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Commission des affaires étrangères

Mercredi 15 décembre 2010

Séance de 16 h 15

Compte rendu n° 23

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Audition de Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Audition de Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

La séance est ouverte à seize heures quinze.

M. le président Axel Poniatowski. Nous avons le grand plaisir de recevoir cet après-midi Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, pour sa première audition par la Commission. Vous constituez, madame, une exception dans l’histoire de la République pour avoir été la première femme ministre de la défense, puis la première à diriger la diplomatie française, et aussi pour être le seul ministre à avoir pris la tête de quatre ministères régaliens. Nous nous réjouissons d’autant plus qu’au cours de votre vie antérieure de parlementaire, vous avez siégé à la Commission des affaires étrangères, de 1988 à 1993 puis de 1996 à 2002. Avant d’évoquer l’actualité internationale – et les sujets ne manquent pas, entre la situation en Côte d’Ivoire ou à Haïti, la présidence française du G8 et du G20, la menace terroriste ou l’enlisement du processus de paix israélo-palestinien –, je souhaite que vous nous fassiez part de votre analyse globale de la situation internationale et des lignes de force que vous entendez mettre en œuvre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Merci de votre accueil. C’est avec plaisir que je retrouve cette commission, ainsi que plusieurs de ceux avec qui j’avais déjà travaillé dans le cadre du ministère de la défense. Nous sommes tous ici passionnés par ce qui se passe dans le monde – un monde qui bouge beaucoup – et amenés à nous poser certaines questions fondamentales pour que notre pays continue à jouer le rôle spécifique qui a toujours été le sien. Je salue aussi la presse qui s’intéresse à ces questions. Vous m’avez demandé si je souhaitais sa présence, et je n’y vois aucun inconvénient. C’est à vous qu’il reviendra de décider du contraire dans d’autres réunions, en fonction des sujets. Pour ma part, je suis heureuse de pouvoir faire part de la façon dont j’aborde ce ministère – et d’abord avec humilité, parce que même si mes vies passées m’ont déjà donné l’occasion d’aborder les problèmes stratégiques, un nouveau ministère est toujours un défi, surtout dans de tels domaines. Je considère par ailleurs de mon devoir d’être à l’entière disposition de votre commission et je répondrai à toutes vos sollicitations, aussi souvent que vous le souhaiterez. Cela relève non seulement de la tradition républicaine, mais aussi de la nécessité d’aborder la question de la place de la France en Europe et dans le monde de la façon la plus partagée possible.

Commençons avec mon analyse du monde de ce 15 décembre, un monde marqué depuis une dizaine ou une quinzaine d’années par cette réalité qu’on appelle mondialisation, ou globalisation. C’est un monde qui n’a plus de frontières, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences en matière de terrorisme ou de grande criminalité par exemple, notamment à travers les trafics, mais plus globalement aussi de santé, de développement durable ou de changement climatique. D’un autre côté, depuis la fin de la guerre froide, ce monde est de plus en plus nettement multipolaire. Nous sommes passés d’une sorte de monopole à la fin du mur de Berlin, les États-Unis ayant eu la tentation, ou en tout cas l’idée qu’ils pourraient promouvoir un certain modèle, à un monde totalement différent, réellement multipolaire, qui se dessine autour de pôles de l’ordre d’un milliard d’habitants.

Ces pôles démographiques sont également des pôles économiques, parce qu’ils représentent de grands marchés intérieurs et technologiques : la Chine compte aux alentours de 1,3 milliard d’habitants et devrait rester dans ces proportions ; l’Inde devrait atteindre 1,6 milliard d’habitants dans une vingtaine d’années ; le grand ensemble constitué autour de l’Indonésie et de la Malaisie voit exploser sa démographie mais aussi ses capacités technologiques ; l’ensemble composé par l’Amérique latine et celle du sud est encore en dessous du milliard d’habitants mais a un potentiel de développement extrêmement important ; l’Afrique comptera plus d’un milliard d’habitants d’ici à une vingtaine d’années et possède un sous-sol très riche ; sans oublier, enfin, le groupe de l’Amérique du nord et du Mexique. Quant à l’Europe, avec ses 450 millions d’habitants, elle doit se demander comment peser face à de tels blocs – sous quelle forme, et avec qui ? Doit-elle aller vers l’est ? Mais la Russie, sans exclure des liens avec l’Europe, garde dans l’idée – j’en ai discuté avec Vladimir Poutine, dont le sentiment est partagé par Dmitri Medvedev – d’agir de concert avec ses anciens pays satellites. L’Europe doit-elle alors chercher au sud ? Elle pourrait former avec les pays du pourtour méditerranéen un marché plus grand, peser davantage et ainsi avoir les moyens d’une recherche tournée vers la technologie.

Quels sont donc la place de la France et son articulation avec l’Europe, l’avenir de notre modèle de société, les moyens pour préserver notre puissance économique, agricole et industrielle ? Telles sont les questions que nous avons à nous poser, dans ce monde qui est par ailleurs loin d’être calme : les multiples crises qui s’y déroulent, qu’il s’agisse de conflits ouverts, comme en Afghanistan, au Moyen-Orient ou au Soudan, ou de crises d’un autre type, comme à Haïti, sont en plus du reste révélatrices d’un grand nombre de tensions à l’intérieur des blocs. Je suis très frappée de voir resurgir, depuis la fin de la guerre froide, en Afrique ou dans la zone de l’ancienne Union soviétique de plus en plus de conflits de type ethnique, ce qui est un fantastique révélateur des difficultés à vivre ensemble d’un certain nombre de pays. Nous ne pouvons pas les ignorer parce qu’elles ont des répercussions en termes de terrorisme certes, mais aussi dans tous les autres domaines à cause de l’instabilité qu’elles créent. Considérant en outre les enjeux à venir en matière d’eau, de climat ou de capacité alimentaire, il est clair que le monde de demain ne sera pas plus apaisé qu’aujourd’hui. Or, la France a toujours porté une certaine idée du monde – ce qui n’est d’ailleurs le cas que de très peu de pays. Beaucoup sont intéressés par leur place dans leur région, tous connaissent leurs intérêts, mais seuls un petit nombre ont comme la France une vision globale des relations avec les peuples. C’est cette vision qu’il faut, non pas dans notre intérêt personnel mais dans l’intérêt du monde, être capable de mettre en œuvre.

Voilà qui m’amène à mes ambitions.

Celles-ci tournent autour de deux éléments essentiels : une vision modernisée du ministère, au service des ambitions de notre pays. Pour ce qui est de la modernisation d’abord, il est clair que les relations internationales ne se font plus comme il y a trois siècles, ni comme il y a vingt ans. Aujourd’hui, les chefs d’État se téléphonent, les chefs de gouvernement se rencontrent facilement. Le rôle du ministère s’en trouve forcément transformé. Il est évident que nous ne sommes plus les seuls vecteurs de la politique étrangère. En revanche, nous avons une spécificité à développer : notre capacité d’anticipation, de prospective stratégique. Sa vision globale et prospective de l’ensemble des problématiques du monde en même temps que de chacun des pays doit donner au ministère des affaires étrangères un rôle incontournable d’aide à la décision. Nous avons la chance d’avoir l’un des réseaux diplomatiques les plus étendus sur l’ensemble du monde. Certains le ressentent comme une charge, mais cela nous donne au contraire une grande capacité d’analyse. La très grande qualité des agents du ministère, tant sur le terrain qu’en administration centrale, ainsi que leur expérience leur permettent à la fois d’analyser ce qui se passe dans les pays et de faire cette synthèse. La politique, dans le domaine des affaires étrangères comme dans tous les autres, c’est l’anticipation, puis le retour d’expérience. Ce double mouvement est indispensable. Nous avons besoin d’anticiper les crises pour les prévenir, d’anticiper le développement économique des pays pour permettre à nos entreprises d’y saisir des opportunités. Si notre balance du commerce extérieur est moins bonne que celles de nos voisins, c’est peut-être aussi parce que nous n’avons pas su anticiper suffisamment les besoins de certains pays. L’expertise du ministère doit donc être renforcée, afin de fournir au chef de l’État et au ministère des finances et de l’économie les éléments de la décision. C’est pourquoi il faut conforter la direction de la prospective, en lien avec la nouvelle direction de la mondialisation – une très bonne initiative, qui permet d’appréhender l’ensemble des phénomènes, ce qui est tout à fait indispensable.

Ce ministère doit donc être le maître d’œuvre de l’ambition d’influence de la France. Car je souhaite que nous menions une réelle politique d’influence. Pour cela, il faut nous appuyer, d’une part, sur l’ensemble de notre réseau et, d’autre part, sur l’Europe – car un pays ne peut agir seul. En tout cas, lorsqu’on a une vision, une volonté, il est plus facile d’entraîner les autres ! Et entraîner l’Europe nous donnera la possibilité de peser. C’est important : nous avons besoin de mieux faire connaître et comprendre notre pays. C’est pourquoi notre réseau doit s’adapter aux besoins du terrain, mais également être à même de choisir, en fonction du contexte, les caractéristiques de ceux qui porteront notre influence dans ces pays.

Cette influence, et c’est le second élément qui me paraît essentiel, doit être conçue de façon globale. Cela dépasse la diplomatie au sens classique du terme. Au reste, lorsque j’étais ministre de l’intérieur ou de la justice, j’ai tenté de développer cet aspect. Ainsi, à la justice, j’ai essayé de soutenir notre conception du droit face au droit anglo-saxon, dans un certain nombre de pays. Cela est de nature à créer un contexte favorable pour les entreprises qui voudront s’y installer dans dix ou quinze ans : le droit ne sera pas exactement le même que le nôtre, mais répondra aux mêmes structures de pensée, aux mêmes principes généraux. Lorsque j’ai voulu que l’école nationale de la magistrature compte un tiers de stagiaires étrangers, c’était aussi avec l’idée que non seulement le droit, mais si possible aussi les tribunaux d’un certain nombre de pays fonctionnent selon les mêmes méthodes que les nôtres. J’ai signé des accords avec le Qatar, la Jordanie ou le Liban. Certains pays étaient en train d’hésiter entre le droit continental et le droit anglo-saxon pour bâtir le leur – et de ce point de vue, la crise nous a aidés puisque les pays de droit continental s’en sont d’une façon générale mieux sortis. Ces accords, les échanges entre magistrats, notaires et avocats créent ce contexte rassurant.

Il doit en être de même partout. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que la francophonie me soit directement rattachée. En effet, une politique d’influence doit être globale. Elle inclut l’économie, la francophonie, le droit ou même la défense. C’est ainsi que nous pourrons créer un état d’esprit propre à nous faire davantage écouter. Pour cela, nos excellents lycées et instituts français à l’étranger constituent un outil formidable, à condition de veiller à ce qu’il serve. Ainsi, il faut sensibiliser les entreprises françaises qui recrutent du personnel local au fait qu’elles doivent s’adresser par priorité aux anciens élèves de ces établissements. Par ailleurs, j’ai pu constater à plusieurs reprises qu’à partir de la troisième, les classes ne comptent pratiquement plus que des filles – parce que le français, avec le piano, ça fait bien – alors que les garçons s’en vont poursuivre leurs études dans des établissements de langue anglaise : compte tenu de la politique menée par les entreprises anglo-saxonnes, leurs parents pensent que cela leur permettra de trouver plus facilement un emploi. Il n’y a pas de raison que nous ne sachions pas, nous aussi, valoriser la connaissance de notre langue. Il n’en reste pas moins que notre influence dépend aussi de la culture internationale de nos entreprises, de nos administrations et de nos collectivités locales. Certes, il y a de nombreux Français à l’étranger qui sont extrêmement dynamiques, et ce dans différents domaines, mais l’ensemble des Français ne possède pas cette sensibilité internationale qui nous permettrait d’être plus influents à l’étranger. Je souhaite créer une telle culture, et d’abord en mettant en place des systèmes pour échanger entre diplomates et membres d’entreprises, d’autres administrations ou de collectivités territoriales.

Ce qui m’amène à la question des moyens à mettre en œuvre.

Il faut s’appuyer sur les hommes. Je souhaite, en développant des choses qui existent déjà, mettre en place une formation sur le modèle de l’Institut des hautes études de défense nationale. Il s’agirait d’une année de formation permanente pour nos diplomates, notamment pour ceux destinés aux plus hautes carrières, afin de les sensibiliser à un certain nombre de sujets, entre autres économiques. Des personnes de l’extérieur – cadres d’entreprise ou de collectivités territoriales, personnels d’autres ministères, journalistes par exemple – participeraient à ces sessions, à l’instar de ce qui se fait à l’IHEDN, car c’est ainsi qu’on peut diffuser cette sensibilité dans des domaines très divers et qu’on peut donner l’envie, ou même parfois l’idée, d’agir à l’étranger.

De la même façon, il est important pour les autres administrations, les collectivités territoriales et les entreprises d’avoir la possibilité de disposer des compétences de diplomates du Quai d’Orsay, détachés deux ou trois années auprès d’elles pour les faire profiter de leur expertise. Un très grand nombre de collectivités territoriales mènent des actions de coopération avec des pays, des villes françaises sont jumelées avec des villes étrangères, mais elles n’ont parfois pas le savoir-faire nécessaire. Il en est de même pour les entreprises : si les grandes embauchent souvent des diplomates qui ont quitté la carrière, il est très difficile aux PME d’y consacrer un emploi permanent. Bénéficier de l’expérience de quelqu’un le temps de leur inculquer cette sensibilité, de leur donner des informations pour aborder une zone géographique, serait un plus.

Je souhaite donc créer cette culture, instaurer un véritable dialogue entre le ministère et l’extérieur. Cela permettra en même temps de sensibiliser les fonctionnaires des affaires étrangères à certaines réalités parce que si certains diplomates sont très dynamiques dans le domaine économique, d’autres ne connaissent rien des réalités et des contraintes des entreprises ou des collectivités territoriales. Il y a là matière à un enrichissement mutuel.

M. le président Axel Poniatowski. Merci de ce propos très dense. Je retiens deux initiatives importantes : le développement de l’Institut diplomatique et consulaire et le détachement de diplomates auprès des collectivités et des entreprises pour leur donner une culture internationale, ce qui nous paraît extrêmement souhaitable.

M. Michel Vauzelle. Nous sommes un certain nombre à être inquiets d’une évolution de plus en plus atlantiste du gouvernement de la France et à penser qu’entre la Chine et les États-Unis, notre pays ne pourra pas affirmer son originalité. On peut prendre pour exemple l’attitude de la France et de l’Europe à l’endroit du gouvernement israélien et de son comportement dans les territoires occupés – dans ce domaine, l’attitude de la France est parallèle à celle des États-Unis.

L’Union pour la Méditerranée était une grande idée du quinquennat de M Sarkozy. Nous en attendions beaucoup. On en voit maintenant l’échec avec l’annulation par deux fois de la conférence de Lisbonne, qui devait réunir les chefs d’État et de gouvernement, et l’impossibilité pour les ministres des affaires étrangères de se réunir compte tenu de la personnalité du ministre israélien.

Que vous inspire cette situation, rapportée à votre volonté d’affirmation de la personnalité de la France et de son rayonnement dans le monde ?

M. Didier Julia. S’agissant des chrétiens d’Irak, il était question non seulement de demander au gouvernement irakien de prendre des mesures pour assurer leur sécurité, pour leur donner une part plus importante dans la société, mais aussi d’impliquer l’Europe dans le processus. Avez-vous pris des initiatives à ce sujet ? Certes, les chrétiens d’Irak parlent français, mais ils ne représentent aucunement le monde occidental : ils étaient en Irak avant même que le Coran n’éclaire les populations musulmanes et sont avant tout des Irakiens.

Par ailleurs, notre ambassadeur en Iran, M. Poletti, quitte ses fonctions. Pensez-vous nommer un successeur ? Et pensez-vous lever l’embargo sur les relations culturelles, scientifiques, techniques et commerciales avec ce pays ? De nombreux contrats viennent d’être conclus avec l’Inde, qui n’a pourtant pas signé le traité de non prolifération ; il n’a pas été question non plus de visiter les installations militaires de ce pays ! L’Iran, lui, a signé le traité de non prolifération. En politique étrangère, il faut agir au nom de principes de droit, pas à la tête du client. Comptez-vous mettre en place une cellule pour étudier les conditions d’un dialogue avec ce pays ?

M. Jacques Remiller. Comment évaluez-vous la situation en Côte d’Ivoire ? Et quelles sont nos relations avec l’Algérie ?

M. Jean-Paul Lecoq. Pourquoi l’ONU continue-t-elle à refuser une enquête sur ce qui s’est passé à Laâyoune, au Sahara occidental, et à ne pas entendre, contrairement au Parlement européen, l’exigence de l’organisation d’un référendum ?

Par ailleurs, je suis très inquiet de la dérive d’Israël, en particulier de sa tentation d’adopter des lois discriminantes. Quelques rabbins prônent l’interdiction de vendre ou de louer des logements à des Arabes israéliens. En outre, Israël serait sur le point de revendiquer la reconnaissance de « l’État juif d’Israël ». Votre ministère est-il prêt à accepter cette dénomination ? Dès lors, il faudrait reconnaître la dictature communiste de Corée du nord ou l’État islamique d’Iran !

Vous avez réaffirmé dans l’hémicycle les grands principes de la France. Êtes-vous prête à faire preuve de l’autorité nécessaire pour que ces valeurs fondamentales continuent à rayonner dans le monde ?

M. Jean-Pierre Kucheida. Je souhaite voir aboutir vos ambitions, madame, que nous partageons. Mais n’avez-vous pas l’impression que l’accord franco-britannique est une magnifique dérive atlantiste ?

Par ailleurs, les élections en Côte d’Ivoire ont fait l’objet de nombreux commentaires ; j’ai été très surpris que les élections en Égypte n’en suscitent aucun. Les problèmes étaient pourtant au moins de même nature.

Pour ce qui est de l’Afghanistan, quand pensez-vous que nous quitterons ce bourbier inimaginable où 692 militaires ont été tués en 2010 ? Il y a d’autres moyens de cerner Al-Qaida, qui se trouve dans bien d’autres endroits du monde. Il faut chasser Al-Qaida là où il est et pas là où l’on voudrait faire semblant de croire qu’il est.

Enfin, pensez-vous continuer l’action que vous avez menée au ministère de la justice pour libérer le plus rapidement possible Florence Cassez ?

Mme Martine Aurillac. En Côte d’Ivoire, le vainqueur de l’élection, M. Ouattara, a choisi la voie d’une certaine sagesse en évitant l’affrontement. Mais il a décidé une marche avec ses partisans vers la télévision et le lendemain vers la Primature. N’y a-t-il pas un danger grave d’affrontements puisque aucune protection n’est assurée aux manifestants ?

M. André Schneider. On ne peut que se réjouir de votre volonté de donner un nouvel élan à la politique étrangère française – cela s’inscrit d’ailleurs dans la suite logique du sommet de Tripoli auquel vous venez d’assister –, et je vous félicite particulièrement pour votre démarche en matière de francophonie.

En Côte d’Ivoire, le général de brigade Dogbo Blé Brunot, commandant militaire du Palais et commandant de la garde républicaine, vient de déclarer qu’il allait sans doute demander une intervention armée pour mener « l’ultime combat du pays ». Ce serait sans doute catastrophique.

Quant à la Guinée, que pouvez-vous nous dire de la situation après l’élection d’Alpha Condé ?

M. Dominique Souchet. Beaucoup d’entre nous sommes préoccupés par le risque élevé d’exode qui pèse aujourd’hui sur les chrétiens d’Orient, notamment après la vague d’attentats qui les a frappés en Irak. Vous avez reçu récemment le patriarche syriaque d’Antioche. Que comptez-vous faire pour que l’Irak, où nous formons des forces de sécurité, et les autres États concernés prennent davantage conscience de la nécessité de protéger des communautés qui jouent un rôle d’équilibre très important dans cette zone ?

M. Pascal Clément. S’agissant de la situation en Côte d’Ivoire, on a le sentiment que le président élu, M. Ouattara, veut forcer quelque peu les choses. Le Premier ministre nommé, M. Soro, voudrait même aller jusqu’à la Primature, soutenu par les forces du nord. Bref, le sang va couler. Peut-on stopper la volonté du président Ouattara et des siens de prendre le pouvoir par la force ? Et pensez-vous que le président Gbagbo acceptera sa défaite ? La communauté internationale a-t-elle les moyens de l’y obliger ?

Mme la ministre d’État. M. Vauzelle a parlé d’une évolution atlantiste du Gouvernement. Ce n’est vraiment pas le cas. Ce n’est pas une bonne relation avec les États-Unis qui fait une évolution atlantiste ! Tout ce qui a été fait montre au contraire notre attachement à promouvoir l’Europe de la défense. Je suis ce dossier depuis longtemps. Le problème majeur est de savoir combien nos partenaires sont prêts à mettre sur la table. La France et la Grande-Bretagne sont les deux pays de l’Union européenne qui dépensent le plus pour leur défense. Pour autant, il est évident que nous ne pouvons financer l’Europe de la défense à nous seuls. Tous les pays doivent y participer réellement, et certains doivent également prendre conscience de leurs responsabilités. Ainsi que j’avais eu l’occasion de le dire il y a quelques années, il est bien beau de parler du respect des critères de Maastricht et d’oublier en même temps que c’est nous, parce que nous avons fait les investissements nécessaires, qui allons chercher à l’étranger les ressortissants de certains pays qui sont incapables de le faire eux-mêmes : il faudrait peut-être prendre les coûts réels en compte.

Cela dit, tant le conseil des ministres franco-allemand, que la lettre adressée à Mme Ashton sur la nécessité d’avancer en matière d’Europe de la défense ou que le sommet franco-britannique sont autant d’actes contribuant au renforcement de l’existence de la défense européenne. Il n’y a donc pas du tout de dérive atlantiste.

Pour ce qui est de notre attitude face au conflit entre Israël et la Palestine, les États-Unis ont pris une initiative que nous avons soutenue, comme il faut le faire pour toutes celles qui veulent faire avancer la paix. Mais après ce qu’ils considèrent maintenant comme un échec, les États-Unis sont prêts à faire une plus grande place au Quartet, ainsi peut-être qu’à certains pays arabes, dans la recherche d’une solution. On est loin de l’atlantisme ! C’est au contraire la pleine reconnaissance de ce que l’Europe peut faire, et au premier rang la France, qui a joué un grand rôle en cette affaire.

L’Union pour la Méditerranée est une très grande idée qui peut nous permettre de peser face aux grands pôles. Il faut réussir à la mettre en œuvre. Or, l’aspect politique de l’Union est considérablement gêné par un conflit entre des pays de la Méditerranée, qui sont la base de notre culture. En revanche, on peut essayer de la faire avancer sur des sujets très concrets, comme je l’avais fait lorsque j’étais au ministère de l’intérieur, en faisant prendre conscience aux uns et aux autres que nous partageons un certain nombre de risques – sismiques, d’inondation ou d’incendie – face auxquels la solidarité est nécessaire. Il est possible d’amener les gens à travailler ensemble à partir de choses très concrètes. Dans d’autres fonctions que j’ai exercées, et à condition que cela se fasse en dehors des médias, j’ai pu constater qu’on arrivait à mettre autour de la même table pour parler de problèmes communs des gens qu’on ne verra jamais officiellement assis les uns à côté des autres. La diplomatie, c’est aussi du pragmatisme.

Pour ce qui est des chrétiens d’Irak, je me suis effectivement entretenue avec le métropolite, et nous avons pris des contacts depuis les événements du 31 octobre. La France, monsieur Julia, a non seulement accueilli les blessés, ce dont elle a été largement remerciée, mais également proposé que les chrétiens d’Irak qui se sentiraient directement menacés puissent venir s’installer dans notre pays. Cela dit, le problème est réel : outre le drame humain que peut représenter le fait de quitter son pays, il y a un véritable risque que toute la communauté disparaisse, laissant la place à ceux dont c’était finalement le but.

Par ailleurs, des contacts doivent être pris avec les autorités d’Irak et de certains autres pays pour mieux garantir la sécurité autour d’un certain nombre de lieux à l’approche des fêtes de Noël. Tout acte de terrorisme recherche en effet une visibilité médiatique, et les dates et les lieux symboliques sont celles et ceux pour lesquels les risques sont les plus grands. Là aussi, nous devons faire de l’anticipation pour prendre les précautions nécessaires. Cela se fait en lien avec les autorités, qui n’ont aucun intérêt à voir se développer le terrorisme et sont même parfois visées.

Quant à l’ambassadeur en Iran, il est évident qu’il aura un successeur. Je ne sais pas si ce sera mercredi prochain ou au premier conseil des ministres de la rentrée, mais j’ai déjà proposé un nom pour remplacer M. Poletti.

Vous avez été plusieurs, avec M. Remiller, à m’interroger sur la situation en Côte d’Ivoire, qui est évidemment préoccupante à tous points de vue. Des violences ont été perpétrées, mais, d’après les représentants des Français en Côte d’Ivoire que j’ai vus hier, les communautés étrangères ne se sentent pas menacées. Toutefois, il faut rester extrêmement vigilant : en cas de violences, nous savons très bien qu’elles peuvent être visées, pour des raisons diverses.

La communauté internationale a reconnu M. Ouattara comme l’élu légitime des Ivoiriens : il y a eu unanimité, d’abord de la Communauté des États de l’Afrique de l’ouest, puis de l’Union africaine et enfin de l’ONU. Mais M. Gbagbo, s’appuyant sur une argutie procédurale, prétend que la commission indépendante n’a pas valablement donné les résultats – alors que ce sont les propres troupes de M. Gbagbo qui l’ont empêchée de les donner dans les trois jours – et que le Conseil constitutionnel est donc seul habilité à les proclamer. Ce dernier s’est prononcé pour M. Gbagbo, ce qui, quand on connaît sa composition, n’a rien de surprenant.

Aujourd’hui, la situation est bloquée : M. Gbagbo est dans son palais, tandis que M. Ouattara, coincé dans un hôtel, a des difficultés à imposer son pouvoir. Cependant, ce dernier a commencé à nommer des ambassadeurs. Des mesures ont par ailleurs été prises au plan bancaire : lundi, à Bruxelles, l’Union européenne a prévu des sanctions individuelles contre les proches de M. Gbagbo qui ne reconnaîtraient pas l’élection légitime.

Je connais M. Gbagbo. Je pense qu’il est en train de jouer le pourrissement de la situation, en se disant que la communauté internationale finira par céder. Or elle est déterminée. Il faut seulement que les choses se passent en douceur et que M. Gbagbo s’en aille dans des conditions dignes : après tout, il a été président de la Côte d’Ivoire pendant dix ans. Il convient surtout d’éviter que le sang ne coule, et de permettre au pays de repartir le plus vite possible. Après avoir subi la crise, il était en train de se rétablir, et les Ivoiriens ont besoin que leur économie fonctionne normalement. C’est pourquoi il faut maintenir, voire augmenter la pression – la seule signature bancaire valable pour l’État ivoirien est désormais celle de M. Ouattara –, tout en prévoyant une sortie en douceur.

Je suis comme vous préoccupée par la volonté de M. Soro, Premier ministre de M. Ouattara, de s’installer à la Primature et de récupérer les capacités de communication confisquées par M. Gbagbo – j’observe qu’il s’était déjà exprimé en ce sens lundi et ne l’a pas fait. Mais il n’est pas question que les forces impartiales interviennent dans cette affaire. Nous appelons tout le monde à débloquer la situation le plus vite possible et à éviter tout ce qui pourrait créer de la violence.

M. Remiller m’a également parlé de l’Algérie. Je m’y étais rendue il y a un mois en tant que ministre de la justice et je connais bien les Algériens. Nos relations ont toujours été très passionnelles : nous sommes parfois proches, mais il y a aussi parfois des heurts, le moindre mot étant interprété de part et d’autre… Je pense qu’il faut parvenir à un apaisement. Pour cela, il faut arrêter de regarder toujours le passé. La première fois que j’ai rencontré le président Bouteflika, je lui ai dit que j’avais onze ans lors de la guerre d’Algérie et que tout cela ne me disait pas grand-chose. Certes, on peut toujours prendre une leçon d’histoire, mais nous avons des problèmes en commun, comme le terrorisme ou la grande criminalité, et en particulier les trafics de drogue, pour lesquels il faut trouver des solutions.

M. Lecoq a évoqué le Sahara occidental. J’en avais parlé avec les Algériens et avec le ministre des affaires étrangères marocain, qui est venu me voir récemment. Là aussi, il s’agit d’un conflit qui s’éternise et il faut trouver une solution. Des propositions ont été faites. Il faut essayer, au-delà des problèmes de communication qui se posent, de chercher les possibilités d’une réconciliation durable plutôt que d’opposer les uns aux autres. Ce n’est certes pas facile lorsqu’on les connaît, mais c’est tout à fait indispensable pour parvenir à une unité du Maghreb. Or, nous avons besoin de cette unité, y compris dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. Nous avons besoin que ces pays s’entendent, à la fois pour créer une véritable perspective de développement économique et pour pouvoir régler les problèmes cruciaux – et qui sont en train de s’aggraver – du terrorisme et des trafics de tous ordres. Car la drogue est un facteur aggravant, bien plus qu’on ne le pense. Je crains que ne finisse par se former en Afrique une grande zone grise, à la jonction de l’arc de cercle terroriste qui couvre l’Afghanistan, le Pakistan et la Somalie et de celui qui est en train de se développer avec AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) entre le Maghreb et le Niger, et que j’ai vu s’étendre considérablement en l’espace de trois ans. Il faut donc absolument aider au dialogue.

Pour ce qui est des lois discriminantes d’Israël, je vous avoue que je ne sais pas de quoi il s’agit. N’oubliez pas que je n’occupe le poste de ministre des affaires étrangères que depuis trois semaines.

Quant aux principes et aux valeurs fondamentales de la France, vous savez combien j’y suis attachée. C’est au regard de ces principes qu’il convient de faire nos choix. Cela n’empêche pas d’être pragmatiques. Nous aurons des discussions sur un certain nombre de sujets, et, sauf exception, je pense qu’on n’a jamais intérêt à ne pas parler avec les autres, tout en se montrant extrêmement clairs sur ses propres positions – les gens prennent souvent beaucoup mieux qu’on ne le pense une telle attitude. J’ai eu à gérer le premier épisode du foulard islamique : je me trouvais en Arabie Saoudite et au Qatar à ce moment-là et j’ai pu constater que quand on explique la raison des choses au regard de ses propres principes, cela passe plus facilement. En tout cas, j’ai toujours fait comme cela et je n’ai pas l’intention de changer.

J’ai déjà répondu à M. Kucheida sur l’accord franco-britannique, qui n’est pas une dérive atlantiste mais une façon de renforcer l’existence de la défense européenne. Ce qui me paraît important dans cet accord, c’est que les Britanniques se rapprochent de l’Europe.

M. Jean-Pierre Kucheida. C’est nous qui donnons tout !

Mme la ministre d’État. Ce n’est pas ainsi qu’il convient de voir les choses. La recherche, qui coûte extrêmement cher, est essentielle d’un point de vue stratégique. Si vous dépendez de la recherche de quelqu’un d’autre, vous dépendez aussi de lui sur le plan de l’utilisation, et donc du matériel. On ne peut pas avoir une industrie de la défense sans recherche de pointe. Il est donc important de pouvoir faire des choses en commun avec ceux qui représentent le deuxième budget en la matière. Ce qui se fait depuis des années avec le traité de Saint-Malo montre que cela avance. Je pense que cet accord est important, comme le sont les propositions sur le triangle de Weimar, lesquelles doivent être réactivées.

J’en viens à l’Afghanistan, où je suis déjà allée douze ou quatorze fois. Il est vrai que ce n’est pas le seul lieu où trouver Al Qaida, dont la structure n’est d’ailleurs plus du tout la même qu’à l’origine. Cela dit, la jonction entre l’Afghanistan et les zones tribales du Pakistan reste tout de même une base : c’est là que se trouvent les lieux d’entraînement, les camps et les madrassas.

Nous n’avons pas pour vocation de rester pendant vingt ans en Afghanistan. Le véritable but, comme en Afrique, c’est, une fois que les problèmes sécuritaires seront réglés, que le gouvernement afghan soit à même de tenir son pays et d’empêcher qu’il ne redevienne la base arrière d’Al Qaida. Lorsqu’on se rend sur place, on comprend pourquoi c’est un lieu privilégié – une frontière dans des montagnes !

Vu d’ici, cela paraît très loin, mais l’Asie centrale est essentielle pour les relations internationales : à côté de l’Afghanistan, il y a le Pakistan, qui, petit détail, possède l’arme nucléaire, mais aussi la Chine et l’Inde. On comprend qu’il s’agit d’un lieu essentiel pour l’équilibre du monde, et qui doit être un pôle de stabilité. C’est pourquoi nous essayons depuis quelques années de créer le contexte nécessaire pour parvenir à la mise en place d’un gouvernement à même d’agir, au moins sur le plan sécuritaire et si possible économique, sans quoi la population ne le soutiendrait pas.

Pour ce qui est de la sécurité, nous formons depuis des années les forces afghanes. Les Américains et nous, principalement, formons les forces spéciales afghanes, les cadres de l’armée et les militaires. Cela va aujourd’hui plutôt mieux que ce que j’ai connu auparavant. Nous formons également – ce sont les Allemands qui ont commencé dans ce domaine – les forces de sécurité civile, les policiers et, depuis deux ou trois ans, une gendarmerie afghane.

Toutefois, dans le même temps, il faut s’occuper du développement du pays. Si nous voulons lutter contre la drogue, qui est une des sources de revenu des Talibans, nous devons aider ce pays à se développer, notamment sur le plan agricole. Ainsi que j’avais eu l’occasion de le remarquer à une époque, nous avons au début surtout financé de grandes infrastructures. Mais ce que me disaient les femmes, dans les villages – j’étais la seule à pouvoir leur parler –, c’est qu’elles étaient toujours obligées de faire cinq kilomètres matin et soir pour aller chercher de l’eau, et qu’elles n’avaient pas de dispensaire pour leurs filles ! Les choses ont désormais changé : nous nous recentrons sur des actions qui intéressent directement les populations, qui les aident dans leur vie quotidienne. En faisant cela, nous aidons le gouvernement.

De la même façon, il est important que la justice afghane fonctionne. Les chefs de villages nous ont souvent dit que lorsqu’ils attrapaient un voleur, faute de justice civile, ils étaient obligés d’aller trouver le représentant de la justice traditionnelle. Autrement dit, c’est le droit traditionnel, celui que soutiennent les Talibans, qui était appliqué…

C’est de tout cela que nous sommes en train de nous occuper. Nous n’avons pas vocation à rester très longtemps, nous n’avons jamais eu l’intention d’être une armée d’occupation, mais nous ne devons partir du pays qu’au fur et à mesure que l’État est capable de nous remplacer, ce qui arrivera progressivement.

Enfin, à propos de Florence Cassez, de nombreuses personnes, y compris des parlementaires, vont régulièrement la voir pour lui montrer, ainsi qu’aux autorités mexicaines, l’importance que nous attachons à sa situation et à sa personne. Dans le cadre de la procédure de cassation en cours, un certain nombre d’autorités de toutes natures, y compris religieuses, se sont exprimées en sa faveur. Nous devons rester très proches d’elle, mais aussi nous montrer très prudents dans nos déclarations. Le Mexique est un État de droit. Il a une justice, mais également une certaine susceptibilité, et rien dans notre comportement ne doit risquer de compromettre les chances de Florence Cassez d’être libérée.

J’ai répondu à Mme Aurillac pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, et à M. Schneider aussi. Pour ce qui est de la Guinée, la situation est dépourvue de violence et l’élection d’Alpha Condé est reconnue, ce qui est très important. Dès lors, toute une série de choses vont pouvoir se faire. C’est le ministre chargé de la coopération, qui, à l’occasion de l’installation de M. Condé, va discuter avec lui de la remise en place d’un certain nombre de normes et du soutien que nous sommes prêts à apporter à ce pays qui a connu de longues années d’isolement. Un certain nombre de choses vont être proposées dans les domaines du droit et de la justice, mais aussi dans ceux de l’économie et de la culture, y compris en matière de francophonie.

Enfin, j’ai déjà répondu aux questions de M. Souchet sur les chrétiens d’Irak et de M. Clément sur la Côte d’Ivoire.

M. Michel Destot. Deux dossiers me semblent être de bons tests pour ce qui est de l’influence de la France. Après Cancun d’abord, la présidence française du G20 et du G8 sera-t-elle l’occasion de reprendre à notre compte, face aux États-Unis et à la Chine, le dossier du changement climatique ? S’agissant de la situation en Haïti ensuite, l’ambassadeur français à Port-au-Prince nous a fait remarquer que s’il fallait évidemment tout faire sur le plan politique pour ramener le calme après le premier tour des élections présidentielles, il fallait aussi participer à la reconstruction de ce pays. Or cela ne peut se limiter à l’intervention des ONG. Bref, au-delà du concours financiers des États, comment faire pour assurer la présence des entreprises françaises ?

M. Jacques Myard. Certes, le monde est multipolaire, mais nous sommes aussi dans l’ère des puissances relatives. La France a donc une carte à jouer, en raison de sa capacité à entraîner les autres. C’est pourquoi je pense qu’il ne faut surtout pas reconstituer des blocs, quels qu’ils soient. Mais encore faut-il avoir les moyens de faire de la diplomatie ! Or votre budget, madame la ministre, est tout simplement mauvais. Et je suis d’ailleurs frappé que, quel que soit le gouvernement, la France n’ait pas de stratégie d’influence parlementaire. Les Américains utilisent leurs parlementaires, les Anglais aussi, pas nous. Nous devons jouer la carte France, quelles que soient nos idées partisanes.

Pour ce qui est de l’Afghanistan, il faut bien garder à l’esprit que ce ne sont pas les Occidentaux qui stabiliseront le pays. Nous y serons toujours des étrangers, et les États-Unis aussi. Et à propos de notre grand frère américain, je n’ai absolument pas accepté les critiques de Mme Clinton à l’encontre de la loi sur la burqa. Je vous ai d’ailleurs écrit à ce sujet. Il convient de convoquer l’ambassadeur américain pour lui expliquer que ce n’est pas ainsi qu’on se comporte entre alliés et entre gens qui se battent ensemble. Qualifier cette loi d’atteinte à la liberté religieuse est proprement inadmissible, et nous sommes plusieurs parlementaires à avoir l’intention de le lui faire comprendre.

M. Robert Lecou. L’Union pour la Méditerranée me paraît un bon moyen de créer un trait d’union avec ce grand continent qu’est l’Afrique.

Quel est votre point de vue sur la situation à Madagascar ? C’est une région où la présence de la France est encore marquante, ne serait-ce que par la langue. Quel rôle peut-elle y jouer ?

M. Michel Terrot. Merci, madame la ministre, d’avoir mis en avant la nécessité pour la France de disposer d’une vraie politique d’influence. On ne parle que trop rarement de la francophonie. Celle-ci se promeut essentiellement par le biais de l’aide bilatérale, qui ne cesse de décroître par rapport au multilatéral. À l’évidence, nous ne consacrons pas assez d’argent à la formation et à l’éducation dans les pays francophones. Un rapport en cours de préparation montre combien nous avons réduit la voilure dans ce domaine, ce qui est très mauvais.

Par ailleurs, à notre retour d’Afghanistan, que j’espère le plus rapide possible, il restera à s’occuper de cette zone grise en Afrique, qui, de la Mauritanie au Soudan en passant pas le Mali, le Niger et le Tchad, est le lieu aujourd’hui de tous les trafics. Ne sera-t-il pas intéressant, alors, de renforcer les moyens sur ce secteur où la France a toute légitimité pour intervenir ?

M. François Loncle. Merci, madame la ministre, pour la qualité de votre exposé. Nous n’avons pas pu nous empêcher de faire certaines comparaisons que nous trouvons satisfaisantes. Vous conduisez la politique internationale de la France avec des objectifs que nous pouvons partager en matière de diplomatie d’influence, de vision modernisée ou d’ambition pour notre pays – car M. Myard avait raison de dire qu’il y a des consensus, et des actions communes, possibles au Parlement. Mais avez-vous obtenu la garantie lors de votre nomination que, contrairement à votre prédécesseur, votre action ne serait pas sans arrêt contrecarrée par certains conseillers de l’Elysée ou son Secrétaire général ? Puisque vous parlez de diplomatie d’influence par exemple, notre influence en Afrique a été singulièrement gênée par le fameux discours écrit par M. Gaino et lu par le Président de la République. Ce genre d’intervention ne faciliterait pas votre tâche – mais j’espère que nous connaîtrons dorénavant d’autres méthodes.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous voulez, madame la ministre, moderniser le ministère. Vous avez des ambitions pour lui et pour notre politique d’influence. Nous ne pouvons que vous en féliciter et vous y encourager, car nous en avons grand besoin. Mais avec quels moyens ? Cela fait dix ans que le budget baisse chaque année. Nous sommes inquiets.

Quelle sera votre politique en matière d’ambassades : êtes-vous favorable à un regroupement, comme le proposent certains, voire à des ambassades communes avec d’autres pays européens ?

Enfin, nous sommes un certain nombre à avoir toujours préconisé le rattachement de la coopération à votre ministère. Maintenant, pourquoi ne pas faire de même avec le commerce extérieur ? Nous avons reçu des représentants de Bercy qui considèrent le déficit du commerce extérieur comme tout à fait sans conséquence à partir du moment où les entreprises françaises gagnent de l’argent à l’étranger !

Mme Chantal Bourragué. Merci, madame la ministre, pour cette présentation, et pour avoir parlé du message spécifique que la France doit porter dans le monde. Beaucoup de femmes sont opprimées. Quel message particulier allez-vous porter, en tant que telle, pour rappeler la nécessité d’établir l’égalité entre hommes et femmes et de promouvoir les droits des femmes ?

M. Didier Mathus. La politique d’influence structurée et forte que vous estimez nécessaire, madame la ministre, est sûrement l’un des grands enjeux de votre ministère. À cet égard, la situation à la tête de l’audiovisuel extérieur de la France est assez pathétique. Il y a certes des facteurs conjoncturels, mais sur le plan structurel, quelle est la place que vous visez pour le ministère ? Depuis la constitution du pôle en 2007, nous avons assisté à un relatif effacement de sa part, qui n’est guère opportun. Envisagez-vous d’agir ?

Mme la ministre d’État. Les résultats de Cancun ont été plutôt une bonne nouvelle. La situation semblait bloquée, et beaucoup avaient pronostiqué un échec ; or, grâce aux pays émergents, en particulier à la présidence mexicaine et à l’Inde, le sommet a débouché sur quelque chose. L’Union européenne s’est dite prête à aller au-delà de l’objectif de 20 % de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2020, à condition que ses partenaires en fassent autant – tout est question d’équilibre. Le sujet fait partie des préoccupations du G20, ainsi que, même si c’est indirectement, du G8. En effet, les agendas de ces deux rencontres comportent des éléments ayant trait au développement durable.

Haïti est confrontée à une crise à la fois politique et sanitaire. De ce dernier point de vue, la situation est extrêmement préoccupante : on en est à plus de deux mille morts, cent mille personnes contaminées, quarante-cinq mille hospitalisées. S’y ajoute le problème des enfants en cours d’adoption, qui ont été regroupés à l’ambassade de France pour essayer de les protéger un peu. C’est une préoccupation immédiate. Quant aux élections, la situation est tendue. Les résultats du premier tour sont contestés – il faut dire que les divergences qui ont été constatées font naître des interrogations légitimes. L’essentiel, c’est d’arriver à tenir le deuxième tour le 16 janvier, et si possible dans des conditions incontestables. Diverses propositions ont été faites, une par exemple de la part des deux candidats arrivés en tête, une autre visant à rouvrir le deuxième tour à tous les candidats, ce qui paraît difficile sans se retrouver dans la même pagaille qu’au premier tour… En l’état actuel des choses, il semblerait qu’il soit juridiquement possible d’élargir le nombre des candidats au second tour.

Pour ce qui est de la reconstruction, des sommes non négligeables ont été envoyées dans le pays mais la reconstruction tarde, alors que le tremblement de terre date d’un an. Pour l’instant, la situation épidémiologique bloque tout, puisque les compagnies aériennes ne veulent pas desservir l’île dans les conditions actuelles. Toutefois, lorsque la reconstruction sera possible, je souhaite que les entreprises françaises soient beaucoup plus actives. Depuis des années, je constate que nos équipes sont toujours les premières quand survient une catastrophe naturelle mais que, dès lors que l’urgence est terminée, elles rentrent en France tandis que ce sont les entreprises étrangères qui viennent bénéficier de la manne financière qui s’est constituée. Cela me met hors de moi. Nous avons le savoir-faire, nous ne devrions pas être dans cette situation. Je vais en faire examiner les raisons : cela vient-il des entreprises françaises, ou d’autres facteurs ? Quoi qu’il en soit, ce phénomène m’a toujours profondément choquée, d’autant que la population conserve le sentiment que ce sont les autres pays qui assurent la reconstruction et elle leur en est plus reconnaissante qu’à nous, qui avons fait le plus dur du travail.

M. Myard et M. Bacquet m’ont interrogée sur les moyens du ministère. Il est exact qu’il est maltraité sur le plan budgétaire. Il a commencé la RGPP avant la RGPP et s’est assez mal défendu, pour des raisons diverses que j’ai essayé d’analyser. Dans tous les ministères où je suis passée, j’ai considéré la RGPP comme l’exigence d’une amélioration de l’utilisation de chaque euro donné, pas celle de réductions systématiques. RGPP ou pas, j’ai toujours essayé d’avoir des budgets adaptés à la situation. Je n’ignore pas les besoins des finances publiques, mais lorsqu’on a des ambitions, les moyens doivent être en phase. Le problème est que j’arrive alors que le budget triennal a déjà été voté, et qu’il sera beaucoup plus difficile de le faire rectifier qu’il n’était possible d’avoir une influence avant le vote. Pour autant, je n’ai pas l’intention de ne rien faire, et je note un soutien assez unanime parmi vous. Cela dit, des possibilités s’offrent certainement de mieux utiliser l’argent ; nous les étudierons point par point.

Quant à faire travailler les parlementaires… croyez bien que vous allez être satisfaits ! J’avais déjà cela en tête en parlant de travailler étroitement avec vous, et je ne suis pas du genre à oublier ce genre de proposition. Beaucoup de choses peuvent être faites dans ce domaine, d’autant qu’il y a dans cette commission un assez large consensus sur beaucoup de sujets.

Pour ce qui est de l’Afghanistan, j’ai dû mal m’exprimer. Il n’est pas question que les Occidentaux stabilisent, seuls, l’Afghanistan durablement. Le but est de passer, étape par étape, le contrôle de la situation aux Afghans. J’ai vu l’Afghanistan en 2002 : il y avait deux lumières dans tout Kaboul. On ne peut pas demander à quelques millions d’Afghans qui sortent d’une longue guerre de faire eux-mêmes le travail. Ce que nous voulons, c’est remettre progressivement chacune des provinces en situation d’agir. Voilà le calendrier occidental.

Quant à votre lettre concernant les critiques sur la loi sur la burqa, monsieur Myard, elle vient d’arriver et je ne l’ai pas encore lue, pas plus que la déclaration d’Hillary Clinton. Cela dit, j’ai eue la Secrétaire d’État américaine au téléphone au sujet de WikiLeaks, et il a été question de solidarité. Je me servirai du même concept à propos de la burqa. Si elle n’a pas bien compris notre principe de laïcité –je ne suis pas sûre que le mot existe en anglais – je le lui expliquerai. Les Américains ont une vision totalement différente de la nôtre : ils reconnaissent le communautarisme, ce qui est totalement opposé à notre idée de l’égalité devant la loi et les institutions, qui est le fondement de la République française. Je lui dirai en direct, le cas échéant, les raisons de notre attitude et aussi ce que nous attendons de nos partenaires et alliés, dans le respect des institutions de chacun.

Madagascar est un merveilleux pays que je connais depuis de très nombreuses années, et qui a subi des séries de crises de tous ordres. Notre présence a souvent été contestée par certaines élites, en particulier l’Église protestante, en relais des Britanniques, mais la population manifeste toujours un fort attachement à la France. Cela nous donne une grande responsabilité. Nous sommes en pointe depuis le début sur le processus de sortie de crise et avons fait un certain nombre de recommandations pour la transition. Il faut continuer dans cette voie. La langue française est un atout, même s’il faut rester lucides, car, dans de nombreux villages, elle n’est pas très présente. Sur le plan économique, beaucoup de nos entreprises ont été en pointe. Certaines ont été écartées du fait des difficultés politiques, mais nous devons revenir et retrouver notre influence dans la Grande île, pas seulement dans notre intérêt, mais pour aider les Malgaches.

À propos de la francophonie, qu’a évoquée M. Terrot, on peut s’attaquer aux problèmes financiers de plusieurs façons. D’abord, nous devons mieux rentabiliser les efforts que nous faisons. Pour cela, il faudra sans doute revoir certaines données. Nous avons fermé à une époque un certain nombre de lycées français : il faut se demander si c’était une bonne chose, et comment réaliser un équilibre avec la demande des Français sur place. Au-delà, nous devons davantage considérer les établissements français à l’étranger comme un élément de notre influence et, dès lors, associer d’autres acteurs à notre effort – je pense, par exemple, à l’effort financier que nous allons faire pour la gratuité dans le secondaire. Je considère que les entreprises sont très directement concernées. Si les futurs cadres du pays sont formés au français, ils auront tendance à choisir une entreprise française. Celles-ci doivent donc cesser de se focaliser sur leurs problèmes à six ou huit mois et adopter une vision à long terme. Par ailleurs, je vais leur demander d’être un peu plus présentes en matière de financement de la francophonie et de faire preuve de dynamisme à ce sujet. Par exemple, cela ne leur coûterait pas grand-chose, si ce n’est un petit effort de réflexion, d’embaucher, à diplômes égaux, quelqu’un qui a poursuivi ses études dans un lycée ou un institut français ; c’est la moindre des choses, mais cela ne se fait pas partout. Elles doivent également participer davantage au financement de bourses : certaines le font pour des formations maison, mais ce n’est pas suffisant. Un réinvestissement d’argent doit également être opéré pour aider au développement de l’influence de la francophonie : j’en ai déjà parlé à de grandes entreprises, et je vais continuer à le faire. Et il ne doit pas s’agir de faire vaguement plaisir au ministre pour quelques mois, en espérant qu’elle va défendre un contrat en retour ; à cet égard, je compte mettre en place des structures institutionnelles afin d’être sûre que ce processus de participation se poursuive dans la durée.

Le problème des zones grises en Afrique est, pour moi, la préoccupation majeure, d’autant qu’elles sont en train de s’étendre. Or, la drogue est un élément essentiel des problèmes internationaux : qui dit drogue dit corruption, et qui dit corruption dit affaiblissement des États. Une de nos missions consiste donc à aider les États à se prémunir contre la corruption pour éviter la disparition des structures étatiques.

M. Jean Glavany. Attention tout de même à ne pas être trop donneur de leçons.

Mme la ministre d’État. Ce n’est pas être donneur de leçons, c’est une analyse stratégique partagée par tous les spécialistes. Il y a quelques années, nous avons créé le centre de surveillance de Lisbonne pour suivre le trafic de la drogue par voie maritime dans l’océan Atlantique. Résultat : les circuits de la drogue ont changé, notamment pour la cocaïne. Toutefois, ils passent maintenant par l’intérieur du continent africain, ce qui crée un risque considérable.

Pour ce qui est des conseillers de l’Elysée, il n’est pas question, en matière de politique étrangère, de laisser ne serait-ce que l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre les politiques menées. Il faut que tout le monde tire dans le même sens, et que tout le monde soit informé. Il se trouve que les conseillers de l’Elysée sont des gens que je connais depuis quinze ans, avec lesquels je m’entends bien et qui partagent largement ma conception de l’État. Pour l’heure, je n’ai pas de problèmes avec eux… et je n’ai pas l’intention d’en avoir. Chacun connaît ma personnalité.

À ce propos, j’en profite pour vous dire que, à mon sens, la diplomatie doit prendre des formes diverses. Ainsi, certaines diplomaties d’influence peuvent passer par d’autres voies que les diplomates – par les parlementaires, comme je l’ai dit, mais aussi, comme j’ai pu le constater il y a quelques années dans le domaine du sport, par d’autres personnes qui ont pu, pour diverses raisons, se rencontrer dans le passé. Certes, ce réseau d’influence doit exister en totale transparence vis-à-vis des diplomates, mais nous devons savoir jouer sur tous les claviers, et c’est ce que j’ai l’intention de faire.

M. Bacquet m’a interrogée sur les ambassades. D’abord, nous devons analyser la situation pour savoir où nous en avons besoin – des consulats peuvent suffire. Ensuite, j’ai l’intention de demander un audit sur les ambassades à missions réduites. Ainsi que je l’ai dit, il est ridicule de considérer la RGPP comme automatique.

Quant au commerce extérieur, il aurait probablement été utile de le rattacher au ministère des affaires étrangères. En attendant, j’essaye d’associer le plus possible le ministre qui en a la charge à l’action que nous menons. Nous ne ferons rien en restant chacun dans son secteur, alors que nous devons avancer sur un certain nombre de points.

Par ailleurs, je veux valoriser toutes les expériences économiques des diplomates, lesquels sont trop souvent mal considérées – je l’ai constaté dans tous les ministères : au lieu de valoriser cette expérience, on les punit comme s’ils avaient passé deux ans en vacances ! Si nous voulons faire de la prospective, il est indispensable d’installer à certains postes des gens capables de voir les opportunités et d’anticiper. Nous avons besoin de cette sensibilité économique parce que le problème majeur est souvent économique, et non politique. J’ai bien l’intention, et dans la formation et dans la carrière, de valoriser ce domaine.

Pour ce qui est du message à faire passer sur l’égalité entre hommes et femmes, j’en reparlerai précisément avec Mme Bourragué.

Quant à l’audiovisuel extérieur de la France, j’ai toujours été persuadée que nous n’agissions pas suffisamment. Nous avons laissé passer, en perdant trop de temps à mettre les choses en place, une opportunité majeure : je veux parler de la période de la guerre d’Irak, qui aurait été un fantastique moyen de faire passer nos idées et d’attirer les gens, y compris vers la langue française. Cela dit, nos structures sont trop lourdes : le système est aujourd’hui essentiellement regroupé sur Matignon et le ministère de la culture, alors que c’est aussi un des éléments de l’action du ministère des affaires étrangères. C’est un point sur lequel j’ai l’intention de m’investir.

M. le président Axel Poniatowski. Merci, madame la ministre d’État, pour ce tour d’horizon très large et très intéressant.

La séance est levée à dix-huit heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 15 décembre 2010 à 16 h 15

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, Mme Chantal Bourragué, M. Pascal Clément, M. Alain Cousin, M. Michel Destot, M. Tony Dreyfus, M. Alain Ferry, M. Jean Glavany, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Didier Julia, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. François Loncle, M. Didier Mathus, M. Renaud Muselier, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. André Schneider, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle, M. Gérard Voisin, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Roland Blum, M. Alain Bocquet, M. Jean-Michel Boucheron, M. Loïc Bouvard, M. Hervé de Charette, M. Michel Delebarre, M. Jean-Paul Dupré, M. Serge Janquin, M. Éric Raoult