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Commission des affaires étrangères

Mardi 8 juin 2010

Séance de 16 h 30

Compte rendu n° 70

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Echange de renseignements en matière fiscale : accord avec Saint-Marin – n° 2328 et accord avec Andorre – n° 2331 (M. Jacques Bascou, rapporteur)

– Echange de renseignements en matière fiscale : accord avec les Bahamas – n° 2321 (M. Jean-Paul Lecoq, rapporteur)

Échange de renseignements en matière fiscale : accord avec Saint-Marin et accord avec Andorre

La séance est ouverte à seize heures trente.

La commission examine, sur le rapport de M. Jacques Bascou, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 2328) et le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 2331).

M. Jacques Bascou, rapporteur. Nous poursuivons aujourd’hui l’examen de la série de douze projets de loi autorisant le Gouvernement à approuver des accords bilatéraux relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale. Je vous présenterai, pour ma part, deux d’entre eux, un peu moins « exotiques » que ceux que nous avons examinés la semaine dernière car ils concernent des territoires beaucoup plus proches de nous : la République de Saint-Marin et la Principauté d’Andorre.

Je ne reviendrai pas sur la présentation qu’a faite notre collègue Jacques Remiller du contexte de la signature de ces accords, sinon pour me réjouir avec vous du fait que le G20, conscient de la nécessité de lutter contre l’évasion fiscale, ait saisi à bras-le-corps la question des paradis fiscaux, à la faveur du contexte particulier de la lutte contre l’opacité financière organisée, source de déstabilisation majeure de l’économie mondiale. Cela étant, une fois saisie cette occasion particulière, il nous faudra prendre garde à ne pas relâcher l’attention portée à ces territoires et à leurs pratiques condamnables. Nous l’avons dit et répété la semaine dernière ici même, mais je veux y insister : c’est à l’aune de leur application que se jugera l’efficacité de ces nombreux accords. Des accords signés dans des délais record et qui vont, à l’initiative de la France, plus loin que le modèle de l’OCDE sur certains points.

Avant de présenter brièvement leur contenu, qui vous est désormais bien connu, présentons en un mot ces deux territoires qui les ont signés, afin de sortir de la « liste grise » de l’OCDE. On pourrait relever qu’une interprétation malicieuse des devises ou formules figurant sur les blasons de ces territoires prêterait à douter de la volonté de coopération affichée dans les accords. En effet, Saint-Marin a pour devise « Liberté » et surtout, on lit sur le blason de l’Andorre : « Touche-moi si tu l’oses ». Tout un programme pour qui veut obtenir des renseignements fiscaux !

Plus sérieusement, rappelons que Saint-Marin, enclave souveraine en Italie, près de Rimini et de la côte adriatique, est considérée comme la plus petite et la plus ancienne République du monde. Elle a pour origine une communauté chrétienne, fondée au début du IVe siècle par Marin, tailleur de pierre d’origine dalmate, réfugié là pour échapper aux persécutions de Dioclétien. C’est en 1243 qu’ont été nommés les premiers « capitaines-régents », dont la succession n’a pas été interrompue depuis. Ils assument conjointement la fonction de chef d’État et celle de président du Congrès d’État – c’est-à-dire le Gouvernement –, constitué de dix membres élus par le « Conseil grand et général ». Ce Conseil est le Parlement monocaméral de la République ; il comprend 60 membres élus pour cinq ans au suffrage universel. Aujourd’hui, Saint-Marin compte 30 000 habitants et 10 000 autres Sanmarinais vivent à l’étranger.

Une Convention d’amitié et de bon voisinage a été signée avec l’Italie en 1862, renouvelée en 1939 et révisée en 1971 : elle ne fait plus référence à « l’amitié protectrice » de l’Italie, de sorte que la souveraineté de la République de Saint-Marin est désormais pleine et entière. Toutefois, son enclavement conditionne la vie économique : Saint-Marin est en union douanière avec l’Italie, ce qui se traduit par une ristourne annuelle de TVA au budget sanmarinais. La monnaie légale est l’euro, depuis 2002. Saint-Marin, bien qu’enclavée dans son territoire, ne fait pas partie de l’Union européenne ; un Accord de coopération et d’union douanière a été signé en 1991 avec les Communautés. Sur le plan international, Saint-Marin a établi des relations diplomatiques avec plus de 90 pays.

Quant à la Principauté d’Andorre, elle maintient la structure institutionnelle héritée de la fin du XIIIe siècle : l’État andorran est une coprincipauté parlementaire en vertu de l’article 1er de sa Constitution. Les deux coprinces de l’Andorre exercent la fonction de chef de l’État, d’une façon conjointe et indivise. À l’heure actuelle, cette charge revient conjointement à l’évêque d’Urgell − une région de la Catalogne − et à Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République française. En pratique, chaque Coprince nomme un représentant personnel pour l’Andorre afin de suivre les dossiers de la Principauté. C’est une institution dénommée Conseil général qui exerce le pouvoir législatif, approuve les budgets de l’État et contrôle l’action politique du Gouvernement. Ce Conseil général comprend actuellement 28 conseillers élus pour 4 ans.

L’Andorre a signé en 1990 un accord avec la Communauté économique européenne, qui a été renouvelé en 1996. Il associe l’Andorre à l’Union européenne avec des particularités avantageuses pour la Principauté : union douanière industrielle sauf pour le tabac, régime de pays tiers pour l’agriculture, franchises touristiques. La très forte augmentation de la contrebande de tabac a conduit à l’adoption d’une loi en 1999, qui a contribué à juguler le trafic de cigarettes. La France a assisté l’Andorre dans ses négociations avec l’Union européenne, ce qui a abouti à la finalisation de deux accords : l’accord sur la fiscalité de l’épargne et surtout l’accord de coopération, signés le 30 avril 2004. La Principauté a établi des relations diplomatiques avec 80 États.

Pour en venir aux accords d’échange de renseignements fiscaux qui sont l’objet de notre réunion, je voudrais indiquer que, par rapport à certains territoires sur le cas desquels nous nous sommes penchés la semaine dernière, l’économie de Saint-Marin et de l’Andorre est nettement moins dépendante de la finance, même si ce secteur y est important.

Ainsi, les industries – électronique, céramique – et les banques sont les principaux moteurs de l’économie de Saint-Marin, avec respectivement 38 % et 19 % du PIB. On dénombre plus de 6 000 entreprises, dont la majorité sont des PME – dans les secteurs des meubles, des liqueurs, des tissus –, composées d’une ou deux personnes et qui assurent près de 80 % de l’emploi de la République. En outre, le pays accueille plus de 2 millions de touristes chaque année. Saint-Marin dispose d’un système fiscal favorable : le taux d’imposition des sociétés est de 17 %. Cependant, en raison du secret bancaire, il n’est pas possible d’estimer la présence étrangère sur le territoire. En particulier, la présence française, commerciale ou financière, n’est pas connue.

L’Andorre se distingue elle aussi par son système fiscal avantageux : il n’existe pas de TVA dans la Principauté, ni de système d’imposition directe sur le revenu des personnes physiques, sur les bénéfices commerciaux, ou sur le patrimoine. Les charges sociales sont modérées (environ 18 % sur les salaires). L’agriculture est en Andorre une activité peu développée : l’emploi dans ce secteur représente, 0,33 % de la population salariée totale. En revanche on compte plus de 1 200 établissements industriels, principalement dans le secteur du bâtiment, soit 71,6 % des emplois locaux. Le secteur touristique est un important pôle d’activité économique. On estime que les revenus du tourisme représentent environ 80 % du PIB andorran et 18 % des emplois. 12 millions de touristes ont été dénombrés en 2007. Le secteur financier, banque et assurances, est l’un des plus dynamiques et se situe à la pointe de l’économie andorrane. En 2007, il occupait quelque 1 600 personnes, soit 3,6 % de la population totale salariée.

Par conséquent, loin de constituer des « paradis fiscaux types » comme certaines îles du Pacifique ou certains micro-États quasi exclusivement tournés vers une activité financière offshore, la République de Saint-Marin et la Principauté d’Andorre sont des États bien implantés en Europe qui ont noué des relations internationales solides et commercent beaucoup avec leurs grands voisins. Leur législation présente cependant des dispositions fiscales très favorables et susceptibles, de par leur proximité même avec la France, d’en faire des havres fiscaux propres à dissimuler des avoirs aux yeux de l’administration fiscale de notre pays. On peut souligner à cet égard que les dépôts bancaires de toutes origines en Andorre ont doublé entre 2004 et 2008, passant de 6,9 milliards d’euros à 13,5 milliards d’euros, le PIB de la principauté s’élevant à 2,77 milliards d’euros. Il était donc nécessaire de rendre effective la coopération administrative en matière fiscale. Les décisions concertées de la communauté internationale, dans la foulée de la crise financière de l’automne 2008, en ont fourni l’occasion.

Dans ce contexte, le critère de la signature d’accords bilatéraux ayant été retenu à défaut d’un outil d’appréciation plus élaboré, une sorte de « course à la signature » a pu être observée de la part des États et territoires qui figuraient sur l’une ou l’autre listes infâmantes dressées à la demande du G20. Saint-Marin a ainsi signé des accords d’échange de renseignements avec quinze autres États en l’espace d’à peine plus de sept mois. Quant à la Principauté d’Andorre, elle a signé des accords d’échange de renseignements avec quinze autres États également, mais plus rapidement encore, en à peine plus de cinq mois, entre septembre 2009 et février 2010. Une chose, cependant, est de parvenir à une signature ; une autre est de rendre cette signature efficace et l’accord effectif. Je note tout de même un signe positif : le fait que ces deux territoires continuent à conclure des accords du même type, après avoir franchi le seuil de douze prescrit par la communauté internationale.

Dans quelle mesure la France est-elle victime des dissimulations abritées par ces territoires ? À ma demande précise, pour compléter l’étude d’impact très succincte sur ce point, j’ai reçu cette seule information : au regard des déclarations de revenus qui sont adressées chaque année à l’administration fiscale française, on peut estimer le nombre de foyers fiscaux résidents dans ces deux territoires et qui déclarent des revenus imposables en France ou des avoirs qui y sont détenus. Environ 670 de ces foyers fiscaux résident à Andorre et une dizaine résident à Saint-Marin.

Dans l’attente de l’entrée en vigueur des deux projets de loi de ratification, aucun texte applicable ne prévoit aujourd’hui d’assistance administrative mutuelle entre l’administration française et les administrations d’Andorre ou de Saint-Marin en matière fiscale. Les deux accords signés le 22 septembre dernier, presque identiques au mot près, visent donc avant tout à pallier cette lacune. Nous pouvons au moins saluer ce progrès. Tout en étant conformes aux standards internationaux de transparence et d’échange de renseignements, ces deux accords comportent des améliorations par rapport au modèle de l’OCDE. Ces améliorations, marginales, sont de quatre ordres :

− premièrement, le champ d’application de l’accord est plus large. En effet, l’article 3 n’énumère pas les impôts couverts par l’accord mais stipule que sont visés l’ensemble des « impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des parties », ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l’accord « qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient » ;

− deuxièmement, l’article 10 traitant des dispositions d’application prévoit que les parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations avec la nécessité de réunir trois conditions : l’information doit être disponible et l’administration de la partie requise doit y avoir accès et être en mesure de la transmettre ;

− troisièmement, l’article 9 relatif aux frais engagés dans le cadre de l’accord stipule que le remboursement par la partie requérante à la partie requise de ses frais extraordinaires ne constitue qu’une faculté ;

− enfin, la limite à l’échange d’informations relative aux sociétés cotées prévue à l’article 5, point 4 du modèle, ne s’applique pas.

Pour le reste, les stipulations des deux accords sont conformes au modèle de l’OCDE.

Ces deux accords représentent à bien des égards une forme de pari, reposant sur la « pression des pairs », mais dans un contexte qui n’est déjà plus celui de l’onde de choc provoqué par la phase aiguë de la crise financière de l’automne 2008. Il faudra par conséquent que notre commission des Affaires étrangères se penche de nouveau sur l’efficacité de ces accords, et de tous ceux du même type, au terme d’une année d’application, comme cela a été récemment demandé par tous les rapporteurs des projets de loi similaires.

Sous cette réserve, je vous invite à voter en faveur des deux projets de loi d’approbation.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Marc Roubaud. Un article des accords précise les cas où la partie requise peut refuser de donner des renseignements. Ne craignez-vous pas que ces accords soient vidés de leur substance par ces stipulations ?

M. Jacques Bascou, rapporteur. Les cas de refus prévus sont principalement le risque pour l’ordre public et les situations dans lesquelles la divulgation de renseignements remettrait en cause la confidentialité de la relation entre un avocat ou un conseiller juridique et son client.

Je tiens à souligner que Saint-Marin et surtout l’Andorre ne sont pas du tout dans la même situation que les paradis fiscaux off shore. En particulier, l’Andorre souhaite s’intégrer dans une logique européenne afin notamment de bénéficier des programmes INTERREG ; elle souhaite aussi obtenir la frappe d’un euro avec une face nationale qui lui soit propre. Elle a déjà modifié sa législation pour la mettre en conformité avec les stipulations de l’accord. En outre, même si les dépôts bancaires ont doublé entre 2004 et 2008, les activités financières n’occupent pas une place essentielle dans son économie.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (nos 2328 et 2331).

M. Axel Poniatowski, président. C’est à titre tout à fait exceptionnel que ces projets de loi ont été examinés en ce mardi après-midi. A l’avenir, les examens de projets de loi se dérouleront exclusivement le mercredi matin. Je remercie par avance les rapporteurs de se libérer pour ce faire.

Echange de renseignements en matière fiscale : accord avec les Bahamas

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Paul Lecoq, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 2321)

M. Jean-Paul Lecoq, rapporteur. L’accord entre la France et le Commonwealth des Bahamas relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale s’inscrit dans la liste des nombreux accords de cette nature que la France a signés récemment pour traduire son engagement contre l’évasion fiscale et donner suite aux – maigres– efforts déployés par le G20 pour tirer quelques leçons de la crise financière mondiale.

Si je souhaite louer les généreuses intentions affichées, je m’interroge néanmoins sur l’effectivité de leur application et sur l’insuffisance des moyens qui y seront consacrés. Certes, la conclusion de ces accords constitue un premier pas, très modeste au demeurant, en faveur de la transparence fiscale.

Je considère cependant que l’efficacité des listes de l’OCDE et les critères qui président à leur établissement peuvent être mis en doute. On peut regretter le cadeau ainsi offert aux anciens paradis fiscaux qui se voient parer d’une vertu nouvelle alors qu’ils n’ont apporté à ce jour aucune garantie quant à la sincérité de leurs engagements.

Autrefois paradis fiscal et touristique, les Bahamas ne figurent ainsi plus aujourd’hui sur la liste grise des juridictions non coopératives publiée par l’OCDE grâce à la signature des douze accords en matière de renseignements fiscaux requis.

Situé à l’Est de la Floride et au Nord du reste des Antilles ainsi que de Cuba, le Commonwealth des Bahamas est un archipel corallien composé de près de 700 îles qui s’étire sur 1200 km et dont la population est estimée à 333 800 personnes. Les Bahamas sont indépendants depuis le 10 juillet 1973.

Si l’économie bahaméenne est réputée pour son attractivité financière et fiscale, elle demeure fragile notamment en raison de sa dépendance à l’égard des Etats-Unis.

Les Bahamas sont aujourd’hui le plus riche des paradis fiscaux, avec un PNB par habitant de 18 400 dollars. Selon le FMI, le PNB a baissé de 1,7 % en 2008 et de 3,9 % en 2009. Alors que le nombre de touristes diminue et que l’immobilier recule, le chômage a atteint fin 2009 le taux de 14,2 %. Le commerce extérieur est très déficitaire, avec des importations (3,2 milliards de dollars) plus de trois fois supérieures aux exportations (956 millions).

L’économie repose principalement sur le tourisme, les investissements étrangers et les activités financières offshore. En 2007, le secteur financier et l’intermédiation immobilière ont contribué au PIB pour environ 22 %, la construction pour 15%, l’hôtellerie et la restauration pour 12 %.

L’économie bahaméenne est dominée par les activités des banques offshore et la domiciliation des International business companies . En effet, les Bahamas partagent avec les îles Vierges britanniques la domiciliation des International Business Companies (IBC). On estime qu’il y en a environ 160 000, dont 44 000 seraient actives contre 250 000 aux îles Vierges britanniques et entre 2 000 et 12 000 dans la plupart des autres paradis fiscaux de la région. Une autre spécificité des Bahamas est la présence d’un grand nombre de banques offshore, 136 au 30 juin 2008.

Par ailleurs, il n’existe aucun impôt sur le revenu, sur les bénéfices, sur le patrimoine ou sur le chiffre d’affaires. Seuls les droits de mutation à titre onéreux sont prélevés lors de la cession de biens immobiliers, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales. Les recettes de l’Etat proviennent donc à plus de 50% des droits de douane.

Les Bahamas figuraient sur la « liste grise » de l’OCDE jusqu’en février 2010. Le 30 mars 2010, les Bahamas avaient signé des accords d’échange de renseignements avec 19 autres Etats qui leur permettent de figurer désormais sur la liste blanche.

La France a pour sa part signé l’accord le 7 décembre 2009. S’il est vrai que cet accord comble une lacune puisqu’il n’existait aucun accord en la matière entre les deux pays, son application effective devra être suivie avec attention par l’administration fiscale et le Parlement. En effet, en matière de transparence fiscale, les bonnes intentions restent souvent lettre morte face à la créativité des acteurs financiers pour les contourner. En outre, rien ne permet d’affirmer que les Bahamas respecteront la lettre et encore moins l’esprit de l’accord puisqu’ils ne l’ont pas ratifié à ce jour.

Cet accord, largement inspiré du modèle d’accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale élaboré par l’OCDE en 2002, comporte néanmoins quelques améliorations par rapport à ce dernier. Je ne citerai que quelques articles puisque les collègues qui m’ont précédé dans cet exercice en ont fait une présentation exhaustive.

L’article 3 détermine les impôts concernés par l’accord sans les énumérer : allant ainsi plus loin que le modèle OCDE, il vise l’ensemble des impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des parties, ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l’accord qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient.

L’article 5 constitue le cœur de l’accord puisqu’il fixe la procédure applicable à l’échange de renseignements.

L’article 6 traite des enquêtes ou contrôles fiscaux que des représentants des autorités de la partie requérante peuvent être autorisés à effectuer sur le territoire de la partie requise.

L’article 7 détaille les motifs de l’éventuel rejet d’une demande de renseignement.

L’article 8 précise les obligations de confidentialité attachées à la demande de renseignements et à l’utilisation des renseignements fournis.

L’article 11 fait figure d’article clé de l’accord puisque c’est celui qui prescrit l’obligation pour les parties d’adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange d’information.

Le Président Axel Poniatowski a rappelé lors de l’examen du rapport de M. Remiller que ces accords ne constituaient qu’une « première étape dans la lutte contre la fraude fiscale ». Cependant, afin d’être franchie avec succès, elle mérite que certains doutes soient levés.

Le premier d’entre eux porte sur l’incapacité de l’administration fiscale à fournir des chiffres à votre rapporteur sur les avoirs français aux Bahamas ainsi qu’une évaluation de la fraude fiscale.

Le second concerne la mise en œuvre effective de cet accord.

Dans le cadre de la revue par les pairs que le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements en matière fiscale a commencé à mettre en œuvre en mars dernier, la législation interne des Bahamas sera examinée au cours du second semestre 2010 et la mise en œuvre effective de l’échange d’informations au cours du second semestre 2012. Pour l’ensemble des pays concernés, cette revue devrait s’achever au second semestre 2014. On peut regretter qu’un délai aussi important soit laissé aux autorités pour adapter la législation au risque de favoriser une lecture très personnelle des obligations imposées par l’accord.

Sans s’appesantir sur les mesures adoptées par la France pour lutter contre l’évasion fiscale, votre rapporteur a interrogé le Gouvernement sur les moyens dont dispose la France en cas de défaut de coopération des Bahamas : la France pourrait ajouter les Bahamas à sa propre liste d’États et de territoires non coopératifs en application de la loi de finances rectificative pour 2009. Elle pourrait aller jusqu’à dénoncer les accords si ceux-ci ne pouvaient pas être mis en œuvre.

Le pari de la transparence fiscale qui sous-tend cet accord repose donc sur la pression conjuguée de la revue des pairs et du Gouvernement français. Le Parlement devra veiller à ce que la France n’hésite pas à l’exercer si nécessaire.

En conclusion, malgré la bonne volonté affichée par le Gouvernement français et dans une moindre mesure par le G20, les paradis fiscaux semblent encore promis à un avenir radieux. On ne peut que constater la disproportion entre la modestie des mesures prises et l’ampleur de l’évasion fiscale.

Votre rapporteur estime par conséquent que l’accord avec les Bahamas, comme avec d’autres Etats, autrefois qualifiés de paradis fiscaux, ne suffira pas à décourager les comportements frauduleux en matière fiscale et financière. C’est pourquoi il est défavorable à l’adoption de ce projet de loi.

M. Rudy Salles. Je tiens à souligner que, comme ceux que nous avons examinés précédemment, cet accord constitue un petit pas dans la bonne direction. Je reconnais néanmoins que la disparition de la liste noire et la réduction de la liste grise ne suffisent pas à nous rassurer totalement sur la fin des paradis fiscaux. J’insiste sur la nécessité d’assurer le suivi de la mise en œuvre de ces accords dans le cadre d’un rapport d’information.

M. Axel Poniatowski, président. J’ai déjà donné mon accord pour que la commission élabore, dans un an, un rapport qui fasse le point sur l’effectivité des mesures de mise en œuvre de l’ensemble de ces accords en matière de renseignements fiscaux.

En dépit de l’avis défavorable du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2321).

M. Jean-Paul Lecoq. Comme François Loncle l’a fait la semaine dernière, je tiens à exprimer le regret de mon groupe devant le report de l’audition du ministre des affaires étrangères et européennes au 29 juin prochain. Le président de la République a pris une position forte et inhabituelle en appelant la France et l’Europe à jouer un rôle en faveur de la levée du blocus de la bande de Gaza. Il me semble qu’il aurait été particulièrement utile que nous nous réunissions avec le ministre des affaires étrangères et européennes pour élaborer une position commune à tous les groupes de l’Assemblée. Nous aurions en effet pu nous mettre d’accord sur des mesures de consensus qu’il nous aurait ensuite été possible de défendre pendant l’audition par la commission du vice-ministre israélien des affaires étrangères, qui aura lieu la semaine prochaine. Je trouve regrettable que nous rencontrions ce dernier avant notre propre ministre des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président. J’ai indiqué au ministre que les membres de la commission étaient nombreux à regretter le report de son audition. Je tiens néanmoins à signaler que c’est très exceptionnellement que M. Bernard Kouchner a demandé le report de ses auditions et qu’il l’a fait beaucoup moins fréquemment que certains de ses prédécesseurs. Il a en outre toujours accepté les auditions non planifiées à l’avance sur un sujet particulier, comme celle qui a récemment été organisée à la suite de la libération de Mlle Clotilde Reiss.

M. Rudy Salles. L’arraisonnement des bateaux qui tentaient de forcer le blocus de la bande de Gaza a suscité une grande émotion. Une réflexion est actuellement en cours au niveau international et il me semble qu’entendre le ministre des affaires étrangères et européennes dans deux semaines nous permettra de faire le point sur cette réflexion.

M. Axel Poniatowski, président. Il sera très intéressant de recevoir M. Danny Ayalon la semaine prochaine. Nous reviendrons sur le sujet avec M. Bernard Kouchner puis, éventuellement, dans le cadre d’un débat en séance publique. Nous aurons ainsi largement traité du sujet.

La séance est levée à dix-sept heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 8 juin 2010 à 16 h 30

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Roland Blum, M. Jean-Michel Boucheron, M. Gilles Cocquempot, Mme Geneviève Colot, M. Tony Dreyfus, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Claude Guibal, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Gérard Menuel, M. Jacques Myard, M. Henri Plagnol, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues, M. André Schneider

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. François Asensi, M. Jean-Paul Bacquet, M. Claude Birraux, M. Alain Bocquet, Mme Chantal Bourragué, M. Loïc Bouvard, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, M. Michel Delebarre, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Jacques Guillet, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. François Loncle, M. Lionnel Luca, M. Didier Mathus, M. Éric Raoult, M. François Rochebloine, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle