depuis, les familles réclament justice. Avez-vous eu l’occasion d’aborder cette question à Yaoundé ?
M. Jean-Louis Christ. L’opération Atalante, lancée sous l’égide de l’Union européenne pour lutter contre la piraterie le long des côtes somaliennes, commence à porter ses fruits : chaque semaine, des pirates sont arrêtés et des actes de piraterie empêchés. Cependant, le règlement de ce problème, qui nécessitera sans doute plusieurs années, ne peut passer par la seule voie militaire. Quelle solution politique peut-on envisager ?
Ma deuxième question concerne l’élection présidentielle qui doit se tenir le 12 juillet au Congo-Brazzaville. Actuellement, la situation paraît calme, mais le déroulement du processus électoral est loin d’être exemplaire. L’opposition peine à exercer ses droits : ainsi, à Pointe Noire, deux de ses meetings ont été annulés par le régime. Quelle est votre analyse de la situation ?
Mme Martine Aurillac. En Afrique, la santé constitue l’un des piliers du développement. Outre la question de l’accès à l’eau, la formation joue dans ce domaine un rôle capital. Or l’émigration des médecins et des infirmiers ne permet pas de constituer dans ces pays un maillage suffisant. De plus, la crise conduit à opérer des coupes claires dans les budgets. On sait que sur ce continent le sida touche 22 millions de personnes ; le paludisme fait un million de morts, notamment parmi les très jeunes enfants, et la tuberculose frappe plus d’un million et demi de personnes. Comment peut-on expliquer le succès relatif de la France dans sa lutte contre ces pandémies ?
Par ailleurs, quelle est la situation au Sénégal, où les dernières élections locales ont affecté le crédit du président en place ? En effet, toutes les grandes villes sont passées à l’opposition – y compris Dakar, où le propre fils du président a subi un important revers.
Mme Chantal Bourragué. Vous avez évoqué le problème de la condition féminine en Afrique. Il est d’autant plus urgent d’agir en faveur des femmes qu’elles restent écartées de la gouvernance, bien qu’elles soient très actives dans la société et dans l’économie : ainsi, elles sont destinataires de 90 % des microcrédits, qu’elles remboursent à 95 %. Et si elles-mêmes n’ont pas suffisamment accès à l’éducation, elles investissent ce qu’elles gagnent dans celle de leurs enfants. Comment faire pour qu’elles prennent toute leur place dans la vie politique et économique du continent ?
M. le secrétaire d’État. Il est vrai que notre position a évolué au sujet de Madagascar, mais cette évolution concerne l’ensemble de la communauté internationale. En effet, pour ne pas donner le sentiment de prendre parti en faveur de l’un ou l’autre des adversaires en lice, nous n’avons pas voulu que la France agisse seule sur ce dossier. C’est d’ailleurs dans le cadre de la Commission de l’océan indien que je me suis rendu sur l’île.
Aujourd’hui, la communauté internationale accepte le processus de transition proposé par la Haute autorité, laquelle indique son intention d’organiser des élections au plus tard quatorze mois après la signature d’un accord par l’ensemble des parties. La France est prête à soutenir cette position intermédiaire, même si elle est moins dure que celle que nous avions d’abord adoptée. Nous avions en effet, dans un premier temps, réclamé le retour à l’ordre constitutionnel. Des dates ont été avancées pour les élections législatives, qui seront organisées en premier. Quant à l’élection présidentielle, le président de la Haute autorité de transition avait indiqué qu’il renoncerait à y participer dès lors que tous les anciens présidents en feraient autant. Mais comme cette condition ne semble pas remplie, je suppose qu’il voudra se porter candidat. N’ayant pas l’âge requis, on peut imaginer qu’il demandera une modification de la Constitution, par voie législative ou populaire.
En Côte d’Ivoire, Monsieur Schneider, le Conseil des ministres a suivi la proposition de la Commission électorale indépendante et a pris, le 14 mai, un décret fixant au 29 novembre 2009 le premier tour de l’élection présidentielle. Je peux témoigner que tous les leaders politiques acceptent cette date et demandent qu’elle soit respectée.
En ce qui concerne Jean-Paul Ney, le président Gbagbo a bien voulu, à la suite de ma visite, demander au parquet de renoncer à faire appel du jugement ayant décidé sa mise en liberté provisoire. M. Ney s’est donc vu rendre son passeport et a pu rentrer en France après seize mois de détention. La procédure n’est pas close, mais on peut espérer qu’elle évoluera favorablement. Il va sans dire que mon intervention s’est située dans un cadre strictement humanitaire : il n’était pas question de faire une ingérence dans la justice ivoirienne.
Sur la francophonie, monsieur Lecoq, je vous renvoie à mes propos introductifs et au bilan de notre action depuis quelques mois. Ainsi, pour la première fois, la Constitution fait référence à la francophonie dans son article 87, ce qui répond à une demande formulée depuis vingt ans. Je rappelle également que la présidence française de l’Union européenne a fait systématiquement usage du français – cela paraît évident, mais ce n’est pas toujours le cas dans les instances internationales –, que le projet de Maison de la francophonie est sur le point d’aboutir, et que le sommet de Québec a été un succès. Nous avons également renforcé les moyens de TV5 Monde, et nous mettons la dernière main au portail numérique francophone, auquel nous avons consacré 300 000 d’euros. Enfin, je travaille avec Éric Besson à la mise en place d’un visa francophone.
Plusieurs rendez-vous sont programmés, dont la réunion de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, qui se tiendra à Paris les 4 et 6 juillet. Nous avons par ailleurs débloqué 1,5 million d’euros pour assurer notre présence aux jeux de la francophonie, organisés à Beyrouth en septembre. Enfin, une conférence ministérielle se tiendra à Paris les 8 et 9 décembre.
Le combat de la francophonie n’est pas seulement un combat pour le français ; c’est aussi un combat en faveur du plurilinguisme et de la diversité culturelle, ainsi que des valeurs que nous défendons – droits de l’homme, démocratie, bonne gouvernance, protection de la planète, droits des femmes et des enfants. J’ai inauguré récemment le lycée français de Doha, où l’on enseigne en français, en anglais et en arabe. Ce combat pour le plurilinguisme est sans doute le meilleur moyen de préserver l’usage de notre langue.
Le Sahara occidental pose un problème difficile, dont la résolution passe par un accord entre le Maroc et l’Algérie. L’Union pour la Méditerranée pourrait aider à faire avancer les choses, mais aujourd’hui, la situation est bloquée.
Je rappelle qu’en dépit de nos souhaits, l’Algérie n’est toujours pas membre de l’Organisation internationale de la francophonie – dans laquelle la France voudrait également faire entrer Israël.
Quant au Cameroun, comme beaucoup d’autres pays, il a en effet connu des émeutes de la faim, mais la situation est aujourd’hui plus calme. La situation des familles dont vous avez parlé n’a pas été évoquée à l’occasion de nos entretiens avec le président Biya. C’est avant tout une affaire intérieure au Cameroun, dans laquelle il nous est difficile de nous ingérer. Nous ne pouvons que faire passer des messages à titre officieux.
L’opération Atalante, évoquée par M. Jean-Louis Christ, constitue une première remarquable. Une telle initiative était attendue depuis longtemps. Nous assistons à une véritable prise de conscience internationale ; l’Europe a montré la voie, et elle est suivie par les États-Unis et la Chine. Je crois donc que l’opération devrait monter en puissance. La France le souhaite, car nous ne pouvons pas laisser perdurer une telle situation de non-droit. La piraterie est un problème majeur qui concerne toute l’Afrique – pas seulement les pays de la Corne, mais aussi ceux du Golfe du Niger. Les questions de sécurité maritime se posent de façon particulièrement aiguë pour les pays dans lesquels le Premier ministre s’est rendu, le Cameroun et le Nigeria. La réponse internationale doit donc être très ferme, faute de voir de tels actes se multiplier ailleurs dans le monde – en Afrique, mais aussi en Amérique du Sud.
Au Congo-Brazzaville, d’après les informations dont je dispose, la préparation des élections se déroule dans des conditions normales. Lors de sa visite officielle, le Président de la République a rencontré non seulement le président Denis Sassou-Nguesso, mais aussi, avec l’accord de ce dernier, l’ensemble des leaders politiques de l’opposition. Cette initiative inédite a été l’occasion pour le Président de reprendre le dialogue politique avec ses opposants.
Madame Aurillac, le budget consacré à la santé dans l’aide au développement a été multiplié par quatre depuis 2000. Nous nous efforçons d’articuler au mieux les interventions bilatérales et multilatérales. La répartition entre ces deux modes d’action fait l’objet d’un vieux débat. Aujourd’hui, deux tiers de notre aide publique passe par la voie multilatérale. Mais sur un certain nombre de points, il paraît indispensable de conserver une marge de manœuvre bilatérale, afin de privilégier les circuits courts, plus efficaces. Cela étant, une action telle que la lutte contre le sida nécessite sans aucun doute une organisation multilatérale, car seule une réponse à l’échelle mondiale est en mesure de mobiliser de grandes masses financières nécessaires. Cela nous a permis, par exemple, de faire baisser de près de 50 % le prix des médicaments, notamment pour les enfants.
Pour le reste, on ne peut pas réclamer plus de démocratie en Afrique et, lorsqu’elle fonctionne, craindre ses résultats. Au Sénégal, les élections locales ont été remportées par l’opposition ; certains exemples plus proches de nous montrent que cela n’empêche pas de gagner ensuite les élections nationales ! Pour ma part, je me réjouis que la démocratie fonctionne dans ce pays.
Madame Bourragué, la place des femmes constitue l’un des huit chantiers de mon secrétariat d’État – car, oui, les femmes sont l’avenir de l’Afrique. Elles sont les principales bénéficiaires des microcrédits. 20 millions d’euros ont été programmés pour renforcer leur rôle dans l’économie africaine ; notre plan d’action est d’ores et déjà mis en œuvre, avec un fonds de solidarité de 3 millions d’euros et la mobilisation de nos ambassades. Les trente ambassadeurs de l’Afrique subsaharienne disposent chacun d’un montant de 100 000 euros pour abonder des projets.
M. François Rochebloine. Ma première question porte sur la situation de la francophonie. En Roumanie comme en Bulgarie, nombreux sont ceux qui délaissent le français au profit de l’anglais. Quelle action entendez-vous mener pour restaurer la place de notre langue dans ces deux pays ?
Nous avons évoqué la situation du Sénégal. Une partie de la Casamance est minée, et des ONG, en particulier Handicap international, y interviennent pour éliminer les mines antipersonnel. Apportez-vous une aide à ces opérations ?
En ce qui concerne la Maison de la francophonie, le calendrier sera-t-il tenu ? Pourrez-vous l’inaugurer en avril prochain ?
Lors du récent déplacement du Premier ministre au Nigeria, vous avez, avec raison, rappelé à l’ordre le patron de Total au sujet de l’emploi de la langue française. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Enfin, comme vous, je tenais à saluer l’action de TV5 Monde.
M. le président Axel Poniatowski. Je regrette pour ma part que, dans les pays dans lesquels je voyage, je ne parvienne jamais à regarder France 24 en français, et non en anglais.
Mme Nicole Ameline. Vous avez évoqué vos efforts pour impliquer la communauté politique internationale en faveur de l’Afrique. Est-ce de nature à infléchir nos modalités d’intervention dans ce continent ? Pensez-vous que nos instruments conventionnels soient suffisants pour répondre aux enjeux stratégiques que sont le réchauffement climatique et la stabilité politique internationale ? Sur la question climatique, Jean-Louis Borloo évoquait un « partenariat stratégique global » avec l’Afrique. Une approche coordonnée ou multilatérale n’est-elle pas en effet nécessaire ? D’autre part, ne faudrait-il pas substituer une approche régionale à l’approche par pays ? Enfin, l’Union européenne, qui aujourd’hui intervient en son nom propre, ne pourrait-elle s’employer à coordonner les interventions de ses membres ?
M. François Loncle. S’agissant de la Côte d’Ivoire, le principal promoteur de la solution de paix et de l’avancée dans le processus démocratique est le président du Burkina Faso, M. Blaise Compaoré. C’est d’ailleurs lui qui a présidé à Ouagadougou, le 18 mai, le Comité permanent de concertation, en présence des quatre protagonistes de l’élection ivoirienne. Je tenais à le rappeler parce qu’il serait bon, à l’avenir, que les Africains eux-mêmes puissent résoudre les crises auxquelles ils sont confrontés.
Vous êtes resté discret au sujet de la Mauritanie, et on comprend pourquoi : d’une part les décisions, sur ce sujet, ne sont pas prises au Quai d’Orsay, mais à l’Élysée – avec la participation d’étranges personnages tels que Robert Bourgi – ; d’autre part la position française, depuis le coup d’État, n’est ni claire, ni ferme. Alors que l’Union européenne, l’Union africaine, l’ONU et les États-Unis ont déjà condamné l’élection prévue le 6 juin, qui s’annonce comme une élection « bidon », la France adopte une attitude ambiguë. Le Président de la République a tenu, à Niamey, des propos incroyables : il a affirmé que le coup d’État était accepté par les parlementaires – ce qui est faux –, nié l’existence de manifestations de rue – alors qu’il s’en tient toutes les semaines – et prétendu avoir téléphoné au président renversé, ce qu’il n’a jamais fait. À l’approche de la date du 6 juin, je voudrais savoir si vous cautionnez ou si vous désavouez ce processus électoral bidon.
M. Jacques Myard. Je récuse l’idée selon laquelle la politique française à l’égard de l’Afrique a été marquée par le paternalisme. Des liens humains très forts ont été tissés, et ces liens demeurent une richesse.
Je regrette que notre programme de coopération ne comporte pas un volet destiné à maîtriser la croissance démographique. Chacun doit comprendre que c’est un préalable, sans lequel il ne saurait y avoir de développement. Le seul pays d’Afrique qui est entré dans la transition démographique est la Tunisie, qui a pour cela adopté une politique volontariste de planning familial.
Enfin, je me réjouis de vos propos concernant l’aide bilatérale et l’aide multilatérale. La répartition actuelle est inacceptable ; il faut absolument rapatrier nos crédits vers l’action bilatérale. En effet, non seulement l’aide multilatérale, loin d’être un levier puissant comme on le prétend, est un mécanisme totalement anonyme et mal piloté, mais en outre, nos partenaires européens ou américains ne poursuivent pas toujours les mêmes objectifs que nous.
Mme Marie-Louise Fort. Pour ma part, je crois comme vous, monsieur le secrétaire d’État, que les relations entre la France et l’Afrique doivent être marquées par plus de transparence et moins de paternalisme.
Je voudrais vous poser deux questions. D’abord, quels sont les rapports entre la politique d’immigration et l’aide au développement ? Ensuite, que fait votre ministère pour développer les jumelages, qui sont l’occasion de procéder à des échanges de savoirs ou de former les jeunes ?
M. Renaud Muselier. En ce qui concerne le Rwanda, je considère que la politique de main tendue en direction de Paul Kagamé est une erreur stratégique majeure de la part de notre pays, qui contribue à déstabiliser les pays voisins, notamment l’Est du Congo. Non seulement M. Kagamé n’assume pas ses responsabilités dans ce qui s’est passé dans son pays, mais il veut en rejeter le poids sur la France.
S’agissant de l’audiovisuel extérieur, je suis partagé : c’est très bien d’augmenter les moyens de TV5 monde, mais il faudrait aussi améliorer la qualité de ses programmes... Ceux de France 24 sont bien meilleurs ; le problème, c’est qu’ils sont en anglais.
En tant que membre du conseil d’administration de l’Agence française de développement, je vous remercie d’avoir souligné son action. En augmentant de 25 % les engagements de l’Agence, nous avons respecté scrupuleusement la volonté du Président de la République.
Comme l’AFD, la Banque mondiale, l’IRD ou le Conseil mondial de l’eau, l’ONUDI possède, en plus de son bureau parisien, un bureau à Marseille. Or le Quai d’Orsay, sans tenir compte des investissements réalisés, fait tout pour qu’il soit fermé. Une fois de plus, je vous demande, en tant que personnalité politique, d’intervenir sur ce dossier.
Enfin, le Conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée, mis en place par le Premier ministre, me paraît pouvoir jouer un rôle pour contourner les obstacles diplomatiques permanents auxquels se heurte l’UPM. Une action multilatérale bâtie à partir de l’initiative française devrait apporter des résultats très positifs.
M. Robert Lecou. Lorsque l’on voyage à l’étranger, on constate que la France est considérée comme un pays d’équilibre, et que sa présence comme son influence sont attendues. Comment favoriser le rayonnement de notre pays ? Quel est le poids de l’Alliance française par rapport à l’Institut Cervantès, au Goethe Institut, au British Council ? Comment faire pour que le français soit pris en considération par l’Union européenne lorsqu’elle lance des appels d’offres à l’étranger ?
Mme Geneviève Colot. Vous avez évoqué l’agriculture ; que pensez-vous de l’achat de centaines de milliers d’hectares par les Chinois en Afrique ? N’y a-t-il pas là un risque pour l’avenir du continent ?
M. Gilles Cocquempot. Dans le cadre de la réunion du groupe d’amitié France-Vietnam, un professeur de français, qui travaille dans un des lycées d’Hô-Chi-Minh-Ville, m’a expliqué que les moyens manquaient pour former les enseignants. Il souhaiterait que la formation des maîtres soit mieux accompagnée, en particulier sur le plan pratique. L’ambassadeur de France au Vietnam m’a également fait part du manque de moyens dont souffre la politique de formation. Il y va pourtant du développement de la francophonie et du rayonnement de la France dans ces pays. Au Vietnam, les jeunes apprennent plus volontiers l’anglais que le français.
M. le secrétaire d’État. En ce qui concerne la Maison de la francophonie, monsieur Rochebloine, je pense que l’inauguration aura bien lieu en mars 2010. Le projet de loi autorisant l’approbation de la convention avec l’OIF a été adopté par l’Assemblée et va être bientôt examiné par le Sénat. Quant à la mise en œuvre technique, elle n’a pas pris de retard.
La langue de diffusion de France 24 fait l’objet d’un débat parmi les responsables de l’audiovisuel extérieur de la France. Certains demandent qu’on ait accès partout à France 24 en français ; les responsables de la chaîne estiment que son rôle est de diffuser dans le monde le message de la France, à la façon de CNN, et que France 24 aura beaucoup plus d’audience si elle le fait en anglais et en arabe.
M. François Rochebloine. Ce n’est pas ce qui était prévu au départ.
M. le secrétaire d’État. Précisément, je milite pour que France 24 en français, TV5 monde et RFI soient présents partout dans le monde. Lorsque, à Doha, je constate qu’il faut zapper jusqu’au canal 100 pour trouver une chaîne francophone et que celle-ci n’est même pas française, je ne suis pas content. Cela étant, nous devons laisser aux nouveaux dirigeants de l’audiovisuel extérieur le temps d’achever la réforme en cours, notamment en ce qui concerne les contenus éditoriaux. À cet égard, je suis d’accord avec M. Muselier : il faut améliorer les programmes de TV5 Monde. Une fois réorganisée la fabrication des contenus – qui est la partie la plus coûteuse –, la bataille suivante concernera les supports. De nombreux moyens existent – câble, satellite, etc. – qui nous permettent une diffusion plus large pour un coût moins élevé qu’autrefois. Quoi qu’il en soit, ma position est claire : l’audiovisuel extérieur doit être disponible partout en français.
Par ailleurs, à chaque fois que j’en ai l’occasion, je demande à nos responsables de s’exprimer le plus possible en français sur la scène internationale. Récemment, lors d’une visite d’une plateforme du groupe Total, j’ai ainsi convaincu M. de Margerie de faire son discours en français. Au moment où plusieurs Français sont à la tête des grandes institutions internationales – Banque centrale européenne, FMI, OMC –, je regrette de les voir faire si peu usage de notre langue, alors même que ces institutions bénéficient de moyens de traduction simultanée. Je leur ai déjà fait des remarques à ce sujet. De même, lorsqu’un artiste français est sélectionné pour représenter notre pays à l’Eurovision, la moindre des choses est qu’il chante en français. L’année dernière, notre candidat s’était exprimé en anglais, ce qui m’avait poussé à intervenir. Je me réjouis de voir que, cette année, Patricia Kaas, notre représentante, a chanté en français. Elle n’a pas gagné, mais son classement est le meilleur que nous ayons connu depuis longtemps.
Je partage l’avis de Nicole Ameline sur la nécessité d’une approche plus globale. Comme dans le débat entre intervention bilatérale et intervention multilatérale, la question n’est pas de trancher définitivement, mais de savoir où placer le curseur. Et sur de nombreux sujets, une approche à l’échelle du continent, de la région ou de la sous-région apparaît plus pertinente. Ainsi, si nous voulons relancer l’agriculture en Afrique, avec ce que cet objectif implique en termes d’équipements publics, de formations, de système de commercialisation, nous ne pouvons pas raisonner État par État. De même, je souhaite que nos accords de partenariat économique soient signés avec des régions. La relance de l’agriculture africaine nécessite une régulation : il faut que des accords soient obtenus avec l’OMC pour protéger ce secteur. Ce n’est possible qu’en raisonnant globalement. Or tout ce qui doit être abordé de manière globale doit l’être sous forme multilatérale – même si nous devons conserver des marges de manœuvre dans un cadre bilatéral.
Quant à la coordination, elle est indispensable. À titre d’exemple, sachez qu’en 2007, la Tanzanie a dû accueillir 600 projets de coopération, tous inférieurs à un million d’euros…
En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, monsieur Loncle, je suis d’accord avec vous : M. Compaoré a fait un travail exceptionnel, et je lui ai d’ailleurs plusieurs fois rendu visite. C’est en effet autour de lui que se sont réunis, le 18 mai, M. Gbagbo, M. Ouattara, M. Bédié, ainsi que le jeune premier ministre, M. Soro, qui est en charge de l’organisation des élections. La France fait tout ce qu’elle peut pour aider M. Compaoré à œuvrer en faveur du processus de paix. C’est ainsi à sa demande que nous avons débloqué l’argent nécessaire au recensement des électeurs.
Je ne suis pas discret sur la Mauritanie, j’en ai parlé dans mon propos liminaire. Il est vrai que deux approches sont possibles au sujet des élections qui ont été décidées. L’une consiste à juger ces élections illégitimes et à réclamer le rétablissement du président démocratiquement élu – quitte à ce qu’il démissionne aussitôt après. Mais cette approche est-elle réaliste ? Pour 80 % de la société mauritanienne, ce n’est pas le cas ; les états généraux organisés par M. Aziz ont suscité la participation de 80 % des forces vives de Mauritanie, y compris de M. Daddah, leader de l’opposition.
M. François Loncle. Est-ce que vous cautionnez l’élection du 6 juin ?
M. le secrétaire d’État. Mon rôle n’est pas de cautionner quoi que ce soit. Mais M. Aziz, qui s’était engagé à quitter l’armée et à démissionner de ses fonctions au moins quarante-cinq jours avant l’élection, a tenu parole. De même, conformément à son engagement, la haute autorité de transition s’est dessaisie de tous les sujets à l’exception des questions de sécurité. La présence d’observateurs internationaux a été demandée pour contrôler les élections. Il importe que celles-ci se déroulent de façon transparente et que tout le monde puisse y participer.
La communauté internationale a elle-même évolué sur ce dossier. Je ne peux pas vous laisser dire que nous avons été faibles : nous présidions l’Europe lorsque des sanctions ont été prises en application de l’article 96 des accords de Cotonou. Ce sont ces sanctions qui ont conduit à faire évoluer le général Aziz vers une position de compromis. Je vous le dis clairement, la solution qui se met en place en Mauritanie n’est pas combattue par la France, parce que combattre cette solution ne nous paraît pas réaliste.
M. François Loncle. C’est clair, et je le ferai savoir.
M. le secrétaire d’État. Quoi qu’en dise Jacques Myard, les Français comme les Africains sont d’accord pour sortir d’une relation que l’on peut tout de même qualifier de paternaliste. Quant à la démographie, je n’y reviens pas, nous l’avons déjà évoquée.
Mme Fort a évoqué les jumelages et les échanges entre la France et différents pays. D’une manière générale, nous soutenons ces opérations. Le secrétariat d’État dispose d’une ligne budgétaire pour subventionner les associations qui organisent ces jumelages. La liste des bénéficiaires est très longue.
Nous connaissons la position de M. Muselier au sujet du président Kagamé : elle est tout à fait respectable. Toutefois, la France juge préférable que les conflits qui déchirent l’Afrique soient résolus par les Africains eux-mêmes – M. Loncle a d’ailleurs lui-même plaidé en ce sens. Or c’est bien le rapprochement entre M. Kagamé et M. Kabila qui a permis aux pays concernés de résoudre eux-mêmes une partie des problèmes du Nord-Kivu, et notamment d’obtenir le désarmement des FDLR et la neutralisation de M. Nkunda. C’est pourquoi la France, à l’instar des États-Unis, a encouragé ce rapprochement. Nous avons ainsi pu éviter l’envoi de nouveaux militaires en provenance d’Europe. Je rappelle qu’en dépit des 17 000 hommes dont elle dispose, la force des Nations Unies présente sur le terrain a quelques difficultés à régler les problèmes.
Monsieur Lecou, j’entends souvent des propos pessimistes au sujet de la francophonie et du rayonnement culturel de la France, mais je rappelle que notre réseau culturel est le plus important au monde. Nous disposons du plus grand nombre de lycées à l’étranger, dans lesquels travaillent 6 000 professeurs titulaires de l’éducation nationale. Notre action en ce domaine se situe donc à un niveau exceptionnel, même s’il est vrai que l’on nous en demande encore plus. Ainsi, lorsque le Qatar souhaite réécrire et compléter ses règles de droit, il nous réclame dans ce but une assistance culturelle, préférant la tradition juridique latine à l’anglo-saxonne.
Madame Colot, vous avez évoqué la question de l’achat de terres en Afrique. À Madagascar, une opération qui portait sur 1,3 million d’hectares est heureusement suspendue. Un certain nombre d’États africains sont en train de réagir très fermement sur cette question du foncier, pour faire en sorte que, si relance de l’agriculture il y a, ce soit avec des agriculteurs africains.
À ce sujet, monsieur Loncle, je note que si notre diplomatie ne doit pas renoncer à défendre les valeurs qui sont celles de la francophonie, notamment les droits de l’homme et la démocratie, elle ne peut pas se contenter de proclamer des principes, en laissant les Chinois s’emparer de l’économie africaine. Ainsi, au moment même où vous défendez, s’agissant de la Mauritanie, une conception que l’on peut qualifier d’idéale, le port de Nouakchott constitue un enjeu économique considérable. Et tout en me réjouissant de voir se multiplier les investissements en faveur de l’Afrique, je constate que le continent accueille déjà 900 000 Chinois, contre 300 000 Français. Notre rayonnement culturel ne doit pas occulter notre rayonnement économique ni le rôle joué par nos entreprises : si nous voulons être présents dans l’économie africaine, nous devons parvenir à des positions diplomatiques qui, sans trahir nos valeurs, puissent être acceptables par les pays avec lesquels nous travaillons.
Je sais que M. Cocquempot est très attaché au Vietnam, où je suis allé il y a peu de temps. Nous sommes toujours prêts à intervenir en faveur de la formation des maîtres, mais il paraît difficile d’augmenter encore le nombre de professeurs enseignant à l’étranger : cela coûterait très cher. Cependant, la francophonie constitue un enjeu mondial auquel il faut apporter une réponse mondiale. Or cette réponse est double : elle passe par l’audiovisuel extérieur de la France, mais consiste aussi à multiplier les contenus disponibles en français sur Internet. À cet égard, le portail numérique que nous mettons en place va permettre, grâce à des liens spécifiques, le développement d’une formation à distance. Je reste à votre disposition pour aborder des questions plus précises, mais sachez que le secrétariat d’État à la coopération s’investit beaucoup au Vietnam, non seulement en faveur de l’enseignement du français, mais aussi à travers notre réseau culturel – centres culturels et Alliance française.
M. Gilles Cocquempot. Mais les jeunes qui ont fait le choix d’apprendre le français sont moins nombreux que ceux qui apprennent l’anglais. En outre, alors que de nombreuses entreprises françaises sont présentes à Hô-Chi-Minh-Ville, nos étudiants ne les connaissent pas.
M. François Rochebloine. Qu’en est-il des opérations de déminage effectuées en Casamance ?
M. le secrétaire d’État. C’est la France qui les finance, par l’intermédiaire des ONG.
M. le président Axel Poniatowski. Monsieur le ministre, il me reste à vous remercier d’avoir répondu de façon détaillée à nos questions.
M. le secrétaire d’État. Sachez que je suis toujours à la disposition du Parlement. De tels échanges me paraissent non seulement fructueux, mais indispensables.
La séance est levée à dix-neuf heures
___