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Commission des affaires étrangères

Mercredi 1er décembre 2010

Séance de 9 h 30

Compte rendu n° 19

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Maroc : approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (n° 2560) – M. Didier Julia, rapporteur

– Liban : approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise (n° 2561) – M. Jean-Marc Nesme, rapporteur 6

– Inde : approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de l’Inde relatif à la coopération dans le domaine de l’utilisation de l’espace extra­atmosphérique à des fins pacifiques (n° 2709) – M. Robert Lecou, rapporteur 10

– Cameroun : approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (n° 2771) – M. André Schneider, rapporteur 13

Maroc : approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission examine, sur le rapport de M. Didier Julia, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (n° 2560).

M. Didier Julia, rapporteur. Cette convention de sécurité sociale avec le Maroc doit remplacer la convention générale de sécurité sociale du 9 juillet 1965, maintes fois amendée, et les nombreux protocoles et accords complémentaires intervenus depuis. Y est annexé un protocole relatif au libre transfert des cotisations à la Caisse des Français de l’étranger. La nouvelle convention reprend dans un instrument juridique unique les stipulations éparses actuellement en vigueur et leur apporte quelques modifications et compléments, en particulier pour tenir compte de l’évolution des flux migratoires entre les deux pays.

Le travail de refonte de certaines conventions bilatérales de sécurité sociale, qui a conduit à l’élaboration de la présente convention, concerne aussi d’autres pays avec lesquels les accords en vigueur sont devenus trop complexes ou caducs. Ainsi, après la « refonte » de l’accord avec la Tunisie, des négociations sont actuellement en cours pour moderniser les conventions avec le Canada, avec la Serbie et avec l’Algérie.

Les principaux flux financiers vers le Maroc concernent le versement de retraites, qui obéissent à des règles que la nouvelle convention ne modifie pas. Les différences portent sur les prestations familiales et la prise en charge des dépenses de santé, avec notamment un élargissement de la notion d’ayant droit : alors que l’ancienne convention n’accordait un droit aux prestations qu’aux salariés et aux familles restées au pays, ce droit sera ouvert aux membres de la famille qui se déplacent avec l’assuré ; les familles font en effet de fréquents allers et retours entre les deux pays. Pourtant, le gouvernement ne semble pas en mesure de chiffrer l’impact financier à attendre de ces modifications. Il faut néanmoins souligner que, pour éviter tout dérapage sur les prestations familiales, alors que la polygamie existe au Maroc – mais devient plus rare : il y aurait de l’ordre de 1 000 hommes par an qui prennent une deuxième épouse –, les prestations familiales sont versées pour quatre enfants au plus.

Ce sont de l’ordre de 370 millions d’euros qui sont transférés chaque année de la France vers le Maroc en application des normes actuellement en vigueur, l’essentiel des dépenses concernant le versement de pensions de retraite. Il faudrait au moins savoir quel sera le surcoût induit par le nouveau dispositif : quand le gouvernement s’efforce de réduire toutes les dépenses publiques, on ne peut accepter que la mise en œuvre d’accords de ce type se traduise par un dérapage incontrôlé des dépenses.

Le protocole annexe relatif au libre transfert des cotisations à la Caisse des Français de l’étranger vise pour sa part à régler le problème que rencontrent certains binationaux pour verser leurs cotisations à cette caisse, dans la mesure où le gouvernement marocain entend leur appliquer le contrôle des changes, comme à tous les citoyens de ce pays. Sans entrer dans le détail des modalités d’application, le protocole se contente de fixer le principe de libre transfert des cotisations d’assurance volontaire pour les cas qui ne sont pas prévus par la convention elle-même.

Pour conclure, la réunion de textes dispersés dans une convention unique assurera une clarté bien venue, mais on ne peut que déplorer l’absence de données précises quant à l’impact financier des modifications apportées aux règles actuellement en vigueur.

M. le président Axel Poniatowski. Monsieur le Rapporteur, pouvez-vous préciser ce que recouvre exactement le montant de 370 millions d’euros que vous avez cité, et quelles sont les incertitudes sur le coût de la mise en œuvre de cette convention ?

M. Didier Julia, rapporteur. Le montant de 370 millions d’euros que j’ai mentionné correspond à la totalité des dépenses effectuées par la France au Maroc en application des différents instruments juridiques en vigueur. L’incertitude porte sur le coût supplémentaire qu’entraînera l’application de la convention par rapport à celle des différents accords préexistants. Cela concerne par exemple toutes les familles de travailleurs marocains exerçant en France qui effectuent de fréquents allers-retours entre notre pays et le Maroc. Cela concerne également tout travailleur marocain ayant cotisé en France et qui, prenant sa retraite, pourra la toucher où qu’il réside en Europe – et pas seulement au Maroc, c’est là un progrès de la nouvelle convention – comme s’il se trouvait sur le territoire français.

M. le président Axel Poniatowski. Les stipulations relatives aux pensions de retraite sont parfaitement légitimes. Là où le bât blesse, c’est que nous ne disposons d’aucune information précise sur l’impact d’un élargissement de l’assurance maladie à tous les membres des familles, où qu’ils se trouvent.

M. Jean-Paul Dupré. Je souhaiterais disposer de précisions sur la réciprocité de la convention, sur l’étendue des risques couverts et sur le nombre de personnes concernées.

M. Didier Julia, rapporteur. La réciprocité est évidemment totale. 800 000 Marocains, dont 350 000 bi-nationaux, résident en France, tandis que quelque 40 000 Français sont établis au Maroc de façon permanente. Comme beaucoup de travailleurs originaires d’Afrique du Nord, ceux venant du Maroc pour travailler en France retournent ensuite souvent dans leur pays. Par ailleurs, les Français sont de plus en plus nombreux à prendre leur retraite au Maroc. Enfin, je puis vous indiquer que la France verse environ 150 000 prestations sociales, tous risques confondus, à des bénéficiaires résidant au Maroc.

M. Jacques Bascou. Si nous attendons encore de savoir quel coût supplémentaire représenterait l’application de cette convention, ne pouvons-nous craindre dès à présent qu’elle ne dégrade encore les comptes sociaux dans notre pays, où par ailleurs la générosité des prestations va diminuant ? À l’inverse cependant, je note que les personnes concernées par la convention ont travaillé et cotisé pour leur retraite ; s’agit-il donc de travailleurs dans tous les cas ?

M. Didier Julia, rapporteur. Les personnes concernées ont cotisé à la sécurité sociale ou sont des ayants droits.

M. Philippe Cochet. Ce projet devrait être en principe accompagné d’une étude d’impact. Il est atterrant, compte tenu du déficit de la sécurité sociale, de ne pas obtenir d’éléments chiffrés sur le coût induit par cette convention. Sans remettre en cause le bien-fondé de ce projet de loi, je me demande si nous ne devrions pas attendre, avant de le voter, de disposer de ces éléments. À défaut, personnellement, je m’abstiendrais.

M. Didier Julia, rapporteur. Le projet de loi dont nous débattons a été déposé avant que les études d’impact ne deviennent obligatoires.

M. François Rochebloine. Le surcoût qu’implique cette convention est certes inconnu mais connaît-on le nombre de personnes concernées ? Par ailleurs, une retraite liquidée en France peut-elle être perçue au Maroc ?

M. le président Axel Poniatowski. Sur le deuxième point, cela est non seulement possible mais tout à fait normal.

M. Didier Julia, rapporteur. Quant au premier point, j’ai indiqué que 150 000 prestations étaient servies, ce qui signifie que le nombre de personnes concernées est inférieur car une même personne peut bénéficier de plusieurs prestations.

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis disposé à soutenir a priori tout ce qui peut améliorer les relations entre la France et le Maroc ! (sourires). Je m’interroge néanmoins sur l’impact de cette convention et sur l’existence de contrôles pour encadrer son application en matière d’assurance maladie. Alors que dans ma ville les contrôles diligentés par les caisses de sécurité sociale sont fréquents et sévères, qu’en est-il au Maroc pour le versement de prestations par la France ?

Sur un tout autre plan, plus personnel, j’avoue mon étonnement devant l’absence de réaction officielle de la part des députés français lorsque l’un de leurs collègues, quelle que soit son appartenance politique, se fait expulser indûment par un gouvernement étranger.

Enfin, Monsieur le Président, je souhaiterais connaître vos intentions s’agissant du débat que j’ai demandé sur la situation au Sahara occidental.

M. le président Axel Poniatowski. Nous sommes un certain nombre à nous être prononcés publiquement, à l’instar du ministre des affaires étrangères et européennes, contre l’expulsion parfaitement anormale que vous avez subie. Certains médias ont d’ailleurs rendu compte de nos protestations.

Je vous répondrai ultérieurement au sujet du débat que vous souhaitez voir organisé lorsque le Bureau de notre commission donnera son avis, mi décembre, sur la création d’un groupe d’étude sur le Sahara occidental qu’il appartient in fine au Bureau de notre Assemblée d’autoriser ou non. A titre personnel, compte tenu de l’évolution de la situation sur le terrain avec le démantèlement du Camp de El-Ayoun et du vote intervenu au Parlement européen, il y a peu, je serai favorable à la création d’un groupe d’études. L’Assemblée nationale ne peut pas rester inactive sur ce dossier.

M. Didier Julia, rapporteur. À propos de l’impact de la convention dans le champ de l’assurance maladie, je peux vous indiquer que pour l’année 2008, la France a remboursé en ce domaine 16 117 euros au Maroc, ce qui semble très faible.

M. Patrick Labaune. Afin de ne pas émettre un vote de rejet à l’encontre d’un très bon rapport, n’aurions-nous pas intérêt à reporter notre vote dans l’attente d’informations plus précises sur l’impact financier de la convention ?

M. Jean-Paul Bacquet. J’approuve notre collègue Jean-Paul Lecoq sur la question des contrôles. En France, les médecins prescripteurs s’inscrivent dans un cadre conventionnel, ce qui implique l’existence de contrôles, si perfectibles soient-ils. Mais à l’étranger, où les prescripteurs ne sont par définition pas conventionnés avec l’assurance maladie française, il n’y a aucun contrôle. J’ai en mémoire des exemples précis de caisses locales de sécurité sociale ayant découvert un système de fraude aux arrêts de travail, ceux-ci étant « achetés » à des médecins étrangers juste avant le retour en France à la fin des congés… De même a-t-on connu une prolifération de miliaire tuberculeuse au Maroc, qui n’était en fait qu’une escroquerie consistant à truquer des radiographies avec des complicités locales puis à envoyer les clichés en France pour s’y faire reconnaître victime de maladie professionnelle !

J’insiste donc sur ce problème de l’absence de contrôle qui me semble difficile à résoudre : on ne va pas, en effet, faire venir un travailleur marocain en France pour effectuer un contrôle, de même qu’il est peu probable que des contrôleurs français soient acheminés au Maroc.

Mme Martine Aurillac. D’autres accords du même type existent-ils avec des États voisins, comme la Tunisie ?

M. Didier Julia, rapporteur. Tel est précisément le cas. L’accord franco-tunisien, dont le contenu est très similaire à celui de la convention que nous examinons ce matin, donne toute satisfaction. Je me permets de vous rappeler que le projet de loi autorisant son approbation avait d’ailleurs fait l’objet d’un vote favorable et unanime de notre commission, en dépit de son impact financier imprécis.

Mme Chantal Bourragué. L’expression « ayant droit » recouvre-t-elle la même réalité en France et au Maroc ?

M. Didier Julia, rapporteur. La convention élargit la notion d’ayant droit : alors que l’ancienne convention n’accordait un droit aux prestations qu’aux salariés et aux familles restées au pays, ce droit sera ouvert aux membres de la famille qui se déplacent avec l’assuré. Je vous signale par ailleurs que le versement des prestations familiales est limité à quatre enfants par famille, eu égard aux cas de polygamie. Du reste, la polygamie est en recul au Maroc, où elle concerne tout de même, comme je viens de l’indiquer, 1 000 nouveaux foyers chaque année.

M. Gérard Menuel. Comment les stipulations de l’article 31 relatives à la réversion s’appliquent-elles en cas de polygamie ?

M. Didier Julia, rapporteur. La législation diffère sur ce point entre la France et le Maroc : dans ce pays, le partage des prestations s’effectue également entre les épouses, tandis qu’en France il s’effectue au prorata du nombre d’années de vie commune.

M. le président Axel Poniatowski. Je retire de nos débats que nous serons très probablement amenés in fine à approuver ce projet de loi. La convention dont il demande l’approbation ne pose aucun problème dans le domaine de la retraite ; en revanche, des questions se posent en matière d’assurance maladie. Nous avons besoin de disposer de davantage d’informations en ce domaine, notamment à propos des contrôles prévus, même si je suis persuadé que ces contrôles sont conduits au Maroc avec une rigueur identique – sinon supérieure – à celle observée en France. Mais devant l’absence d’étude d’impact il nous est difficile d’approuver ce projet « à l’aveugle ». Par conséquent, je vous propose de reporter notre vote sur ce projet qui sera de nouveau inscrit à l’ordre du jour de la commission.

Suivant la proposition du Président, la Commission décide de reporter son vote sur le projet de loi n° 2560.

Liban : approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Marc Nesme, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise (n° 2561).

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. M. le Président, mes chers collègues, lorsque vous m’avez confié l’analyse de l’accord de coopération militaire avec le Liban, la première pensée qui m’est venue à l’esprit, s’agissant d’un pays que je connais bien, était d’analyser si ce texte, signé par M. Hervé Morin le 20 novembre 2008 à Beyrouth, présentait un risque pour la France.

Vous connaissez tous le contexte particulier qui est celui du Liban. L’autorité de l’Etat sur son territoire et sa population n’est pas pleine et entière. L’armée est sous-équipée pour assumer ses missions en raison de budgets d’investissement très faibles et ne peut espérer en cas de conflit réduire les milices, notamment celle du Hezbollah. Des troupes françaises sont enfin présentes sous le mandat de la FINUL au Sud Liban, dont l’espace aérien est quotidiennement violé par l’armée de l’air israélienne. Je l’ai personnellement constaté en accompagnant le Président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, lors d’une visite à la frontière libano-israélienne.

Il importe en conséquence d’analyser l’objectif que poursuit la diplomatie française avec la signature de cet accord, l’intérêt qu’elle espère en retirer et les risques éventuels qu’il peut faire courir pour nos forces au Sud Liban

Cet accord est une conséquence du conflit de l’été 2006 au Sud Liban. Nos deux pays ont convenu, sur demande française, de rénover le cadre juridique de leur coopération, qui était régie par un accord de juillet 1975 relatif aux coopérants techniques militaires. Le ministère de la Défense, en France, a considéré qu’il fallait rédiger un nouveau texte dans la mesure où d’une part le conflit avait révélé les lacunes de l’armée libanaise et où d’autre part des troupes françaises allaient être présentes sur le sol libanais, sous l’égide des Nations Unies. Le renforcement de l’armée libanaise, condition de la restauration de l’autorité de l’Etat, est en effet la condition d’un désengagement futur de la France au Sud Liban, notre pays ne souhaitant pas y pérenniser sa présence. Ce point est important pour comprendre la portée de cet accord.

Engagée en janvier 2007, la négociation s’est achevée en juillet 2008 et n’a pas présenté de difficulté majeure, les seuls points délicats étant d’ordre fiscal et douanier. A ce jour, le Parlement libanais n’a pas encore autorisé la ratification de cet accord mais il devrait y procéder prochainement.

D’emblée, je souligne qu’il ne s’agit pas d’un accord de défense qui contiendrait des clauses d’engagement de nos forces au Liban, mais que ce texte se limite à organiser une coopération dont l’objet est de renforcer les capacités humaines et techniques de l’armée libanaise, en tant que de besoin, à la demande de son Gouvernement. Cette nuance est importante car elle limite le risque lié à toute assistance à un pays où la tension entre partis politiques, représentatifs des différentes communautés religieuses, est largement palpable. Sur place, les tensions sont très fortes, à l’approche de la décision du tribunal spécial international sur l’assassinat de Rafic Hariri.

Le contenu de l’accord, très général, présente moins d’importance que le principe même de sa signature. Il témoigne de la volonté de la France de rester aux côtés d’un pays où elle entretient une présence séculaire. Le volet politique de l’accord prime, avec comme objectif central le renforcement de l’Etat libanais.

Très brièvement, l’accord se divise en trois parties. Les articles 1er à 5 précisent le cadre général de la coopération entre les deux pays ; les articles 6 à 13 prévoient le statut des forces françaises présentes au Liban dans le cadre de cet accord ; enfin, les articles 14 à 17 contiennent les dispositions finales de l’accord.

Techniquement, l’accord permet à la France de former les militaires libanais à tous les niveaux et donne une base juridique qui permet à notre pays d’y vendre du matériel. Il ne faut toutefois pas trop attendre de cette clause car le budget annuel de l’armée libanaise est très faible, moins de 500 millions de dollars, la part dévolue aux investissement étant réduite : 21 millions de dollars annuellement.

D’où la question que je pose dans mon rapport : cet accord, au même titre que l’aide quinquennale américaine, vise à renforcer l’Etat libanais, mais tous les Libanais veulent-ils le renforcement de leur armée ?

En posant cette question, j’entre évidemment dans le débat sur l’unité du pays et le poids des milices, notamment celle du Hezbollah.

L’armée libanaise est clairement le symbole de l’unité nationale à laquelle la plupart des Libanais aspirent. En des circonstances précises, comme les accrochages au camp palestinien de Nahr el Bared ou lors d’accrochages avec l’armée israélienne l’été dernier, l’armée reçoit le soutien massif de la population. Elle bénéficie de ce soutien chaque fois qu’elle est aux prises avec des éléments étrangers.

Mais dès lors qu’elle doit faire régner l’ordre à l’intérieur du pays, toute l’ambiguïté de la situation libanaise se révèle. L’armée libanaise a beau être unitaire dans la composition de ses unités comme de son commandement, il semble bien qu’elle soit fragilisée par le communautarisme. En outre, la faiblesse de ses armements l’empêche d’être efficace en opération. Dans un contexte interconfessionnel encore fragile, elle se garde bien d’intervenir contre les milices, notamment celle du Hezbollah, qui est le véritable maître du terrain au Sud Liban. Quelques autres secteurs, très délimités, échappent également à son contrôle à l’intérieur du pays.

Dans ces conditions, nous devons analyser l’accord militaire signé par la France comme un acte politique dont l’objet est, sur le long terme, de renforcer l’Etat libanais. Si nous ne le faisons pas, si la France se détourne du Liban, d’autres partenaires occidentaux prendront notre place, mais surtout, Beyrouth n’aura d’autre choix que de se tourner vers Téhéran pour assurer sa défense. Le Président Ahmadinejad a fait des offres précises au gouvernement libanais lors de sa visite en octobre dernier. On mesure les conséquences stratégiques d’un accord militaire irano-libanais s’il voyait le jour…

L’accord de coopération militaire signé par la France doit être apprécié à sa juste valeur. Il ne donnera pas d’impulsion décisive à notre coopération avec le Liban. Trop d’obstacles politiques et budgétaires empêchent la modernisation de l’armée libanaise. Mais il est le cadre par lequel notre pays peut appuyer la restauration d’un Etat encore fragile. Il s’agit avant tout d’un objectif politique de long terme, qu’il convient de soutenir.

En définitive, cet accord de coopération militaire n’emporte pas de risque particulier pour notre pays :

- Il n’a pas pour objet de régir l’emploi de nos forces présentes au sein de la FINUL, au Sud Liban, qui relèvent d’une autre problématique.

- Il ne constitue pas non plus un accord de défense avec des clauses d’engagement. De telles clauses auraient été très dangereuses dans une région du monde aussi instable.

- Il est en revanche un outil très utile pour affirmer notre présence aux côtés de l’Etat libanais. La coopération militaire ne revêt qu’un aspect technique au service d’un objectif politique plus large.

Restaurer l’Etat libanais permet de satisfaire les aspirations à la paix et à la sécurité de l’écrasante majorité des Libanais tout en cherchant à apaiser les tensions au Proche-Orient. Cet objectif de long terme nécessite des outils – cette convention en est un – ainsi qu’une volonté politique qui, jusqu’à présent, a été une constante de la diplomatie française.

Je vous invite en conséquence à adopter cet accord de coopération militaire.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Cette convention est avant tout un acte politique affirmant le soutien français à l’Etat du Liban et à la pérennité de ce pays.

M. Jean-Paul Dupré. Vous avez fait mention de conventions de coopération militaire liant le Liban aux Etats-Unis et à l’Italie. Y a-t-il d’autres pays européens qui ont signé des accords de ce type ? Avons-nous une idée de l’impact de ces conventions sur les pays de la région ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. La Russie a proposé de vendre des avions au Liban, mais cette proposition n’a pas eu de traduction concrète pour le moment. Le Royaume-Uni, pour sa part, entretient quelques navires.

La réaction syrienne à ces conventions, qui est évidemment la plus attendue, n’a pas été négative. Chacun réalise que le meilleur moyen d’aider l’Etat libanais est de le doter d’une armée à même d’accomplir les prérogatives régaliennes qui sont les siennes.

M. Robert Lecou. Quel est l’état des relations entre la France et le Liban ? Quels sont les sentiments des Libanais vis-à-vis de notre pays ?

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. N’ouvrons pas un débat trop large, sans rapport avec l’objet du texte.

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Dans l’ensemble des communautés, qu’elles soient chrétienne, sunnite ou chiite, la France conserve un rayonnement politique et culturel incomparable au Liban. Sur le plan économique, il en va un peu différemment.

M. Hervé de Charrette. Il est difficile de voir l’impact concret qu’aura une telle convention, il est donc difficile de s’opposer à sa ratification !

Le Liban doit faire face à deux menaces militaires : l’une, extérieure, en provenance d’Israël, l’autre, intérieure, du fait de l’activité du Hezbollah. L’armée libanaise n’est prête à affronter aucune de ces deux menaces.

La situation de la FINUL est très préoccupante, car son format actuel ne correspond plus à la mission qui lui était attribuée à l’origine. Prévue pour être une mission lourde visant à faire respecter la frontière israélo-libanaise, elle ne paraît plus à même de remplir ses objectifs. Déjà, l’aviation israélienne feint d’ignorer la présence de la FINUL, et le Hezbollah occupe le terrain. Ce bilan est très inquiétant pour la force et les soldats qui la composent. La France n’aurait pas dû accepter de participer à cette mission dans ces conditions.

Je soutiens l’idée avancée par le rapporteur de la nécessité de renforcer l’armée libanaise pour construire un Etat stable. Mais la situation actuelle en est très éloignée, le communautarisme reprenant progressivement une place prépondérante. Dans ce contexte, la division de la communauté chrétienne doit nous alerter.

M. François Rochebloine. Je constate et déplore la réduction de la présence française au Liban, et l’affaiblissement du rôle joué par notre langue.

Concernant la convention, une coopération est-elle explicitement prévue en matière d’aide au déminage du territoire libanais ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Malheureusement, l’affaiblissement de notre langue ne touche pas que le Liban.

S’agissant de l’assistance au déminage, il n’existe pas de clause spécifique dans l’accord, mais celui-ci peut constituer le cadre d’une telle opération. Des experts français ont participé aux opérations de déminage à la suite du conflit de 2006.

M. Patrick Labaune. Cet accord est plutôt un acte politique qu’une convention de coopération militaire, avec, pour objectif, de renforcer l’Etat libanais. Vous avez indiqué que le texte ne prévoyait pas d’intervention française dans les affaires intérieures du Liban, ni dans d’éventuelles crises internationales impliquant le pays. Pourtant, l’article 3 de la convention prévoit la possibilité de mettre en place des opérations préventives et curatives.

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Cela concerne seulement la formation des soldats. L’accord ne prévoit pas l’envoi de forces françaises pour combattre.

M. Serge Janquin. Cet accord est bien de caractère politique, sans portée militaire, ce qui est logique au vu du faible niveau de développement de l’outil de défense libanais. Ce que l’on souhaite avec cette convention, c’est acheter un ticket d’entrée à la table de négociations sur la défense des intérêts du Liban.

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. L’accord porte sur des éléments de coopération militaire très importants, la formation et surtout l’équipement des forces libanaises, ce qui peut avoir des conséquences commerciales importantes.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2561).

Inde : approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de l’Inde relatif à la coopération dans le domaine de l’utilisation de l’espace extra­atmosphérique à des fins pacifiques

La commission examine, sur le rapport de M. Robert Lecou, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de l’Inde relatif à la coopération dans le domaine de l’utilisation de l’espace extra­atmosphérique à des fins pacifiques (n° 2709).

M. Robert Lecou, rapporteur. Monsieur le Président, mes chers collègues, l’examen de cette convention est pour moi l’occasion de rappeler que l’Inde est aujourd’hui un pays émergé, bien plus qu’émergent. Avec une vingtaine de satellites opérationnels, treize satellites en cours de développement, et des projets de lancement d’une sonde lunaire d’ici 2013 et de vol habité dans l’espace d’ici 2015, l’Inde est aujourd’hui un acteur majeur du paysage spatial mondial. Depuis l’achèvement de son lanceur national en 1980, elle fait partie du cercle étroit des puissances spatiales, aux côtés des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, du Japon et de l’Europe.

Nés concomitamment au début des années 1960, les programmes spatiaux français et indien se sont très tôt rapprochés, d’autant que les ambitions spatiales indiennes ont été marquées, dès l’origine, par un caractère essentiellement pacifique. C’est ainsi que la France et l’Inde ont signé, le 21 juin 1977, un accord de coopération dans le domaine spatial.

Cet accord institutionnalisait la coopération spatiale franco-indienne mais il souffrait d’un manque de précision à trois égards : la liste des domaines de coopération était limitée et devenue désuète au regard des progrès scientifiques et technologiques ; les échanges d’informations et la diffusion d’informations, notamment auprès des tiers, s’effectuaient dans un cadre juridique sommaire et qu’il était bon de préciser ; le régime des droits de propriété intellectuelle était presque totalement passé sous silence.

Le temps était donc venu de donner un nouvel élan à une coopération étroite et ancienne. Aussi est-ce la raison pour laquelle la France et l’Inde ont signé un accord-cadre de coopération en matière d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, le 30 septembre 2008, à l’occasion de la visite dans notre pays du Premier ministre indien Manmohan Singh. Cet accord s’inscrit dans le prolongement du partenariat stratégique établi en 1998 entre nos deux pays et dans la ligne des orientations que le Président de la République a souhaité donner à ce partenariat lors de sa visite en Inde en janvier 2008.

Semblable en bien des points aux accords-cadres relatifs à la coopération dans le domaine de l’étude et de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique que la France a signés avec le Brésil en 1997 ou avec les Etats-Unis en 2007, le présent accord-cadre illustre la double convergence des objectifs et des moyens des programmes spatiaux français et indien.

En effet, l’objectif indien d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique aux fins de recherche météorologique et climatologique correspond à l’un des cinq axes stratégiques « Développement durable » privilégiés par la politique spatiale française. Elargissant considérablement le champ de la coopération, l’article 3 de l’accord-cadre mentionne, entre autres domaines, la météorologie, la géophysique, et l’étude du changement climatique à l’aide de satellites d’observation de la Terre.

La réalisation de ces objectifs pourra prendre différentes formes, que l’article 4 de l’accord énumère de façon non exhaustive : échanges de données, d’équipement, et de personnel ; programmes de formation ; mise au point de programmes spatiaux communs, y compris à caractère industriel et commercial.

Quant aux échanges de données, le présent accord est plus complet que l’accord de 1977. Une annexe assure un équilibre juridique entre les parties en garantissant les contributions respectives des parties au regard du droit de la propriété intellectuelle et en prenant soin de définir les « informations confidentielles » que les parties s’obligent à protéger. La communication à des pays tiers d’informations issues des recherches menées dans le cadre du présent accord de coopération est soumise par l’article 9 au consentement préalable et mutuel des deux pays, qui doit être recueilli par écrit en matière de propriété intellectuelle (article V de l’annexe).

Les moyens indiens, notamment le niveau de maîtrise technique acquis par l’Agence spatiale indienne, correspondent aux moyens français et rendent le partenariat équilibré.

L’équilibre du partenariat proposé par le présent accord-cadre est d’abord institutionnel : c’est sur un pied d’égalité que le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et l’Indian Space Research Organisation (ISRO) sont chargés par l’article 2 d’appliquer l’accord-cadre en tant qu’organismes d’exécution.

C’est aussi à parts égales que la France et l’Inde sont représentées au sein de l’instance de pilotage de la coopération spatiale franco-indienne que crée l’article 6 de l’accord-cadre. Cette disposition institue en effet un groupe de travail mixte, composé de membres désignés par chacun des deux Etats, doté de deux coprésidents (l’un français, l’autre indien), et réuni au moins une fois par an, alternativement en France et en Inde. Ce groupe de travail est chargé de la définition des futurs programmes de coopération, du suivi et de l’évaluation de leur mise en œuvre, ainsi que du règlement amiable de tout différend pouvant survenir.

L’équilibre réalisé par le présent accord-cadre est ensuite financier : l’article 7 prévoit que la coopération envisagée s’effectue sans échange de fonds. Elle s’effectuera donc sous forme d’apports en nature, sur le modèle de ce qui a été convenu pour les missions Megha-Tropiques et Saral, à savoir que l’Agence spatiale française fournit la charge utile scientifique (instruments d’observation) et que l’Agence spatiale indienne fournit le lanceur et la plateforme satellite.

La contribution française aux programmes susceptibles de naître du présent accord-cadre est donc appelée à mobiliser les industries françaises du secteur spatial. Le gouvernement indien pourrait aussi solliciter des entreprises françaises, comme EADS Astrium, Thales, ou encore des petites et moyennes entreprises chargées de fabriquer des sous-systèmes, car il n’y a guère d’industrie spatiale en Inde et aucun équivalent d’EADS Astrium ou d’Alcatel Espace, la quasi-totalité des activités spatiales étant jusqu’ici prise en charge par l’Agence spatiale indienne.

Or je vous rappelle, mes chers collègues, que l’industrie spatiale représente 30 000 emplois en Europe, dont 12 000 en France, et que l’investissement dans l’innovation spatiale présente un important effet de levier sur l’économie. On estime ainsi qu’en 2008, avec l’investissement de sept milliards de dollars dans les satellites commerciaux lancés, ce sont près de cent trente milliards de dollars qui ont été injectés dans l’économie mondiale.

Disposant de personnalités hautement compétentes, mais de moyens budgétaires encadrés, les agences spatiales française et indienne avaient besoin d’un instrument juridique plus global et mieux adapté que l’accord de coopération spatiale du 21 juin 1977, pour mettre en commun leurs ressources et mener à bien des projets dont la nature évolue avec les progrès technologiques et scientifiques.

Propice au développement des connaissances scientifiques, l’accord-cadre du 30 septembre 2008 pourrait également l’être au développement des échanges économiques en favorisant le positionnement des entreprises françaises sur le marché spatial indien.

C’est pourquoi, quelques jours avant la visite du Président de la République en Inde, je vous invite à voter en faveur du projet de loi n°2709 autorisant l’approbation de cet accord.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est positif d’avoir ce type d’accords avec des pays qui ont des activités dans le domaine spatial et, a priori, j’y suis favorable. Néanmoins, d’expérience, on sait que, à chaque fois que ces accords mettent en jeu les intérêts des entreprises françaises, cela se traduit par des délocalisations systématiques. Si ce n’est pas le cas dans ce cadre-ci, tant mieux, mais je suis sceptique dans la mesure où il sera moins coûteux de produire en Inde qu’en France. Cette réalité m’inciterait plutôt à voter contre et je m’abstiendrai donc.

M. le président Axel Poniatowski. Cela étant, lorsque l’on crée des marchés, on crée aussi des emplois ; même s’ils ne sont pas tous créés en France, cela reste un effet positif.

M. Robert Lecou, rapporteur. Il faut aussi rappeler que l’Inde, à la différence de la France, n’a pas d’industrie spatiale. Le secteur privé indien est peu investi dans le domaine spatial. L’Inde n’a qu’une agence publique nationale, et on est donc dans ce domaine très en avance sur elle.

M. Hervé de Charette. Il ne faut pas avoir d’hésitation, cet accord est un très bon accord. L’Inde sera demain une puissance spatiale et il est de la plus grande importance que nous ayons une coopération avec elle dans ce domaine. Cela étant, on ne sait pas bien quels sont les projets concrets qui sont envisagés. Le cadre juridique est parfaitement clair, mais qu’en est-il du contenu pratique, du suivi, des plans et prévisions ?

M. Robert Lecou, rapporteur. Il y a deux programmes, Megha-Tropiques, en premier lieu, sur les phénomènes climatiques tropicaux et Saral, sur l’observation océanique, avec de nouveaux satellites. Il faut aussi rappeler que l’accord prévoit que, dès 2011, les deux agences vont proposer des programmes communs.

M. André Schneider. Peut-on avoir des éclaircissements sur la notion de puissance spatiale ?

M. Robert Lecou, rapporteur. C’est une puissance qui doit maîtriser la totalité des processus, depuis la conception jusqu’au lancement d’engins spatiaux et donc le fait de posséder des lanceurs de satellites à mettre sur orbite. Aujourd’hui, Israël ne lance plus ses engins, la Corée a échoué. En fait, comme puissance spatiale, il y a les Etats-Unis, qui disposent de quelque 400 satellites en opération, la Russie, qui a été la première nation a lancer un engin en 1957, et qui en a aujourd’hui une centaine en activité ; l’Union européenne, puis la Chine, ensuite, avec 40 satellites, le Japon, 16, et l’Inde, 20. Ce sont les pays qui maîtrisent toutes les étapes précitées. La France, a commencé depuis l’Algérie, elle est maintenant à Kourou et envoie ses satellites avec un lanceur européen.

M. Jean-Michel Boucheron. Il est important d’être sûr que l’on est pas dans une fuite en avant : nous signons aujourd’hui des accords avec tous les pays émergents concernant une infinité de secteurs technologiques, comme si nous devions absolument être dans ce « TGV économico-commercial », mais quel est en fait l’atout de la France ? L’Inde a fait des progrès technologiques considérables et a même pris dans certains domaines, l’informatique, notamment, une avancée sur nous. Quel suivi de ce type d’accord est effectué par la cellule de veille technologique de Bercy ? Les transferts sont-ils voulus, négociés, vendus et quel est l’accompagnement prévu ? Beaucoup d’entreprises risquent d’y perdre à la fois leur âme et leur clientèle.

M. le président Axel Poniatowski. Si je partage votre sentiment en ce qui concerne la Chine, je suis plus réservé s’agissant de l’Inde.

M. Robert Lecou, rapporteur. Le CNES suit la situation. Il faut rappeler que l’Inde est une vraie puissance spatiale qui n’a rien à envier à la France. Elle dispose par exemple du plus grand réseau météorologique et a des projets de vols habités vers la lune et mars. L’Inde n’est pas à négliger, et cet accord est gagnant-gagnant pour les deux pays.

M. le président Axel Poniatowski. Pour compléter les propos de M. Jean-Michel Boucheron, je crois qu’il serait opportun que nous auditionnions le responsable de cette cellule à la rentrée pour mieux connaître les types de contrôle qui sont effectués sur les transferts de technologie.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2709).

Cameroun : approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire

La commission examine, sur le rapport de M. André Schneider, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (n° 2771).

M. André Schneider, rapporteur. Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis très heureux de vous présenter ce rapport d’une part parce que je m’occupe des relations de la France avec le Cameroun depuis trente-cinq ans, et d’autre part parce que j’étais moi-même présent lors de la signature de l’accord, le 21 mai 2009, à Yaoundé.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de réguler les flux migratoires entre notre pays et le Cameroun. Sachez qu’il y a quinze ans, il y avait en France plus de médecins camerounais qu’au Cameroun.

Les relations migratoires franco-camerounaises sont particulièrement denses. Le nombre important de migrations annuelles place le Cameroun au 7e rang des pays d’origine des flux migratoires vers la France et au 1er rang des pays d’Afrique subsaharienne connaissant une émigration vers la France.

Passée de 26 000 membres en 2003 à 39 000 membres en 2008, soit une hausse d’un tiers en cinq ans, la communauté camerounaise résidente en France augmente de façon régulière et constitue aujourd’hui la 4e communauté d’immigrés établis en France.

Comme l’immigration provenant de nombreux pays africains (Bénin, Congo, Sénégal, Burkina Faso…), l’immigration camerounaise est essentiellement familiale : plus de 68% du total des premiers titres délivrés en 2007 l’ont été dans le cadre du regroupement familial. Le Cameroun figure ainsi au 5e rang de l’immigration familiale en France. Et l’immigration pour motifs professionnels ne représente qu’une part infime des migrations du Cameroun vers la France, même si elle a récemment connu une légère augmentation. Quant à l’immigration irrégulière en provenance du Cameroun, les chiffres sont, par définition, difficiles à établir avec certitude. Néanmoins, le nombre des ressortissants en situation irrégulière n’est pas négligeable si l’on en juge par le nombre de mesures d’éloignement exécutées ces dernières années.

C’est pour mieux contenir l’immigration irrégulière et parvenir à un meilleur équilibre entre immigration professionnelle et immigration familiale que, dans la droite ligne des initiatives prises aux niveaux mondial et européen pour mettre les migrations au service du développement, le gouvernement a choisi de recourir à des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. L’accord avec la République du Cameroun qui est aujourd’hui soumis à notre approbation est le neuvième de cette série d’accords. Le texte de la convention reprend l’architecture des précédents accords du même type et comprend trois volets : tout d’abord la rénovation du dispositif d’immigration légale, qui est aménagé de façon à favoriser les migrations professionnelles temporaires ou circulaires et à limiter la fuite des cerveaux ; ensuite l’établissement d’un dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière ; et enfin la mise en œuvre de projets de développement solidaire censés mobiliser les compétences et les ressources des migrants camerounais au service de l’enrichissement de leur pays d’origine.

Pour ce qui est, en premier lieu, de la rénovation du dispositif d’immigration légale, l’accord institue au profit des ressortissants camerounais un traitement plus favorable que le droit commun à plusieurs égards.

Alors que le droit commun prévoit, au bénéfice des étudiants titulaires d’un diplôme de niveau master désireux d’acquérir une première expérience professionnelle sur notre territoire, une autorisation provisoire de séjour d’une durée de six mois, non renouvelable, l’article 2 du présent accord offre aux étudiants camerounais titulaires d’un diplôme de niveau master mais aussi d’une licence professionnelle, une autorisation provisoire de séjour de neuf mois, renouvelable une fois.

Par ailleurs, l’accord ouvre chaque année à 250 jeunes professionnels camerounais, qui entrent ou sont déjà engagés dans la vie active, et qui souhaitent améliorer leurs perspectives de carrière grâce à une expérience de travail salarié dans une entreprise française, la possibilité d’obtenir une carte de séjour les autorisant à exercer une activité professionnelle pour une durée allant jusqu’à 18 mois. Pendant cette période, ils jouiront de l’égalité de traitement, et donc de rémunérations équivalentes à celles perçues par les Français accomplissant un travail similaire. Le nombre maximal de bénéficiaires (250) est plus élevé que celui fixé pour les jeunes professionnels congolais ou béninois dans de semblables accords.

Le nombre maximal de bénéficiaires de la carte de séjour « compétences et talents », fixé à 200 pour les ressortissants camerounais, est également plus élevé que celui qui a été choisi dans les accords semblables conclus avec le Congo, le Bénin et le Burkina Faso (150). En outre, alors qu’en droit commun, cette carte n’est renouvelable qu’une fois, le présent accord ne fixe aucune limite à son renouvellement pour les titulaires camerounais.

Enfin, l’octroi de la carte de séjour temporaire pour l’exercice d’une activité salariée est chaque année ouvert à 750 Camerounais exerçant l’un des 66 métiers listés dans l’annexe II de l’accord, alors qu’en droit commun, le dispositif ne profite qu’aux professionnels relevant d’une liste de 30 métiers seulement.

Pour ce qui est, en deuxième lieu, du dispositif de lutte contre l’immigration illégale, outre l’aide au retour  et la réadmission des ressortissants nationaux, le présent accord prévoit la réadmission des ressortissants d’Etats tiers, à la différence des accords de gestion concertée des flux migratoires que la France a signés avec le Sénégal et la Tunisie.

Quant à la coopération policière, notre pays entend contribuer à l’amélioration du cadre légal de la répression de l’immigration irrégulière et de la fraude documentaire et à la formation des personnels chargés du démantèlement de leurs filières. Une somme de 50 000 euros est d’ores et déjà inscrite au budget de l’année 2011 pour soutenir financièrement l’action de la police aux frontières.

Formant une articulation entre la coopération en matière de lutte contre l’immigration illégale et le partenariat en faveur du développement du Cameroun, la mise en œuvre de la réforme de l’état civil camerounais reçoit un appui financier de la France à hauteur de 381 000 euros, appui susceptible d’être complété dans la limite d’un montant d’un million et demi d’euros dans les quatre années à venir.

Pour ce qui est, en troisième lieu, du développement solidaire, le présent accord prévoit divers mécanismes de mobilisation de la diaspora camerounaise.

Outre l’aide à la réinsertion et la mobilisation de l’épargne de la diaspora camerounaise via le compte épargne codéveloppement et le livret d’épargne pour le codéveloppement, l’accord propose un éventail de modalités de participation des migrants camerounais aux actions de développement de leur pays d’origine. La France s’est engagée à apporter, sur une période de cinq ans, un soutien financier de 12 millions d’euros à des projets relevant de quatre secteurs prioritaires : le soutien à la création de centres de formation professionnelle, le soutien aux activités productives, le développement durable et la santé. Il est prévu d’associer la diaspora camerounaise à ces projets en l’invitant à les financer à hauteur de 30%. Pris en charge en majeure partie par le ministère chargé de l’immigration et réalisés en collaboration avec des opérateurs tels que l’Agence Française de Développement, ces projets feront l’objet d’une évaluation par le comité de suivi créé par l’article 18.

Monsieur le Président, mes chers collègues, élaboré dans le souci des intérêts de la France et du Cameroun, et dans une transparence totale, l’accord qui est soumis à notre approbation offre la possibilité de mettre les migrations au service du développement social et économique des deux pays. C’est pourquoi je vous invite à voter en faveur du projet de loi n°2771 qui demande l’approbation de cet accord.

M. Jean-Paul Lecoq. Le rapporteur a parlé du fait qu’il y avait plus de médecins camerounais en France que dans leur pays et je crois que le fond du problème est là : l’immigration choisie, c’est la fuite des cerveaux organisée et les pauvres restent. Il faut avoir le courage de dire qu’il faut une véritable coopération pour les pays en développement qui amène les gens à y rester pour contribuer au développement. A ce sujet, il serait sans doute très instructif de regarder l’histoire migratoire des pays émergents. Est-ce que l’on aide véritablement l’Afrique avec ce type d’accords ? Cela n’est pas certain. J’aurais aussi voulu plus de précisions sur la question des cartes que le rapporteur a évoquée, mais de toute façon, nous voterons contre.

M. André Schneider, rapporteur. Ce que j’ai dit sur les médecins portait sur la situation il y a quinze ans. Cela a changé aujourd’hui. Il faut précisément faire prendre conscience que la régulation des flux migratoires est dans l’intérêt même des pays d’origine qui pâtissent d’une fuite des cerveaux. Entre parenthèse, j’indique que, par effet de vases communicants, les Camerounais qui ne viennent plus en France émigrent au Québec. La coopération franco-camerounaise est très forte. Je souligne aussi le très fort intérêt du Cameroun, au plus niveau, sur cet accord qui a été négocié sur des bases différentes des autres accords du même type et traduit l’excellence de la relation de partenariat entre nos deux pays.

M. Robert Lecou. Sur l’aide au retour et à la réinsertion, quels sont les moyens mis en œuvre et les difficultés éventuelles ?

M. André Schneider, rapporteur. Nous avons institué depuis longtemps des dispositifs d’aide au retour. Il y en a plusieurs types ; des aides financières comme des aides à ceux auxquels on demande de quitter le territoire. Si un projet est présenté, il est examiné et une aide attribuée. Par exemple, au niveau décentralisé, nous avons récemment fait des opérations de micro-crédit sur la marché de Yaoundé et aidé cinq micro entreprises à se créer, pour des coûts très modestes de 300 000 FCFA, soit 450 euros. Nous avons ainsi soutenu six femmes à créer leur commerce de fruits et légumes et aidé un artisan, fabricant de meubles de luxe en osier. Pour les projets d’entreprises plus importants, l’aide peut se monter à 20 000 euros. On peut rappeler aussi les aides à la réinsertion qui existent depuis 2006.

M. François Rochebloine. Je félicite le rapporteur pour sa remarquable connaissance du Cameroun. Ma question porte sur la question des visas touristiques qui sont de plus en plus difficiles à obtenir. J’ai eu l’occasion d’intervenir pour des Camerounais désireux de venir en France pour retrouver leur famille, ainsi que pour des sportifs, qui devaient venir faire des essais pour des clubs professionnels. Le Cameroun est un des pays pour lesquels il est devenu extrêmement difficile d’obtenir un visa de tourisme. Je suis d’accord sur la nécessité des contrôles, mais la situation est ici exagérée, notamment, lorsqu’un parlementaire s’engage personnellement. Quelle est l’évolution sur ce sujet aujourd’hui ?

M. Robert Lecou. La demande de visas est en baisse. Elle était de 25 000 en 2005 et elle est désormais de 20 000. C’est vrai que la situation est difficile. Vous savez qu’en matière de visa touristique, le consul a un pouvoir discrétionnaire, sans appel. Par ailleurs, ces demandes de visas font encore trop souvent malheureusement l’objet de trafics organisés par des personnels locaux. S’agissant du Cameroun, la situation est parfaitement assainie grâce notamment à l’action de notre ambassadeur.

M. le président Axel Poniatowski. Les élus que nous sommes connaissons tous ce problème et nous avons essuyé de nombreux refus souvent incompréhensibles mais nous savons bien aussi que l’immigration illégale passe principalement par les visas touristiques. L’appréciation est difficile sur ce sujet.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (no 2771).

La séance est levée à onze heures dix.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 1er décembre 2010 à 9 h 30

Présents. - Mme Sylvie Andrieux, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Jean-Louis Bianco, M. Alain Bocquet, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Loïc Bouvard, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Dino Cinieri, M. Pascal Clément, M. Philippe Cochet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, M. Gaëtan Gorce, M. Jean Grenet, Mme Élisabeth Guigou, M. Serge Janquin, M. Didier Julia, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. François Loncle, Mme Henriette Martinez, M. Gérard Menuel, M. Jean-Claude Mignon, M. Renaud Muselier, M. Alain Néri, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. André Schneider

Excusés. - M. François Asensi, M. Claude Birraux, M. Roland Blum, M. Michel Delebarre, M. Michel Destot, M. Jean-Michel Ferrand, M. Jean-Claude Guibal, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Lionnel Luca, M. Didier Mathus, M. Jacques Myard, M. Henri Plagnol, M. Jacques Remiller, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle