Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la situation en Iran
La séance est ouverte à douze heures
M. le président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, notre séance d’aujourd’hui est dictée par l’actualité. J’ai souhaité que le ministre des affaires étrangères vienne nous tenir informés des derniers développements de la situation en Iran, où les événements se succèdent à grande vitesse.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre disponibilité à notre égard.
Peut-on affirmer avec certitude et sur la base de quels éléments que l’élection présidentielle iranienne a donné lieu à une fraude de grande ampleur ?
Disposez-vous de précisions sur le nombre de victimes de la répression ? Il semble que les arrestations aient été massives. Y a-t-il des personnes qui ont demandé asile à l’ambassade de France ou qui ont cherché à s’y réfugier ?
Concernant le résultat de l’élection, des médias rapportent que, selon des sources en provenance du ministère de l’intérieur iranien, le président sortant pourrait n’être arrivé qu’en troisième position. Avez-vous des informations à ce sujet ?
Les critiques qu’a suscitées la réaction prudente du président Obama l’a conduit à affirmer davantage son soutien aux manifestants. Avez-vous le sentiment que la stratégie de l’administration américaine reposait sur le pari de la victoire d’un autre candidat ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Vous comprendrez que je ne parle que de ce dont je suis sûr. Pour le reste, la gravité de la situation nous impose d’être prudents.
Y a-t-il eu des fraudes ? Je n’en ai pas plus que vous la preuve. Mais comme toutes les ambassades, nous avons procédé à des comparaisons avec les chiffres des précédentes élections : il n’est pas possible qu’il n’y ait pas eu de trucage – ou alors la science électorale n’existe pas.
D’après les derniers renseignements recueillis auprès de notre ambassadeur, M. Bernard Poletti, qui vit avec son équipe des moments très difficiles même s’il n’a pas été directement inquiété, le Conseil des gardiens de la constitution a déclaré ce matin même qu’il n’y aurait pas d’annulation du scrutin et qu’il n’y a pas eu de grande fraude remettant en question le résultat final. Toutes les plaintes sont donc invalidées, qu’elles proviennent des candidats ou des citoyens. La déclaration officielle des résultats interviendra avant la fin de la semaine – sans doute jeudi. M. Larijani, que nous avons rencontré à de très nombreuses reprises, et encore récemment à Munich, s’est montré très critique hier dans un journal conservateur. Hier soir encore, il y a eu environ un millier de manifestants, qui ont été très sévèrement dispersés.
M. Moussavi, candidat qui s’est retrouvé à la tête d’un vaste mouvement populaire sans y être réellement préparé, avait demandé qu’il y ait une grève générale s’il était arrêté. Il ne l’a pas été, mais des débrayages isolés se déroulent actuellement dans le secteur des hydrocarbures. Même si l’on ne connaît pas le nombre des grévistes, il faut prendre cela comme un signe, et s’attendre à une confrontation longue et rude.
Personne n’a été expulsé officiellement, mais deux diplomates anglais, ont été priés de partir immédiatement. Les bassidjis, acteurs de la répression avec les pasdarans, avaient demandé l’organisation d’une manifestation devant l’ambassade britannique ; elle a été annulée par les autorités ce matin.
Officiellement, la répression aurait fait dix-sept morts. Les chiffres qui circulent dans les ambassades sont beaucoup plus importants : on parle de plus de cent morts, voire de plusieurs centaines. Il n’y a eu aucune demande d’accueil à l’ambassade – et il faudrait que nous nous posions ensemble la question de la réponse qu’il conviendrait d’y apporter. S’il n’y en a pas eu, c’est d’abord en raison du siège de l’ambassade par la police. Il n’y en a pas eu davantage dans les autres ambassades. J’interprète cela comme une preuve de plus de la détermination des manifestants.
Le président Obama a commencé par dire qu’il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Iran – ce qui est vrai, mais n’empêche pas le reste du monde de se sentir concerné. Il a ensuite affirmé que les manifestants étaient du côté des combattants de la liberté. Je serai en communication avec Mme Clinton cet après-midi.
Je suis heureux que la France ait pris l’initiative d’une réaction officielle européenne très déterminée. Dans sa déclaration, le Conseil européen « réaffirme que les autorités iraniennes doivent faire toute la lumière sur les questions relatives à la tenue du scrutin », « condamne avec force l’usage de la violence contre les manifestants », souligne qu’il est « important que l’Iran prenne le chemin du dialogue avec la communauté internationale ». Les Vingt-sept sont solidaires vis-à-vis des accusations formulées, qui ne peuvent en aucun cas viser tel ou tel membre de l’Union.
Les contacts directs que les Américains avaient commencé à établir avec les autorités iraniennes – pour notre part nous en avons eu encore la semaine dernière – sont un peu remis en question. Il s’agit d’un mouvement très populaire, en particulier chez les jeunes, les femmes et les citadins, bien au-delà de Téhéran. Aux dires de tous les observateurs, depuis 1978, longue année de mouvements de protestation contre le Shah qui s’était conclue début 1979 par le retour, à partir de la France, de l’ayatollah Khomeini en Iran, il n’y avait pas eu de mouvement aussi déterminé, exception faite des protestations étudiantes de 1999, dont la répression très violente avait fait plusieurs dizaines, voire centaines de victimes.
Mme Élisabeth Guigou. Y a-t-il au sein du régime des forces ou des personnalités capables de remettre en cause le pouvoir actuel ? Il semble qu’il n’y en ait pas à l’extérieur, et c’est en cela que la situation est très différente de celle de 1979.
Au cas où M. Ahmadinejad se maintiendrait au pouvoir, comment voyez-vous la suite des discussions avec l’Iran, notamment sur le nucléaire ?
Comment analysez-vous l’attitude des Russes ?
Enfin, j’ai lu dans Le Figaro la semaine dernière qu’il y aurait des accords secrets sur la protection, y compris nucléaire, des Émirats, en particulier d’Abu Dhabi. Si c’était le cas, ce serait un changement profond de la doctrine d’utilisation de l’arme nucléaire. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter à ce sujet ?
M. Dominique Souchet. Certains observateurs ne surévaluent-ils pas les divergences entre conservateurs et réformateurs ? Si elles existent bien au sujet des modes de vie, n’y a-t-il pas un consensus profond de l’opinion iranienne sur le nucléaire et sur le rôle de puissance régionale qu’ambitionne l’Iran ?
M. Jean-Michel Boucheron. Nous retenons tous notre souffle. Pour ma part, je pense que ce qui s’est passé la semaine dernière est pour ce régime le début d’une fin qui va être longue – elle peut prendre plusieurs années. A court terme, il ne faut surtout pas sous-estimer la puissance des pasdarans, milice populaire très nombreuse, lourdement armée et qui n’a rien à perdre.
Il semble que les Iraniens aient utilisé pour traquer les opposants des technologies Internet extrêmement sophistiquées, que les Chinois utilisent d’ailleurs également, très intrusives par rapport aux libertés. Or elles proviennent de pays occidentaux démocratiques. Y a-t-il une réflexion internationale sur leur diffusion ? A l’époque de la guerre froide, certains systèmes d’armes faisaient l’objet d’une interdiction d’exportation très rigoureuse ; peut-on imaginer le même sort pour ce type de technologie ?
M. Daniel Garrigue. Parmi les positions très différenciées qui s’expriment à travers le monde sur la situation en Iran, celle de la France est marquée par une certaine ambiguïté puisqu’elle se traduit à la fois par la position commune des Européens et par ce qu’on peut lire dans la presse à propos de l’accord d’Abu Dhabi. Un officier « proche du dossier » aurait ainsi déclaré : « Les implications stratégiques de cet accord sont énormes. Cela veut dire que nous mettons notre dissuasion nucléaire à la disposition des Émirats ». Pouvez-vous nous préciser le contenu de cet accord ? Est-ce une remise en cause de notre doctrine ? Quelle est exactement notre position vis-à-vis des Iraniens ?
M. le ministre. Madame Guigou, le changement majeur est bien le fait qu’au sein du clergé chiite, des voix se sont élevées pour parler de la fraude puis des manifestations et de leurs prolongements. Parmi les trois principaux candidats, M. Moussavi continue de dire qu’il faut procéder à une nouvelle élection, les deux autres ne demandent qu’une vérification des opérations. M. Larijani, même s’il a protesté hier dans un journal, n’a jamais eu d’action visible ; nous l’avons rencontré à maintes reprises, et encore à Munich il y a quelques mois, mais cela n’a été suivi d’aucun effet. Il avait cependant joué un petit rôle à propos des élections libanaises. Mais il y a aussi d’autres personnalités qui comptent, l’ayatollah Montazeri et M. Rafsandjani. Celui-ci est maintenant silencieux mais il s’est déclaré très en faveur du contrôle des résultats électoraux.
Comme M. Boucheron, je pense que la mutation sera longue. Les manifestants qui se sont déployés dans la rue contestent l’interprétation du Coran faite par le « Guide », l’ayatollah Khamenei, et par M. Ahmadinejad. La contestation est profonde, et les clés sont entre les mains du bazar, c’est-à-dire de la bourgeoisie d’affaires, et de la partie du clergé chiite qui se montre plus ouverte.
La base d’Abu Dhabi est une réalisation qui résulte d’engagements anciens. L’accord est simple, il ne comporte pas de volet nucléaire et ne constitue en rien un changement de doctrine de dissuasion. Il ne contient aucune clause secrète et va être soumis au Parlement. Nous en avons parlé hier très ouvertement avec l’émir du Qatar à l’occasion de sa venue à Paris. Il concerne des forces en nombre limité de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air, et traduit le fait que nous nous intéressons à cette zone.
Il n’est un secret pour personne que nous avons toujours été en faveur de la négociation avec l’Iran ; nous avons parlé à tous les interlocuteurs possibles, mais cela n’a jamais abouti à autre chose qu’à des promesses. Nous avons cependant encouragé nos amis américains à continuer à œuvrer en ce sens. Ces contacts directs peuvent être un peu compromis.
En ce qui concerne le nucléaire iranien, tous les services à travers le monde, y compris les Russes, sont d’accord pour trouver dangereuse cette accumulation d’uranium enrichi. Nous ne sommes pas tous d’accord sur la date à partir de laquelle la situation deviendra extrêmement dangereuse ; l’analyse israélienne n’est pas exactement la même que celle des militaires américains ou des services européens. Au Premier Ministre Benyamin Netanyahu, que nous allons recevoir cette semaine, nous allons redire que nous sommes déterminés à soutenir la création d’un État palestinien – qui ne serait pas le remède absolu au danger iranien, mais contribuerait à faciliter la mobilisation contre ce problème. Je l’ai dit aussi à M. Lieberman.
Nous avons tout essayé avec l’Iran. Le Président de la République a même reçu le Ministre des affaires étrangères, M. Mottaki, mais cela ne s’est pas bien passé : il n’était manifestement pas fortuit que M. Ahmadinejad, juste avant l’entrevue, qualifie l’Holocauste de « grosse tromperie ».
Nous n’avons jamais coupé les ponts avec l’Iran, mais nous n’avons pas signé d’accords d’investissements, le Conseil de sécurité ayant adopté trois résolutions prononçant des sanctions. D’autres pays européens en ont conclus. Pour notre part, nous avons fortement déconseillé les investissements, en particulier pour Total.
Monsieur Boucheron, votre réflexion est juste, mais il est très difficile de contrôler les transferts de logiciels. Ce sera le cas pour les logiciels servant à l’identification et à la traque des opposants. Mais il faut aussi voir que les opposants se servent d’Internet pour diffuser leurs informations : dans les pays de dictature, l’informatique est un outil de liberté. Cela dit, trafic pour trafic, le trafic de l’énergie atomique est pire…
M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, le démenti que vous venez d’apporter aux informations qui ont circulé, y compris dans les médias anglo-saxons, concernant la garantie nucléaire qui pourrait être apportée avec la base d’Abu Dhabi mériterait d’être confirmé haut et fort par le Gouvernement. Dans cette région poudrière, où l’on risque d’être entraîné sans le vouloir par l’enchaînement des événements, il paraît indispensable de clarifier l’utilisation de cette base, même s’il est vrai que la liberté de navigation dans le Golfe Persique a pour nous un intérêt vital.
Je partage avec Jean-Michel Boucheron le sentiment que la crise iranienne sera longue. N’oublions jamais que la tradition chiite est celle du martyre : il y aura « de la casse » – il ne faut pas regarder la situation à travers un prisme trop occidental. Par ailleurs, si une certaine élite était en faveur du candidat qui est arrivé second, M. Ahmadinejad est très populaire et je doute fort, d’après les contacts que nous pouvons avoir, que la correction des fraudes puisse aboutir à sa défaite. Nous nous devons donc d’être prudents dans nos commentaires. Si nous voulons que la situation évolue, il est impératif de ne pas tabler sur le changement de régime. Celui-ci viendra, c’est évident, mais il ne serait pas accéléré par des positions occidentales trop catégoriques.
M. Jean-Jacques Guillet. Peut-être est-ce le début de la fin du régime, mais en effet il ne s’effondrera pas du jour au lendemain. Néanmoins les grèves dans le secteur des hydrocarbures pourraient éventuellement constituer un élément d’accélération.
Quel est l’impact de la crise iranienne sur les pays voisins, en particulier l’Irak, l’Arabie saoudite et les États du Golfe, ainsi que la Syrie ?
J’ai été un peu surpris de la réaction très rapide du président afghan, qui a immédiatement félicité le président Ahmadinejad de sa victoire, s’alignant en quelque sorte sur la Russie et la Chine. Eu égard à la présence de forces de l’OTAN dans son pays, on aurait pu penser que M. Karzaï ferait preuve d’un peu plus de prudence, même si des considérations de politique intérieure ont nécessairement joué.
Concernant la visite de M. Netanyahu, les journaux israéliens annoncent d’ores et déjà que celui-ci demande des « mesures plus fortes » à l’égard de l’Iran. Il est un fait que le régime iranien, s’il se maintient, sera affaibli, ce qui pourrait se traduire par un durcissement des bras armés que sont le Hezbollah et le Hamas. Est-il opportun, ou non, de suivre le Premier ministre israélien dans sa logique ?
M. Jacques Remiller. Indépendamment du détonateur qu’a été la fraude électorale, ne faut-il pas voir dans la situation actuelle, au-delà des divisions qui existent entre les religieux au pouvoir, la conséquence d’une émancipation démocratique de jeunes qui n’ont pas connu la révolution de 1979 et des femmes ?
M. Robert Lecou. Je prolonge la question : quelles sont les raisons profondes des événements actuels ? Trente ans après la révolution islamique, quelle est la situation démographique, sociale et économique de l’Iran ?
M. Loïc Bouvard. Pour ma part, je complète la question de mon ami Jean-Jacques Guillet : quelles incidences les événements d’Iran peuvent-ils avoir sur les cinq républiques de l’Asie centrale, où je dois d’ailleurs me rendre avec des collègues la semaine prochaine ?
Je pense depuis trois jours à la répression sanglante contre les étudiants sur la place Tien An Men, en 1989. A l’époque, nous avions protesté, puis nous nous sommes accommodés de la situation…
M. Gérard Bapt. Concernant la fraude, pensez-vous qu’elle est relativement marginale ou qu’elle aboutit à un vol de l’élection ? Un sondage réalisé par des Américains trois semaines avant qu’elle ait lieu, cité par le Washington Post, avait, à peu de choses près, prévu le résultat officiel.
Par ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’il y a des luttes de clans à l’intérieur du clergé chiite. Du temps du président Khatami, elles ont contribué à freiner les réformes. L’élection de M. Moussavi aurait-elle changé en quoi que ce soit la politique extérieure et la politique nucléaire de l’Iran ?
S’agissant de l’Afghanistan, où nous sommes présents pour défendre des valeurs démocratiques, il est assez surprenant que M. Karzaï ait été le premier, avec les dirigeants chinois et russes, à féliciter M. Ahmadinejad.
Enfin, que faut-il penser de la déclaration du ministre des affaires étrangères israélien selon laquelle l’élection de M. Ahmadinejad est une bonne nouvelle pour Israël ?
M. Rudy Salles. Lorsque nous avions auditionné notre ambassadeur, M. Poletti, il y a quelques mois, il avait prédit ce qui allait se passer, en nous faisant part du rejet par la population iranienne du pouvoir en place. Mais il avait aussi insisté sur le fait qu’il n’y avait pas débat dans l’opinion publique sur la question de l’arme nucléaire, regardée comme l’attribut d’une grande puissance. Il me semble indispensable, dans nos réactions, de bien dissocier d’une part le problème nucléaire, et d’autre part la gestion de la crise actuelle, à caractère politique.
M. le ministre. L’accord d’Abu Dhabi, je le répète, sera soumis au Parlement. Vous en jugerez donc vous-mêmes, mais il n’y a pas de double langage. Nous suivons exactement la ligne tracée par le Président de la République dans son discours de Cherbourg. L’objectif de la base d’Abu Dhabi est une présence dissuasive, ce qui n’a rien à voir avec la dissuasion nucléaire.
Le goût du martyre dans la religion chiite, monsieur Myard, ne veut pas dire que la population qui manifeste incline au martyre – bien au contraire. J’ai d’ailleurs oublié de préciser dans ma réponse à Mme Guigou que M. Karoubi, figure éminente du clergé chiite, appelle à une journée de deuil national jeudi en l’honneur des victimes de la répression.
En ce qui concerne l’impact sur les pays voisins, il faut attendre un peu. En Irak, pour le moment les réactions sont très mesurées et discrètes. Du côté des grandes puissances régionales, le silence de l’Egypte est notable. La Syrie se veut discrète également. Par ailleurs, une forme de solidarité des pays émergents se traduisait par le fait que M. Ahmadinejad était reçu par le BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine – ; mais nous avons fait accepter les résolutions des Nations Unies, y compris les résolutions contraignantes, par la Chine et par la Russie, laquelle se sent elle aussi menacée par le programme nucléaire iranien.
Monsieur Remiller, la population iranienne compte 60 % de jeunes nés après la révolution de 1979. L’économie iranienne, en dépit de certains atouts, ne va pas bien. La production pétrolière iranienne est aujourd’hui moindre que du temps du Shah, et l’Iran n’est pas capable de raffiner sa production, tant les installations sont vétustes. Le bazar se plaint de l’absence d’échanges internationaux. La jeunesse, est bien formée, et se plaint de ne pas avoir de débouchés et de ne pas pouvoir sortir du pays. Les femmes manifestent contre leur oppression. Le taux de chômage atteint 20 ou 30 %. L’inflation est très élevée.
Les conséquences des sanctions, certes, frappent tous les Iraniens, y compris les plus pauvres, mais elles sont préférables à la guerre. Quel autre moyen avons-nous ?
Monsieur Lecou, la situation trente ans après la révolution islamique est mauvaise… Dans un pays aussi riche, avec une aussi grande histoire, la société recule. Comment accepter qu’on y fasse aussi peu de place à la démocratie ?
Monsieur Bouvard, aucune observation particulière ne m’a été communiquée concernant les républiques d’Asie centrale, où je vous laisse aller constater la situation.
Le régime iranien n’est pas populaire dans le monde. Les tensions étaient beaucoup plus grandes à travers le monde il y a vingt ans que maintenant, mais il y a là une situation d’extrême tension, venant d’un seul pays, et auquel le rééquilibrage entre les Sunnites et les Chiites n’est pas étranger. Il ne faut pas négliger cet aspect religieux. Tous les Sunnites souhaitent que l’Iran ne poursuive pas sa « marche en avant ».
Monsieur Bapt, certains disent avoir eu entre les mains une feuille du ministère de l’intérieur iranien selon laquelle M. Moussavi serait arrivé premier, M. Karoubi deuxième et M.Ahmadinejad troisième. C’est au vu de ces résultats préliminaires que le trucage aurait été organisé. Est-ce vrai ? Je n’ai aucune preuve. L’élection de M. Moussavi aurait-elle changé quelque chose ? M. Moussavi aurait été très vraisemblablement contraint au changement, lui qui, après avoir été le premier ministre de Khomeini pendant dix ans, s’est retrouvé porté à la tête de ce mouvement populaire, dont la première manifestation a réuni plus d’un million de personnes à Téhéran.
Quant à M. Karzaï, il ne veut pas, juste avant l’élection présidentielle, indisposer la fraction chiite de la population afghane.
Monsieur Salles, notre ambassadeur M. Poletti constate en effet depuis un certain temps que le régime est rejeté par la population, sans qu’il soit possible de savoir précisément dans quelle proportion.
En ce qui concerne les armes nucléaires, jamais les Iraniens n’ont répondu aux questions posées par l’Agence internationale de l’énergie atomique. Pour la première fois il y a quelques jours, son directeur général, M. Mohamed El Baradei, a déclaré à l’occasion d’une interview à la BBC que l’Iran voulait bien sûr se doter de l’arme atomique. Cela renforce la crédibilité de ceux qui nous alertent sur la rapidité avec laquelle il pourrait y parvenir. Qu’a-t-on fait pour empêcher la Corée du Nord de s’en doter ? Que fait-on vis-à-vis de l’Iran ? Il nous faut donc impérativement reprendre le dialogue, en l’accompagnant de sanctions si nécessaire.
M. le président Axel Poniatowski. Monsieur le ministre, il me reste à vous remercier de nous avoir éclairés.
Mes chers collègues, j’en profite pour vous renvoyer au rapport de MM. Jean-Louis Bianco et Jean-Marc Roubaud sur le rôle régional de l’Iran, publié en janvier dernier.
La séance est levée à treize heures quinze.
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