Accord France-Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale (n° 1688)
La séance est ouverte à onze heures
La commission examine, sur le rapport de Mme Chantal Bourragué, suppléée par M. Jean Roatta, le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 1688).
M. Jean Roatta, suppléant Mme Chantal Bourragué, rapporteure.- L’avenant à la convention fiscale franco-maltaise qui nous est soumis a été signé il y a moins d’un an, en août 2008, à La Valette. Il s’agit du second avenant à cette convention signée en 1977 et en vigueur depuis 1979.
Depuis l’indépendance de Malte en 1964, peu d’accords bilatéraux sont intervenus entre les gouvernements français et maltais. Si le premier d’entre eux, conclu en 1968, visait à développer les échanges dans les domaines de l’éducation, des sciences, des lettres et des arts, les sept suivants portaient davantage sur les échanges économiques et financiers ainsi que la circulation des personnes et des biens. C’est bien, en effet, sur ces deux volets que se concentre l’essentiel de nos relations bilatérales et la convention fiscale de 1977 en est l’un des fondements. Il est certain que la décision des autorités maltaises de faire de l’île une place financière attrayante fiscalement mais aussi l’accélération des mouvements de capitaux internationaux et la crise financière mondiale ont rendu nécessaires tant le premier que le second avenant avec un Etat qui fait désormais partie de l’Union européenne et de la zone euro.
La France est un partenaire économique de premier plan pour Malte principalement grâce à nos échanges sur les composants électroniques, les produits pétroliers raffinés, les véhicules automobiles ou encore les bateaux de plaisance. De notre côté, nous importons de l’île des semi-conducteurs de haute technologie qui y sont enrichis, des préparations pharmaceutiques, des jeux et jouets ou encore des emballages. Nos relations politiques sont d’un bon niveau et se sont intensifiées avec l’adhésion de Malte à l’Union européenne. Deux dossiers sont des sources de préoccupation pour les autorités françaises, hormis celui de l’immigration clandestine qui est une préoccupation pour Malte d’abord, bien sûr, et pour l’Europe plus généralement : celui de la sécurité maritime, avec l’état de la flotte sous pavillon maltais, et celui des jeux en ligne.
Mais Malte a aussi, comme je le disais un peu plus tôt, fait parler d’elle comme lieu d’accueil complaisant des capitaux étrangers. Il faut cependant souligner que depuis la publication, en 1998, du rapport de l’OCDE intitulé Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial, rapport qui traitait des paradis fiscaux et des régimes fiscaux préférentiels et définissait, notamment, quatre critères principaux (absence d’impôts ou impôts insignifiants, absence d’échange effectif de renseignements, manque de transparence, absence d’activité substantielle et pratiques de cantonnement), Malte a non seulement pris l’engagement en mai 2000 de supprimer, en coopération avec l’OCDE, les aspects dommageables de sa fiscalité sur la base de ces critères mais a même coprésidé, avec les Pays-Bas, le sous-groupe de travail du Forum mondial de l’OCDE pour un échange effectif de renseignements en matière fiscale. Ce sous-groupe a mis au point en 2002 un modèle d’accord, le Tax Information Exchange Agreements, visant à promouvoir la coopération internationale en matière fiscale par l’échange de renseignements fiscaux sur demande pour des motifs fiscaux, civils ou pénaux. Ce modèle a déjà servi de base à plus de cinquante accords bilatéraux. De son côté, le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) avait noté dans son rapport de juin 2000 visant à identifier les pays ou territoires non coopératifs pour améliorer l’efficacité, au plan mondial, des mesures de lutte contre le blanchiment que l’environnement maltais anti-blanchiment était assez complet, tout en identifiant une source de préoccupation majeure concernant le système maltais de sociétés prête-noms, l’invitant à en accélérer la suppression. Enfin, l’intégration de Malte à l’Union européenne en mai 2004 et les travaux de reprise de l’acquis communautaire ont permis de faire avancer le système fiscal maltais en matière de coopération et d’entraide administratives et en matière d’exigences fiscales.
L’avenant dont le projet de loi vise à autoriser la ratification intervient ainsi dans un contexte différent de celui du premier avenant, datant de 1994 et dont je vais rapidement rappeler les motivations et les principales dispositions avant de présenter celles de l’avenant actuel.
Le premier avenant, élaboré à la demande de la France, est entré en vigueur en septembre 1997.
Il vise notamment à réserver aux seules véritables implantations industrielles et commerciales le bénéfice de l’accord de 1977 de non double imposition et d’en exclure les personnes bénéficiant d’avantages fiscaux particuliers en vertu de trois lois maltaises.
Il faut en effet se souvenir que dès l’accession au pouvoir du parti nationaliste en 1987, les autorités maltaises avaient décidé de la création, au sud-est de l’île, du port franc de Marsaxlokk afin de tirer le meilleur profit de la situation géographique de l’île et d’une zone d’activités offshore offrant aux sociétés qui s’y implanteraient de nombreuses incitations fiscales. Ce premier avenant a donc permis d’exclure les sociétés installées dans la zone offshore ce qui en diminuait l’attractivité fiscale.
Par ailleurs, ce premier avenant avait élargi le champ d’application de la convention fiscale à l’impôt de solidarité sur la fortune.
Le nouvel avenant, qui fait l’objet du présent projet de loi, a été signé en 2008 et porte plusieurs dispositions. J’en retiendrai trois :
– l’élargissement, côté français, du champ d’application de la convention à la taxe sur les salaires, la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, portant à six le nombre d’impôts visés avec l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur la fortune ;
– l’introduction d’une clause anti-abus inspirée des commentaires du modèle de convention fiscale de l’OCDE, dont le but est de lutter contre l’usage abusif de la convention.
– et surtout l’amélioration de l’échange de renseignements. En effet, la rédaction en vigueur dans la convention fiscale ne permettait pas d’obtenir des renseignements bancaires, la législation interne maltaise n’en autorisant pas la communication. L’avenant de 2008 lui substitue une nouvelle rédaction qui reprend celle du modèle de convention concernant le revenu et la fortune de l’OCDE. Ainsi, alors que la rédaction initiale limitait l’échange de renseignements à ceux nécessaires à l’application de l’accord, la nouvelle rédaction l’étend à tous ceux qui sont vraisemblablement pertinents. Ces renseignements pourront désormais être communiqués aux personnes ou autorités chargées du contrôle de l’établissement et du recouvrement ainsi qu’à celles contrôlant les procédures ou poursuites engagées à ce titre. Enfin, deux paragraphes, issus de la nouvelle rédaction du modèle de convention de l’OCDE, viennent compléter cet article. Le premier pose le principe de l’utilisation, par l’Etat auquel la demande est présentée, des pouvoirs dont il dispose pour y répondre même s’il n’en a pas besoin à ses propres fins fiscales. Le second permet notamment la levée du secret bancaire en précisant qu’il ne peut être tiré argument pour justifier un refus de communication de ce que les renseignements sont détenus par une banque, un établissement financier ou un fiduciaire ou parce qu’ils se rattachent aux droits de propriété. Un échange d’informations sans restrictions entre les deux administrations fiscales et l’accès aux informations bancaires sera désormais possible.
Les dispositions contenues dans le présent avenant constituent des avancées importantes dans une période où la transparence des opérations est la garantie nécessaire d’un système financier mis en question par la crise actuelle. Il s’inscrit dans la volonté du président de la République et des institutions tant européennes qu’internationales de limiter les possibilités d’évasion fiscale. Il faut à ce titre saluer la rapidité avec laquelle le Gouvernement a soumis à l’autorisation du Parlement la ratification du texte de l’avenant, puisque ce projet de loi est examiné moins d’un an après la signature de ce dernier.
Je souhaiterais, avant de conclure, faire part de la surprise de la rapporteure devant l’absence de données disponibles sur les effets de la convention en vigueur. C’est du moins la réponse des services ministériels à la demande qui leur a été faite de bilan chiffré de son application.
Cette remarque étant faite, il reste que c’est un signe positif que le Parlement enverra en adoptant le projet de loi autorisant l’approbation de ce second avenant à la convention fiscale franco-maltaise. Je vous invite donc à vous prononcer en faveur de sa ratification.
M. Jacques Myard. L’article 2 de l’avenant stipule : « Lorsque les dividendes sont payés par une société qui est un résident de France à un résident de Malte qui en est le bénéficiaire effectif, l’impôt français ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes. » N’est-ce pas avouer que le niveau de l’IS est trop élevé en France ? Cela confine à la discrimination à l’envers.
M. Jean Roatta, suppléant la rapporteure. Cette stipulation figure classiquement dans les accords de ce type, mais je ne manquerai pas de faire part de votre remarque à Mme la Rapporteure.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1688).
France-Maroc : convention d'extradition (n° 1732) et convention d'entraide judiciaire en matière pénale (n° 1733)
La commission examine, sur le rapport de M. Jean Roatta, le projet de loi autorisant la ratification de la convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc (n° 1732) et le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (n° 1733).
M. Jean Roatta, rapporteur. Les relations bilatérales qu’entretiennent la France et le Maroc sont excellentes et particulièrement étroites ; je me réjouis d’ailleurs d’être assez bien placé pour le savoir. Deux symboles indiscutables sont là pour témoigner du caractère privilégié de nos liens bilatéraux : le Roi Mohammed VI avait choisi la France pour effectuer sa première visite d’État à l’étranger en mars 2000 ; symétriquement, c’est le Royaume du Maroc qu’a choisi le Président de la République Nicolas Sarkozy pour la première visite d’État du quinquennat, du 22 au 24 octobre 2007. Cette visite a d’ailleurs été marquée par un soutien sans faille du Président aux différentes initiatives du Roi, notamment le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental et la signature de plusieurs accords, en particulier sur la construction d’une ligne de train à grande vitesse entre Tanger et Casablanca. Les deux chefs d’État ont renouvelé à cette occasion leur volonté commune de renforcer le « partenariat privilégié » entre nos deux pays.
Je pourrais développer de nombreux aspects de notre riche coopération bilatérale – y compris décentralisée – et multilatérale. J’ai eu l’occasion d’approfondir quelques-uns de ces aspects dans le récent rapport de mission du groupe d’amitié France-Maroc publié en avril dernier. Je veux néanmoins souligner l’avancée majeure qui aura été accomplie sous présidence française dans le rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée, avec l’obtention par le Maroc du « statut avancé » dans ses relations avec l’Union européenne. Le Maroc est le premier État d’Afrique du Nord à bénéficier d’un tel statut – la Tunisie le demande –, synonyme de relations plus étroites que jamais. Celles-ci ne concernent plus désormais les seules questions politiques, économiques, commerciales, culturelles et humaines, mais aussi des domaines plus complexes : dossiers stratégiques, sécurité collective, lutte contre le terrorisme, énergie, environnement, gestion des flux migratoires ou encore bonne gouvernance.
Pour en revenir à un cadre bilatéral, je voudrais rappeler que les rencontres annuelles franco-marocaines au niveau des chefs de gouvernement, mises en place depuis 1997, ont permis de faire tendre notre dialogue politique vers celui que nous entretenons avec nos partenaires européens les plus proches. La neuvième de ces rencontres a réuni le Premier ministre François Fillon et son homologue, M. Abbas El-Fassi, à Rabat, les 17 et 18 avril 2008, en présence de six ministres français et huit ministres marocains. Cette rencontre a été marquée par la signature de 15 conventions bilatérales et accords commerciaux. Parmi ces conventions figurent les deux textes soumis aujourd’hui à notre examen : la convention d’extradition entre la République française et le Royaume du Maroc, soumise à ratification, et la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre les gouvernements de nos deux États, soumise à approbation. La nuance entre ces deux intitulés révèle, en matière d’extradition, la coopération directe entre les autorités judiciaires des deux pays, dans le respect des droits de la personne. S’agissant de l’entraide pénale, la coopération revêt une dimension plus « administrative ».
Le système judiciaire marocain est organisé de façon tout à fait similaire au système français. Cette organisation relève pour l’essentiel d’une loi du 15 juillet 1974. Au sommet de la pyramide se trouve la Cour suprême, qui coiffe 21 cours d’appel, les juridictions du premier degré étant constituées de 66 tribunaux de première instance ainsi que de 411 juridictions communales et d’arrondissement. Il existe par ailleurs des juridictions administratives depuis le début des années 1990 et des juridictions commerciales depuis la fin des années 1990. Le système judiciaire marocain s’appuie sur quelque 3 000 magistrats et 12 700 fonctionnaires, ainsi que sur 16 500 auxiliaires de justice (avocats, huissiers, notaires, experts et autres interprètes).
Dans son dernier rapport de suivi consacré à la mise en œuvre de la politique de voisinage en avril 2009, la Commission européenne s’est montrée assez sévère à propos du fonctionnement de la justice au Maroc : « Les dysfonctionnements du système judiciaire risquent de vider de leurs effets les réformes législatives entamées. La réforme de la justice, annoncée comme prioritaire par le Gouvernement, est ainsi un défi essentiel qu’il est urgent de relever pour asseoir durablement l’État de droit, assurer une protection efficace des citoyens et améliorer le climat des affaires, conditions clés d’un rapprochement véritable avec l’UE. » D’une façon générale, si l’on note des progrès dans la mise en œuvre de plusieurs recommandations de « ľInstance équité et réconciliation », celles de ces recommandations qui sont les plus essentielles restent à appliquer : sur la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice et la primauté des conventions internationales. En somme, la Commission européenne estime qu’il n’y a pas eu de réforme en profondeur de la justice : le plan d’action 2008-2012 du ministère de la Justice se concentre avant tout sur des aspects de gestion − augmentation du nombre des tribunaux, réduction du délai de traitement des dossiers, augmentation du budget − et la révision de plusieurs lois − code pénal, code de procédure civile, lois sur les tribunaux de commerce. Mais les problèmes de fond demeurent, tels que la lutte contre la corruption.
C’est dans ce contexte exigeant qu’intervient la procédure de ratification et d’approbation des deux conventions soumises à notre examen. J’y vois pour ma part une raison supplémentaire d’y apporter notre soutien. En effet, je suis convaincu que le renforcement de notre coopération judiciaire bilatérale ne peut qu’être bénéfique au fonctionnement du système dans son ensemble.
Je note d’ailleurs que cette coopération ne part pas de rien. Sur la décennie écoulée, on recense entre la France et le Maroc plus de 600 demandes d’entraide en matière pénale, quelque 130 demandes de transfèrements de détenus et environ 80 demandes d’extradition au total. Pour faciliter la transmission de ces demandes et en améliorer l’exécution, la France dispose au Maroc d’un magistrat de liaison depuis 2002. J’insiste sur le fait que nous n’avons, de par le monde, que 13 magistrats de liaison ; c’est donc le signe d’une coopération étroite. C’est également une traduction du fait que les communautés expatriées de part et d’autre sont importantes. En effet, la communauté française au Maroc compte plus de 32 000 personnes inscrites, dont 45 % de doubles nationaux. À cette communauté, il faudrait ajouter 25 000 à 35 000 personnes non inscrites dans nos registres consulaires qui résident dans le pays de façon permanente − cas unique au Maghreb. Quant à la communauté marocaine en France, elle dépasse les 800 000 personnes, dont 350 000 bi-nationaux.
Le cadre actuel de notre coopération judiciaire, en en matière pénale comme d’ailleurs en matière civile, est défini par la convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957. Ce texte a été très peu modifié depuis sa signature ; il est par conséquent devenu obsolète. En particulier, il faut aujourd’hui pouvoir tenir compte de l’apport de nouvelles techniques, par exemple les enquêtes discrètes et les livraisons surveillées, ou de nouveaux moyens, comme la vidéoconférence et les transmissions numérisées. Par ailleurs, il était devenu opportun de faire fonctionner notre coopération judiciaire bilatérale avec des instruments distincts, qui ne mêlent pas l’extradition et l’entraide dans un seul et même texte. D’où la négociation de deux conventions en parallèle. Enfin, avec la perspective d’une possible entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, et donc d’une modification des compétences relatives des États et de l’Union européenne pour négocier avec les États tiers en matière de justice pénale, il était temps d’achever la procédure, commencée à la fin de 2005, conduisant à l’entrée en vigueur de ces outils de coopération bilatérale. D’une façon générale, ces nouveaux textes rendront les procédures plus légères, plus rapides et plus efficaces. Un seul exemple : les demandes pourront être effectuées dans la langue souhaitée par la Partie requérante, sans besoin de traduction préalable, et en outre sans transiter obligatoirement par la voie diplomatique.
Avant d’émettre un avis sur chacun de ces deux projets dont l’économie générale est parfaitement satisfaisante, je souhaite évoquer le contenu précis de ces deux conventions, pour souligner ce qu’elles ont d’original par rapport aux textes du même type. La convention d’extradition, tout d’abord, est un texte tout à fait classique, à une exception près, qui est de taille : il s’agit d’une stipulation novatrice concernant la peine de mort. En effet, les conventions habituellement conclues par la France subordonnent l’extradition à la condition que la peine de mort, lorsqu’elle est encourue, ne sera pas prononcée ou, si elle l’est, qu’elle ne sera pas mise à exécution. La convention franco-marocaine offre plus de garanties encore pour notre ordre public, car elle prévoit explicitement, dans un article ad hoc, qu’en une telle hypothèse, il est substitué « de plein droit » à la peine de mort encourue, la peine prévue « dans la législation de la Partie requise » pour les mêmes faits. Ainsi, si l’extradition est demandée à la France par le Maroc pour des faits punis par la peine de mort en droit marocain, les autorités judiciaires marocaines devront appliquer la peine encourue pour les mêmes faits en droit français. Quant à la condition d’entraide judiciaire pénale, elle comporte des stipulations plus détaillées et plus ambitieuses que les conventions habituellement conclues dans cette matière. Par exemple, elle étend l’entraide aux actions civiles qui sont jointes aux actions pénales, elle empêche que soit opposé le secret bancaire ou fiscal, elle oblige à motiver les refus d’entraide, et elle encourage explicitement le dialogue entre les deux Parties pour l’aboutissement des demandes.
En conclusion, c’est avec conviction que je vous propose d’adopter les deux projets de loi autorisant respectivement la ratification de la convention d’extradition, et l’approbation de la convention d’entraide judiciaire pénale entre la France et le Maroc. Notre coopération bilatérale, déjà importante, y gagnera en efficacité, notamment au bénéfice des importantes communautés de chacun de nos deux pays vivant sur le territoire de l’autre. J’ajoute enfin que la modernisation de notre coopération judiciaire en matière civile serait souhaitable pour les mêmes raisons. Mais c’est un autre débat, car en l’espèce c’est déjà l’Union européenne qui est compétente ; il faudra donc emprunter d’autres voies.
M. Michel Terrot. Ces deux conventions permettront-elles de faire des progrès dans le règlement des conflits en matière de garde d’enfants de couples franco-marocains divorcés ? Bien souvent chaque justice prend une décision et s’efforce d’obtenir sa mise en œuvre, alors que les décisions sont incompatibles entre elles.
M. Jean Roatta, rapporteur. Ces questions relèvent du droit civil, quand ces conventions traitent exclusivement du droit pénal. C’est d’ores et déjà l’Union européenne qui est compétente, et non les seuls États, pour signer des accords internationaux dans ce domaine.
M. Jacques Myard. Nous sommes là au cœur de la souveraineté des États. Il est inacceptable que l’Union européenne soit seule compétente en cette matière car, si dans la quasi-totalité des cas, les relations directes entre autorités judiciaires ne posent pas de problème, il y a quelques cas susceptibles de conduire à de véritables difficultés diplomatiques, qui justifient l’intervention du ministère en charge des affaires étrangères. Il serait judicieux que la commission des Affaires étrangères exprime des réserves sur ce projet de loi afin que la souveraineté nationale soit préservée.
M. Pascal Clément. Les efforts d’harmonisation du droit pénal au sein de l’Union européenne sont essentiels. Il faut en effet mettre un terme aux situations du type de celle que l’on connaît entre la France et les Pays-Bas en matière de trafic de stupéfiants, la première essayant vainement de combattre un trafic qui est autorisé aux Pays-Bas.
Mme Nicole Ameline. Alors que les autorités marocaines ont accompli des progrès remarquables de modernisation du droit civil, et en particulier du droit de la famille, qu’en est-il de leur position sur la peine de mort ? Observe-t-on une évolution en faveur de son abolition ?
M. Jean Roatta, rapporteur. J’ai été fort étonné que le Maroc n’ait pas voté en faveur du moratoire sur la peine de mort aux Nations unies en novembre 2008. Il faut néanmoins reconnaître qu’il n’a pas non plus voté contre, préférant s’abstenir. Il ressort de mon très récent déplacement au Maroc que les maires nouvellement élus tout comme le nouveau gouvernement semblent ouverts à une évolution vers un moratoire. Des progrès doivent encore être obtenus dans ce domaine.
Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte successivement les projets de loi (no 1732 et n° 1733).
M. Jacques Myard. Je trouve très agréable cette salle, où la commission se réunit pour la première fois : ne pourrait-on pas en faire notre nouvelle salle de commission ?
Le Président Axel Poniatowski. Je vous rappelle que, à partir de la rentrée, la commission se réunira systématiquement dans le bâtiment de la rue Las Cases pour examiner les projets de loi, tandis que les auditions de personnalités se dérouleront au Palais-Bourbon.
La séance est levée à onze heure trente cinq.
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