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Commission des affaires étrangères

Mercredi 7 avril 2010

Séance de 09 h 30

Compte rendu n° 53

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Proposition de résolution européenne sur les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique – n° 2136 (M. Hervé Gaymard, rapporteur)

– Ratification d’un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part – n° 2010 (M. Gaëtan Gorce, rapporteur)

Proposition de résolution européenne sur les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission examine, sur le rapport de M. Hervé Gaymard, la proposition de résolution européenne sur les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (n° 2136).

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Avec Jean-Claude Fruteau, dans le cadre des travaux de la commission des affaires européennes préalables au dépôt de cette proposition de résolution, nous avons procédé à de nombreuses auditions, et effectué plusieurs déplacements, notamment au Sénégal et au Ghana. Le rapport que nous avons rédigé pour la commission des affaires européennes fait un point complet sur la question des relations entre l’Union européenne et les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), et je me propose d’en résumer quelques aspects devant vous.

Sur ce sujet, il ne faut pas manier l’euphémisme : les relations entre l’UE et les pays ACP sont un échec. Les accords déjà passés avec ces pays doivent être considérés comme inopérants. Les institutions communautaires doivent en prendre acte et décider de renégocier ces accords.

Le calendrier fixé à Cotonou n’a pas été tenu, puisque les nouveaux accords devaient être signés en 2007. J’estime qu’il s’agit là d’un problème mineur. Nous devons nous défier de la tyrannie du calendrier, et il vaut mieux se tenir à un objectif clair fixé au préalable que se tenir à une date décidée en amont.

La difficulté actuelle n’est donc pas le dépassement de la date, mais le malaise profond suscité par l’échec des relations entre l’UE et les pays ACP. Cette impasse est d’autant plus déplorable que l’Europe possède un modèle propre en matière d’aide au développement.

En effet, dès 1957, les actions dans ce domaine sont mentionnées dans les textes communautaires. Il faut d’ailleurs mentionner la prescience des pères fondateurs de l’Europe, qui ont réussi à imaginer la nécessité de prévoir une coopération pour le développement alors même que la décolonisation était loin d’être achevée.

Les mesures possibles au titre du traité de Rome ont permis la conclusion des accords de Yaoundé de 1963 et 1969, puis la signature de la convention de Lomé en 1975, très importante même si le modèle qu’elle a institué s’est peu à peu délité. En associant aide au développement et politique commerciale asymétrique, ces conventions ont permis aux pays ACP d’augmenter significativement leurs exportations vers l’Union européenne, sans risquer de voir leur marché intérieur envahi par les produits européens.

Parallèlement, les années 1960 et 1970 ont vu se multiplier les programme de coopération thématique, sur le sucre par exemple, en suivant un modèle largement inspiré des idées ayant donné naissance à cette époque à la conférence des Nations Unies sur la coopération économique et le développement, la CNUCED, créée en 1964.

À la fin des années 80 et au début des années 90, on a assisté à l’érosion du système des préférences commerciales, au détriment des pays du Sud. Ce mouvement a résulté des rounds successifs du GATT puis de la création de l’OMC en 1994 à Marrakech. En effet, tous ces accords poursuivaient la logique selon laquelle les accords commerciaux régionaux asymétriques devaient s’éteindre progressivement, étant incompatibles avec la « sacro-sainte » clause de la nation la plus favorisée – dont chacun connaît les effets pervers.

En juin 2000, à Cotonou, les préoccupations liées au développement des pays du Sud ont complètement disparu, s’effaçant devant une pure logique commerciale ; c’en était fini des régimes asymétriques. En juin 2002, le mandat de négociation confié au commissaire européen chargé du dossier revenait d’ailleurs à céder le pas aux préoccupations exclusivement commerciales.

À compter de cette date, la négociation, encalminée, n’a plus suscité d’intérêt. Au sein de la Commission européenne, c’est la direction générale chargée du commerce qui la suivait, le commissaire responsable du développement étant peu impliqué et le commissaire à l’agriculture moins encore – alors, pourtant, que la négociation portait notamment sur le sucre.

Ce n’est qu’à la faveur du coup de colère du président Abdoulaye Wade que le grand public a enfin entendu parler de cette négociation, mais ce regain d’intérêt a été de courte durée. Le remplacement de M. Peter Mandelson par Mme Catherine Ashton comme commissaire au commerce n’a amélioré la situation qu’en apparence, de sorte qu’à l’heure actuelle, rien n’a abouti ; il faut bien constater, par conséquent, l’échec des accords de partenariat économique (APE).

C’est pourquoi j’appelle à une refondation de cette politique, sous la forme d’un partenariat pour le développement économique entre l’UE et les pays du Sud. Un partenariat, c’est-à-dire une attitude d’écoute à l’égard de ces pays ACP, répartis en six zones qui sont autant de creusets d’intégration régionale, à même de bénéficier d’une politique d’aide au développement profondément rénovée. Un partenariat de développement, car on ne peut séparer de façon étanche commerce et développement ; les futurs accords doivent mêler les deux dimensions. Un partenariat de développement économique, puisque nous ne saurions oublier cette dimension dans la politique européenne menée en direction des pays ACP. À cet égard, l’aide devrait être concentrée sur quatre sujets prioritaires : les réseaux de transport, les réseaux d’électricité, l’agriculture dans tous ses aspects, ainsi que la gouvernance économique et financière. En effet, les économies des pays concernés peuvent être qualifiées d’« économies de comptoir », avec des systèmes budgétaires et fiscaux dominés par des droits de douanes très importants et des recettes fiscales internes essentiellement indirectes. Un travail d’ampleur est à mener pour moderniser progressivement ces systèmes de prélèvements.

Enfin, je veux souligner, au risque de me montrer politiquement incorrect, combien l’aspect commercial des futurs accords doit s’affranchir de la « tyrannie » de l’OMC. Nous ne ferons pas l’économie d’une réflexion de fond sur la théorie du commerce international. Il n’est certes pas question de promouvoir une quelconque autarcie d’inspiration stalinienne. Pour autant, force est de reconnaître que la théorie des échanges née au début du XIXe siècle avec David Ricardo a surtout servi les intérêts objectifs britanniques et permis le développement du Royaume-Uni, qui en a tiré un formidable moyen d’assurer sa puissance commerciale, culminant avec l’organisation d’une efficace division du travail au sein d’un empire qui représentait, comme le disait Fernand Braudel, le quart des terres émergées. La liberté du commerce international n’est pas une religion, c’est un moyen et non une fin en soi. Si l’OMC est laissée seule maîtresse du jeu sans prise en compte des implications du commerce international dans les domaines de l’aide alimentaire, de l’environnement et de l’aide au développement, nous serons durablement en situation de blocage. Dès lors, l’Europe s’honorerait si elle pouvait proposer un projet novateur vis-à-vis des pays en développement. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je conclus que le temps est venu de constater le décès des APE et de proposer autre chose.

M. Jean-Pierre Dufau. J’adresse mes félicitations à M. Gaymard pour la clarté, la lucidité et l’honnêteté de son analyse. Nous sommes aujourd’hui confrontés, au-delà des considérations économiques, à un tournant politique qui exige des décisions importantes et radicalement opposées à celles que nous avons prises jusqu’à présent. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire au cours d’une de nos précédentes réunions, l’Afrique, berceau de l’humanité, peut devenir le cimetière de l’humanité.

Dans un rapport que j’ai présenté dans le cadre de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, je parvenais aux mêmes conclusions que M. Gaymard. Nous devons orienter l’aide au développement sur la satisfaction des besoins prioritaires de l’Afrique et veiller à étouffer les relents d’impérialisme que contenaient les précédents accords. Nous devons mettre fin aux rapports inégaux en matière commerciale et mettre en œuvre une politique d’aide au développement reposant sur des considérations humanitaires et partenariales.

Il ne faut néanmoins pas céder à l’angélisme : l’Afrique n’a pas que des droits, la gouvernance africaine doit progresser, mais ses droits l’emportent aujourd’hui sur ses devoirs.

Il serait intéressant que notre commission, à la suite de ce rapport, entreprenne une démarche auprès de l’Union européenne et de l’OMC afin de porter ce message en faveur d’une redéfinition des rapports avec l’Afrique.

En conclusion, j’appliquerai à ce continent les propos d’Edmonde Charles-Roux qui écrivait dans son ouvrage « Oublier Palerme », qu’« il fallait chercher ailleurs la jeunesse du monde ».

Mme Nicole Ameline. Je veux également féliciter le rapporteur pour sa vision cohérente, exigeante et claire. Je partage son constat d’un déficit d’efficacité, de visibilité et de cohérence des politiques extérieures de l’Union européenne. L’aide au développement n’atteint pas ses buts et prive l’Europe d’une reconnaissance sur la scène internationale. Alors que l’Union Européenne, grâce au traité de Lisbonne, dispose de tous les outils pour être un acteur global et jouer un rôle de premier plan, vous constatez l’échec de l’Europe. Quelle peut donc être la place de l’Union européenne par rapport à l’aide bilatérale ou multilatérale des Etats ?

M. Jean-Paul Lecoq. Je veux distinguer la présentation de M. Gaymard – si j’avais moi-même tenu le même discours j’aurais probablement été taxé de marxisme – et la résolution qu’il nous propose d’adopter. Il me semble néanmoins qu’un aspect a été oublié : le rôle du Club de Paris et notamment les règles qu’il impose aux pays qui y ont recours.

Si nous pouvons ensemble constater que les pays ACP ne peuvent être gérés selon notre modèle, il me semble qu’il faut aller plus loin en dénonçant le rôle néfaste de l’OMC et en proposant une autre organisation mondiale de l’économie.

Enfin, je considère que le traité de Lisbonne n’apporte pas d’améliorations puisqu’il confirme l’incompatibilité entre la politique d’aide qu’il conviendrait d’accorder aux pays ACP avec les objectifs et les règles de l’OMC que l’Union européenne s’est engagée à respecter.

M. François Loncle. Je me fais ici avec fierté l’interprète de notre collègue Mme Christiane Taubira qui m’a demandé de la suppléer. Comme vous le savez, elle a rédigé en 2008 un rapport à la demande du président de la République sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui et qui contient treize préconisations très intéressantes.

Le président de la République lui a fait part en novembre dernier de son souhait d’une relance de la négociation en préconisant une ouverture des marchés ACP plus limitée qu’actuellement et un renforcement du volet développement de ces accords. Il est essentiel selon elle au minimum de rétablir des relations de confiance entre les pays ACP et l’Union européenne.

Le nouveau commissaire européen chargé du développement, M. Andris Piebalgs, a paraphé il y a quelques jours la révision des accords de Cotonou sans aborder la question des APE. C’était prévisible car les pays ACP considèrent que ces accords sont défavorables à leur développement économique et que le rapport de forces avec la Commission européenne est trop déséquilibré.

Je vous remettrai le courrier que m’a adressé Mme Taubira, les 13 préconisations ainsi que l’intégralité de son rapport.

Mme Henriette Martinez. Je m’associe aux félicitations qui ont été adressées à M. Gaymard. Ma question porte sur le financement des APE. A l’occasion de mon rapport sur le 10e Fonds européen de développement (FED) et la modification des accords de Cotonou en 2007, j’avais été saisie par les ONG qui contestaient le financement de ces accords par le FED.

A l’époque l’Union européenne avait pris l’engagement de porter son aide au commerce à deux milliards d’euros (un milliard pour la Commission via le FED et un milliard pour les Etats membres) et d’en réserver une part substantielle aux pays ACP. Par ailleurs, les pays ACP avaient demandé des ressources complémentaires pour financer les APE et sollicité la création d’un fonds spécifique d’appui à ces accords.

Les APE continueront-ils à être financés par le seul FED ou bénéficieront-ils d’un fonds spécifique ainsi que le souhaitent les pays ACP ?

M. Jean-Paul Bacquet. Je tiens à féliciter M. Gaymard pour son discours qui plaide pour la réhabilitation du politique face à la logique commerciale. Je regrette que le volontarisme de l’exposé ne se retrouve pas dans la résolution proposée qui paraît sage, peut-être trop au regard du panache de la démonstration.

Il me semble que cette logique commerciale était déjà à l’œuvre lors des négociations de l’OMC à Cancun en 2003 puisqu’elle a provoqué en réaction l’émergence du groupe des 21 qui dénonçait un accord purement commercial au détriment des choix politiques.

Je m’interroge sur l’Afrique : ne sommes-nous pas en train de rater l’évolution de l’Afrique en faisant primer cette seule logique commerciale sur la volonté politique ? Le livre de Jean-Michel Séverino, « le temps de l’Afrique » rappelle ainsi qu’en 2050 l’Afrique comptera 1,8 milliard de personnes et connaîtra un taux de croissance supérieur à 8 %.

Mme Chantal Bourragué. Alors que la présence de la Chine en Afrique au travers de partenariats économiques ou de l’aide au développement se renforce, quelle peut être la place de l’Europe ? Quel rôle peut-elle jouer en matière de sécurité alimentaire ?

Mme Martine Aurillac. Je salue à mon tour la hauteur de vues des propos de M. Gaymard et l’intérêt de l’historique qu’il a présenté qui s’apparente à la chronique d’une mort annoncée. Quelles conclusions M. Gaymard tire-t-il de son déplacement au Sénégal quant à la spécificité éventuelle de ce pays au regard des accords économiques.

M. le président Axel Poniatowski. Mes chers collègues, nous abordons ce matin un sujet tout à fait essentiel et je vous indique que j’ai, il y a quelques temps, invité le directeur général de l’OMC M. Pascal Lamy à venir s’exprimer devant notre commission. Il serait intéressant de pouvoir l’interroger sur la question qui nous occupe ce matin.

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Bien évidemment, la question de l’OMC surplombe le sujet. Mon opinion personnelle est que l’OMC marque un progrès sur les négociations du GATT. On a désormais un organisme de règlement des différends sur les divers aspects du commerce international et il ne par conséquent faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, l’OMC n’a pas à être rejetée en tant que telle. Cela étant, ce qui doit en revanche être rejeté, c’est le fait qu’on laisse une organisation internationale traitant des seuls aspects commerciaux prendre le pas sur tous les autres sujets d’intérêt commun. Ce qui est contestable, c’est qu’on ne prenne pas en compte l’environnement, l’agriculture et l’alimentation ou le développement. L’approche commerciale est une des approches, mais elle ne doit pas tout conditionner. La liberté du commerce n’est pas une fin en soi, c’est un moyen ; je crois donc qu’il nous faut faire un gros travail de réflexion pour repenser la théorie des échanges internationaux. Samuelson, Prix Nobel de l’économie, dans ses derniers écrits, peu avant sa mort, avait publié en 2004 un article sur ce point dans lequel il revenait en évoluant sur ce qu’il disait dans les années 1950 et 1960. Il y a un travail méticuleux très important à faire et même un combat idéologique. Cette « vérité d’évidence » selon laquelle la liberté du commerce doit être absolue est à revoir. « The Economist » diffuse cette vulgate depuis 150 ans, il a même été précisément créé pour ça en 1841, pour mettre à bas la Corn Law, combat qu’il a gagné en 1847. La liberté du commerce international correspondait à l’époque aux seuls intérêts économiques de la Grande Bretagne qui dominait alors le monde. Il y a donc un travail politique, au meilleur sens du terme, à faire. Je trouve très positive l’idée d’auditionner Pascal Lamy.

Je rejoins les remarques de Jean-Paul Bacquet et de Jean-Pierre Dufau sur ce qui s’est passé sur le développement et sur l’agriculture. Les intérêts des grands exportateurs agricoles du Sud ne sont aujourd’hui pas les mêmes que ceux des autres exportateurs du Sud. L’ascendant de Lula a joué et il faut bien reconnaître que sa politique commerciale internationale sert les intérêts des agro-exportateurs libéraux du Brésil. Il ne faut pas oublier que c’est la politique extérieure européenne en matière sucrière qui a permis le développement de pays ACP. Maurice et Fidji, par exemple, ont pu développer leur tourisme sur cette base, assurés qu’ils étaient de ces ressources garanties. Or, c’est précisément sur plainte du Brésil et pas d’autres pays, que l’Organisation Commune du Marché du sucre a été démantelée. D’autres exemples pourraient être cités. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont certes des choses à se faire reprocher, cf. le coton, mais il y a une union des contraires au sein du groupe des 21 dont parlait Jean-Paul Bacquet. Il y a en fait plusieurs Sud aujourd’hui.

Quant à l’Union européenne, je rejoins Nicole Ameline : il y a un vrai sujet sur le bilatéralisme et le multilatéralisme, Henriette Martinez en a longuement parlé dans son rapport. L’Union européenne doit être plus visible. C’est le principal bailleur de fonds de l'APD et elle doit être plus visible et plus inventive aussi. Elle l’a été dans le passé, à Lomé en 1975. Je partage l’avis de Jean-Pierre Dufau quant à l’initiative parlementaire, et pas seulement au niveau français. Il faut fonder une nouvelle alliance pour le développement.

Au niveau de la gouvernance de l’Union européenne plusieurs problèmes sont à signaler et en particulier en ce qui concerne les APE, la question du copilotage du sujet par les commissaires du développement, du commerce et de l’agriculture doit être posée. Ils devraient évidemment travailler ensemble et ne le font pas. Traditionnellement, le thème du développement n’est pas un sujet traité au niveau de la présidence de la commission. L’Union européenne a su inventer le Stabex dans les années 1970, ainsi que le Sysmin en matière de ressources minières ; il faut qu’elle retrouve cette inventivité. A nous de la secouer.

Je crois comme Henriette Martinez qu’il faut distinguer l’aide au commerce, à laquelle il manque beaucoup de choses, mais que la logique voudrait qu’on finance l’aide au commerce hors crédits FED. Comme nous sommes actuellement dans une période où ces décisions ne sont pas prises, il y a une certaine tendance à la procrastination. Il faudra essayer d’en sortir par le haut.

En réponse à la remarque de Jean-Paul Lecoq, je dirais que le Club de Paris a fait effectivement fait un gros travail, et extrêmement contestable, inspiré du FMI, autour du Consensus de Washington. Il a eu cependant aussi un rôle important d’aide à la sortie de crise de différents pays, qui n’est pas à négliger. Il n’en reste pas moins que ses exigences d’ouverture, dans le domaine douanier par exemple, ont été très dures. La Chine est clairement présente en Afrique pour ses matières premières. Elle a beau appartenir aux différentes institutions du système de Bretton Woods, elle n’en applique cependant pas les règles et « braconne » à côté du Consensus de Washington alors qu’elle devrait le respecter.

Comme dernières remarques, je crois qu’il faut faire des propositions simultanément dans tous les domaines, pour définir la politique commerciale, préciser sur quoi concentrer l'APD et aussi apporter une aide à la gouvernance, notamment économique. Il nous faut aussi être très vigilant sur la tendance de la commission européenne à négocier des accords bilatéraux, avec l’Amérique latine en particulier, ce qui a pour effet de télescoper les intérêts des pays en voie de développement et a des incidence sur la politique d’Accords de Partenariat Economique, ainsi que sur celle de l’aide au développement, sur la politique agricole comme sur les Régions Ultra Périphériques et pays périphériques de l’Union européenne. Les effets de ces accords bilatéraux, faute d’une approche globale, seront difficilement réparables.

M. Jean-Pierre Dufau. Je suggère que l’on donne une suite à ce rapport et que l’on examine la possibilité de créer une mission d’information ou un groupe de travail pour en assurer le suivi.

M. le président Axel Poniatowski. Je vous indique, mes chers collègues, que je proposerai conjointement avec le Président de la commission des affaires européennes M. Pierre Lequiller, l’inscription de ce thème à l’ordre du jour de la semaine de contrôle en mai prochain.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification la proposition de résolution n° 2136.

Ratification d’un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part

La commission examine, sur le rapport de M. Gaëtan Gorce, le projet de loi autorisant la ratification d’un accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d’une part, et le Turkménistan, d’autre part (n° 2010).

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. L’examen du présent projet de loi nous permet de nous intéresser à un pays mal connu, au sein d’une région qui n’est pas toujours sous les feux de la rampe. Il convient dès lors de restituer les enjeux de la relation entre l’Union européenne et l’Asie centrale, de rappeler les orientations prises pour développer les liens entre l’Europe et cette région, avant de se focaliser sur le cas du Turkménistan, en insistant sur la situation particulièrement dramatique des droits de l’Homme dans ce pays.

L’Asie centrale, composée de cinq pays et abritant environ 60 millions d’habitants, n’a accédé que récemment à l’indépendance, en 1991, parfois contre la volonté des dirigeants de ces Etats. Elle représente pourtant des enjeux considérables pour le monde, et l’Europe en particulier.

Un enjeu énergétique, d’abord. Les ressources en hydrocarbures sont très abondantes dans la région, notamment au Turkménistan. Selon les estimations ce pays abriterait les quatrièmes réserves mondiales de gaz naturel. La signature d’un accord de partenariat et de coopération est indissociable de la question de l’orientation des gazoducs, vers la Russie au Nord, la Chine à l’Est, l’Iran au Sud, ou bien l’Europe, à l’Ouest.

Un enjeu stratégique, ensuite. L’Asie centrale est frontalière avec des régions de vives tensions internationales, l’Iran et l’Afghanistan notamment. Les pays de l’OTAN ont tout intérêt à conserver une présence militaire dans la région, comme c’est déjà le cas pour les Etats-Unis à Manas, en République kirghize, et la France à Douchanbè, au Tadjikistan. Malgré son statut de neutralité internationale, le Turkménistan coopère avec la coalition internationale en autorisant le survol de son territoire par les vols dits « non létaux », principalement pour le transport de soldats blessés en Afghanistan.

Un enjeu sécuritaire, enfin. L’Asie centrale est traversée de nombreux trafics, et particulièrement celui de l’héroïne. On estime que 25 % des échanges de cette drogue transitent par la région, avec des conséquences locales sécuritaires et politiques.

L’Europe a mis du temps à prendre conscience de ces enjeux. En s’investissement fortement en 1991, elle a suscité une attente de la part de ces pays qu’elle n’a pas satisfaite en termes politiques et commerciaux. La Russie a, par la suite, retrouvé une influence majeure dans la zone, accompagnée d’une arrivée massive d’acteurs chinois. Cette nouvelle compétition a remis l’Asie centrale au premier rang des priorités européennes.

La nomination de représentants spéciaux de l’Union européenne pour l’Asie centrale, poste actuellement occupé par notre compatriote Pierre Morel, a été suivie par l’adoption en 2007 d’une stratégie européenne pour l’Asie centrale, qui s’appuie aujourd’hui sur les quatre accords de partenariat et de coopération en vigueur avec des Etats centrasiatiques. Le seul accord de ce type non encore ratifié dans la région est l’accord avec le Turkménistan, signé en 1998 mais qui n’a pas encore été examiné par le Parlement européen, en l’absence de ratifications par le Royaume-Uni et la France.

Pourquoi une telle latence dans l’examen de ces textes ? L’Union européenne a choisi de suspendre la ratification de l’accord de partenariat à cause de la situation des droits de l’Homme dans ce pays, et ce n’est qu’après la remise d’un rapport sur le sujet, auquel votre rapporteur n’a malheureusement pas eu accès au cours de ses travaux, que la procédure a été reprise.

Ainsi, l’accord de partenariat contient des clauses commerciales et économiques, qui sont reprises dans un accord commercial intérimaire, dont la ratification est en passe d’être achevée. L’accord intérimaire prévoit, par exemple, l’application de la clause de la Nation la plus favorisée entre l’Union européenne et le Turkménistan.

L’accord de partenariat prévoit d’autres domaines de coopération entre l’Europe et le Turkménistan : dans le domaine de l’élaboration des lois, du traitement des investissements directs étrangers dans le pays, du statut des entreprises.

La véritable difficulté provient de ce que l’Europe a estimé que la situation politique intérieure du Turkménistan a suffisamment évolué pour reprendre la procédure de ratification de l’accord intérimaire. Après les auditions que j’ai pu réaliser, je formulerais de nombreuses réserves sur cette appréciation.

Le Turkménistan est un des pays les plus répressifs du monde, souvent comparé à la Corée du Nord. Bien qu’il ait signé la majorité des conventions internationales sur les droits de l’Homme, le Turkménistan ne les applique pas.

Dans ce pays, il continue d’être procédé à des arrestations arbitraires. La justice est aux ordres du pouvoir. Les conditions de détention en prison sont parmi les pires au monde, ce qui rend toute relative l’abolition de la peine de mort dans cet Etat. Aucune information officielle n’étant disponible, il n’est pas possible de connaître la liste exacte des détenus politiques, et de surcroît aucun droit d’accès aux prisons n’est reconnu aux représentants du comité international de la croix rouge (CICR). Aucune organisation non gouvernementale véritablement indépendante n’est immatriculée au Turkménistan, et aucune ONG internationale ne peut y exercer ses activités.

Pourquoi hésiter à ratifier un tel accord alors que ce dernier contient précisément une clause conditionnant son application au respect de certains principes en matière de droits de l’Homme ? Le changement intervenu à la tête du Turkménistan, avec le remplacement du président Niazov par l’actuel président Berdymoukhamedov suite au décès de son prédécesseur, a coïncidé avec plusieurs annonces positives, comme l’ouverture nouvelle du régime à l’exercice du culte par l’Eglise catholique, ou l’accueil du secrétaire général des Nations Unies dans le pays.

Cependant, beaucoup reste à faire, par exemple dans le domaine de l’information. Seuls les journaux sont accessibles à la population, et l’abonnement à ces derniers est même obligatoire pour les fonctionnaires. Malgré la construction d’une maison de la presse par la filiale turkmène de Bouygues Construction, la liberté de la presse est totalement inexistante.

Bouygues est l’une des rares sociétés présentes au Turkménistan, où elle a déjà réalisé 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La seule autre entreprise réalisant une activité économique aussi importante dans le pays est la société allemande Siemens.

Face à cette situation, deux voies sont possibles. Faut-il ou non dialoguer avec le Turkménistan ? Les ONG sont très déçues des discussions déjà conduites jusqu’à maintenant, notamment en l’absence de toute avancée sur la situation des prisonniers politiques.

Toutefois, le refus de dialoguer ou la volonté d’imposer nos conditions au Turkménistan entraîneront irrémédiablement le repli du pays sur soi. Les autorités turkmènes détestent par-dessus tout que leurs décisions leur soient imposées de l’extérieur.

Par conséquent, il faut s’assurer que le dialogue sur les droits de l’Homme ne puisse en aucun cas être utilisé par les autorités comme une approbation de leur comportement. Je propose donc que la ratification de cet accord soit soumise à des conditions fortes.

D’abord, la libération de certains prisonniers, dont certains cas concernent la France. Ainsi, deux collaborateurs d’une reporter travaillant pour France 2 sont toujours incarcérés pour le seul motif d’avoir aidé la journaliste française. Bien que le reportage n’ait pas respecté certaines précautions pour protéger ces personnes, qui sont facilement identifiables dans le film, il me paraît nécessaire d’obtenir des informations sur les trois personnes qui ont été condamnées à cette occasion, et dont l’une est décédée en détention. On ignore l’endroit où sont détenus les deux autres, et notre commission pourrait intervenir pour obtenir des décisions positives de la part des autorités turkmènes. La mort de la troisième collaboratrice nous incite à craindre pour la vie des deux autres personnes incarcérées, c’est pourquoi nous devrions demander leur libération. En effet, bien que parrainés par France Télévisions, ces derniers ne sont pas journalistes, et ne bénéficient donc pas du même type de protection que celle applicable aux membres de la profession. En réalité, ils n’ont apporté qu’une aide logistique à la réalisation du reportage, en assurant par exemple le transport par voiture de la journaliste française.

L’ambassadeur de France pour les droits de l’Homme, M. François Zimeray, devrait se rendre au Turkménistan à la fin du mois de mai. Il y a là une bonne occasion pour accentuer la pression sur la situation de ces deux ressortissants turkmènes. J’estime que la procédure de ratification à l’Assemblée devrait être suspendue au moins jusqu’à cette visite.

Une autre condition, à laquelle je propose que nous soumettions notre approbation de cet accord, est la nomination d’un contact permanent au Turkménistan pour les ONG actives dans le domaine des droits de l’Homme. A l’heure actuelle, elles ne peuvent pas accéder au territoire, et demandent toutes de pouvoir faire passer leurs demandes par un point unique.

De plus, il paraît indispensable de nommer, auprès du représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale, un diplomate chargé des droits de l’Homme. A l’heure actuelle, les ONG s’estiment mal informées des suites des discussions conduites avec les pays de la zone dans ce domaine.

J’estime également qu’il serait utile à la commission de charger son rapporteur d’un suivi de l’application de l’accord de partenariat, un an après son entrée en vigueur, dans tous les domaines, notamment celui des droits de l’Homme.

Enfin, il me paraît nécessaire d’alerter l’Union européenne, en la personne de Catherine Ashton, Haute représentante pour la politique de sécurité et les affaires étrangères, sur nos préoccupations, et notamment la situation des prisonniers politiques, en particulier les deux collaborateurs d’une journaliste française, mais également la nécessité d’ouvrir les prisons turkmènes aux visites du CICR, et l’importance de la nomination d’un contact turkmène pour les ONG internationales.

Ces conditions me paraissent minimales. L’Union européenne prévoit de doubler le montant de son aide au Turkménistan, d’un montant de 15 millions d’euros aujourd’hui. Si l’Europe veut investir au Turkménistan, elle ne saurait le faire en oubliant la situation des droits de l’Homme dans ce pays.

M. Michel Terrot. Comment le Turkménistan a-t-il traversé la crise financière ? Quel est l’état de son secteur bancaire ? Par ailleurs, sur la question du gaz, on sait que le Turkménistan a essayé d’échapper à l’emprise du voisin russe par deux voies : un gazoduc avec l’Iran en 2009 et la même année, un gazoduc avec la Chine, d’une capacité de 40 milliards de m3. Quelle suite peut-on envisager : un cofinancement du projet Nabucco afin de bénéficier des 14 milliards de m3 qu’il doit transporter ?

M. Dino Cinieri. Merci au rapporteur pour son propos, en particulier sur le thème des droits de l’Homme. Le Turkménistan est le premier producteur gazier d’Asie centrale ; comment l’Union européenne pourrait-elle réduire sa dépendance gazière, dramatiquement démontrée lors de la crise russo-ukrainienne de l’hiver 2009 ?

M. Jean-Paul Lecoq. Je m’étonne que le rapporteur ait sans cesse évoqué l’Union européenne dans son intervention, alors que l’accord que nous avons sous les yeux ne mentionne que les Communautés européennes et leurs États membres. Sur le fond, que nous ayons besoin de gaz ne justifie pas de vendre notre âme. Ce texte est inacceptable. Toutes les dictatures tirent argument de la conclusion d’accords internationaux pour se maintenir en place au détriment de leur population, y compris l’URSS en son temps. Il faut isoler ces pays.

M. Pascal Clément. Pas vous, pas ça !

M. Jean-Paul Lecoq. Je n’ai jamais, au grand jamais, soutenu une telle politique à l’égard de l’Union soviétique et je vous défie de trouver une intervention de ma part qui irait dans ce sens.

M. le Président Axel Poniatowski. M. Lecoq, veuillez s’il vous plaît poursuivre et conclure votre intervention.

M. Jean-Paul Lecoq. J’ai terminé M. le président, mais je trouve inadmissible de laisser place à ce type de comportement.

M. Pascal Clément. Je vous présente des excuses pour m’être laissé emporter.

M. Jean-Jacques Guillet. L’unique justification de cet accord serait-elle gazière ? Ce serait d’autant plus regrettable qu’il s’agit en l’occurrence de la poursuite d’un fantasme. Car Nabucco est un projet compromis : le gaz iranien est nécessaire à sa viabilité – et il n’est pas disponible ; quant au gaz irakien parfois évoqué… il ne l’est pas davantage ! Nabucco – dont je rappelle qu’il s’agit d’un projet d’origine américaine – est donc mort-né. Cela est d’autant plus vrai qu’un certain nombre d’États européens, notamment dans les Balkans, se sont ralliés au projet de gazoduc concurrent South Stream, promis, lui, à un bel avenir. En outre, le Turkménistan a conclu des accords gaziers avec la Chine, avec l’Iran, avec la Russie ; cette dernière a même préempté il y a environ deux ans la quasi-totalité du gaz turkmène à un prix supérieur au prix du marché… Il y a donc tout lieu de craindre que l’accord que nous examinons, s’il était uniquement lié à la problématique gazière, soit un marché de dupes.

M. Christian Bataille. Nabucco est un bel opéra mais un mauvais projet gazier ! En effet il n’est pas suffisamment approvisionné en gaz iranien ou turkmène. Quant à la solution d’un gazoduc transcaspien, elle se heurte à des difficultés techniques, et l’hypothèse d’un gazoduc contournant la Caspienne n’est pas près de devenir réalité. À l’heure actuelle, le gaz de la région acheminé vers l’Europe ne part que de Bakou en Azerbaïdjan. Ce pays n’est pas un modèle de démocratie ; savez-vous, M. le Rapporteur, si les atteintes aux droits de l’Homme y sont aussi graves qu’au Turkménistan ? La question mérite d’être posée car l’Azerbaïdjan, où viennent d’être découverts, par des compagnies internationales, d’importants gisements de pétrole, est appelé à devenir un fournisseur d’énergie de grande envergure.

M. Jean-Claude Guibal. Sur quels États le Turkménistan s’appuie-t-il : les États-Unis, la Chine, la Russie – son ancienne puissance tutélaire ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Je voudrais être parfaitement clair sur mon raisonnement. Il ne s’agit en aucun cas de sacrifier notre idée des droits de l’Homme au profit d’intérêts économiques considérés comme prioritaires. C’est d’autant moins le cas que nos intérêts économiques directs au Turkménistan sont limités. Seules deux grandes entreprises européennes y ont des activités : il s’agit de Siemens et de Bouygues – j’estime d’ailleurs que cette dernière pourrait être motivée à faire preuve, ne serait-ce que par décence, de plus de retenue dans le soutien qu’elle affiche en faveur du régime turkmène. Dans les deux cas, elles doivent leur présence dans le pays à des liens personnels avec le défunt Président Niazov ou l’actuel chef de l’Etat : Bouygues a édité le livre dans une trentaine de langues, assurant la diffusion de sa pensée dans le monde, et Siemens doit les marchés qu’elle a obtenus dans le domaine de la santé à l’aide qu’elle a apportée au président Berdymoukhamedov.

L’Union européenne a en revanche des intérêts indirects dans le pays. Pour ce qui est du gaz naturel, il est vrai que le régime turkmène a fait des déclarations positives sur le projet Nabucco, mais la réalisation de celui-ci est très incertaine et ces déclarations ne sauraient fonder une politique européenne. L’accord aurait en revanche l’avantage de poser la base d’un dialogue et de rendre possible une diversification des clients du Turkménistan, alors que la Chine joue un rôle déterminant dans l’exploitation du gaz et que la Russie y est à nouveau très présente. Il est donc dans l’intérêt de l’Union européenne d’être un partenaire de ce pays.

Ces éléments sont-ils suffisants pour justifier la ratification de l’accord ? Ma première réaction était négative, mais ma position a évolué. En effet, soit l’Union européenne prend une positive de principe, vertueuse, et refuse tout accord avec ce pays, au risque que celui-ci fasse le choix de l’autarcie comme cela a été le cas pendant quinze ans, se tenant à l’écart d’une région devenue instable politiquement comme le prouvent les émeutes actuelles en République kirghize ; soit elle s’efforce d’obtenir des avancées concrètes en mettant en œuvre cet accord.

Les premières avancées pourraient concerner les deux collaborateurs de la journaliste de France Télévisions, dont cette dernière porte incontestablement une responsabilité dans la détention. Une fois que l’ambassadeur Zimeray sera allé sur place et aura pu rendre compte de sa mission à la Commission, nous verrons si une évolution positive se dessine. Si un interlocuteur pour les ONG était mis en place auprès du représentant spécial d’une part – nous devrions écrire à Mme Ashton pour soutenir cette demande, cela répondrait aux demandes des défenseurs des droits de l’Homme. La nomination au Turkménistan d’un contact habilité à recevoir les demandes des ONG serait également une avancée notable.

J’indique à M. Lecoq que l’accord a été conclu avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, donc par les communautés européennes, auxquelles l’Union européenne a succédé depuis.

Pour ce qui est de la solidité du système bancaire, il faut rappeler qu’il n’en existe pas au sens qu’on donne à cette expression en Occident. Tout est sous le contrôle étroit de l’Etat, qui est directement issu du régime soviétique. Les élites sont les mêmes qu’avant 1991 et leurs pratiques n’ont pas changé.

La situation en Azerbaïdjan est comparable sur certains points avec celle du Turkménistan, bien que le cas azerbaïdjanais soit également inquiétant. Au Turkménistan, il n’existe absolument aucun espace de liberté, même pas la liberté de circuler dans leur pays pour les Turkmènes, qui doivent être dotés d’un passeport intérieur et sont sujets à des contrôles qui donnent lieu à un racket policier fréquent. C’est évidemment encore pire pour la sortie du territoire, au point qu’un programme d’échanges d’étudiants a été bloqué pour des raisons d’ordre public.

Nous devons donc choisir entre une position de principe qui n’aura pas d’effet positif sur le pays et une position plus ouverte qui passe par l’entrée en vigueur de l’accord, sachant que l’application de ce dernier peut être suspendu à tout moment si on constate que le dialogue politique ne porte aucun fruit.

M. le président Axel Poniatowski. Le Rapporteur est donc favorable à l’adoption du projet de loi sous certaines conditions. La commission des affaires étrangères s’est trouvée dans une situation comparable sous la douzième législature, lorsqu’elle a examiné une convention fiscale avec la Libye alors que les infirmières et le médecin bulgares y étaient toujours détenus. Elle a en l’espèce voté le projet de loi autorisant sa ratification tout en demandant au gouvernement de ne pas l’inscrire à l’ordre du jour tant que la situation des soignants bulgares n’était pas réglée. Le projet de loi a finalement été adopté au début de cette législature, après leur libération.

Il me semble qu’il faut envoyer un message de fermeté au Turkménistan. La responsabilité morale de France Télévisions est incontestablement engagée dans la situation des deux collaborateurs de journalistes, que notre pays ne peut pas oublier. Je propose que la commission vote le projet de loi mais demande au Gouvernement de ne pas l’inscrire à l’ordre du jour tant que les deux Turkmènes en question n’auront pas été libérés.

M. François Loncle. Il y aura alors un débat en séance publique, n’est-ce pas ?

M. le président Axel Poniatowski. Absolument ! J’invite d’ailleurs le Rapporteur à assurer le suivi de ce dossier en attendant que l’inscription à l’ordre du jour du projet de loi soit possible.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2010).

La séance est levée à onze heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 7 avril 2010 à 9 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, M. François Asensi, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Jean-Louis Bianco, M. Claude Birraux, M. Roland Blum, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, M. Dino Cinieri, M. Pascal Clément, M. Philippe Cochet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, M. Hervé Gaymard, M. Gaëtan Gorce, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Jean-Paul Lecoq, M. François Loncle, Mme Henriette Martinez, M. Henri Plagnol, M. Axel Poniatowski, M. Éric Raoult, M. Jacques Remiller, M. Jean Roatta, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Patrick Balkany, M. Alain Bocquet, M. Loïc Bouvard, M. Michel Delebarre, Mme Marie-Louise Fort, M. Didier Julia, M. Patrick Labaune, M. Didier Mathus, M. Renaud Muselier, M. Jean-Luc Reitzer, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues