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Commission des affaires étrangères

Mercredi 23 septembre 2009

Séance de 10 h 00

Compte rendu n° 77

Présidence de Mme Martine Aurillac, vice-présidente

– Convention relative aux droits des personnes handicapées (n° 1777) – M. Lionnel Luca, rapporteur

– Italie : coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 1856 rectifié) – M. Jean-Claude Guibal, rapporteur

Convention relative aux droits des personnes handicapées

La séance est ouverte à dix heures.

La commission examine, sur le rapport de M. Lionnel Luca, le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées (n° 1777).

M. Lionnel Luca, rapporteur. La convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 13 décembre 2006, et le protocole facultatif qui la complète sont des textes très importants puisqu’ils visent à combattre toutes les discriminations dont sont victimes les personnes handicapées, lesquelles seraient environ 650 millions à travers le monde, soit de l’ordre de 10 % de la population mondiale. Elles font partie des personnes les plus défavorisées. Ainsi, dans les pays en développement, où vivent 80 % des personnes handicapées, 98 % des enfants handicapés ne vont pas à l’école et le taux d’alphabétisation des personnes handicapées ne dépasse pas 3 %. L’objectif des Nations unies est d’obtenir une véritable égalité de traitement entre ces personnes et les personnes non handicapées.

L’intérêt de l’ONU pour les personnes handicapées n’est pas nouveau puisque 1981 a été l’année internationale des personnes handicapées et qu’un programme d’action mondial en leur faveur a été adopté en 1982. Un travail d’experts a ensuite conduit à l’adoption de règles pour l’égalisation des chances des enfants, des jeunes et des adultes handicapés, puis à l’élaboration de la convention, ouverte à la signature le 30 mars 2007. La convention et son protocole facultatif sont entrés en vigueur le 3 mai 2008. Pour la première fois, une organisation régionale peut être partie à une convention relative aux droits de l’Homme : la Communauté européenne a signé cette convention, mais pas son protocole facultatif. La convention s’inspire des normes internationales qui garantissent des droits fondamentaux ou combattent certaines discriminations. Elle met en place un mécanisme de suivi qui repose sur un comité d’experts, lequel pourra examiner des communications émanant de particuliers qui concernent les Etats partie au protocole facultatif.

Si les mécanismes retenus dans cette convention et son protocole facultatif ne sont pas originaux, ces normes juridiques constituent une avancée importante pour les personnes handicapées et ceux qui défendent leurs droits dans la mesure où elles réaffirment ces droits et visent à obtenir des Etats parties qu’ils veillent à ce que les personnes handicapées puissent en jouir effectivement. La définition du handicap est large : elle inclut non seulement l’incapacité des personnes – laquelle peut être physique, mentale, intellectuelle ou sensorielle, mais doit être durable – mais aussi les obstacles que celles-ci rencontrent dans leur interaction avec la société.

La convention énumère des principes généraux (respect de la dignité intrinsèque, de l’autonomie individuelle et de l’indépendance des personnes ; non-discrimination ; participation et intégration pleines et effectives à la société ; respect de la différence et l’acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine et de l’humanité ; égalité des chances ; accessibilité ; égalité entre les hommes et les femmes ; respect du développement des capacités de l’enfant handicapé et le respect du droit des enfants handicapés à préserver leur identité) qui semblent aller de soi, mais dont la mise en œuvre pose souvent problème dans les faits. Un article est consacré à la sensibilisation de la société à la situation des personnes handicapées. Les articles 10 à 30 de la convention énumèrent les différents droits des personnes handicapées et les mesures à mettre en œuvre pour garantir leur respect.

Le mécanisme de suivi comprend un volet interne à chaque Etat et un volet international. Les Etats sont invités – sans y être contraints – à créer ou désigner un dispositif de coordination chargé de faciliter les actions liées à l’application de la convention dans les différents secteurs. Ils sont en revanche tenus de mettre en place un dispositif, incluant au moins un mécanisme indépendant de promotion, de protection et de suivi de l’application de la convention au niveau national. La société civile doit être associée à cette fonction de suivi.

La convention institue surtout le Comité des droits des personnes handicapées, qui est composé de douze experts dans un premier temps – c’est-à-dire lorsque vingt pays au moins auront ratifié la convention, ce qui conditionne son entrée en vigueur –, ce nombre étant porté à dix-huit lorsque le nombre de parties aura atteint quatre-vingts – ils sont actuellement soixante-six. Comme il est d’usage dans les comités de ce type, les experts sont des personnalités d’une haute autorité morale et justifiant d’une compétence et d’une expérience reconnue dans le domaine auquel la convention s’applique.

Les douze premiers membres du Comité ont été élus fin 2008. Six d’entre eux, tirés au sort, ont été élus pour deux ans, les six autres l’étant pour quatre années, durée qui sera ensuite celle du mandat de tous les membres du Comité. Ce dernier compte actuellement cinq femmes parmi ses membres, qui sont de nationalité qatarienne, chilienne, kényane, espagnole et chinoise. Les autres membres sont jordanien, tunisien, bangladais, hongrois, australien, équatorien et slovène.

Le Comité s’est réuni à Genève pour sa première session du 23 au 27 février 2009. Sa prochaine session se tiendra du 19 au 23 octobre. Etant donné le caractère encore très récent de l’entrée en vigueur de la convention, il n’a pas encore été amené à examiner le rapport d’un Etat partie, ce qui constituera bientôt le cœur de son activité. En effet, chaque Etat partie présente régulièrement au Comité un rapport détaillé des mesures qu’il a prises pour s’acquitter de ses obligations : le premier rapport doit être présenté dans un délai de deux ans après l’entrée en vigueur de la convention pour l’Etat en question, puis tous les quatre ans.

Le protocole facultatif comprend deux volets : un volet obligatoire – pour les Etats parties au protocole, naturellement – et un volet optionnel. Le premier autorise le Comité à recevoir et examiner des communications émanant de particuliers, selon des conditions de recevabilité classiques, le second lui permet d’effectuer des enquêtes, y compris sur le territoire d’un Etat partie au protocole, s’il donne son accord.

La France a signé la convention le 30 mars 2007, le jour même où elle a été ouverte à la signature. Elle a en revanche attendu le 23 septembre 2008 pour signer son protocole additionnel. Les stipulations de la convention sont parfaitement cohérentes avec les dispositions de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

En conclusion, malgré les progrès réalisés, le combat pour l’égalité entre les personnes handicapées et les autres est loin d’être achevé. La convention et son protocole additionnel contribueront à imposer la disparition progressive des inégalités.

Mme Martine Aurillac, présidente. Quelles sont les raisons avancées pour justifier le fait que l’Union européenne a signé la convention, mais pas le protocole ?

M. Lionnel Luca, rapporteur. Je n’ai pas reçu de réponse de la part du ministère des affaires étrangères sur ce point précis. Il semble qu’il s’agisse plus d’une négligence que d’un problème de fond.

M. Jean-Paul Balkany. Quelles sont les mesures prises par les autres Etats pour favoriser l’accessibilité ? Sont-elles plus avancées que celles adoptées par la France ? Quelles mesures sont imaginées pour améliorer l’accessibilité des bâtiments de l’Assemblée nationale ?

M. Lionnel Luca, rapporteur. Tant que nous ne disposons pas des rapports de chaque Etat, nous ne pouvons pas évaluer les mesures qu’ils ont adoptées. La France fait des efforts importants, au regard de ce que nous pouvons connaître déjà des législations de quelques autres pays. Concernant l’accessibilité de certains bâtiments anciens, c’est un problème complexe car il met également en jeu la préservation du patrimoine historique national.

M. Jean-Paul Balkany. Il est choquant que la loi oblige les municipalités à rendre leurs hôtels de ville accessibles aux personnes handicapées, et que l’Assemblée nationale s’exonère de toute initiative dans ce domaine. Il faut demander aux Questeurs de se préoccuper de l’accès du public handicapé, mais également d’anticiper sur l’élection, inéluctable, de députés handicapés physiques.

Mme Henriette Martinez. Pour avoir été personnellement handicapée temporairement, je peux témoigner que l’Assemblée nationale est en effet particulièrement peu accessible, aussi bien l’hémicycle que les autres bâtiments.

M. Lionnel Luca, rapporteur. Je m’engage à soulever cette question devant le Bureau de l’Assemblée, dont je suis membre.

M. Michel Terrot. La convention prévoit que les Etats parties prennent en compte les droits des personnes handicapées dans leurs politiques de coopération. La France prend-elle déjà en compte cet impératif dans ses relations avec les pays en développement ?

M. Lionnel Luca, rapporteur. Je n’ai pas d’élément pour répondre à cette question. De manière générale, il m’apparaîtrait opportun d’attendre que les autres parties fournissent un rapport afin d’identifier au mieux les besoins de nos partenaires pour lancer une politique de coopération efficace dans le domaine de l’aide aux handicapés.

M. Jean-Marc Roubaud. Le comité créé par la présente convention dispose-t-il de pouvoirs de sanction ? N’y a-t-il pas une interférence avec la haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité (HALDE), dont les discriminations envers les handicapés constituent le deuxième motif de saisine, juste après les discriminations fondées sur l’origine ?

M. Jean-Marc Dupré. Cette convention nous amène à nous interroger sur la situation en France, au regard notamment des droits des personnes handicapées dans le domaine du logement, de l’accessibilité, des ressources. Il faut toutefois accompagner ces débats d’une réflexion sur le droit d’accès à l’emploi de ces personnes. En France, la loi impose à toutes les entreprises d’une certaine taille d’employer au moins 6 % de personnes handicapées. Or, les chiffres constatés sont très en deçà de cet objectif.

Il faut renforcer cette obligation afin de favoriser l’insertion des personnes handicapées, et éviter que les entreprises ne se contentent de payer les sanctions qu’elles encourent au titre de la loi. Les entreprises doivent faire preuve d’un engagement accru dans ce domaine.

M. Lionnel Luca, rapporteur. Concernant le comité créé par la convention, celui-ci ne dispose d’aucun pouvoir de sanction mais la publicité des rapports soumis par les Etats peut être un moyen de pression important.

S’agissant de l’accès à l’emploi, la situation actuelle est effectivement inadmissible. Tout le monde se paie de mots sur le thème de l’égalité, mais en pratique, rien n’est fait. Le cas des entreprises est avéré, mais il faut rappeler que l’Etat ne remplit pas non plus ses obligations. Nous devons être vigilants dans nos communes, afin que les directeurs de ressources humaines suivent ces recommandations, et ne se comportent pas comme des directeurs de ressources inhumaines.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans ma circonscription, il est très difficile de trouver les chiffres exacts concernant l’emploi des handicapés. Tout le monde se fie au jugement de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, anciennement COTOREP, mais il arrive que celle-ci déclare handicapées des personnes ne souffrant que d’une légère diminution de capacités. Il faut revoir les critères utilisés actuellement.

Par ailleurs, la nécessité d’organiser un plan de relance de l’économie n’est-elle pas une bonne opportunité pour accroître les investissements visant à rendre plus accessibles les bâtiments publics ?

Enfin, alors même que l’accueil des jeunes enfants et des adolescents handicapés mentaux est plutôt bon, la situation est catastrophique lorsqu’il s’agit de s’occuper des adultes souffrant des mêmes handicaps.

M. Lionnel Luca, rapporteur. Les questions de définition sont importantes, il faut réfléchir à terme à une meilleure adaptation des critères actuellement utilisés. Dans la convention, la définition retenue est très générale, et nous devrons veiller à ce que les différences entre les définitions retenues par chacun des pays ne soient pas trop fortes.

Au sujet des investissements, il appartient à chaque collectivité de décider ce qu’il faut faire. L’idée de mettre aux normes les bâtiments publics doit retenir l’attention, même s’il convient de respecter le patrimoine historique.

Sur l’accueil des handicapés mentaux adultes, la convention contient un certain nombre d’engagements.

M. Serge Janquin. Je donnerai mon soutien à cette convention car elle marque un progrès. Il faut pourtant reconnaître que, souvent, les conventions internationales de ce type expriment surtout de bonnes intentions. Quant à la question de l’insertion des enfants handicapés à l’école, cela requiert surtout des moyens et des équipements. On a élaboré une grille de la dépendance, il faudrait sans doute aussi une grille du handicap plus contraignante.

La Questure s’est déjà intéressée à la question des accès et des parcours de circulation au sein de l’assemblée, mais c’est un sujet difficile car les édifices du Palais Bourbon relève de la réglementation des monuments historiques. La conclusion de l’étude à laquelle nous avions procédé lorsque j’étais questeur a été qu’il faudrait construire un nouvel hémicycle, ce qui n’est pas une petite affaire ! Quant à la capacité d’accueil des personnels handicapés au sein des services, il y a un plan qui a été élaboré. Je ne suis pas certain que, compte tenu des différentes règles, de concours, notamment, on ait réussi à beaucoup avancer. Il faudrait interroger le président et les questeurs aujourd’hui pour savoir ce qu’il en est de l’intégration au travail à l’Assemblée pour se mettre en conformité à la loi.

M. Jean-Paul Bacquet. Actuellement, les critères utilisés pour la définition du handicap, en termes de pourcentage, varient selon les organismes, article 115, COTOREP, sécurité sociale, etc., et il serait opportun d’avoir une clarification sur ce plan, car les gens ne comprennent pas que telle institution leur refuse telle prestation au motif qu’ils ne répondent pas aux critères d’attribution alors que selon d’autres organismes, ils y ont droit. Par ailleurs, vous faites mention dans le rapport de l’engagement du ministère des affaires étrangères en matière d’aménagement des équipements touristiques et du fait qu’on pourrait être exemplaires en matière d’administration publique ou de service public. Avez-vous des indications sur ce qui se fait ailleurs, s’il y a un droit en la matière, dans des pays européens, ou de niveau de développement équivalent ?

M. Lionnel Luca, rapporteur. Certes, on peut taxer cette convention de n’être qu’une déclaration de bonnes intentions, mais même ce genre de documents possède une valeur non négligeable. Par ailleurs, elle peut jouer le rôle d’obligation morale pour les Etats, sommés de soumettre au regard de leurs pairs des rapports relatifs à leurs propres législations.

Concernant l’intégration des enfants handicapés dans le milieu scolaire, rien n’est précisé dans la convention mais les premières règles existant déjà nous font entrer dans un engrenage majeur, et positif. Il existe un groupe de travail réuni autour de Nadine Morano afin de résoudre la question du recrutement des assistants de vie scolaire. J’espère que nous trouverons rapidement des solutions afin que les centaines d’enfants handicapés, qui ne sont pas accueillis dans les écoles aujourd’hui alors qu’ils en ont le droit, puissent être au plus vite intégrés.

Sur la diversité des classifications existant aujourd’hui entre les différentes institutions auxquelles les personnes handicapées ont affaire, nous pourrions alerter la commission des affaires sociales pour demander à ce qu’elle fasse avancer les projets d’harmonisation.

Enfin, le ministère des affaires étrangères n’a pas explicitement demandé l’amélioration de l’accessibilité des infrastructures touristiques, mais s’est contenté de constater l’existence d’un problème. Les solutions devront, une fois encore, tenir compte de la nécessité de protéger le patrimoine historique. De plus, il ne faudrait pas, en multipliant les obligations pesant sur les établissements touristiques, provoquer la faillite de certains d’entre eux.

M. Jean-Marc Roubaud. Pour ce qui est du plan de relance évoqué par le rapporteur, chaque collectivité a la possibilité de consacrer des sommes à la mise aux normes de ses équipements, notamment dans le cadre du FCTVA.

M. Jean-Michel Ferrand. Sur la question de l’emploi des handicapés dans les entreprises, nous avons voté la loi de juillet 1987, qui institue notamment des quotas pour les entreprises, mais elle n’est pas assez coercitive pour être pleinement respectée, en particulier quant aux amendes qui ne sont pas suffisamment dissuasives. Je suis assez ennuyé car le texte qu’on nous propose est par certains côtés assez flou, notamment en ce qui concerne son article 27 : si les dispositions qu’il prévoit ne sont pas législatives, elles ne seront pas respectées. Je souhaiterais que ses stipulations soient plus exigeantes pour une meilleure efficacité.

M. Robert Lecou. L’intérêt de l’exposé des motifs du projet de loi est avant tout de rappeler que 10 % de la population mondiale a un handicap et qu’il s’agit de la deuxième cause de discrimination. Il y a donc beaucoup de progrès à faire mais de nombreux pays n’ont pas de législation dans ce domaine. Celle qu’on nous propose est positive, mais comment peut-on s’assurer de son effectivité ? Le comité qui est institué aura-t-il les moyens de sa mission ? Je suis aussi assez surpris que, dans le titre de la convention ne figure pas le mot « discrimination ».

M. Lionnel Luca, rapporteur. L’absence de pouvoir de sanction du comité ne doit pas faire oublier que la publication de rapports nationaux reste un instrument important et que tout citoyen pourra lui faire connaître les difficultés particulières qu’il rencontre.

M. Jean Grenet. On a beaucoup de mal à faire face au handicap. Un chiffre est surprenant : 80% des handicapés vivent dans les pays en voie de développement et je doute que leur sort soit une véritable préoccupation dans ces pays et je me demande donc quelle est la portée de ce que l’on va voter. Une phrase de l’exposé des motifs est importante qui indique que le handicap est la deuxième cause de discrimination, après l’origine. Je crois que cela appelle une réflexion de notre part.

M. François Rochebloine. On peut toujours faire mieux, mais il faut aussi convenir que, en l’espèce, ce que fait la France n’est pas si mal. L’effort est à continuer, notamment sur le plan sportif domaine dans lequel Jean-François Lamour, notamment, a fait beaucoup. Ainsi, il a décidé que, désormais, les primes en récompense des médailles identiques pour récompenser les sportifs handicapés et les sportifs valides, ce qui n’était pas le cas autrefois, ! Je suis aussi très favorable à la mixité des épreuves sportives, pour que, au sein d’un même programme, des épreuves pour handicapés soient insérées parmi des épreuves pour valides.

M. Jean-Marc Nesme. La convention est un bon signal politique, mais je reste sur ma faim quant aux 650 millions de handicapés dans le monde dont 80 % vivent dans les pays en développement. Rien n’est prévu en ce qui concerne leur prise en charge, sanitaire et médicosociale, et rien ne figure non plus en matière de prévention.

M. Lionnel Luca, rapporteur. Si, tout y est ! sinon, nous ne serions que dans le registre de la déclaration d’intention. Il y a désormais un comité pour les droits des handicapés qui est appelé à jouer son rôle. Avec un rapport sur la situation dans chaque Etat partie, on aura nécessairement un effet positif, mais il est clair que nous ne sommes qu’au début de la tâche.

M. Jean-Claude Guibal. Je dois avouer mon embarras sur la question de l’intégration des handicapés par le logement. On entend que, pour gommer l’effet du handicap et réussir une meilleure intégration, il est souhaitable de faire vivre les handicapés avec les valides. Mon expérience de maire me fait dire que, parfois, d’autres solutions répondent mieux à leurs attentes. J’ai fait aménager un petit immeuble n’accueillant que des handicapés, qui leur a donné pleinement satisfaction. Il ne s’agit pas de créer des ghettos mais de voir que la résolution de la question de l’intégration par le logement peut parfois avoir des effets pervers.

Mme Martine Aurillac, présidente. Rappelons qu’il s’agit ici d’une convention internationale et pas d’un débat sur la politique française en faveur des handicapés. L’ensemble des problèmes que soulève notre action dans ce domaine ne peut être traité dans l’enceinte de notre commission des affaires étrangères et relève des compétences de nos collègues des affaires sociales.

M. Jean-Claude Guibal. Si je m’autorise à aborder ces questions ici, c’est parce que j’estime que cette évolution vers l’égalité et l’indistinction existe dans le monde entier, et pas seulement en France.

M. Lionnel Luca, rapporteur. Le principe de non-discrimination est un combat quotidien. Cela n’interdit pas des adaptations mais il est connu que dans d’autres pays, l’intégration est bien plus avancée qu’en France. Par exemple, en Italie, l’intégration des enfants handicapés à l’école s’est faite depuis longtemps. Je pense donc que la volonté d’égalité et d’indistinction contenue dans la présente convention est très utile.

M. Jacques Remiller. L’exposé des motifs rappelle que, dans les pays en développement, 98 % des enfants handicapés ne vont pas à l’école. Quels sont les pays les plus touchés par ce phénomène ? De plus, quelles suites sont données aux 1177 plaintes déposées à la HALDE suite à des affaires de discrimination envers des handicapés ?

Enfin, il faut préciser qu’il reste une discrimination envers les sportifs handicapés. En effet, les champions paralympiques ne se voient remettre que l’ordre national du mérite, alors que les champions olympiques reçoivent la légion d’honneur.

M. Jean-Paul Balkany. Cette différence de traitement n’est pas systématique. Certains champions paralympiques ont aussi reçu la légion d’honneur.

M. Lionnel Luca, rapporteur. Les résultats obtenus par chacun des pays seront plus faciles à analyser une fois les rapports nationaux publiés. De la même manière, la HALDE publie un rapport annuel sur lequel figure tous les chiffres relatifs aux suites données aux plaintes.

Enfin, je ne pense pas que nous soyons ici dans l’enceinte adéquate pour aborder la question des récompenses attribuées aux sportifs.

M. Jean-Pierre Dufau. Certains mots – intégration, discrimination – se retrouvent dans de nombreux débats. Cela montre qu’ils renvoient au fond à une même problématique universelle, celle de l’égalité des droits entre les humains.

M. Lionnel Luca, rapporteur. Je pense que nous pouvons tous partager cette conclusion.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1777).

*

Italie : coopération transfrontalière en matière policière et douanière

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Claude Guibal, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 1856 rectifié).

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. C’est la troisième fois que nous avons l’occasion de nous intéresser à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière entre la France et l’Italie puisque, outre la ratification de l’accord initial d’octobre 1997, une première modification étai intervenu en 2002 qui avait déjà pour but d’en améliorer les conditions et l’efficacité.

L’accord de Chambéry repose sur deux aspects : l’institution de « centres de coopération policière et douanière » - CCPD -, d’une part et une coopération directe entre les agents des deux pays dans les zones frontalières, d’autre part. Les deux CCPD fonctionnent aujourd’hui avec des effectifs non négligeables, 51 fonctionnaires à Vintimille et 43 à Modane, et surtout, de manière satisfaisante : la création de ces centres a permis un travail en commun plus efficace en matière d’infractions à la police des étrangers, en matière de lutte contre les faux documents, d’infractions contre les personnes et les biens, d’infractions routières et de trafic de stupéfiants. Pour ne vous donner qu’un chiffre, en 2002, cette coopération avait permis d’interpeller un peu plus de 12600 étrangers en situations irrégulière ; en 2008, il s’est agi au total de plus de 24000 individus. Cette coopération a permis aussi un renforcement de la coopération dans des domaines connexes, tels que celui des investigations contre les filières d'immigration clandestines, obtenu notamment grâce aux contacts noués entre homologues.

Le second volet de l’accord de Chambéry porte sur la création de patrouilles mixtes, dont le bilan est tout aussi satisfaisant : non seulement ces patrouilles permettent aux fonctionnaires des deux entités de mieux se connaître et d'échanger, mais elles représentent une vitrine de la coopération institutionnelle entre les deux services frontaliers de police aux frontières : la présence de policiers des deux nations en uniformes, travaillant conjointement, donne une image positive auprès des usagers qui n’est pas à négliger. Grâce à la présence et au travail de ces patrouilles, un climat dissuasif s’est instauré qui décourage les passeurs de travailleurs clandestins, comme les auteurs d’autres trafics transfrontaliers.

La modification qu’introduit l’échange de lettres de 2006, comme la précédente, vise à améliorer le fonctionnement et l’efficacité de ces patrouilles mixtes. Plusieurs aspects complémentaires sont abordés que je voudrais rapidement vous présenter. En premier lieu, il s’agit de tenir compte des particularités géographiques de la frontière franco-italienne pour permettre aux agents des deux parties de transiter, si besoin est, sur le territoire de l’autre Partie, pour se rendre, par la voie la plus rapide, sur les lieux où leur présence est requise, et de faciliter, par conséquent, leur activité opérationnelle. En second lieu, l’accord prévoit l’éventualité d’accidents graves survenant en zone frontalière, mettant en danger des personnes ou des biens, et requièrent une intervention rapide des forces de police. Dans ce cas, l’accord permet « l’intervention de la patrouille la plus proche du lieu, quelle que soit sa Partie d’origine », pour « assurer les premiers secours et sécuriser la zone, avant l’arrivée de l’unité territorialement compétente. »

Dernier point, l’accord de 2002, en rendant possible l’organisation de patrouilles mixtes, avait dû régler la question délicate du port de l’uniforme et des armes de service par les agents sur le territoire de l’autre Partie. Dans la mesure où l’échange de lettres de 2006 dépasse le cadre des patrouilles mixtes, puisque que sont désormais prévus, dans des cas certes strictement limités, la circulation d’agents d’une des deux Parties sur le territoire de l’autre Partie, en dehors de ces patrouilles mixtes, il était donc nécessaire de revenir sur les conditions de port d’armes et d’uniforme. En conséquence, il est désormais précisé que, lorsqu'ils se trouvent sur le territoire de l'Etat de l’autre partie, les « agents n'exercent pas leurs pouvoirs de police, et respectent les règles relatives à la circulation routière en vigueur. Ils peuvent porter leur uniforme et leur arme de service réglementaire à la seule fin d'assurer, le cas échéant, leur légitime défense. »

Cet accord témoigne d’un grand pragmatisme entre les deux gouvernements et il adapte les textes en fonction des réalités de terrain vécues par les agents, et permet d’améliorer le travail des forces de police et de douane dans les zones frontalières. Je vous propose par conséquent de vous prononcer en faveur de l’adoption du présent projet de loi.

M. Patrick Balkany. Je ne comprends pas pourquoi il a fallu attendre trois ans pour que le Gouvernement présente au Parlement le projet de loi autorisant l’approbation d’un accord par échange de lettres signées en 2006 et dont les principales stipulations sont relatives à l’obligation pour les services de la police d’un Etat intervenant en urgence dans l’Etat voisin de respecter les règles de circulation en vigueur dans celui-ci ! Il me semble par ailleurs qu’il y aurait des questions plus importantes à régler en matière de coopération policière franco-italienne, au premier rang desquelles la lutte contre la contrefaçon pour laquelle j’ai constaté que les douaniers italiens se montrent beaucoup moins attentifs que leurs collègues français.

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. Nous constatons très souvent qu’un délai de trois à quatre ans sépare la signature par la France d’un accord international du dépôt du projet de loi visant à autoriser son approbation. J’ai constaté que, en dépit d’une image peu flatteuse, les services de police et de gendarmerie italiens s’avèrent avoir réalisé des progrès considérables en terme d’efficacité au cours des dernières années.

Mme Marie-Louise Fort. J’ai l’impression qu’il existe en matière de sécurité un véritable mille-feuilles de réglementation internationale. Existe-t-il une forme de hiérarchie des normes entre le traité de Prüm et cet échange de lettres ?

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. Dans la mesure où l’un et l’autre ont été approuvés par le gouvernement et sont entrés en vigueur, ils ont la même valeur juridique et il n’y a pas de hiérarchie entre eux.

M. Jean-Marc Roubaud. On nous demande de valider un texte trois ans après sa signature. Cela nous permet de disposer de statistiques sur les résultats d’une coopération déjà mise en place. Ainsi, le nombre d’immigrés clandestins interpellés en 2008 est supérieur à celui de 2007. Qu’en est-il des évolutions récentes ? La frontière avec l’Italie est une véritable passoire : la police italienne est-elle réellement plus efficace, comme vous l’affirmiez tout à l’heure ?

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. Les chiffres que j’ai cités soulignaient les résultats de l’accord de 2002, pas celui de 2006. Les interpellations sont effectivement passées de 14 à 20 000.

Face à l’immigration clandestine, l’Italie, traditionnellement d’émigration, s’est trouvée totalement dépourvue face à l’émergence de nouveaux flux migratoires pour lesquels elle se retrouve en première ligne. Aujourd’hui, une politique vigoureuse et volontariste est mise en place mais, du fait de son passé, la politique naturelle de l’Italie est de favoriser le passage des clandestins de son territoire vers d’autres Etats.

De plus, même si le nombre d’interpellations a augmenté, la police aux frontières rappelle que pour un clandestin arrêté, neuf réussissent à entrer illégalement sur le territoire. Même ceux qui sont renvoyés une fois feront finalement partie des convois qui passent à travers les mailles du filet. Ce sujet est extrêmement compliqué et, malgré l’efficacité des forces de police, la pression migratoire est trop forte pour que le succès soit systématiquement garanti.

M. Jacques Remiller. Cet accord vaut-il, par extension, pour nos relations avec le Saint-Siège ?

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. Nous n’avons pas de frontière avec le Vatican.

M. Michel Terrot. Connaît-on le parcours type d’un immigré africain qui rentre sur le territoire italien ? Y reste-t-il ? Où va-t-il, s’il le quitte ?

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. En général, les circuits d’immigration clandestine passent par la Libye, ou le Gabon. Ils arrivent sur l’île de Lampedusa, et sont donc déjà dans l’espace Schengen. Ensuite, ils gagnent l’Italie, puis cherchent à entrer sur le sol anglais en passant par la Manche.

Les routes suivies par les immigrés passant par l’Italie ne sont pas tellement différentes des grands flux d’immigration. Les destinations sont choisies en fonction de la langue pratiquée, principalement.

M. Jean-Paul Lecoq. La notion de « respect de la réglementation en vigueur » qui s’impose aux policiers intervenant sur le territoire de l’autre partie renvoie-t-elle à la réglementation des opérations de police dans cet Etat ou aux règles générales du code de la route ? Ne faudrait-il pas préciser l’accord sur ce point ?

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. Il faudrait lancer de nouvelles négociations pour modifier les accords.

Mme Henriette Martinez. Quel est le champ géographique d’application du présent accord ? Deux postes frontières sont évoqués, mais pas celui qui se trouve près de ma circonscription, dans la région du Mont Genève. Ne craignez-vous pas que l’intensification du contrôle sur certains points n’incitent les flux illicites à se rediriger vers les autres passages ?

M. Jean-Claude Guibal, rapporteur. Il existe effectivement deux centres de coopération policière et douanière, mais la circulation des polices française et italienne sur le territoire de l’autre Etat n’est pas restreinte aux zones mitoyennes de ces centres. En fait, les brigades mixtes peuvent intervenir jusqu’à vingt kilomètres environ au-delà de leurs frontières.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1856 rectifié).

La séance est levée à onze heures trente.

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