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Commission des affaires étrangères

Mercredi 2 décembre 2009

Séance de 11 h 00

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Albanie : accord de coopération sur la sécurité intérieure (n° 1855) – M. Dominique Souchet, rapporteur

Albanie : accord de coopération sur la sécurité intérieure (n° 1855).

La séance est ouverte à onze heures.

La commission examine, sur le rapport de M. Dominique Souchet, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des Ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 1855).

M. Dominique Souchet, rapporteur. Le présent accord de coopération en matière de sécurité intérieure doit être placé dans la perspective de l’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne. Cette adhésion doit être préparée avec attention. Les Etats membres de l’Union européenne (UE) reconnaissent qu’ils n’ont pas fait preuve d’assez de vigilance à l’égard de la Bulgarie dans le domaine criminel quand ce pays était candidat et que l’UE en paie aujourd’hui le prix, face aux mafias bulgares.

Les mafias albanophones travaillent principalement dans les secteurs suivants : passage de clandestins, drogue avec une position dominante sur le marché de l’héroïne et une forte croissance sur le trafic de cocaïne, prostitution, trafics d’organes, commerce d’armes, blanchiment de capitaux et contrefaçon. On parle de réseaux albanophones, plutôt qu’albanais, parce que leur origine se situe principalement au Kosovo. Mais l’Albanie sert de terre de transit de différents trafics et abrite ses mafias.

Les réseaux sont efficaces et bien organisés. A titre d’exemple, ils se répartissent avec les mafias russes et turques des segments de route pour le trafic de drogue. Il y a eu deux vagues de pénétration dans l’UE, la première à la chute d’Enver Hodxa (vers la Belgique et l’Italie), la seconde à la faveur de la guerre du Kosovo, où les mafieux se sont dilués dans le flux des réfugiés. Le cœur des principaux réseaux est désormais au Kosovo, où les mafieux avaient noué des liens avec l’UCK. L’Albanie en elle-même est moins concernée par la criminalité car l’Etat y demeure solide. Mais elle est une importante terre de transit, donc d’exportation de la criminalité. L’opacité des réseaux est un obstacle considérable à la normalisation de la situation au Sud des Balkans.

L’accord de coopération précité doit permettre d’assister la police albanaise dans sa lutte contre les mafias. Il permettra la formation des personnels et intensifiera nos informations sur la criminalité internationale. Il existe une véritable volonté du gouvernement albanais d’éradiquer l’économie criminelle, mais le manque de structures et de personnels le conduit à signer des accords de coopération avec ses voisins et les principaux Etats de l’Union européenne. C’est pour soutenir, de notre côté, cette volonté qu’il convient d’autoriser sa ratification.

M. Michel Terrot. Le rapport met en évidence le fait qu’il y a encore beaucoup à faire pour combattre les mafias internationalisées. Je souhaiterais poser une question marginale par rapport à l’objet du projet de loi relatif à l’adhésion de l’Albanie à l’OTAN. Au moment de son adhésion, l’Albanie s’est engagée à consacrer 2 % de son produit intérieur brut à la défense et à détruire son stock d’armes chimiques. Ces engagements ont-ils été respectés ?

M. Dominique Souchet, rapporteur. La destruction des stocks d’armes chimiques a été effectuée par l’armée américaine. En revanche, l’engagement de consacrer 2 % du PIB à la défense n’est pas tenu.

Le Président Axel Poniatowski. Il faut reconnaître que seuls quatre pays de l’Union européenne ont des dépenses consacrées à la défense supérieures à ce niveau !

Mme Nicole Ameline. Le caractère international des réseaux albanophones rend indispensable une réponse internationale. La coopération bilatérale ne saurait suffire ; il faut au moins qu’elle soit conduite au niveau européen. Parmi tous les trafics transnationaux, celui des êtres humains est incontestablement le plus grave. Même si les autorités albanaises ont la volonté politique de le combattre, elles ne semblent pas disposer des moyens nécessaires. Le rapporteur dispose-t-il d’une évaluation des progrès accomplis en Albanie en matière de législation et d’organisation juridictionnelle pour renforcer l’efficacité de cette lutte ?

M. Dominique Souchet, rapporteur. Il reste incontestablement beaucoup à faire pour renforcer ces moyens mais des progrès ont été réalisés et la volonté politique existe. Il me semble que des progrès décisifs dans ce domaine pourraient être obtenus dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de pré-adhésion à l’Union européenne qui est en cours de négociation.

M. Patrick Labaune. Le chemin est encore long pour mettre un terme à la diffusion de la criminalité albanaise dans l’Union européenne. L’accord franco-albanais ne saurait suffire. Avec quels Etats de la région l’Albanie a-t-elle conclu des accords du même type ? Quel rôle l’Union européenne joue-t-elle dans ce domaine ?

M. Dominique Souchet, rapporteur. Huit pays européens ainsi que les Etats-Unis disposent d’un attaché de sécurité intérieure à Tirana et des accords du même type que celui dont nous débattons aujourd’hui ont été conclus entre une quinzaine d’Etats et l’Albanie. Interpol ne pouvant pas encore intervenir en Albanie, tout repose sur les coopérations bilatérales. Au total, les nombreux accords, les actions de coopération bilatérale et la présence d’un nombre important d’attachés de sécurité intérieure contribuent à l’efficacité opérationnelle de la volonté politique des autorités albanaises.

Les progrès ne sont certes pas rapides dans tous les domaines mais ils sont réels. Il est vrai qu’ils sont particulièrement faibles en matière de lutte contre la prostitution. Il faut souligner que les efforts menés en Albanie se heurtent à la situation du Kosovo qui se trouve à la source des réseaux albanophones et où la capacité d’action contre eux est faible.

M. Christian Bataille. Il conviendra d’interroger M. Bernard Kouchner sur ce qu’il pense du Kosovo indépendant, à l’occasion de sa prochaine audition. Les moyens qui y sont mis en œuvre pour lutter contre les mafias sont-ils adaptés ? Le corpus juridique est-il satisfaisant ? Dans quel délai peut-on espérer une amélioration notable de la situation ? La tutelle internationale ne risque-t-elle pas de durer éternellement ?

On assiste actuellement sur le continent européen à la multiplication de micro-Etats qui constituent autant de zones de non-droit issus du démembrement d’autres Etats. L’Union européenne a certes vocation à s’intéresser en priorité à ceux qui sont nés de la dislocation de la Yougoslavie mais un phénomène identique s’observe dans le Caucase.

M. Dominique Souchet, rapporteur. Pour ce qui concerne l’Albanie elle-même, la clé de l’amélioration de la situation est dans l’effort de formation. Il a déjà été entrepris mais doit se poursuivre car les défis sont de grande ampleur. Mais il faut aussi s’attaquer à la situation au Kosovo qui doit occuper une place centrale dans la lutte contre les mafias et dans lequel les moyens d’intervention sont limités malgré la tutelle de l’OSCE et des Nations unies. Le problème c’est que parmi les recettes financières dont dispose le pays, les produits de l’économie criminelle dépassent de beaucoup le volume de l’aide internationale et l’arrivée de devises envoyées de l’étranger par la diaspora. Les progrès réalisés sur le territoire albanais n’ont jusqu’ici eu aucun effet sur la situation kosovare.

Mme Martine Aurillac. Pouvez-vous nous préciser la date d’entrée en vigueur et la durée de l’accord ?

M. Jean-Marc Nesme. Votre exposé confirme que l’Albanie constitue une plaque tournante pour tous les trafics. A l’occasion de la révision des lois bioéthique, ont été évoqués de nouvelles formes de trafics et notamment celui des tests génétiques dont la validité scientifique pose problème. Ce trafic, qui se développe principalement par le biais d’Internet, doit être mieux pris en compte. L’Albanie accueille t-elle ce genre de trafic ? D’autres pays ont-ils signé des accords de même nature que celui que nous examinons avec l’Albanie ?

M. Dominique Souchet, rapporteur. L’Albanie a signé 14 accords proches de celui qui nous est soumis, majoritairement avec des pays européens mais aussi avec les Etats-Unis. Sur la question très pointue des tests génétiques, je vous ferai parvenir une réponse écrite après avoir obtenu des informations précises.

M. Serge Janquin. Si les accords de cette nature me semblent souhaitables, ils posent néanmoins une difficulté : ils opèrent un transfert de responsabilité en matière de sécurité et de justice de l’Etat vers la communauté internationale. Il conviendrait donc que ces accords soient assortis d’une procédure permettant d’apprécier l’implication de l’Etat au bénéfice duquel il a été signé afin que celui-ci ne se considère pas comme exonéré de ses responsabilités en ces matières. Il serait souhaitable que le respect des obligations qui lui incombent en vertu de la convention fasse l’objet d’une évaluation.

M. Jean-Claude Mignon. L’Albanie est soumise au « monitoring » du Conseil de l’Europe dont elle est membre. Le travail remarquable d’évaluation politique réalisé dans ce cadre mériterait d’être porté à la connaissance de la Commission.

Le Président Axel Poniatowski. Vous avez tout à fait raison, ce document serait très utile à notre commission.

M. Jean-Pierre Dufau. Quels sont les pays européens signataires de l’accord ? Sur la durée de l’accord, une clause de rendez-vous est-elle prévue ?

M. Dominique Souchet, rapporteur. Le risque de transfert de responsabilité me semble écarté. La volonté des autorités albanaises d’assumer leurs responsabilités est réelle, ce sont les capacités à les exercer qui posent problème. C’est pourquoi la coopération en matière de formation est décisive.

L’Albanie a signé des accords de même nature avec les pays voisins ainsi que la Grèce, l’Italie, l’Allemagne et la Belgique.

La durée de l’accord n’est pas précisée. Il appartient aux services ministériels compétents, et éventuellement à la Commission, de contrôler son application.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1855).

*

Le Président Axel Poniatowski. Je vous rappelle que dans l’ordre du jour très chargé du mercredi 9 décembre, nous entendrons le ministre des affaires étrangères sur l’Afghanistan. J’ai souhaité que la Commission inaugure avec cette séance une nouvelle forme de discussion, qui se distingue de l’organisation des débats dans l’hémicycle auxquels ce sujet a déjà donné lieu. Afin que chaque commissaire désireux de s’exprimer puisse le faire, l’audition d’une durée limitée devra obéir à des règles strictes de temps de parole. Je vous remercie de conserver cette discipline nécessaire à l’esprit dans vos futures interventions.

M Gaétan Gorce. J’estime que le ministre devrait consacrer au Parlement le temps nécessaire pour ce débat.

Le Président Axel Poniatowski. Le ministre répond régulièrement aux sollicitations de la Commission. Mais il est, comme vous le savez, contraint par son agenda de ministre et ses obligations européennes et internationales.

Compte tenu de l’heure avancée, nous devons reporter l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État d’Israël sur la lutte contre la criminalité et le terrorisme.

La séance est levée à onze heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 2 décembre 2009 à 11 heures

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. François Asensi, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Patrick Balkany, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Claude Birraux, M. Roland Blum, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Dino Cinieri, M. Pascal Clément, M. Philippe Cochet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, Mme Geneviève Colot, M. Michel Destot, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, M. Gaëtan Gorce, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. Didier Mathus, M. Jean-Claude Mignon, M. Alain Néri, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jacques Remiller, M. Jean Roatta, M. François Rochebloine, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Loïc Bouvard, M. Michel Delebarre, M. Paul Giacobbi, M. Didier Julia, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, Mme Henriette Martinez, M. Jacques Myard, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles