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Commission des affaires étrangères

Mardi 3 novembre 2009

Séance de 16 h 45

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Examen, pour avis, des crédits de la mission Défense du projet de loi de finances pour 2010 – M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis

Projet de loi de finances pour 2010 – mission Défense

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

La commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis, les crédits de la mission Défense pour 2010.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis. La loi de finances pour 2010 confirme la loi de programmation militaire, dont elle constitue la deuxième d’année d’exécution. Les crédits de la défense seront donc de 39 milliards d’euros pensions comprises, 30 milliards hors pensions.

Ces montants doivent être comparés avec les 680 milliards de dollars du budget de la défense américaine. La mission « Défense » de notre budget représente environ 1/20ème de ce chiffre. A elles seules, les dépenses du renseignement non militaire américain sont environ le double de tous les crédits de notre défense.

Les crédits destinés aux équipements progressent de 11 %. Confirmant la mise en œuvre des conclusions de la revue générale des politiques publiques (RGPP), 7 930 postes seront supprimés en 2010.

Sur le plan purement financier, le budget de la défense pour 2010 est un bon budget, mais il ne peut être tenu que grâce à deux ressources particulières, le plan de relance et les ressources exceptionnelles. Le plan de relance contribue à hauteur de 770 millions d’euros aux dépenses de défense, et il faudra ensuite trouver des ressources pérennes pour se substituer à cette manne en 2011.

Les ressources exceptionnelles, 1,26 milliards d’euros en 2010, sont tirées pour partie de ventes immobilières, et de cessions de fréquences. Si les ventes d’actifs immobiliers parisiens ne devraient pas poser de problème, celles de sites régionaux seront plus délicates à réussir. Enfin, l’obtention des 600 millions d’euros attendus de la vente de fréquences jusqu’ici utilisées par les forces armées dépend de procédures extrêmement complexes, que j’estime difficiles à achever. Pour ces raisons, une attention particulière devra être portée à la construction du budget pour 2011, qui promet d’être difficile.

Un effort important est consenti pour renforcer notre outil de renseignement, dans la ligne des engagements pris au titre du livre blanc sur la sécurité et la défense nationale de juillet 2008. Sur les 700 postes supplémentaires promis par la loi de programmation, 130 seront attribués, en 2010, à la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

On ne peut qu’être satisfait, car le renseignement joue un rôle décisif pour la sécurité de notre territoire et de notre population, mais également dans les rapports de force interétatiques. On peut également se réjouir de la création du conseil national du renseignement, qui permet l’émergence d’une véritable « communauté du renseignement » en France.

Nous ne pouvons cesser d’être inquiets concernant la menace que représentent les activités d’Al Qaïda au Maghreb islamique. La situation dans le Sahel, aux frontières du Mali, du Niger et de la Mauritanie, est porteuse de dangers.

Concernant les équipements dans le domaine du renseignement, j’insiste sur la nécessité de préserver la capacité française d’observation par satellite. Nos deux satellites Hélios, destinés à cette fonction, pourraient ne plus fonctionner correctement à partir de 2015. Nous ne pouvons pas nous permettre de trou capacitaire avant la réalisation du programme européen MUSIS. La France serait alors aveugle, stratégiquement et politiquement. Il faut donc rester vigilant et alerter constamment les gouvernements sur l’importance du respect de ce calendrier. En matière de renseignement d’origine électro-magnétique, les outils actuels semblent satisfaisants.

L’outil de dissuasion nucléaire reste le cœur de notre défense. 6 milliards d’euros sont programmés jusqu’en 2024 pour maintenir nos deux composantes à un bon niveau technologique.

Le thème des armes nucléaires soulève une question autrement plus complexe, celle de la renégociation l’année prochaine du traité de non prolifération de 1968. Les discussions seront délicates, surtout pour les Etats membres permanents du Conseil de sécurité, qui sont les Etats dotés d’armes nucléaires, et qui devront démontrer leurs intentions vertueuses en matière de désarmement. Aujourd’hui, le TNP est vécu comme un club de nantis. De plus, alors que cinq puissances nucléaires sont parties à ce traité, cinq autres puissances nucléaires restent en dehors de ce système.

Sur la décision de rejoindre les structures de commandement intégrées de l’OTAN, ma position de fond est connue. Sachez simplement que ce retour coûtera 1 250 postes d’officiers à la France.

M. Axel Poniatowski, Président de la Commission. Dont plusieurs de haut niveau !

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis. Tout à fait. En 2010, environ 200 officiers seront envoyés dans les structures de l’OTAN, ce qui représente un surcoût budgétaire de 100 millions d’euros.

Le retour dans l’OTAN nous a été présenté comme l’autoroute devant mener à des progrès foudroyants en matière d’Europe de la défense. Je n’ai pas rencontré ces progrès. Ceci n’est d’ailleurs pas lié aux évolutions de l’OTAN, mais à des difficultés propres à l’Europe. D’abord, les Etats membres de l’Union européenne n’ont pas fait les mêmes choix stratégiques. De plus, l’idéologie du « soft power », que certains considèrent comme la possibilité de vivre dans un confort douillet, continue d’imprégner l’action de l’Europe. Enfin, alors que la France et la Grande-Bretagne représentent à elles seules 40 % des dépenses militaires en Europe, le Royaume-Uni est opposé aux progrès de l’Europe de la défense.

Je souhaite également attirer votre attention sur un dossier particulier. Vous savez que le président Obama a annoncé qu’il renonçait à son projet d’implantation de structures anti-missiles en Pologne et en République Tchèque, auquel serait substitué un système reposant sur des frégates équipées de missiles anti-missiles. Le secrétaire général de l’OTAN, Anders Rasmussen, a proposé que ce nouveau système soit construit dans le cadre de l’OTAN. Une telle décision reviendrait à faire financer par les Etats membres de l’OTAN des programmes industriels américains, dont la clé de fonctionnement se trouverait à Washington.

Il faut privilégier, par rapport à cette option, la mise en place d’un système européen de détection avancée, qui reposerait sur la dissuasion. Cette stratégie, qui est celle privilégiée depuis longtemps par la France, est plus fiable que des systèmes anti-missiles à l’efficacité douteuse.

La crainte de voir des ressources financières européennes consacrées à un projet américain n’est pas de l’ordre du fantasme. La captation financière a déjà eu lieu dans le cadre du programme F35, avion de combat américain financé en partie par des Etats européens, sans la France.

En Afghanistan, la France a amélioré sa capacité de renseignement, et la protection de ses troupes. On peut espérer qu’un drame comme celui de l’embuscade de la vallée d’Uzbeen ne se répète pas. Les nouveaux équipements de protection et la couverture systématique des théâtres par des drones devraient permettre de l’éviter.

Pour nos troupes, le principal problème de sécurité est celui posé par les EEI (engins explosifs improvisés). Il est difficile de parer cette menace. Les véhicules ont été équipés de brouilleurs de fréquences, pour empêcher le déclenchement des EEI par téléphone portable, mais les insurgés ont mis au point d’autres systèmes de déclenchement qui ne sont pas affectés par les brouillages, comme l’utilisation de câbles reliés au détonateur. Le problème des EEI est crucial. Les victimes d’EEI représentent l’immense majorité des soldats de la coalition tués en Afghanistan.

Sur ce théâtre, la France déploie 3 400 soldats environ. Le coût de cette opération est d’environ 400 millions d’euros, soit 50 % du total de nos OPEX. Le surcoût moyen de l’Afghanistan par rapport aux autres engagements de notre armée est principalement dû à la consommation de munitions.

En plus de ses opérations extérieures, la France dispose de forces prépositionnées dans des pays étrangers. Dans ce domaine, nous disposons d’une nouvelle base, à Abou Dabi. Très bien placée géographiquement, elle permet également à notre pays de défendre ses intérêts d’autres manières.

En revanche, les arbitrages sur les implantations françaises en Afrique tardent à venir. La loi de programmation militaire évoque une seule base sur la façade occidentale, mais le choix entre Dakar et Libreville ne sera sans doute pas fait d’ici la fin de l’année.

Face à la piraterie maritime, la France déploie 250 hommes environ, et 2 à 3 navires. Grâce à des modifications juridiques récentes, nous pouvons désormais intervenir dans les eaux territoriales somaliennes, ce qui facilite la lutte contre les pirates. De plus, grâce à la présence de nos forces spéciales sur les bateaux de pêche dans la région, au moins trois prises d’otages ont pu être évitées.

Contre la menace cybernétique, un système de défense français se met petit à petit en place. Les Etats-Unis ont été plus rapides. En début de semaine, un centre de cyberdéfense a été inauguré à Washington, comprenant environ mille experts qui se consacrent à ces questions.

La cyberdéfense implique la protection des systèmes et la réparation des dégâts causés par une attaque informatique. Une entreprise pourrait ainsi voir son réseau totalement détruit, et il faudrait alors pouvoir reconstruire rapidement son système d’information. Les attaques contre l’Estonie en 2007 ont montré les dommages considérables qui pouvaient être causés à un réseau informatique, dans un pays qui a fait le choix du « e-gouvernement ».

La création de l’agence nationale de sécurité des systèmes d’information en France est une bonne nouvelle. Des moyens humains plus importants doivent lui être apportés pour qu’elle puisse remplir toutes ses missions.

Dans le domaine des exportations d’armements, le succès du Rafale représente une embellie. Deux succès importants, aux Emirats arabes unis et au Brésil, doivent être soulignés. Ils ne concernent pas que l’avion de combat de Dassault, mais comportent des accords de défense ou de coopération militaire, ainsi que des mariages de long terme sur le plan industriel.

Longtemps, les industriels français ont été rebutés par les transferts de savoir-faire. Aujourd’hui, la situation a heureusement évolué et nos partenaires vont être non seulement de nouveaux acheteurs, mais des relais potentiels d’exportations très importants. Il est certain que notre présence au Brésil nous aidera sur tous les marchés d’Amérique du Sud. De la même manière, le partenariat français avec les E.A.U. permettra de rayonner sur tout le Moyen-Orient.

Les exportations d’armement sont importantes pour nous. Si la production de Rafale tombe en dessous de 11 unités par an, l’entreprise rencontre des problèmes financiers et techniques. Les ventes à l’étranger permettent donc de réduire pour la France le coût de son soutien au programme Rafale, en répartissant le nombre de commandes annuelles françaises de ce matériel.

Je voudrais toutefois informer la commission des problèmes que rencontre l’entreprise EADS s’agissant du marché de renouvellement des avions ravitailleurs américains. Allié à Northrope Grumman, Airbus avait remporté face à Boeing l’appel d’offres KC-X qui portait sur 179 appareils.

Toutefois, sous la pression de Boeing, le bureau de contrôle du gouvernement du Congrès a cassé ce marché, contre l’avis du Pentagone, qui estimait l’avion européen plus performant. Aujourd’hui, les conditions du nouveau marché sont totalement défavorables à EADS. Boeing connaît déjà les conditions financières proposées dans le cadre du premier marché, ce qui est une aide inestimable pour formuler à son tour des propositions susceptibles d’être reconnues.

De plus, les conditions du contrat ont été modifiées. Désormais, il s’agit non plus de retenir le meilleur choix qualité / prix, mais d’obtenir le meilleur prix. Suite à cette annonce, un sénateur américain a même indiqué qu’il ne voulait pas voir les soldats américains voler dans des « avions de papier ».

M. le Président Axel Poniatowski. Merci, Monsieur le Rapporteur. Pouvez-vous nous donner votre avis sur l’état de l’Europe de la défense ? Il ne fait guère de doute que d’importants progrès ont été obtenus pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, mais l’effort s’est ensuite relâché. Et jusqu’à aujourd’hui, l’incertitude demeurait quant à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. À présent, quels développements futurs voyez-vous ? Il semble qu’une majorité d’États membres de l’UE ne soient pas disposés à avancer. Réfléchissant sur ce sujet, le groupe UMP a récemment formulé trois préconisations : suggérer l’écriture d’un livre blanc européen, institutionnaliser des réunions formelles régulières des ministres européens de la Défense – il n’existe pour l’instant que des rencontres ponctuelles –, et créer un état-major européen opérationnel, seule lacune du bilan de la présidence française. Plus globalement, pensez-vous que va se prolonger la tendance récente favorable à nos exportations, dans la foulée du succès enregistré à Abou Dabi, qui a une longue tradition de coopération avec la France, mais surtout de la percée réalisée au Brésil ? Enfin, pouvez-vous nous dire quel est l’état d’esprit des militaires que vous avez pu rencontrer au cours de vos auditions ?

Mme Marie-Louise Fort. La France a fait son retour au sein du commandement intégré de l’OTAN et l’Europe de la défense est actuellement au point mort. Dans ce contexte, quelle est la situation de notre défense proprement nationale ? Les moyens sont-ils à niveau ? L’accroissement de notre effort de renseignement face au terrorisme est-il efficace ?

M. Jacques Remiller. Monsieur le Rapporteur, vous avez évoqué 7 930 suppressions de postes ; quel en est le détail par catégorie de personnels ? Vous nous avez apporté un important éclairage sur le renseignement ; qu’en est-il au sein de notre dispositif en Afghanistan ? En particulier, quels développements récents permettent d’affirmer que le drame vécu par nos soldats à l’été 2008 ne surviendrait plus aujourd’hui ? Vous évoquez enfin, dans votre rapport écrit, la situation en Côte d’Ivoire ; quand les prochaines élections y auront-elles lieu ?

M. le Président Axel Poniatowski. Un nouveau report est probable.

M. Jean-Michel Boucheron, Rapporteur. Au sein de l’Europe de la défense, tout ce qui ressortit à une démarche collective est pour l’heure au point mort, l’Agence européenne de défense comme l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement. Les réticences britanniques sont importantes. Il s’agit même d’un veto de leur part à propos du commandement opérationnel permanent. Le Royaume-Uni récuse en effet ce qui s’apparente selon lui à une duplication des structures de l’OTAN. On aurait pu penser que notre place nouvelle dans l’OTAN permettrait de lever ces réticences ; il n’en a rien été et l’esprit de Saint-Malo semble bien loin. Quant à l’écriture d’un livre blanc européen sur la défense, il s’agit d’une idée intéressante mais il est à craindre que le consensus ne soit pas très large… En effet, parmi les États membres, on compte des atlantistes « traditionnels » comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie et le Portugal, mais aussi les « super-atlantistes » que sont les États de l’Est de l’Europe, et enfin des États du Nord de l’Europe, à l’image de la Suède, dont l’effort de défense a été drastiquement réduit avec la disparition de la menace russe. Par conséquent, un livre blanc peut toujours être envisagé mais son contenu sera d’autant plus difficile à déterminer que les visions de départ sont très divergentes. Formaliser les réunions régulières des ministres européens de la défense serait une très bonne chose. Instituer un état-major européen également, mais le veto britannique semble difficilement surmontable. S’agissant de nos exportations, il convient de distinguer les livraisons payées des commandes et projets de commandes. Si les premières ne sont pas très satisfaisantes actuellement, les perspectives à court terme sont bonnes et elles sont même excellentes à moyen terme grâce aux succès remportés à Abou Dabi et au Brésil. Par conséquent, restons vigilants. Enfin, je me garderai de dire que les auditions que je mène auprès des hauts responsables de l’armée reflètent fidèlement l’état d’esprit de nos soldats. Il est certain que ceux-ci sont confrontés à des difficultés dans le cadre de la réorganisation territoriale en cours. La constitution de bases de défense est incontestablement une bonne réforme mais elle entraîne, pour les familles, de nombreux déménagements qui sont autant de déracinements, pour les militaires mais plus encore pour les personnels civils. Le rapport sur le moral des armées n’est pas, de ce point de vue, une source d’information aussi concrète que les témoignages que peuvent recevoir les élus sur le terrain. Des efforts ont été accomplis pour améliorer la condition militaire ; en particulier, le dispositif d’aide au départ fonctionne mieux que prévu, à tel point que l’on peut se demander si la motivation en est seulement pécuniaire ou si elle est plutôt la traduction d’une ferme volonté de quitter le métier.

Notre défense nationale est organisée sur une base territoriale, ce qui suppose un regroupement selon la logique des bases de défense car une importante concentration de moyens administratifs est nécessaire si l’on veut diminuer ces coûts fixes. La lutte contre le terrorisme à l’échelle nationale est pour l’heure couronnée de succès car les trois conditions de sa réussite sont réunies : la déstabilisation d’Al Qaïda en Afghanistan et au Pakistan – l’organisation ne disposant plus réellement de base arrière –, le bon travail accompli par nos services de renseignement dont la connaissance du terrain et la surveillance des menaces potentielles se sont affinées, et enfin le « facteur chance ».

Les 7 930 suppressions de poste programmées en 2010 se décomposent de la manière suivante : 468 officiers, 3 413 sous-officiers, 1 890 militaires du rang, 234 volontaires et 1 925 civils, dont 1 564 ouvriers d’État.

En Côte d’Ivoire, peu de changements politiques se profilent dans l’immédiat. Incidemment, le volume de nos forces prépositionnées est sans doute trop important dans ce pays, de même qu’au Liban.

M. Roland Blum. En matière de défense européenne, le projet de Constitution prévoyait une procédure de coopération structurée ; quelles seront les conséquences en ce domaine de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui vient d’être ratifié par la République tchèque ? Y a-t-il des exemples concrets de ce qu'il permet ou n’apporte-t-il rien de plus par rapport aux textes existants ? Je partage par ailleurs vos inquiétudes sur Eurocopter, notamment. J’espère que nous n’aurons pas de mauvaise surprise. D’une manière générale, quelle est la part des industries d’armement étrangères comme fournisseurs de nos armées ?

M. Michel Terrot. La question de la restructuration de nos bases en Afrique est assez floue. Il devait y avoir une base maintenue à Djibouti, une autre au Gabon ou au Sénégal, mais cela semble devoir être remis en question. Face à la montée de l’intégrisme islamiste dans la bande sahélienne, la question de l’opportunité du maintien de notre base au Tchad ne se pose-t-elle finalement pas ?

M. Jean Roatta. Je félicite le rapporteur pour son excellent travail. Je me pose une question quant aux OPEX et à la limite de nos capacités d’intervention à laquelle vous faites allusion dans votre rapport. On prévoit à ce sujet 570 M€ dans le budget, avec l’idée que cela devrait aller en augmentant. Dans quelle mesure sera-t-il opportun de revoir notre dispositif à l’étranger ?

M. Jean-Claude Guibal. Est-il possible de dresser un premier bilan de la réorganisation de nos services de renseignement ? Interviennent-ils en matière d’intelligence économique ? D’autre part, quant à la force de dissuasion, quelle est aujourd’hui notre doctrine, à l’heure où l’on craint une dissémination de ce type d’armement ?

M. Pierre Cohen. D’autre part, le Livre blanc prévoit un effort massif concernant le spatial. Sur cet aspect, comment le budget pour 2010 traduit-il ce qui était prévu ?

M. Alain Néri. En ce qui concerne l’A 400M, les délais seront-ils tenus et qu’en est-il exactement de nos capacités stratégiques de réponse aux aléas, aux réparations à faire ? Il risque d’y avoir des problèmes industriels locaux, pour y faire face.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. A la dernière question, en forme de boutade, je dirai que plus les avions sont vieux, plus il faut les réparer ! Les capacités industrielles doivent donc être à la hauteur des besoins. En ce qui concerne le Traité de Lisbonne, les coopérations structurées devraient faire l’objet d’un grand débat en 2010, organisé de manière thématique.

Les problèmes institutionnels ne sont pas le frein principal à l’Europe de la défense. Dès lors que la volonté politique est présente, les projets européens peuvent avancer. Les précédents ne manquent pas. Voyez l’exemple de l’avion franco-britannique Jaguar, de l’avion de transport franco-allemand Transall, ou encore du programme de missile également franco-britannique Storm Shadow. Le programme Arianespace est un projet phare dans ce domaine.

Concernant la part de matériels étrangers dans nos armées, il est difficile d’avancer un chiffre. Le montant des achats sur étagère est faible. Je pourrais donc vous répondre que 80 à 90 % des équipements militaires français sont fabriqués par des entreprises européennes.

Mais cette réponse resterait superficielle. De nombreux matériels militaires fabriqués par des sociétés françaises intègrent des pièces conçues et produites à l’étranger. On peut estimer qu’environ 70 % de notre équipement matériel est fait en France. Une telle situation peut poser des problèmes à l’exportation d’armements français qui comportent par exemple des pièces américaines, car le Sénat américain a un pouvoir de veto sur l’exportation de ces éléments, même s’ils sont intégrés à un équipement fabriqué ailleurs.

Sur notre présence au Tchad, je pense qu’elle se justifie par la sécurisation de toute une zone.

Concernant le déploiement de nos armées, une étude estime que le taux de déploiement des forces terrestres hors de notre frontière pourrait passer de 17 % en 2001 à 40 % en 2014, compte tenu du volume de nos OPEX, des diminutions d’effectifs prévues par la loi de programmation et de la rotation nécessaire des soldats hors de nos frontières.

S’agissant de la réorganisation, la création du coordonnateur du renseignement et du conseil national du renseignement constituent des avancées. Le rattachement administratif du CNR, placé sous l’autorité du président de la République, n’est pas un détail. Ce choix a permis de débloquer les choses.

La doctrine française en matière de dissuasion, fondée sur le silence quant aux conditions de sa mise en œuvre, demeure inchangée. Je rappelle que le Président Chirac avait néanmoins précisé que les Etats recourant au terrorisme contre la France s’exposaient à l’application de la dissuasion.

Avec 426 millions d’euros en crédits de paiement, .contre 392 en 2008, le budget de l’espace militaire pour 2010 est d’un bon niveau. Il fait suite à l’augmentation spectaculaire des autorisations d’engagement entre 2008 et 2009, qui étaient passées de 154 à 486 millions d’euros. Celles-ci ont retrouvé une trajectoire normale en 2010, avec 233 millions d’euros.

Le retard sur l’A400M nous oblige à réfléchir à des solutions alternatives dont certaines sont déjà en cours, comme la location d’avions de transport ukrainiens ou la prolongation de la durée de vie de certains Transall.

A l’issue de la réunion, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

La séance est levée à dix-huit heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 3 novembre 2009 à 16 h 45

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. Christian Bataille, M. Roland Blum, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Marie-Louise Fort, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Didier Julia, M. Robert Lecou, M. Alain Néri, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. Jean Roatta, M. Dominique Souchet, Mme Christiane Taubira, M. Michel Terrot

Excusés. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Hervé de Charette, M. Dino Cinieri, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. François Loncle, M. Jacques Myard, M. Jean-Marc Nesme, M. Éric Raoult, M. Jean-Marc Roubaud