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Commission des affaires étrangères

Mercredi 20 janvier 2010

Séance de 10 h 00

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Table ronde sur les relations entre l’Union européenne et les Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Serbie)

– Informations relatives à la commission

Table ronde sur les relations entre l’Union européenne et les Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Serbie), en présence de M. Jean-Arnault Dérens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans ; Mme Marina Glamotchak, chercheur associé à l’Institut des Sciences sociales du politique (IEP/CNRS/Nanterre-Paris X) ; M. Edouard Beslay, directeur-adjoint de l'Europe continentale au ministère des affaires étrangères et européennes ; M. Pierre Mirel, directeur à la direction générale de l’Elargissement de la Commission européenne.

La séance est ouverte à dix heures.

M. le président Axel Poniatowski. Il y a deux ans, deux de nos collègues, Jean-Pierre Dufau et Jean-Michel Ferrand, présentaient un rapport d’information sur l’avenir du Kosovo. Quelques semaines plus part, le pays proclamait son indépendance, que la France a été parmi les premiers pays à reconnaître. En mai dernier, la commission a entendu M. Yves de Kermabon, chef de la mission EULEX au Kosovo. Au cours de l’année passée, elle a aussi autorisé la ratification des accords de stabilisation et d’association (ASA) avec l’Albanie et le Monténégro ; elle examinera prochainement le projet de loi visant à autoriser la ratification de l’ASA avec la Bosnie-Herzégovine. La commission a aussi reçu, notamment, M. Tadic, le président de la République de Serbie.

Nos travaux, on le voit, font régulièrement une place à l’un ou l’autre des pays des Balkans occidentaux. Il nous a donc semblé qu’une table ronde permettant d’aborder la situation de l’ensemble de ces pays, et en particulier leurs relations avec l’Union européenne, serait d’un grand intérêt, dès lors que nous réfléchissons également aux frontières de l’Europe.

Pour éviter que la discussion ne porte sur un ensemble de pays trop hétérogène, nous avons choisi de la centrer sur les Etats des Balkans qui sont les plus éloignés de l’Union européenne, c’est-à-dire sur ceux auquel le statut de candidat à l’adhésion n’a pas encore été reconnu. Il s’agit donc de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Serbie et du Kosovo.

M. Pierre Mirel, directeur à la direction générale de l’Elargissement de la Commission européenne. Je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me donnant l’occasion de m’exprimer sur ces questions. Je voudrais commencer en rappelant rapidement le contexte et les conditions posées dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union européenne. Celles-ci reposent sur les critères de Copenhague, dont le volet politique est désormais repris dans le traité de Lisbonne. D’autres critères ont été fixés à la suite des guerres des Balkans. On parle ainsi des critères de Zagreb, définis lors du sommet réuni dans cette ville en 2000. Ceux-ci impliquent une bonne coopération avec le tribunal pénal international pour la Yougoslavie (TPIY), le maintien de relations de bon voisinage, et l’engagement dans une coopération régionale accrue.

En pratique, la marche vers l’Union européenne commence par la signature d’un accord de stabilisation et d’association (ASA), à la suite de laquelle l’Etat peut déposer sa candidature à l’adhésion. C’est aujourd’hui le cas pour trois Etats des Balkans : la Serbie, le Monténégro et l’Albanie.

La Commission donne ensuite un avis indiquant si elle estime que le pays qui a déposé sa candidature satisfait suffisamment, ou non, aux critères d’adhésion pour proposer l'ouverture des négociations d'adhésion. Cette position ne lie pas le Conseil, auquel revient la décision finale de reconnaître ledit pays comme candidat. Toutefois, dans les faits, seul le dossier grec avait vu le Conseil s’écarter de l’avis, négatif, de la Commission.

L’Albanie a déposé son dossier de candidature en avril 2009. Le Conseil a demandé, lors de sa réunion de novembre, l’avis de la Commission. Celle-ci a donc entrepris la procédure habituelle dans de pareils cas. Un long questionnaire a été envoyé aux autorités albanaises, et des contacts pris avec des organisations non gouvernementales, ainsi que des interlocuteurs du pays et de l’extérieur, afin de disposer de plusieurs sources d’information. L’instruction du dossier devrait durer de 12 à 14 mois.

L’Albanie connaît un climat politique particulier. Au boycott actuel du Parlement par le parti socialiste, s’ajoutent des problèmes plus anciens dans le domaine judiciaire, et quant au respect de la règle de droit en général. On ne peut, pour autant, oublier le passé de l’Albanie, pays longtemps marqué par un régime quasi féodal très fermé, auquel a succédé une des dictatures les plus dures de la planète, comparable à celle de la Corée du Nord. Considérant cet héritage, on peut apprécier les progrès accomplis.

Le Monténégro : petit pays, petits problèmes? Il s'est doté d’un petit appareil étatique, depuis sa récente indépendance, d'où des difficultés à mettre en œuvre les réformes. La candidature du Monténégro a été déposée en décembre 2008, au cours de la présidence française de l’Union européenne. L’avis de la Commission devrait être rendu en novembre 2010. Les difficultés à résoudre concernent principalement la règle de droit, mais dans d’autres domaines, notamment la législation sur les minorités et la coopération régionale, de véritables succès ont été enregistrés.

La Serbie a signé un accord de stabilisation et d’association en juin 2008. Le processus de ratification n’a pas été lancé par l’Union européenne, celle-ci estimant que la Serbie ne coopérait pas convenablement avec le TPIY. Le rapport du procureur auprès de cette juridiction, établi en décembre 2009, a souligné les avancées positives de ses relations avec la Serbie. Les Pays-Bas ont alors levé leur veto à l’application de l’accord intérimaire commercial, qui a pu entrer en vigueur fin 2009. Toutefois, l’avis sur la candidature de la Serbie (déposée en décembre 2009, et la ratification de l’ASA, ne sont pas encore d’actualité du fait des dernières difficultés à résoudre avec le TPIY.

La levée de l’obligation de visas entre l’Union européenne et la Serbie (ainsi qu'avec le Monténégro) a été saluée avec une grande satisfaction par ce pays. Des problèmes doivent encore être réglés, en plus de ceux liés aux activités du TPIY, dans les relations serbo-croates, et bien sûr concernant le Kosovo. Toutefois, lorsque la volonté politique est présente, la Serbie a la capacité d'avancer rapidement.

La Bosnie-Herzégovine a signé un accord de stabilisation et d’association avec l’Union européenne. Mais cet Etat ne dispose pas encore d’une souveraineté totale sur son territoire. La Bosnie est encore sous mandat international. L’Union européenne estime donc que sa candidature est prématurée. Par ailleurs, le fonctionnement de l'Etat n'est pas satisfaisant. Un processus de réformes a été proposé en octobre dernier, par l'UE et les Etats-Unis, afin de rendre la constitution bosnienne compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme et de fermer le bureau du Haut Représentant. Bien que les discussions aient commencé, les conditions ne sont pas encore remplies pour un accord sur ces points.

Le Kosovo, qui a déclaré unilatéralement son indépendance en février 2008, reste toutefois soumis à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. 64 Etats l’ont reconnu, dont 22 de l’Union européenne. Cela signifie donc que cinq Etats membres ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo. Au-delà de cette divergence d’appréciation, il existe un consensus européen sur la mission EULEX, qui apporte une assistance dans les domaines de la police, de la justice et des douanes. De la même manière, un consensus certain règne en matière d’aides versées au Kosovo. Dans le cadre du processus de stabilisation et d’association, des discussions sont menées, et des avancées pourraient être enregistrées pour libéraliser les échanges économiques et aménager le régime des visas. Toutefois, les défis à résoudre restent extrêmement nombreux.

De manière générale, dans la région des Balkans, des difficultés de frontières persistent. Par ailleurs, les Balkans continuent de souffrir d’une mauvaise image au sein de l’Union, ce qui à elle seule représente une difficulté certaine.

Mme Marina Glamotchak, chercheur associé à l’Institut des Sciences sociales du politique (IEP/CNRS/Nanterre-Paris X). Je me propose d’analyser le souhait d’intégration européenne de la Serbie à travers le prisme des relations économiques russo-serbes. Cette dimension est en effet essentielle à l’heure où se développe la compétition économique dans les Balkans, notamment dans le domaine de l’énergie, et où la Russie déploie dans ce même domaine une véritable diplomatie économique.

La Russie renforce en effet sa position au sein des relations énergétiques internationales et l’énergie est aujourd’hui un enjeu stratégique de la relation qu’elle entretient avec l’Union européenne. Des projets de gazoducs en provenance de la Mer noire et de la Caspienne, South Stream et Nabucco, qui concernent directement l’Union européenne, s’entrecroisent dans les Balkans. Ainsi, la Russie, établit une nouvelle relation avec cette région – notamment la Serbie – reposant sur des intérêts énergétiques : le premier sommet de l’énergie de l’Europe du Sud-Est s’est tenu à Zagreb le 25 juin 2007, sous l’égide de la Russie.

Dans le contexte de l’affirmation de la présence de la Russie dans les Balkans, on constate que les entreprises russes du secteur de l’énergie font des acquisitions à un prix fixé à l’avance lors de négociations directes, et qu’elles assortissent ces acquisitions de promesses mirifiques à propos d’investissements futurs ou de programmes d’exploitation ambitieux. Il faut noter que ces entreprises ne visent pas seulement le marché serbe, trop étroit à l’échelle des magnats russes, mais l’ensemble des pays balkaniques.

Avec ces nouvelles acquisitions russes dans le domaine de l’énergie, il faut clairement compter désormais sur le retour durable de la Russie dans sa zone d’influence balkanique. Or comme l’a évoqué M. Mirel, les États des Balkans sont engagés à des degrés divers dans le processus d’intégration européenne. Pour la Serbie, l’adhésion à l’Union est un objectif stratégique. Je ne répète pas ce qui vient d’être dit quant à sa situation juridique et politique à cet égard.

Sur le plan énergétique, il faut parler de prise de contrôle du pétrole et du gaz serbes par la Russie. En effet, aux termes de l’accord stratégique sur l’énergie conclu le 24 décembre 2008 entre la Russie et la Serbie – qui garantit la place de cette dernière sur la carte de l’énergie en Europe –, quatre engagements sont pris : la vente de 51 % du capital de l’industrie pétrolière de Serbie (NIS) à la compagnie russe Gazprom pour 400 millions d’euros, des investissements russes dans NIS de 500 millions d’euros d’ici à 2012, la construction d’un gazoduc à travers la Serbie d’ici la fin de 2015 – projet pour l’instant repoussé –, et enfin la modernisation et l’agrandissement du dépôt de gaz à Banastki Dvor, en Voïvodine.

Très souvent, la relation russo-serbe est réduite à une « amitié slave » plus ou moins fantasmée. Il ne faut pas confondre le panslavisme historique, qui est un sentiment de solidarité entre les populations, avec le néo-panslavisme actuel qui se définit plutôt par un soutien entre gouvernements. Je citerai à cet égard ce mot récent de l’ambassadeur russe à Belgrade : « Nous pouvons avons beau acheter vos entreprises ; vous n’achetez pas nos produits ». Le deuxième point de fixation dans la relation russo-serbe est évidemment la question du Kosovo. Le soutien de la Russie à la Serbie sur ce sujet est en effet à l’origine d’un partenariat dissymétrique : pour prix de sa position diplomatique (avant tout hostile à l’OTAN), la Russie a obtenu de la Serbie une participation majoritaire au capital de NIS pour la moitié de sa valeur.

Les autres accords russo-serbes ont été conçus pour faciliter les échanges entre les deux pays. Mais qui se souvient encore de l’accord de 1999 qui a créé l’Union slave entre la Russie et la Biélorussie, à laquelle la Serbie participe comme observateur ? Il existe également un protocole russo-serbe de libre échange et la Serbie demeure l’unique pays qui bénéfice du libre commerce avec la Russie. Les entreprises étrangères implantées en Serbie, y compris françaises, profitent également de cette conjoncture économique. Enfin, les intérêts russes en Serbie concernent d’autres secteurs que les hydrocarbures et ces projets ont pris une ampleur nouvelle lors de la visité officielle du Président Medvedev, du 20 octobre 2009, en Serbie. En effet, le président russe a accordé un prêt à la Serbie pour un montant d’un milliard de dollars afin de réaliser des projets d’investissements, stabiliser le budget serbe et lancer des projets d’infrastructures.

Par le biais de la diplomatie énergétique, la politique étrangère russe confronte l’Union européenne à deux défis : il s’agit, premièrement, de la construction d’une politique étrangère commune, étant donné la diversité des liens qu’entretiennent les États membres avec la Russie – la Slovénie a par exemple signé un accord bilatéral avec la Russie en novembre dernier pour devenir le cinquième État membre de l’Union à rejoindre le projet de gazoduc South Stream. Le second défi réside pour l’Union dans l’articulation entre ses différents instruments de politique étrangère, à l’égard de ses voisins et de ses partenaires stratégiques. Vue de l’Union européenne, la politique étrangère russe appliquée au secteur de l’énergie prend davantage en compte les considérations géopolitiques que les règles du marché, même si les observateurs européens ne sont pas tous d’accord sur ce point.

En conclusion, il n’y a pas de dilemme serbe entre Ouest ou Est. En effet, on peut résumer les objectifs du gouvernement serbe en quatre points : l’objectif stratégique d’adhésion à l’UE, les relations privilégiées à entretenir avec l’Union mais aussi la Russie, la Turquie et la Chine, l’affirmation sur la scène internationale – en particulier en saisissant la Cour internationale de justice de la licéité de la proclamation d’indépendance du Kosovo – et enfin la relance du Mouvement des Non-alignés, en tant que successeur légitime de la Yougoslavie, question tout à fait digne d’intérêt.

M. Jean-Arnault Dérens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans. Parler de la Bosnie-Herzégovine est finalement quelque peu déprimant. Ce que je vais dire est dans la tonalité de ce que j’aurais pu dire il y a deux ou trois ans, à savoir que nous sommes aujourd’hui toujours dans le cadre de la même crise, avec les mêmes éléments de blocage. Rien n’a changé si ce n’est l’introduction d’un facteur aggravant, le fait que la Bosnie-Herzégovine n’ait pas été concernée par la suppression de l’obligation de visa pour entrer dans l’Union Européenne. Cette décision est perçue localement comme une injustice forte, comme la preuve que rien n’avance et que le pays est condamné à un sur place éternel.

Or le temps passe. Quatorze ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre et la signature des accords de Dayton. Le débat porte fondamentalement sur la question de savoir s’il faut un Etat ou maintenir les deux entités actuelles qui constituent le pays ; ce sont des paramètres fondamentaux du débat politique et ils n’ont absolument pas changé depuis quatorze ans et la Bosnie-Herzégovine se trouve dans un après-guerre interminable. Par comparaison, en France, en 1959, il y a longtemps que l’on n’était plus dans la problématique de l’après-guerre.

Il y a ensuite un autre serpent de mer. Celui du rôle et des conséquences de la tutelle internationale comme obstacle à l’intégration. La question se pose toujours en ces termes. Le protectorat est contreproductif car il aboutit à une irresponsabilité de la classe politique bosnienne. En ce qui concerne ses intérêts de caste, il n’y a aucun problème, et le maintien du statu quo lui convient parfaitement. C’est d’ailleurs un échec de la société civile bosnienne que de n’avoir pas réussi à changer cette classe politique. C’est l’une des raisons pour lesquelles les talents quittent le pays, partent, et qu’il y a une émigration des Bosniens éduqués. C’est l’échec aussi de la communauté internationale qui s’est engagée sur les accords de Dayton, ainsi que de l’Union Européenne qui n’a pas été capable de résoudre la situation, à savoir trouver une solution politique qui permette la sortie du statu quo.

Il y a donc une crise permanente. On est dans un face à face constant entre le Haut représentant et l’exécutif local, qui ne mène à rien et ne permet pas de résoudre les problèmes. La situation s’est aggravée depuis l’indépendance du Kosovo, qui est utilisée dans le débat politique comme arme atomique rhétorique : alors même que Milorad Dodik, le premier ministre de la république serbe de Bosnie, n’a aucune envie d’aller vers l’indépendance, il ne cesse désormais d’agiter cette menace. Or, rien ne changera car il y a peu d’idéologie et beaucoup de corruption et la situation actuelle, dont il profite, lui convient parfaitement pour assurer son autorité. Il n’est qu’une pure création de l’Occident que personne n’ose défier, notamment pas le Haut représentant qui ne fait rien contre lui. Le grand problème, en ce qui concerne l’indépendance du Kosovo, c’est l’absence de politique régionale. On n’applique la méthode Coué, en s’abreuvant de formules creuses sans vision générale.

On ne sortira pas de la crise sans une politique régionale ; la classe politique ne trouvera pas la solution toute seule. Les Bosniens ont dit qu’ils étaient d’accord sur la réforme des institutions telle que proposée à l’issue de la réunion de Butmir mais rien ne se fait. Pour trancher le débat, il faudra associer très étroitement les Bosniens au dialogue régional qui devrait être mené dans une perspective d’intégration dynamique.

Quant au respect des critères de Copenhague, il faut arrêter l’hypocrisie. La Bosnie-Herzégovine ne les respectera pas, c’est une évidence. Il faut imaginer quelque chose au plan régional, plus constructif que ce que l’Occident propose actuellement.

La communauté internationale est désarmée face à Milorad Dodic. Seule la Serbie peut avoir une influence car la classe politique serbe le connaît bien. Il faut donc laisser la Serbie et la Croatie jouer le jeu sur un plan régional. Ce sera nécessairement constructif car il n’y aura de solution que dans le cadre de l’intégration dans un processus régional.

M. Edouard Beslay, directeur-adjoint de l'Europe continentale au ministère des affaires étrangères et européennes. Avant d’aborder la question du Kosovo lui-même, je souhaiterais réagir aux propos que vient de tenir M. Dérens. Je suis d’accord avec lui sur certains points, parmi lesquels la situation de blocage dans laquelle se trouve actuellement le pays, mais je ne partage pas son avis sur la responsabilité de l’Union européenne dans cette situation et sur le fait qu’elle constituerait un échec pour les vingt-sept. L’Union européenne n’est pas maîtresse du destin de la Bosnie-Herzégovine. S’il est vrai qu’une partie du problème réside dans le fait que le Haut représentant soit toujours en place quinze ans après l’accord de Dayton, l’Union européenne ne saurait en être tenue responsable. Elle a au contraire joué un rôle très positif en Bosnie-Herzégovine. Par exemple en ce qui concerne l’obligation de visa pour entrer dans l’Union, il a été clairement indiqué aux autorités bosniennes qu’elle sera levée quand auront été menées à bien une série de réformes internes, parmi lesquelles l’amélioration du contrôle des frontières et la délivrance de passeports sécurisés. Une fois ces conditions posées, un accord a été trouvé en seulement quelques mois au sein des différentes forces politiques bosniennes afin de prendre les mesures qui étaient nécessaires. De la même manière, l’Union a exigé la réalisation de réformes – réforme fiscale, création d’une TVA nationale, mise en place d’une armée et d’une police communes à l’ensemble du pays – en contrepartie de la conclusion de l’accord de stabilisation et d’association. En dépit des clivages internes, ces réformes ont été menées à bien car elles étaient nécessaires au rapprochement entre le pays et l’Union européenne. On voit ainsi que chaque fois que l’Union a posé des exigences claires, il y a eu un consensus en Bosnie-Herzégovine pour les respecter.

Pour en venir au Kosovo, les autorités françaises estiment que près de deux ans après la proclamation de son indépendance, intervenue le 17 février 2008, la situation est satisfaisante, même si le processus de construction du nouvel Etat n’est pas achevé. Il est vrai que le Kosovo n’a pas encore complètement trouvé sa place au sein de la communauté internationale puisque son indépendance n’a été reconnue que par soixante-cinq Etats et que cinq membres de l’Union européenne refusent encore cette reconnaissance. La Serbie a obtenu de l’Assemblée générale des Nations unies que la Cour internationale de justice soit saisie de la question de la légalité de la proclamation d’indépendance du Kosovo. La Cour devrait donner son avis au cours de l’été 2010 et un grand nombre de pays attend cet avis avant une éventuelle reconnaissance du Kosovo. Il est néanmoins probable que la réponse sera nuancée, ou peut-être même la Cour estimera-t-elle que la question de l’indépendance ne relève pas de la compétence des Nations unies.

La Serbie conteste encore l’indépendance du Kosovo et refuse par exemple que celui-ci participe aux réunions régionales. Elle s’oppose également à l’intégration des Serbes du Kosovo dans les institutions du pays et à toute collaboration avec ces dernières. La question des relations serbo-kosovares n’est donc pas encore réglée. Elle devra être avant que ne puisse être envisagée l’adhésion de la Serbie ou du Kosovo dans l’Union européenne.

Malgré ces difficultés, la situation actuelle au Kosovo me semble néanmoins constituer un succès à la fois pour la communauté internationale, pour la région des Balkans et pour le pays lui-même.

En effet, à la satisfaction de la communauté internationale, le Kosovo applique intégralement les éléments qui figuraient dans le statut élaboré par Marti Ahtisaari au premier rang desquels la construction d’une démocratie moderne faisant leur place aux minorités, et notamment à la communauté serbe. Les dirigeants kosovars ont mis en œuvre avec sérieux ces exigences et sont parvenus à mettre en place une administration nationale et à doter d’un statut les communautés serbes. Des municipalités serbes ont été créées et il leur a été accordé une autonomie de gestion en matière d’éducation, de culture et de santé. La communauté internationale ne peut que se réjouir de cette situation qui atteste de la pertinence du pari qu’elle avait fait sur la volonté des Albanais du Kosovo de vivre en bonne intelligence avec leurs concitoyens serbes. Le taux de participation aux récentes élections municipales dans les municipalités serbes en témoigne. Seule la partie serbe de Mitrovica résiste à cette évolution, sa population continuant à refuser de s’intégrer dans les institutions du Kosovo indépendant. Partout ailleurs on assiste à un début de ce processus d’intégration qui est rassurant pour la stabilité future du pays.

L’indépendance du Kosovo a aussi contribué à la stabilisation de la région. Contrairement aux inquiétudes de certains, aucun effet domino n’a été constaté, aucune nouvelle demande séparatiste n’est intervenue. La déclaration d’indépendance du Kosovo a au contraire mis fin à une période de tensions liées à l’insatisfaction des Albanais du Kosovo et aux inquiétudes serbes. Elle s’est traduite par un sentiment général de soulagement. On ne peut que partager l’analyse du président croate qui a déclaré, au cours d’une récente visite à Pristina, que l’indépendance du Kosovo n’avait pas constitué un précédent mais avait signifié l’achèvement du processus de désagrégation de la Yougoslavie commencé en 1991. Au cours des derniers mois, on a en outre assisté à l’accélération des processus de rapprochement de l’Union européenne en ce qui concerne le Monténégro, la Macédoine et la Croatie notamment.

Au Kosovo même, le travail est pourtant loin d’être terminé. Le développement économique n’en est qu’à ses débuts, gêné qu’il est par la faiblesse des investissements étrangers, en partie liée au nombre limité d’Etats ayant reconnu l’indépendance kosovare. Il ne faut pas s’attendre à une évolution économique positive sans amélioration des relations avec la Serbie. C’est pourquoi une fois que la Cour internationale de justice se sera prononcée, notre priorité devra être de pousser la Serbie à trouver une solution lui permettant de développer ses relations avec le Kosovo.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous remercie pour ces propos très intéressants et le débat animé qu’ils provoquent. Ils semblent démentir ceux qui il y a deux ans pronostiquaient les pires conséquences d’une indépendance du Kosovo : cette dernière a contribué à la stabilisation de la région et les minorités sont aujourd’hui respectées.

M. Jean-Pierre Dufau. Je préside le groupe d’amitié France-Serbie. Les Balkans ont connu l’effet boomerang de la chute du mur de Berlin, dont nous nous étions pourtant réjouis. Dans quatre ans seront célébrés les cent ans de la première guerre mondiale. Si l’histoire n’est pas un éternel recommencement, la « poudrière » des Balkans demeure un problème majeur qui doit être abordé dans toute sa complexité.

Tous les Etats des Balkans sont candidats à l’adhésion à l’Union européenne en raison d’intérêts à court ou moyen terme selon les cas. Parallèlement, la Russie est très présente. Le paradoxe de la situation peut se résumer ainsi : l’Union européenne cherche à attirer des Balkans consentants tandis que les Russes, grâce à l’arme énergétique, disposent d’une influence considérable. L’ONU et les Etats-Unis ne peuvent pas régler le problème balkanique. Il convient donc de favoriser une solution équilibrée, qui ne soit pas seulement européenne et tenant compte des populations. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la priorité que pourraient accorder certains Etats à l’adhésion à l’OTAN au détriment de l’Union européenne.

Je poserai plusieurs questions : peut-on parler de manque de coopération de la Serbie avec le tribunal international dès lors qu’aucune obligation de résultat ne lui a été imposée ; reprocherait-on à la CIA son manque de coopération pour n’avoir pas encore capturé Ben Laden comme l’avancent les autorités serbes ? Quel est l’état du déploiement d’EULEX au Kosovo ? Initialement, le Kosovo y était réticent tandis que la Serbie paradoxalement y était favorable. Enfin, la saisine de la cour internationale par la Serbie au sujet du Kosovo illustre t-elle la volonté serbe de traiter cette question par la voie diplomatique ?

M. Jean-Michel Ferrand. Les Balkans donnent toujours lieu à des débats extraordinaires. Il y a deux ans, je m’interrogeais sur le devenir du Kosovo et aujourd’hui les motifs de scepticisme ne manquent pas : les progrès économiques du Kosovo sont inexistants, il n’y a qu’une économie souterraine ; en l’absence d’indépendance de jure, l’incertitude pèse sur les conséquences d’une future décision de la Cour contestant la légalité de l’indépendance du Kosovo, notamment pour les pays l’ayant déjà reconnu ; contrairement à ce qu’a dit le Président, l’indépendance du Kosovo a eu des conséquences négatives : elle a été utilisée comme prétexte par les Russes pour reconnaître notamment les républiques d’Ossétie et d’Abkhazie, bientôt ce sera la Moldavie…

Je me demande pourquoi on veut faire éternellement payer à la Serbie le fait d’avoir cru les démocraties occidentales en 1914 qui encourageaient l’existence d’une « grande Serbie ». A cet égard, ces dernières ne sont pas étrangères à l’attentat de Sarajevo qui permettait de déstabiliser les empires centraux.

S’il est vrai que les Serbes ont des responsabilités dans les événements récents, on ne peut pas leur reprocher perpétuellement de ne pas parvenir à capturer Ratko Mladic. La ferme opposition des Pays-Bas à la candidature serbe à l’adhésion à l’Union européenne s’explique par leur volonté de faire oublier leurs propres responsabilités dans la situation passée. Si j’approuve les propos de M. Dérens sur le rôle moteur que doit jouer la Serbie dans la région, en revanche, je ne partage pas la vision angélique de M. Beslay sur le Kosovo : si les troupes occidentales se retiraient, les choses risqueraient fort de se dégrader.

M. Jean-Paul Bacquet. Je suis extrêmement pessimiste contrairement aux exposés que nous venons d’entendre. Je ne suis pas sûr que la construction de l’Union européenne par la décomposition des Balkans permette une paix durable et une stabilisation de la région.

Les reconnaissances de la Croatie et du Kosovo par différents pays n’ont pas fait avancer les choses dans ce sens. En outre, il semble inimaginable d’intégrer un Kosovo sous mandat de l’ONU et en présence de la KFOR. Où sont les Serbes qui ont quitté le Kosovo, notamment ceux qui vivaient dans les enclaves ?

Pour le Kosovo, pensez-vous vraiment que quelques coups de baguette magique et incantations suffiront à régler une situation qui est instable depuis 1389 ? Je partage les avis exprimés par mes collègues précédemment : la décomposition des Balkans est destructrice, la stabilité est loin d’être acquise et rien ne pourra se faire sans la Serbie.

M. Alain Néri. Comment peut-on envisager la candidature serbe à l’adhésion à l’Union européenne alors que deux problèmes sérieux restent à régler : les relations avec le Kosovo et les criminels de guerre pour l’arrestation desquels la diligence fait défaut ? La qualité de démocratie s’acquiert d’abord en appliquant les règles démocratiques.

M. André Schneider. L’amitié de la Russie avec la Serbie, sur laquelle s’appuie la politique énergétique russe, au travers notamment de Gazprom, n’est-elle pas un danger pour l’Union européenne qui peine à définir sa propre politique dans ce domaine ? Cette politique n’est-elle pas un frein délibéré mis en place par la Russie à l’intégration européenne de certains pays de l’Est ?

M. le président Axel Poniatowski. Monsieur Beslay, voulez-vous répondre sur la question de la coopération avec le TPIY ?

M. Edouard Beslay. À propos de la coopération des autorités serbes avec le TPIY, je voudrais dissiper un malentendu. Le procureur près ce tribunal, M. Serge Brammertz, l’a clairement affirmé en décembre dernier : la coopération avec la Serbie est bonne et doit continuer sur cette voie, en dépit du fait que M. Mladić n’ait toujours pas été arrêté ; les autorités serbes font tout ce qu’il convient pour parvenir à cette arrestation. Il n’y a donc pas du côté du TPIY de volonté de freiner le rapprochement entre la Serbie et l’Union européenne. Si la Serbie n’avance pas plus vite vers l’adhésion, cela tient plutôt à l’attitude de certains Etats membres qui considèrent ces progrès comme encore insuffisants et estiment que seule l’arrestation de Ratko Mladić permettra à la Serbie de satisfaire à ses obligations envers le TPIY.

M. le Président Axel Poniatowski. M. Dérens, quelle est votre analyse de la décision attendue de la Cour internationale de justice quant à la licéité de la proclamation d’indépendance du Kosovo ?

M. Jean-Arnault Dérens. A priori l’avis que rendra la Cour ne tranchera ni tout à fait en faveur d’une thèse ni complètement en sens contraire, de sorte que chacun pourra l’interpréter à sa manière. Or à cet égard, si les autorités de Pristina n’ont aucune stratégie préétablie, le gouvernement serbe en poursuit une, très construite qui plus est : après avoir en premier lieu isolé cette question de droit afin qu’elle ne représente pas un obstacle sur la route vers l’adhésion, il se contentera parfaitement d’un avis mitigé de la CIJ, qui servira de motif à une réouverture des discussions. D’ailleurs personne n’imagine de solution à cette question hors d’une reprise des négociations.

Je voudrais dire à ce propos que l’analyse de M. Beslay me paraît beaucoup trop optimiste. J’en veux pour preuve la participation des Serbes du Kosovo aux dernières élections municipales, qui est de l’ordre de 5 %...

M. Edouard Beslay. Bien plus que cela ! Elle est de l’ordre de 30 %.

M. Jean-Arnault Dérens. … alors qu’elle était de 50 % aux élections parlementaires de 2001. Le Kosovo n’est nulle part ! Il n’est pas reconnu sur la scène internationale ; à l’exception du FMI et de la Banque mondiale aucune organisation internationale ne l’admet en son sein, pas plus la FIFA ou le Conseil de l’Europe ! 60 % de ses habitants ont moins de 25 ans et on estime à 60 % le taux de chômage… Le pays est dans une impasse. Les mentors internationaux de sa proclamation d’indépendance ont joué aux apprentis sorciers, mais, ne nous y trompons pas, ce sont les Albanais qui en paieront le prix.

M. le Président Axel Poniatowski. M. Mirel, pouvez-vous dresser un point de la situation d’EULEX ?

M. Pierre Mirel. La mission EULEX, chargée d’intervenir au Kosovo dans les domaines des douanes, de la police et de la justice, a aujourd’hui presque un an d’existence et peut s’enorgueillir de réussites significatives : s’agissant des douanes, la mission est déployée partout, y compris dans deux postes frontières entre le Kosovo et la Serbie ; EULEX a réussi à faire intégrer sans heurts les policiers serbes dans les rangs de la police du Kosovo ; un tribunal a pu être ouvert dans la partie serbe de Mitrovica. Les progrès sont certes lents mais comment pourrait-il en être autrement après les guerres terribles qui ont été menées ? EULEX est indéniablement un facteur de stabilisation au Kosovo. A l’heure actuelle la priorité est donnée au secteur judiciaire, où les difficultés sont les plus grandes. Enfin, si les tensions ont été vives avec les autorités du Kosovo autour du "Protocole police" signé avec la Serbie, dans le cadre de la levée de l’obligation de visa pour la Serbie, ces autorités en ont finalement reconnu l’importance et accepté le principe.

M. le Président Axel Poniatowski. Comment réconcilier ces visions très contradictoires de la situation dans un même pays ?

M. Pierre Mirel. La guerre a été terrible et il a fallu attendre neuf ans après la fin du conflit pour qu’une solution se dessine. Il aurait probablement été préférable qu’intervienne au bout de deux ou trois ans seulement l’indépendance du Kosovo, car il n’y avait pas d’autre voie possible. On peut dénigrer le faible apport économique du Kosovo à l'UE, mais ce serait nier la richesse de son patrimoine, et j’ajouterais : que pèse alors l'économie du Monténégro, hormis la beauté de ses paysages et donc le potentiel de développement de son tourisme ? Ce qui compte c'est la stabilité et non le poids économique. En outre, au Kosovo, on peut s'attendre un jour à des investissements des entreprises de Serbie.

Mme Marina Glamotchak. Je voudrais souligner que la reconnaissance du Kosovo n’a jamais été une condition préalable à l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne. Concernant les fugitifs dont le TPIY demande l’arrestation, il n’en reste que deux à ce jour, dont M. Mladić, quand 46 ont été livrés au tribunal par la Serbie. La question de l’élargissement de l’OTAN est particulièrement intéressante. Souvent on lie les deux adhésions, à l’UE et à l’OTAN, alors qu’elles sont bien distinctes, si ce n’est qu’elles traduisent toutes les deux la réalisation de progrès démocratiques. Le ministre serbe de la Défense a eu récemment l’occasion de déclarer que la Russie ne s’opposerait pas à l’entrée de la Serbie dans l’OTAN – ce qui n’a pas manqué de créer une très grande surprise.

Quant à la question qui m’a été posée sur la géopolitique de l’énergie du point de vue russe, j’y répondrai par une autre question : la politique étrangère de la Russie répond-elle vraiment à une stratégie, à une vision de long terme ? L’État russe détient de facto un monopole sur le gaz ; or il investit peu à long terme dans ce secteur, se contentant de procéder à des acquisitions. Ce n’est pas une vision stratégique. D’autre part, l’énergie est un enjeu majeur dans la relation entre l’Union européenne et la Russie, s’agissant en particulier des hydrocarbures, comme l’actualité le rappelle fréquemment. Mais il existe en fait une grande interdépendance entre la Russie et l’Union européenne – surtout certains États membres de l’est de l’Union, totalement dépendants du gaz russe. Dès lors, je vois une seule solution : la constitution d’un partenariat dans le domaine de l’énergie, par exemple autour du projet de gazoduc South Stream mais également d’autres projets. La responsabilisation de tous les acteurs est nécessaire.

M. François Loncle. Comme souvent, je suis en accord avec nos collègues Dufau et Ferrand concernant la situation dans les Balkans. Je continue de penser que la reconnaissance d’une indépendance déclarée unilatéralement est une faute majeure. Je me félicite donc que certains pays européens n’aient pas commis cette erreur.

Toutefois, il faut rester optimiste : le cas Mladic mis à part, la Serbie a accompli de vrais progrès vers l’adhésion, notamment sous l’impulsion de son président qui a su contenir les nationalistes. Les avancées croate et bosniaque sont également positives. J’insiste malgré tout sur la non viabilité de régions indépendantes, comme le Kosovo, dont le seul avenir est de se transformer en principauté mafieuse, comme d’autres zones sur notre planète. Nous devons, à l’opposé, faire en sorte que les pays qui ont une grande histoire, comme la Serbie, intègrent l’Union européenne. La Croatie et la Bosnie sont également les bienvenues.

M. Michel Destot. Il a beaucoup été question des Balkans du point de vue politique, dans ses dimensions sécuritaire et de coopération régionale, mais nous n’avons pas beaucoup abordé le volet économique. Peut-on évaluer l’impact de l’aide financière de l’Union européenne depuis 2001 ? Je le crois faible.

Peut-on évaluer le décrochage économique des Balkans vis-à-vis des Etats du dernier élargissement de l’Union ? A part la Serbie et la Croatie, les autres Etats remplissent-ils les critères économiques pour l’adhésion ?

M. Robert Lecou. En plus d’être une poudrière, les Balkans sont une mosaïque. Nous voyons aujourd’hui combien il est difficile de faire une évaluation claire de la situation respective de ces pays. Les Balkans sont au cœur de l’Europe, surtout depuis les adhésions de la Slovénie et de la Bulgarie. Certaines intégrations ont été faites pour des raisons politiques, alors que tous les critères n’étaient pas remplis. Dès lors, je ne vois pas comment on pourrait refuser aux Balkans une place dans l’Union.

Les problèmes des Balkans sont régionaux par nature, mais ils ne peuvent être réglés sans l’intégration européenne. Les peuples des Balkans sont européens, et seul un destin, un projet politique européen, pourrait aider les Balkans. Parallèlement, cela pourrait également contribuer à remédier au manque de dessein d’envergure de l’Europe.

Mme Marie-Louise Fort. La Turquie s’est toujours intéressée aux Balkans, et a renforcé ses liens avec les Etats de la région depuis quelques temps. Quelle stratégie suit-elle ? Pense-t-elle en tirer des avantages pour son propre dossier de candidature à l’Union européenne ?

M. Pierre Mirel. Les montants de l’aide de l’Union Européenne sont faibles en comparaison des besoins. C’est un des paradoxes des procédures d’adhésion. Le montant des aides à la pré-adhésion est très inférieur à celui des soutiens versés aux nouveaux Etats membres. Il serait plus positif de rééquilibrer l’aide en faveur du développement des infrastructures et des investissements préalables. L’aide à la Serbie est cependant importante ; et 100 millions d’euros ont été alloués pour l'aider à l’équilibre budgétaire face à la crise économique qu'elle traverse. C’est important car rien ne se fera sans la Serbie, tout le monde est d’accord sur ce point. L’élection du Président est le résultat de cette prise de conscience.

Quant au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, la Serbie a effectivement une obligation juridique envers lui. De plus, le jugement de la Cour internationale de justice sur Srebrenica porte obligation d’arrêter Mladic. J’ajoute que c’est aussi une obligation morale et qu’il ne faut pas oublier que l’Union Européenne s’est précisément construite sur la réconciliation. Le paradoxe, en ce qui concerne l’ex-Yougoslavie, c’est qu’après avoir été unie, elle doit désormais passer par le stade des Etats nations avant d’entrer dans l’Union qui est précisément un processus inverse. Quoi qu’il en soit, c'est la perspective européenne qui garantit la stabilité des Balkans et donc de l’Europe.

M. Jean-Arnault Dérens. La Turquie est de plus en plus présente dans les Balkans. Elle l’était lorsque la Bosnie-Herzégovine était en guerre, elle l’est de plus en plus en Serbie, sur le plan économique, bien qu’elle ait reconnu le Kosovo. C’est une bonne chose qu’elle soit ainsi présente. Il ne faut pas oublier qu’à Istanbul, la moitié de la population est originaire des Balkans. La Turquie y est donc chez elle. C’est une capitale des Balkans de par son histoire.

Mme Marina Glamotchak. Il y a aussi une autre raison au rapprochement des Balkans et de la Turquie : l’Union européenne est « fatiguée » de l’élargissement et la politique de bon voisinage est une option prometteuse pour les pays balkaniques ainsi que pour la Turquie. Restent aux Balkans à faire la preuve de leur capacité au bon voisinage.

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Informations relatives à la commission

La commission a nommé :

- M. Jean Glavany, rapporteur sur le projet de loi autorisant l’adhésion à la convention des Nations unies de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation (n° 2009) ;

- M. Gaétan Gorce, rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification d’un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part (n° 2010) ;

- M. Lionnel Luca, rapporteur sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (n° 2061) et sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (n° 2062) ;

- M. Loïc Bouvard, rapporteur sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part (n° 2146) ;

- M. Michel Terrot, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels (n° 2198) et sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 2199) ;

- M. Jean-Luc Reitzer, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile (n° 2200) ;

- M. Michel Destot, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale pour l’énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER relatif au rôle de l’inspection du travail sur le site de l’Organisation internationale ITER et portant sur la santé et la sécurité au travail (n° 2201) ;

- M. Eric Raoult, rapporteur sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine (n° 2213).

Sur proposition du Bureau de la commission, Mme Nicole Ameline et M. Gaétan Gorce ont été chargés d’un rapport d’information sur le service européen d’action extérieure.

La séance est levée à onze heure quarante.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 20 janvier 2010 à 10 heures

Présents. - Mme Sylvie Andrieux, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Jean-Louis Bianco, M. Jean-Michel Boucheron, M. Loïc Bouvard, M. Hervé de Charette, M. Dino Cinieri, M. Philippe Cochet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, Mme Geneviève Colot, M. Alain Cousin, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Jean Glavany, M. Gaëtan Gorce, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, Mme Henriette Martinez, M. Didier Mathus, M. Jacques Myard, M. Alain Néri, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Gérard Voisin

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Michel Delebarre, M. Paul Giacobbi, M. Didier Julia, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Henri Plagnol, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jean Roatta, M. Rudy Salles, M. Michel Vauzelle