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Commission des affaires étrangères

Mardi 12 janvier 2010

Séance de 17 h 00

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Axel Poniatowski, président puis de M. Jean-Marc Roubaud

– Présentation du rapport d’étape de la mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture (Mme Geneviève Colot, rapporteure)

Présentation du rapport d’étape de la mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture

La séance est ouverte à dix-sept heures.

M. le président Axel Poniatowski. Nous effectuons cet après-midi, sur le rapport de notre collègue Geneviève Colot, un point d’étape à propos du travail de la mission d’information sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture.

Cette mission compte treize membres ; elle est présidée par François Rochebloine, qui s’est beaucoup investi dans ce travail, sachant que par ailleurs il est le Rapporteur pour avis de notre commission sur le budget de l’action culturelle extérieure.

Vous allez nous livrer vos premières analyses au terme de la trentaine d’auditions que vous avez menées à Paris, et après avoir effectué plusieurs déplacements, en Europe et en Amérique du Sud.

Quelle impression d’ensemble retirez-vous de la présence française dans le monde, au plan culturel et éducatif ? Les constats, les problématiques, les stratégies sont-ils les mêmes pour l’enseignement et pour la culture ? N’y a-t-il pas des nuances à apporter, par continent ou par grand type de pays ? Les outils que se donne la France correspondent-ils aux ambitions qu’elle se fixe ? Les pilotes de ce que l’on dénomme désormais notre « diplomatie d’influence » sont-ils à même de défendre notre langue, notre culture et nos valeurs, selon quelles méthodes et avec quels moyens ? Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur la réforme du réseau culturel qui, si j’ose dire, n’en finit pas de commencer ?

Mme Geneviève Colot, Rapporteure. Je veux tout d’abord excuser François Rochebloine, Président de la mission d’information, retenu par une obligation incontournable.

Pourquoi un rapport d’étape de la Mission d’information de la commission des Affaires étrangères sur le rayonnement de la France par l’enseignement et la culture ? Constituée de treize membres représentant l’ensemble des sensibilités politiques, cette mission d’information a été créée au printemps dernier. Elle est animée par une ambition : réfléchir à la meilleure façon de promouvoir l’influence, la culture, la langue et les valeurs de notre pays dans le monde.

Cet objet de réflexion n’est certes pas neuf mais nul n’en a pour autant le monopole. Et notre commission a estimé qu’elle n’était pas la plus mal placée pour la conduire. Elle l’a fait à un moment où une grande réforme de structure peut encore − mais tout juste − être lancée, et menée à terme, sans risquer d’être happée dans la préparation des échéances électorales suivantes.

Il s’agissait pour la mission, à sa création, de mener sa réflexion selon deux axes complémentaires : quel avenir pour le réseau des lycées français à l’étranger, tout d’abord ? Dans le contexte d’une forte croissance de la demande de scolarisation selon un « modèle français » d’excellence, unique au monde, comment mettre en œuvre l’indispensable plan de développement du réseau explicitement demandé au ministre des Affaires étrangères et européennes par le Président de la République et le Premier ministre dans leur lettre de mission à M. Bernard Kouchner, à l’été 2007 ? Comment concilier l’objectif de rayonnement de la France par son réseau d’enseignement avec celui de fournir à nos compatriotes établis à l’étranger le meilleur « service rendu » possible, dans le contexte de la mise en place de la gratuité promise par un candidat à l’élection présidentielle nommé Nicolas Sarkozy ? Comment, en somme, consolider un réseau encensé par tous au moment où apparaissent plusieurs facteurs de fragilisation, de nature statutaire ou budgétaire ?

Deuxième axe de réflexion : quelle configuration optimale pour le réseau des centres et instituts culturels français ? La réforme de l’action culturelle extérieure semblait au printemps dernier entrer dans une phase décisive. Cette réforme a été, il est vrai, longtemps annoncée et maintes fois reportée. Elle a été mise en œuvre de façon expérimentale et parcellaire au gré des restrictions budgétaires, sans vision stratégique, et sur fond de lancinantes critiques sur le « déclin de la pensée française » dans le monde. La mission avait donc à cœur de pouvoir accompagner cette mise en place et d’en juger les premiers résultats, à l’horizon d’un an.

Or sur ces deux points, où en est-on en ce début d’année, au terme de près de neuf mois de travail de la mission d’information et après la promulgation de la loi de finances pour 2010 ? Je le dis sans détour : c’est un goût d’inachevé qui prédomine. L’impression générale est mitigée : d’un côté, le sage refus de toute précipitation dans la réforme ; de l’autre, du temps perdu pour redonner du souffle à notre diplomatie d’influence, alors que son adaptation à la mondialisation est plus nécessaire que jamais.

Quels sont les éléments qui me permettent d’avancer ce jugement assez sévère ? S’agissant du réseau français d’enseignement à l’étranger tout d’abord, l’encadrement de la mesure de gratuité était fermement souhaité par la mission. Nous avions réussi cet automne, par la voix de notre collègue et président François Rochebloine, à faire partager ce souci, non seulement par la commission des Affaires étrangères mais par l’Assemblée nationale elle-même. Or le sujet est de nouveau remis à plus tard, au bénéfice d’un moratoire aussi précaire qu’insuffisant. Concernant le réseau culturel ensuite, aux annonces du printemps ont succédé le report de toute décision à la mi-juillet puis ce que j’appellerais un « sursis à décider » à la fin octobre. La vraie réforme du réseau culturel n’interviendrait pas avant trois ans.

Le rapport d’étape qui vous est présenté aujourd’hui est donc l’occasion de faire le point. Il s’agit d’indiquer ce que cette situation a de préjudiciable, mais également de formuler des préconisations pour une réforme ambitieuse et stratégiquement pensée. L’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 a été manquée. Par ailleurs, l’examen périodique de rationalisation budgétaire mené dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), qui devait se tenir à la mi-décembre, a été reporté au début de 2010 s’agissant des thèmes intéressant la mission d’information. Enfin, l’audit de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), toujours dans le cadre de la RGPP, est en cours. Le moment est donc particulièrement propice, aux yeux de la mission, pour dresser de premiers constats, formuler de premières préconisations et recenser les questions encore en suspens.

Pour ce faire, nous pouvons d’ores et déjà nous appuyer sur une riche série d’auditions et sur un certain nombre de déplacements qui ont substantiellement alimenté notre réflexion : une trentaine d’auditions de responsables, d’acteurs, de témoins et d’usagers des outils du rayonnement de la France par son enseignement et sa culture, à Paris comme à Londres, à Berlin, au Chili et en Argentine, ou encore à l’écoute des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger pour les États-Unis et le Canada. Autant de rencontres ayant permis à la mission de confirmer des constats déjà établis, de prendre conscience de problèmes insoupçonnés, d’extrapoler à l’échelle du réseau à partir de situations particulières, d’entrevoir des solutions à proposer. Tout cela est bien sûr encore à l’état d’ébauche mais il est possible de soumettre ces éléments au débat dès à présent.

Avec ce rapport d’étape, la mission entend prendre date en vue du prochain examen du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, déposé sur le bureau du Sénat le 22 juillet dernier. Sans trancher l’ensemble des questions soulevées dans le cadre de la réforme du réseau culturel, ce projet contient néanmoins une série de dispositions-clefs, en particulier la création d’une catégorie nouvelle d’établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : une agence culturelle, par transformation de l’association CulturesFrance, et un opérateur de la mobilité internationale, par fusion de l’association Egide et des groupements d’intérêt public que sont CampusFrance et France coopération internationale. Quant aux voies et moyens du développement du réseau d’enseignement français à l’étranger, il ne fait guère de doute qu’ils feront partie des débats parlementaires sur ce projet de loi, dont l’intitulé ouvre un large champ à la discussion et aux amendements.

Telles sont les raisons qui ont convaincu la mission d’information de l’opportunité d’un rapport d’étape sur les deux aspects de sa réflexion. Par définition, ce travail est à la fois limité et provisoire ; les jalons ainsi posés devront être complétés, voire rectifiés, par de futures auditions et de prochains déplacements. De même, nous serons à l’écoute des réactions que pourra susciter ce rapport d’étape. Dès lors, la brève série de préconisations qu’il contient sera nécessairement affinée, revue et augmentée dans le rapport définitif de la mission. Nous aurons alors une vision plus complète des différents types de pays où s’étend le réseau culturel et d’enseignement. Car ce double réseau est certes universel, mais ses mailles sont de taille très variable selon les continents et l’impact local de l’histoire de la présence française.

Par exemple, le déplacement de la mission envisagé à Abou Dabi sera très instructif pour apprécier le riche potentiel que représente un développement de l’influence française dans la zone. Par exemple encore, le déplacement envisagé en Inde permettra de mesurer le faible poids relatif de la France sur place et de dessiner une stratégie de développement de notre diplomatie d’influence au sein des puissances majeures de demain. Par exemple enfin, un déplacement envisagé au Liban sera utile pour déterminer la stratégie à déployer dans les zones de présence française historique, sur le mode de la rationalisation sans abandon. D’ores et déjà, les membres de la mission et moi-même tenons à formuler des remerciements très sincères envers l’ensemble des personnes qui ont bien voulu apporter leur concours à notre réflexion.

J’en viens à présent, d’une part, à l’essentiel des préconisations de la mission, pour le réseau d’enseignement et le réseau culturel ; d’autre part, aux questions restant à explorer plus avant pour chacun des deux réseaux.

Pour le réseau d’enseignement tout d’abord, les préconisations de la mission sont les suivantes :

- premièrement, plafonner la prise en charge des écolages des élèves français inscrits dans le réseau d’enseignement français à l’étranger, en fonction du revenu des familles, de façon différenciée selon un barème établi par pays de résidence ;

− deuxièmement, conforter le réseau « historique » des lycées français à l’étranger par la mise à niveau de leurs moyens, notamment immobiliers, mais également en personnel. Il s’agit de conserver à ce réseau son unité pédagogique et son lien étroit avec l’Éducation nationale, tout en préservant son attractivité à l’égard des élèves français et étrangers. Cela passe par une augmentation de la subvention à l’AEFE à une triple fin : mettre aux normes de sécurité et de confort le patrimoine immobilier remis en dotation à l’Agence ; conserver un minimum de personnel expatrié d’encadrement et d’enseignement ; maintenir le fonds de roulement de l’Agence à 30 jours au moins ;

− la troisième préconisation consiste à donner leur chance aux solutions alternatives à la construction ex nihilo d’établissements scolaires. Par exemple, on pourrait utiliser la formule d’un trust ou d’une charter school dans les pays anglo-saxons, sous réserve de la compatibilité de ces modèles avec l’homologation des établissements par l’AEFE.

Quant aux questions à explorer dans le cadre de la réforme du réseau d’enseignement, elles sont au nombre de quatre :

− premièrement, il s’agit des éventuelles modifications à apporter au statut différencié (expatriés, résidents et recrutés locaux) des personnels travaillant dans les établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger ; à tout le moins, il faudrait trouver le moyen d’atténuer les différences entre ces divers statuts ;

− deuxièmement, il s’agit d’évaluer le rôle, le fonctionnement et l’efficacité des pôles régionaux de l’AEFE, y compris dans les relations que ces pôles entretiennent avec les ambassades. Plus largement, l’implication de l’ambassadeur à l’égard du réseau devra être étudiée ;

− troisièmement, il s’agit d’explorer le recours au « mécénat d’entreprise » ou à d’autres formes de levée de fonds auprès de partenaires privés pour accompagner le développement du réseau des lycées français à l’étranger ;

− quatrièmement enfin, les débouchés de l’enseignement secondaire français à l’étranger après le baccalauréat, comme vecteurs de rayonnement de l’enseignement secondaire et supérieur français, méritent de faire l’objet d’une réflexion approfondie.

J’en viens à présent au réseau culturel. Sa situation est sensiblement différente de celle du réseau d’enseignement, à la fois de par son rôle et son organisation. En effet, on peut opposer un réseau d’enseignement qui risquerait d’être victime de son succès si rien n’était entrepris pour accompagner sa croissance rapide à moyen terme, et d’autre part un réseau culturel pris dans une spirale de doute sur ses missions et de disparition progressive de ses moyens traditionnels d’intervention.

Pour le réseau culturel, les préconisations de la mission sont à ce stade les suivantes, dans l’ordre de leur réalisation souhaitée :

− premièrement, lever sans délai les obstacles juridiques à la généralisation du modèle d’un établissement à autonomie financière unique par pays. Ce modèle promu par la RGPP est destiné à regrouper en une seule structure l’ensemble des centres et instituts culturels installés dans un même pays ;

− deuxièmement, et de façon préalable à toute réforme supplémentaire, il faut définir une stratégie pour l’action culturelle précisant à la fois les buts à atteindre, les moyens humains et matériels pour le faire et les responsabilités de chacun dans le pilotage et la mise en œuvre ;

− troisièmement, une fois établie la stratégie de l’action culturelle extérieure, il convient d’engager pour la mettre en pratique à l’échelon local une fusion des réseaux des centres et instituts culturels d’une part, et des Alliances françaises d’autre part, sous le label des Alliances. C’est là une proposition très ambitieuse et novatrice, et la mission est naturellement prête à en débattre ainsi qu’à étayer sa position ;

− quatrièmement, il s’agit de former les agents du réseau culturel − en formation initiale et en formation continue − en cohérence avec ce qui est attendu d’eux en fonction de la stratégie élaborée en amont. Symétriquement, il faut valoriser les expériences de terrain réussies et encourager la diffusion des bonnes pratiques.

− cinquièmement, la mission recommande de ne pas diminuer les moyens d’intervention du réseau culturel en deçà de l’étiage qu’ils ont atteint en 2009 et de les augmenter autant que le permettra la situation du budget de l’État, afin d’accompagner la réforme ; mais avant tout, il faut donner aux gestionnaires un minimum de vision prospective fiable quant aux moyens qui leur seront alloués.

Enfin, la mission a identifié à ce stade quatre questions à explorer dans le cadre de la réforme du réseau culturel :

− premièrement, le devenir de l’agence culturelle dont la création est prévue dans le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, sachant qu’a été repoussée à un horizon de trois ans la réforme du réseau lui-même ;

− deuxièmement, l’éventuelle recomposition des tutelles ministérielles dans le champ de l’action culturelle extérieure, entre les différents ministères potentiellement compétents. La mission est consciente du caractère éventuellement polémique de ce sujet et se veut prudente ;

− troisièmement, le rôle des collectivités territoriales dans le rayonnement de la France à l’étranger par sa culture ;

− quatrièmement enfin, la question de l’éventuelle inclusion de l’outil audiovisuel dans la réflexion, déjà vaste, de la mission.

Réseau d’enseignement, réseau culturel : les constats sont globalement différents mais ils illustrent la diversité du rayonnement de la France dans le monde, dont le potentiel est immense. Sans en avoir exploré tous les aspects, tant s’en faut, la mission a d’ores et déjà acquis la conviction qu’il est souhaitable et possible d’améliorer la performance de ces deux réseaux au service de l’influence française. Le défi que doit relever le réseau d’enseignement français à l’étranger est pour l’essentiel de répondre à une demande croissante sans dégrader sa qualité exceptionnelle ; le réseau culturel doit pour sa part réaliser une mue plus profonde et retrouver une raison d’être dans la mondialisation. Notre double réseau culturel et d’enseignement à l’étranger mérite une réforme ambitieuse et cette réforme mérite, à son tour, un large débat. La mission d’information s’enorgueillit de contribuer à faire vivre ce débat et sera particulièrement attentive aux réactions que suscitera le présent rapport d’étape, dans l’optique de la conclusion de ses travaux au printemps prochain.

En vous remerciant de votre attention, je vous invite à formuler, davantage que des questions, des commentaires et des suggestions à l’intention de la mission.

M. Jean-Marc Roubaud. Au-delà des zones dans lesquelles la présence française est historique, vous avez raison de dire qu’il est nécessaire d’adapter nos outils d’influence aux nouveaux pays émergents. Par ailleurs, la création d’une nouvelle agence me semble être un écueil, qui va consommer d’importants crédits qui seraient bien plus utiles à d’autres dépenses. Cette décision relève plus de l’aveu de faiblesse que d’un choix stratégique assumé.

M. Gérard Voisin. Chacun de nos déplacements à l’étranger devrait être l’occasion d’examiner le thème de cette mission, et notamment le domaine de l’enseignement français à l’étranger. En Slovénie, l’ambassadrice s’est plainte auprès de notre délégation des difficultés qu’elle rencontrait pour y maintenir l’école française. Elle a donc sollicité notre intervention auprès de l’AEFE. Cela ne me paraît pas un bon choix : ce sont les ambassades, appuyées par le ministère des Affaires étrangères, qui devraient agir auprès de cette instance.

De la même manière, à Tokyo, le déplacement du lycée français est encore entouré de nombreuses incertitudes : négociations avec les autorités japonaises, question de la vente de terrains…

Ne serait-il pas possible, à l’instar de ce qui a été fait pour le commerce extérieur, avec la création d’Ubifrance et la rationalisation du réseau des missions économiques, de réformer notre réseau d’enseignement à l’étranger ?

M. Lionnel Luca. Chaque fois que nous nous déplaçons, nous sommes confrontés à la pauvreté, à la misère devrais-je dire, de notre système d’enseignement, et à la diversité des moyens dont disposent les établissements, qui révèle un manque de cohérence dans la mise en œuvre de notre politique. Dans certains cas, il est fait appel à des fonds privés : pourquoi pas ? Mais il est nécessaire d’encadrer cette pratique par une démarche globale, ce qui impliquerait, au préalable, d’abolir au sein des ambassades ce cloisonnement total entre les services économiques et culturels. Former des jeunes dans notre système d’enseignement, c’est créer les marchés de demain pour nos entreprises à travers la création de réseaux d’influence partout dans le monde.

La recherche de partenariats avec les entreprises présentes sur place me paraît insuffisante, notamment dans les pays émergents comme l’Inde ou le Brésil. Il faut conduire une réflexion approfondie sur l’opportunité des partenariats public-privé dans ce domaine.

Mme Marie-Louise Fort. J’ai reçu, l’an dernier, des élèves formés dans une école française au Salvador. J’ai été frappée, au-delà de leur niveau de maîtrise de notre langue, par l’enthousiasme de ces jeunes pour notre pays, sa culture et ses valeurs.

Comment faire des questions d’enseignement et de promotion de notre culture à l’étranger un enjeu transversal dans tous nos échanges avec les autres Etats ? Nous ne pouvons pas décevoir l’appétence marquée de nombreux jeunes à l’étranger pour notre pays.

Mme Geneviève Colot, rapporteure. Concernant la création d’une agence culturelle, les choses ont évolué depuis la proposition initiale consistant à regrouper l’ensemble des services au sein d’une seule institution. Désormais, la priorité est donnée à la constitution de deux établissements publics industriels et commerciaux, l’un chargé des aspects culturels en remplacement de CulturesFrance, l’autre, qui remplacera trois organismes, consacré aux questions de mobilité internationale. Toutefois, la création de ces EPIC n’est pas faite, et il faudra encore, une fois ces instances créées, trancher la question de leurs liens avec les réseaux existants.

S’agissant des contributions que vous pourriez être amenés à effectuer suite à vos déplacements, il serait tout à fait possible d’enrichir notre rapport des témoignages que vous pourriez nous faire parvenir. Ces expériences sont utiles, notamment pour examiner les apports potentiels de la mise au point de partenariats public-privé. J’ai constaté, lors d’une mission au Cap-Vert, que les entreprises françaises ont dû, en l’absence de toute offre d’enseignement lors de leur installation dans le pays, mettre sur pied à leur propre initiative un système d’accueil et de formation pour les enfants. Développé en partenariat avec l’AEFE, dont la présence est essentielle pour la réussite de tels projets, ce réseau permet aujourd’hui d’accueillir les élèves de la maternelle au lycée.

Je partage l’idée selon laquelle il existe un réel enthousiasme pour la culture française dans le monde. Dans le cadre des activités du groupe d’amitié France – Albanie, j’ai pu constater l’influence de nos valeurs dans ce pays, la bonne image de la France et l’importance de la francophonie. Il est clair que nous pouvons développer des liens très étroits dans ces domaines avec des pays qui n’apparaissent pas prioritaires à première vue.

M. Philippe Cochet. Je me permets de suggérer l’audition de personnes qui ont connu le système d’enseignement, et le réseau culturel français à l’étranger, depuis plusieurs années. Aujourd’hui, l’activité de nos institutions s’apparente trop souvent à des démarches « cultureuses ». Il est bon que le français soit la langue de la culture, mais il doit également redevenir la langue des affaires, car les langues sont aujourd’hui en compétition au niveau international.

M. Jean-Michel Boucheron. Il me semble évident que la commission des affaires étrangères est la plus légitime pour réfléchir sur ce sujet et je comprends parfaitement les raisons qui ont conduit nos collègues à présenter ce rapport d’étape. Les réseaux culturels et d’enseignement français connaissent effectivement une certaine décrépitude ; ils restent néanmoins bien plus développés que ceux des autres pays. Nous sommes les héritiers de réseaux mis en place à une époque où la place de la France dans le monde était plus importante. Nous devons donc choisir entre conserver ce qui existe ou adapter les réseaux à la réalité de notre situation financière. Les préconisations du rapport d’étape sont très intéressantes, mais ne vont-elles pas se heurter aux dures lois de la révision générale des politiques publiques ? Ne faudrait-il pas demander une forme de dérogation au profit du rayonnement culturel de la France ? Sans cela, il est à craindre que ces propositions ne puissent être suivies d’effet. La principale question est celle de savoir si nous sommes prêts à faire un effort financier pour cet objectif, ou pas.

Mme Martine Aurillac. La mission d’information devrait entendre notre collègue sénatrice Joëlle Garriaud qui vient, à la demande de l’UMP, de rédiger un rapport sur les thèmes de la mission. Elle cite notamment le cas de la Chine, qui a ouvert quatre cents instituts Confucius dans soixante et onze pays en seulement quelques années. Nous sommes ainsi confrontés à une forte concurrence, y compris des pays que l’on qualifie aujourd’hui encore improprement d’émergents.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il a été décidé d’attendre trois années avant de trancher la question du rattachement éventuel du réseau à la future agence culturelle ?

M. Michel Terrot. A l’occasion de mes fréquents déplacements en Afrique, je rencontre souvent des familles françaises expatriées qui craignent que la multiplication des enseignants recrutés locaux, au détriment des enseignants français expatriés, ne nuise à la qualité de l’enseignement dans les lycées français, ce qui pose des problèmes aux élèves qui poursuivent leurs études en France. Certes, on ne peut nier la question financière, mais j’estime qu’il faudrait obtenir une sanctuarisation des moyens afin de maintenir le niveau de l’enseignement français à l’étranger. Je trouve très intéressantes les pistes de réflexion retenues dans le rapport d’étape.

Mme Geneviève Colot, rapporteure. Je partage entièrement l’analyse de M. Philippe Cochet.

Je répondrai aux inquiétudes exprimées par M. Jean-Michel Boucheron que nous proposons notamment une rationalisation des réseaux culturels avec la fusion des alliances françaises et des instituts culturels. Cette dernière proposition se heurte aux réticences de certains des responsables des alliances françaises, qui ne voient pas favorablement le droit de regard qu’elle conférerait aux ambassadeurs sur les activités des alliances. Mais elle ne me semble pas incompatible avec la RGPP car elle permettrait de réaliser des économies importantes.

Nous prendrons connaissance avec intérêt des conclusions du rapport de Mme Garriaud.

Le ministre des affaires étrangères a décidé de ne trancher que dans trois ans la question du rattachement du réseau à l’agence culturelle car il pose des questions de droit et suscite aujourd’hui l’hostilité de son administration.

Il est vrai que, depuis plusieurs années, on a favorisé le remplacement des enseignants expatriés par des recrutés locaux pour réaliser des économies. Fréquemment, seul le directeur de l’établissement est un expatrié. Le niveau des lycées reste très bon, puisque le taux de réussite au baccalauréat est de 95 % au minimum. Le rapport d’étape préconise néanmoins le maintien d’une part suffisante d’enseignants expatriés.

M. Dominique Souchet. La mission d’information a-t-elle comparé les réseaux français culturels et d’enseignement à ceux de nos principaux partenaires ? Si la Chine développe son réseau culturel, le réseau d’enseignement français reste sans aucun équivalent dans le monde. La Grande-Bretagne est, me semble-t-il, en train de réduire son réseau culturel, tandis que l’Allemagne l’a nettement étoffé en Europe orientale et dans les pays de la CEI.

M. Jean Grenet. L’organisation actuelle des réseaux n’est pas très claire. Il est difficile de savoir exactement qui fait quoi et qui prend les décisions. Deux questions m’apparaissent essentielles : dans quel type de pays l’effort doit-il être prioritaire – dans les pays où la culture et la langue françaises sont traditionnellement présentes, ou dans les pays émergents ? Quels moyens veut-on y consacrer ?

Mme Geneviève Colot, rapporteure. Les travaux de la mission d’information ont débuté par l’audition de représentants du Goethe Institut, du British Council et de l’Institut Cervantès. Leur fonctionnement n’est pas toujours comparable à celui de nos réseaux. En particulier, les instituts allemands et espagnols ont moins de liens institutionnels avec les ambassades.

Pour ce qui est de la situation chinoise, je rappellerai que ce pays compte chaque année 2 millions d’étudiants supplémentaires. Pour absorber cette explosion quantitative, la Chine devrait théoriquement ouvrir chaque semaine deux nouvelles universités accueillant chacune 20 000 étudiants, ce qui n’est évidemment pas possible. C’est pourquoi elle envoie un grand nombre d’étudiants à l’étranger. Notre pays en reçoit une bonne part. Tout comme la grande majorité des autres étudiants étrangers, ils le quittent après quelques années, et ils rentrent chez eux en étant devenus francophones et francophiles, ce qui est évidemment très positif.

M. Jean-Marc Roubaud, président. En conclusion, je souligne combien il est important que notre commission soit saisie au fond du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’Etat. Le bilan dressé par Mme la Rapporteure est mitigé. La question centrale est celle de la réorganisation des réseaux. J’y ajouterai la nécessité d’établir un lien entre le rayonnement culturel et linguistique et le développement économique.

La commission autorise la publication du présent rapport d’étape.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 12 janvier 2010 à 17 heures

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Claude Birraux, M. Jean-Michel Boucheron, M. Philippe Cochet, Mme Geneviève Colot, M. Michel Destot, Mme Marie-Louise Fort, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Lionnel Luca, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Marc Roubaud, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Gérard Voisin

Excusés. - Mme Nicole Ameline, Mme Sylvie Andrieux, M. Christian Bataille, M. Jean-Louis Bianco, Mme Chantal Bourragué, M. Jean-Pierre Dufau