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Commission des affaires étrangères

Mercredi 20 octobre 2010

Séance de 11 h 30

Compte rendu n° 6

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Sebastián Piñera, Président de la République du Chili

Audition de M. Sebastián Piñera, Président de la République du Chili

La séance est ouverte à onze heures cinquante-cinq.

M. le président Axel Poniatowski. Monsieur le Président de la République, nous sommes particulièrement honorés de vous recevoir et vous remercions d’avoir accepté cette rencontre à l’occasion de votre visite officielle en France. Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue au nom de mes collègues membres de la commission des affaires étrangères, ainsi que des membres du groupe d’amitié France-Chili. Permettez-moi également d’excuser ceux de nos collègues qui n’ont pu nous rejoindre en raison des perturbations dans les transports.

Je tiens tout d’abord à vous adresser nos chaleureuses félicitations pour le sauvetage spectaculaire des 33 mineurs de San José, la semaine dernière (Applaudissements). Le monde entier a suivi avec émotion le déroulement de cette opération extraordinaire et, au-delà de l’exploit technologique, je veux saluer ce succès qui est le résultat d’une formidable mobilisation, que vous avez personnellement coordonnée et qui a donné l’image d’une nation tout entière rassemblée. Durant les 24 heures de la remontée des mineurs à l’air libre, sous les yeux du monde entier, nous étions tous Chiliens, monsieur le Président.

Une autre tragédie avait marqué votre prise de fonctions en février 2010 : le Chili avait alors été frappé par un séisme d’une ampleur exceptionnelle de 8,8 degrés sur l’échelle de Richter – l’un des cinq tremblements de terre les plus violents jamais enregistrés. S’il n’a, fort heureusement, pas entraîné le coût humain de celui qui avait dévasté Haïti quelques semaines plus tôt, les dégâts matériels ont été considérables : vous estimez que la moitié des écoles, le tiers des hôpitaux et le dixième des logements du pays ont été détruits. Comment un pays comme le Chili se remet-il d’une telle catastrophe, alors que la reconstruction coûte entre 15% et 20% du produit national brut ? Dans quelle mesure votre programme économique et social, sur lequel je souhaiterais que vous nous donniez des indications, s’en trouve-t-il affecté ?

Homme d’affaires talentueux, vous êtes en politique un président libéral. Economiste de formation, vous observez depuis une trentaine d’années les transformations de l’économie chilienne. Votre pays, qui fut un temps le laboratoire de « l’Ecole de Chicago », est encore aujourd’hui considéré comme une référence. L’économie chilienne a fait preuve d’une bonne résistance à la crise internationale et connaît un rebond en 2010, alors que le commerce extérieur représente 90% de votre produit intérieur brut et que vous avez subi ce séisme si destructeur. Quel est donc, monsieur le Président, le secret du Chili ?

Alors que la France s’apprête à assurer la présidence du G20, comment envisagez-vous plus largement l’avenir du Chili au sein d’une économie de plus en plus mondialisée, qui exige de meilleures régulations ? Je souhaiterais également que vous nous fassiez part de votre analyse de la situation internationale. En effet, vous effectuez en Europe une visite d’autant plus remarquée que le Chili privilégie tout naturellement ses relations avec ses voisins du continent américain. Comment envisagez-vous vos relations avec les pays européens ? S’agissant enfin des relations bilatérales entre nos deux pays, qu’attend aujourd’hui le Chili de sa relation avec la France et quels sont les grands dossiers qui vous semblent prioritaires ?

M. Sebastián Piñera, Président de la République du Chili. Il est vrai que l’accident minier a commencé tragiquement, mais il a connu un dénouement remarquable, et nous remercions particulièrement la France pour son aide. Toute ma vie, j’ai éprouvé une profonde affection pour la France. Mes grands-parents ont aimé sa culture et connaissaient ses grands auteurs – Rousseau, Hugo et bien d’autres. A la fin de la Belle Epoque, en pleine Grande Guerre, cet amour les conduisit à s’installer à Paris, ici même, où mon père et mes oncles ont vu le jour, avant de faire leurs études au Lycée Janson de Sailly. Grâce à eux, je connais depuis mon enfance le monde français, son histoire, sa culture, ses institutions et ses valeurs républicaines, tout ce qui fait la grandeur de ce pays et qu’il a su partager avec le monde entier.

Nul ne saurait nier l’immense influence que la France a exercée au Chili. Notre indépendance s’est inspirée des idéaux de l’humanisme qui a animé la Révolution française. Pour la France et pour le monde, y compris ce bout du monde qu’était le Chili, la prise de la Bastille fut davantage qu’un bouleversement ; elle fut un changement d’ère. A partir de cette date, les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité sont restés gravés dans le cœur de tous ceux qui rêvent de construire un monde meilleur.

Le premier directeur de l’Ecole militaire chilienne, le colonel français Georges Beauchef, avait servi dans les armées de Napoléon. Dans l’architecture juridique de mon pays, le code napoléonien inspire les règlements et codifications jusqu’à aujourd’hui. La physionomie urbaine de notre capitale, Santiago, s’est développée sous l’influence  française : c’est à des architectes français que nous devons les monuments les plus emblématiques de notre capitale, comme le Congrès national, le Théâtre municipal ou encore l’Université du Chili et le Musée des Beaux-Arts. Les premières études scientifiques de notre flore, de notre faune, de notre géologie et de notre géographie ont été entreprises par un savant français, Claude Gay. Nous devons à des œnologues français, en collaboration avec leurs homologues chiliens formés en France, le développement initial de l’un de nos principaux secteurs économiques : la viticulture. Ils ont introduit dans notre vallée centrale les ceps de pinot, de cabernet, de merlot et de sauvignon avec grand succès. Ce sont eux qui ont conçu nos premières caves. Le père du roman chilien, Alberto Blest Gana, inspiré par la lecture de la Comédie humaine d’Honoré de Balzac, fut le représentant diplomatique du Chili en France ; Pablo Neruda, qui aimait la France, celle de Charles d’Orléans et celle de François Villon, est l’un des poètes de langue espagnole les plus traduits et les plus lus en France ; l’un de nos grands peintres, Roberto Matta, appartenait à l’héritage surréaliste de l’Ecole française de peinture ; et la liste des écrivains, hommes de théâtre et artistes venus de France qui ont inspiré notre pays est encore longue. Au cours des 221 années qui se sont écoulées depuis la Grande Révolution, les expériences politiques et idéologiques les plus diverses ont été faites au nom des idées de liberté, d’égalité et de fraternité, parfois même au prix d’immenses sacrifices et souffrances, et au prix de la mort de millions de personnes. Le XXe siècle n’a pas seulement été jalonné par deux guerres terribles, mais aussi par deux expériences néfastes dans l’histoire contemporaine : le nazisme et le communisme. On ne saurait nier que les débuts du XXIe siècle voient la consolidation d’un système politique et économique qui offre à nos peuples des chances de développement et de progrès d’une ampleur sans précédent. Nous le devons en partie à la France et à sa Révolution, qui est à l’origine du long parcours historique de la démocratie, de l’économie sociale de marché, du respect absolu des droits de l’homme.

Même vieux de deux siècles, ces idéaux politiques, qui ont permis d’abattre le Rideau de fer, ont également permis au Chili, voici vingt ans, d’entamer sa transition pacifique vers la démocratie, exemplaire à plusieurs titres. Pourtant, cette transition est déjà ancienne : aujourd’hui, mon pays se lance dans une nouvelle transition – celle de la jeunesse et de l’avenir, qui nous permettra, avant la fin de la décennie, de devenir le premier pays d’Amérique latine à laisser derrière lui le sous-développement et la pauvreté, et à prendre pleinement place au premier rang de la communauté internationale. Nous avons pour cela besoin d’élargir notre liberté, d’approfondir nos perspectives et d’exercer une véritable fraternité. Dans le contexte actuel, pour élargir notre liberté, nous devons mettre en mouvement les forces de l’imagination, la créativité, l’innovation, l’esprit d’entreprise qui existent au cœur de chaque Chilienne et de chaque Chilien. En ce qui concerne l’équité, nous nous proposons de transformer le Chili, autrefois pays des inégalités, en pays des possibilités qui met en valeur l’effort, le mérite, le travail bien fait, et qui crée les conditions propices à la mobilisation de tous ceux qui veulent faire une différence dans leur vie et dans la société, quels que soient le berceau où ils sont nés et l’école où ils ont étudié.

Voilà pourquoi, dans le contexte international actuel, nous avons besoin de nouveaux outils pour affronter les maux de la mondialisation tels que le trafic de drogues, l’exploitation sexuelle des femmes, le terrorisme international, le réchauffement climatique et, naturellement, les crises économiques de plus en plus fréquentes. Voilà qui suppose sans aucun doute de procéder à de profondes réformes des institutions politiques, économiques et financières internationales. Toutefois, rien de tout cela ne saurait suffire si nous oublions les idéaux de la Révolution française. On ne saurait construire un monde plus humain, plus juste, plus équitable et plus sûr sans apporter la liberté à toutes les régions de la planète où elle demeure impunément piétinée, sans garantir une relation plus égalitaire entre les nations afin d’établir des consensus et des équilibres plus durables, et sans que nos peuples ne pratiquent davantage la fraternité entre eux.

C’est la raison pour laquelle, comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer il y a quelques mois avec le Président Sarkozy, le fait que le Chili exerce actuellement la présidence du Groupe de Rio et que la France exercera celle du G-20 à partir du mois de novembre prochain offre une remarquable chance de promouvoir la liberté, l’égalité et la fraternité entre les pays les plus industrialisés et ceux de l’Amérique latine. En outre, le prochain sommet entre l’Europe et l’Amérique latine, que le Chili aura l’honneur d’accueillir en 2012, sera lui aussi une occasion extraordinaire de resserrer les liens entre nos deux continents, et de les rendre plus féconds. Nous sommes prêts à ce qu’à l’avenir, on nous juge pour nos résultats, et non pour de simples intentions. Dans ces circonstances, je m’associe pleinement au Président Sarkozy qui nous invite à regarder le ciel, et à croire qu’atteindre l’impossible exige simplement un peu plus de temps et de volonté.

Je souhaite profiter de cette rencontre avec les membres de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale pour réaffirmer notre engagement en faveur des principes qui ont régi et orienté la politique extérieure chilienne, parmi lesquels je tiens à souligner particulièrement le respect inconditionnel du droit international, l’inviolabilité des traités, l’égalité juridique entre les Etats, la résolution pacifique des différends et l’autodétermination des peuples, qui sont les piliers essentiels de la stabilité internationale et de la coexistence pacifique entre les nations, mais aussi la promotion de la démocratie et le respect de droits de l’Homme en tous temps, lieux et circonstances, ainsi que notre pari permanent en faveur du multilatéralisme et d’un régionalisme ouvert au monde et, enfin, une concurrence économique loyale et constructive entre les pays. Le Chili ne renoncera jamais à lever la voix dans toutes les instances internationales pour défendre comme il se doit ces principes chaque fois qu’ils seront bafoués.

Je m’adresse donc à vous à un moment où mon pays vit des moments historiques et dramatiques, mais aussi une période d’espoir et de possibilités immenses. Nous avons vécu des moments historiques : vous le savez, les Chiliens ont commémoré il y a deux semaines les deux cents ans de leur indépendance. Nous avons donc ouvert la porte à notre troisième siècle de vie républicaine, et avons célébré ce moment comme une seule et grande famille unie, enlacée, rendant hommage au même drapeau, aux mêmes héros, chantant un même hymne sans considération des différences politiques, religieuses ou autres. Nous avons également vécu des moments dramatiques : il y a quelques mois, le Chili a été frappé par l’un des cinq séismes les plus puissants de l’histoire connue, ainsi qu’un raz-de-marée. Ce jour-là, plusieurs centaines de nos compatriotes ont perdu la vie, et des milliers d’autres sont restés piégés dans la boue et sous les décombres. Les sinistres se sont comptés par millions, et nous avons subi des pertes importantes pour ce qui concerne les logements, les hôpitaux, les écoles et les infrastructures. Pourtant, de ces ruines a surgi un peuple solidaire et fraternel. En 45 jours seulement, nous avons permis à tous nos enfants de reprendre normalement leurs études ; en 60 jours, nous avons rétabli l’accès aux services de santé ; en 90 jours, nous avons construit davantage de logements d’urgence  que dans toute notre histoire ; en 100 jours, nous avons intégralement rétabli les communications, remettant en état tous les aéroports, les ports, les routes et les ponts ; enfin, en 120 jours, notre économie a redémarré et a créé des emplois avec une force et une vigueur qu’elle n’avait pas connues depuis plusieurs années.

Vous avez pu constater le frisson qui, le 5 août dernier, a parcouru mon pays et s’est étendu au monde entier. L’éboulement de près d’un million de tonnes de roches dans l’une des nombreuses mines du désert d’Atacama a pris 33 mineurs au piège à 700 mètres de profondeur. Le Gouvernement chilien et le Chili tout entier ont réuni sur-le-champ toutes leurs ressources humaines et matérielles, publiques et privées, pour les secourir. Durant 17 longs jours d’angoisse et après de nombreux échecs, quelques-uns, et non des moindres, perdirent tout espoir de les retrouver en vie. Pourtant, le 22 août dernier, leur message manuscrit – « Nous allons bien dans le refuge des 33 » – nous est finalement parvenu et restera pour toujours gravé dans nos cœurs et nos esprits. Au 69ème jour d’emprisonnement des mineurs, mardi dernier, nous avons finalement réussi à les secourir sains et saufs, démontrant au monde entier que lorsque les Chiliens s’unissent pour une grande et noble cause, rien ne peut les empêcher de l’atteindre. En ce moment historique, dramatique et porteur de grands espoirs et d’innombrables possibilités, je conclurai par un hommage ému à la liberté, à l’égalité et à la fraternité, ainsi qu’au peuple français qui les a fait naître. Vive le Chili ! Vive la France ! (Applaudissements.)

M. Jean-Paul Lecoq. Je tiens tout d’abord à vous remercier solennellement d’avoir utilisé la langue française pour vous adresser à nous, car ce fut un véritable plaisir de vous entendre, et d’avoir pris le temps de nous confier ce qui, selon vous, fait la grandeur de la France à l’étranger. Vous avez évoqué une période de notre histoire que l’un de nos chanteurs aurait appelée le « temps où les chanteurs avaient de la voix », une période lors de laquelle la France accueillait à bras ouverts les réfugiés qui fuyaient la tyrannie. Il est à craindre que ce temps-là soit révolu, et que nous n’offrions plus aujourd’hui les mêmes conditions d’accueil.

Le sauvetage des mineurs aura-t-il selon vous des conséquences sur le droit du travail, de sorte que l’on empêche un tel accident de se reproduire ? D’autre part, quelles relations le Chili entretient-il avec les autres pays d’Amérique latine ? Peut-on imaginer que se constitue sur votre continent une union comparable à l’Union européenne pour construire une économie régionale solidaire, et la Banque du Sud en est-elle l’amorce ?

M. Jean-Marc Roubaud. Il ne vous a pas échappé, monsieur le Président, que la réforme des retraites a suscité certains conflits sociaux en France. Or, le Chili a réussi sa propre réforme des retraites : quelle est votre recette ?

M. Jacques Myard. Nous sommes désormais entrés de plein pied dans l’ère des puissances relatives : il n’existe plus aujourd’hui de véritable hyperpuissance. Comment le Chili conçoit-il ces nouvelles relations internationales qui percent à travers le G-20 ou la question monétaire ?

M. André Schneider. Monsieur le Président de la République, vous avez déclaré lors de votre investiture que vous souhaitiez faire du Chili, avant la fin de la décennie, un pays développé, libéré de la pauvreté, qui garantit la sécurité et l’égalité des chances pour tous, ainsi qu’un niveau de revenu équivalent à celui des pays de l’Europe méridionale. Quelle méthode emploierez-vous pour y parvenir ?

M. Dominique Souchet. Le tracé des frontières entre le Chili et l’Argentine est-il définitivement établi, notamment dans la zone du canal de Beagle, ou reste-t-il encore des points litigieux et, le cas échéant, comment les règlerez-vous ? Qu’en est-il de votre frontière avec la Bolivie ?

M. Sebastián Piñera, Président de la République du Chili. Le temps où les chanteurs avaient de la voix est précisément notre temps. Nous avons retenu la leçon de l’épisode de la mine, et je peux vous assurer que la sécurité sera considérablement renforcée afin d’éviter que cet accident ne se reproduise.

S’agissant de la réforme des retraites, le Chili a adopté un système très différent du système français. Il s’agit d’un système privé par capitalisation individuelle, dans lequel l’Etat garantit la viabilité des investissements mais ne participe pas directement – sauf pour assurer un niveau minimum de pension pour tous. Ce système a fait ses preuves et est en vigueur dans de nombreux pays.

Un nouvel ordre international est nécessaire. Le système actuel est le produit de la deuxième guerre mondiale. Or, le monde a tant changé qu’il est nécessaire de modifier les institutions  actuelles pour affronter les nouveaux défis que sont le terrorisme, les crises économiques et la pauvreté.

Nous nous sommes engagés à ce que le Chili devienne un pays développé et à éliminer la pauvreté d’ici la fin de la décennie. A ces fins, la croissance est essentielle : notre économie devra croître d’environ 6% par an. Il nous faudra également améliorer la qualité de l’éducation tout en renforçant les systèmes sociaux pour lutter contre la pauvreté.

La question du canal de Beagle est réglée depuis longtemps. Reste le problème de la région dite des Campos de Hielo : un traité nous permet d’y remédier de manière pacifique. Quant à notre frontière avec la Bolivie, celle-ci ne pose aucun problème. Il est vrai que ce pays souhaite un accès à la mer, et nous négocions avec lui sur ce point.

M. Robert Lecou. Vous avez évoqué l’influence française sur la vigne et le vin au Chili. Les exploitations viticoles de votre pays sont-elles de grande ou de petite taille ? Que pensez-vous des perspectives de la consommation mondiale et des parts de marché auxquelles peut prétendre le Chili ? Enfin, le vin français est-il consommé au Chili ?

M. Jacques Remiller. Le Chili s’est d’emblée rallié à la proposition soutenue par la France d’une contribution sur les billets d’avion exigée au titre des sources innovantes de développement, que vous avez également mise en œuvre, ainsi qu’à l’initiative corollaire concernant la facilité internationale d’achat des médicaments, dont vous êtes l’un des cinq co-auteurs. Vous avez d’ailleurs pris en 2010 le relais de la France à la présidence du groupe pilote sur les financements innovants du développement : quels en sont les résultats ? Enfin, qu’en est-il du différend concernant vos frontières maritimes avec le Pérou, suite à la décision unilatérale que cet Etat a récemment prise ?

M. Patrick Labaune. Parmi les dates importantes de l’histoire politique du Chili, un événement s’est produit il y a une quarantaine d’années. Quel est aujourd’hui le rôle de l’armée dans la vie politique chilienne ?

M. Jean-Claude Guibal. Les tensions politiques qu’a connues le Chili ont-elles laissé des séquelles et comment votre pays les a-t-il surmontées ? D’autre part, quelles sont selon vous les raisons de la remarquable croissance économique du Chili et de son équilibre démocratique retrouvé ?

M. Christian Bataille, président du groupe d’amitié France-Chili à l’Assemblée nationale. Monsieur le Président de la République, la visite que vous avez effectuée sur le plateau de Saclay et à l’Ecole Polytechnique illustre l’intérêt que vous portez à la recherche et à la science françaises. Lors de la mission d’information menée par groupe d’amitié que j’ai conduite l’an dernier, nous avons pu mesurer combien nos homologues chiliens s’intéressent à l’expertise scientifique française en matière nucléaire. Comment envisagez-vous la coopération technique et scientifique entre nos deux pays ?

M. Jean-Michel Ferrand. Lors d’un séjour au Chili, il y a quelques années, j’ai constaté que le port de Valparaiso, obstrué par des chaluts, était fermé. Etait-ce dû à la baisse de l’activité maritime, ou bien le port est-il de nouveau actif ? Qu’en est-il du commerce maritime au Chili ?

M. Sebastián Piñera, Président de la République du Chili. Le vin au Chili est une véritable culture. Il existe de petites exploitations, et d’autres plus grandes ; en tout état de cause, je peux vous assurer que la compétitivité des productions chiliennes sera redoutable, car nos vins sont magnifiques !

Le règlement du différend maritime entre le Chili et le Pérou relève de la Cour internationale de justice de La Haye. L’histoire et le droit international semblent nous donner raison, mais il reviendra à la Cour de trancher.

L’armée joue au Chili le même rôle qu’en France : elle assure la défense de notre souveraineté, de notre territoire et de nos frontières, en se conformant naturellement aux règles et aux principes de la démocratie.

La croissance économique chilienne s’explique par plusieurs facteurs, l’un d’entre eux étant la confiance qu’ont les acteurs économiques en la capacité du Chili à maintenir un taux de croissance de l’ordre de 6% à 7%, d’où un cercle vertueux. Elle s’explique aussi par la croissance des investissements, la qualité de notre production, les accords d’intégration conclus avec presque toutes les régions du monde et, enfin, la croissance de l’investissement dans la recherche et les technologies. C’est pourquoi j’ai visité hier l’Ecole Polytechnique, créée pour former les cadres militaires de la France et qui, aujourd’hui, forme l’élite scientifique de votre pays. La coopération scientifique et technologique offre à nos deux pays d’immenses perspectives, tant en matière d’éducation qu’en matière énergétique et nucléaire.

Enfin, le port de Valparaiso est bien actif, et il est appelé à se développer davantage –votre aide sera naturellement la bienvenue – car nous envisageons de doubler nos exportations au cours de la prochaine décennie.

M. le président Axel Poniatowski. La commission des affaires étrangères vient de créer une mission d’information qui porte particulièrement sur les liens entre la France et les pays d’Amérique latine. Que pensez-vous de la place de la France et de ses grandes entreprises au Chili face aux autres investisseurs ? Faut-il la renforcer ?

M. Sebastián Piñera, Président de la République du Chili. Elle est déjà bonne, mais encore perfectible. Le Chili accueillera chaleureusement les vins français et les technologies françaises!

M. le président Axel Poniatowski. Il me reste à vous remercier, monsieur le Président de la République, d’avoir accepté de participer à cette audition et de vous être exprimé en français de bout en bout. Nous vous souhaitons un excellent séjour en France.

M. Sebastián Piñera, Président de la République du Chili. Permettez-moi à mon tour de vous offrir cette pierre, rapportée du fond de la mine par l’un des 33 mineurs secourus, ainsi que le premier message qu’ils nous ont transmis après l’éboulement et un livre sur le désert de l’Atacama. (Applaudissements.)

La séance est levée à douze heures trente-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 20 octobre 2010 à 11 h 30

Présents. - Mme Sylvie Andrieux, Mme Martine Aurillac, M. Christian Bataille, Mme Chantal Bourragué, M. Jean-Louis Christ, M. Dino Cinieri, M. Pascal Clément, M. Gilles Cocquempot, Mme Geneviève Colot, M. Alain Cousin, M. Michel Destot, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Paul Giacobbi, M. Gaëtan Gorce, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Didier Julia, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. François Loncle, Mme Henriette Martinez, M. Didier Mathus, M. Gérard Menuel, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, M. André Santini, M. André Schneider, M. Dominique Souchet, Mme Christiane Taubira

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Jean-Paul Bacquet, M. Roland Blum, M. Alain Bocquet, M. Jean-Michel Boucheron, M. Hervé de Charette, M. Philippe Cochet, M. Pierre Cohen, M. Michel Delebarre, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Lionnel Luca, M. Renaud Muselier, M. Alain Néri, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Odile Saugues, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle

Assistaient également à la réunion. - Mme Martine Faure, M. Henri Nayrou, M. Jacques Pélissard, M. Jean-Luc Pérat