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Commission des affaires étrangères

Mardi 18 janvier 2011

Séance de 17 h 00

Compte rendu n° 29

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Audition de M. Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie

Audition de M. Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie

La séance est ouverte à dix-sept heures.

M. le président Axel Poniatowski. Lorsque l’audition de M. l’Ambassadeur de France en Algérie – que je remercie vivement d’avoir donné son accord – a été décidée, les autorités d’Algérie et de Tunisie étaient confrontées à des manifestations de grande ampleur. Cependant, rien ne permettait alors de supposer qu’elles seraient fatales à M. Ben Ali, et qu’elles déclencheraient en Tunisie un processus de démocratisation.

M. l’Ambassadeur nous exposera l’état de la situation en Algérie et les causes des émeutes qui y ont eu lieu. En dépit de l’évidente singularité algérienne et de la difficulté d’établir des pronostics, deux questions surgissent d’emblée : d’une part, le scénario tunisien est-il susceptible de se répéter en Algérie et, de l’autre, comment les événements tunisiens ont-ils été accueillis à Alger et dans le reste du pays ? L’audition de M. l’Ambassadeur sera l’occasion de faire le point sur l’état des relations bilatérales entre la France et l’Algérie, avant et depuis ces événements. En effet, en Algérie plus qu’ailleurs, le passé pèse lourdement sur ces relations – comme ne cessent de le répéter les autorités algériennes. Dans les périodes de tension intérieure, en particulier, la rhétorique anti-française connaît une recrudescence soudaine. Cet état de fait entrave l’expression d’une position française sur la politique intérieure de l’Algérie. La France est-elle en mesure de peser d’une quelconque manière sur l’évolution du pays ?

M. Xavier Driencourt, Ambassadeur de France en Algérie. En effet, depuis que vous m’avez invité à cette audition, les graves mouvements sociaux que connaissaient l’Algérie et la Tunisie ont rapidement évolué, notamment en Tunisie. En Algérie, ces mouvements ont eu lieu entre le 7 et le 11 janvier. Partis de la capitale, ils se sont largement étendus à l’ensemble des villes du pays, grandes et moyennes, qui ont connu manifestations et saccages : Oran, Annaba, Tiaret, Batna, Biskra, et même Ouargla et Hassi Messaoud.

D’autre part, le mouvement fut très spontané, soudain mais aussi très bref. Dès le 11 janvier, le ministre de l’intérieur déclarait que « la page était tournée ». En outre, dans toutes les villes précitées, les émeutes n’ont touché que certains quartiers précis – notamment, à Alger, les quartiers de Belcourt, Bab El Oued ou encore El Biar, pour prendre l’apparence d’une sorte de «  vol de sauterelles » se déplaçant d’un lieu à un autre de manière très concentrée.

Les principaux acteurs de ce mouvement sont de jeunes garçons âgés de 14 à 18 ans environ, qui se sont attaqués à des cibles symboliques : les bijouteries – deux d’entre elles ont été saccagées à El Biar, précisément – et les magasins d’articles de sport, Adidas par exemple, mais aussi les magasins de téléphonie et les garages, y compris Renault et Peugeot. Les classes moyennes, en revanche, n’ont pas participé au mouvement : le samedi 8 et le dimanche 9 janvier, les rues d’Alger étaient désertes.

Officiellement, les manifestations ont fait six morts en Algérie et 863 blessés, policiers pour l’essentiel, ainsi qu’un millier d’arrestations.

Quelles sont les causes de ces manifestations ? Tout d’abord, les prix des produits de base tel que le sucre, la farine et surtout l’huile ont beaucoup augmenté, en raison des événements climatiques des derniers mois. Autre explication : le Gouvernement a décidé d’instaurer la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 17% à compter du 1er avril prochain, ainsi qu’une taxe sur les produits intérieurs de 3%. Par ailleurs, dans le cadre de sa politique économique visant à lutter contre l’économie informelle, le gouvernement a décidé d’imposer le paiement par chèque pour les montants supérieurs à 500 000 dinars, soit 5 000 euros. Naturellement, cette mesure a, elle aussi, suscité de nombreuses réactions.

A ces causes économiques s’ajoute une toile de fond plus générale : le phénomène de la mal-vie, le désoeuvrement de la jeunesse, frappée par un taux de chômage élevé, le problème crucial du logement dans les grandes villes, notamment la capitale, et la part considérable du logement et de l’alimentation dans le budget des ménages.

Au plan sécuritaire, les autorités ont rapidement répondu aux manifestations en employant une tactique policière de grande retenue. Le nouveau directeur général de la police, qui a succédé à M. Tounsi, est un ancien général de gendarmerie, M. Hamel. D’autre part, la lutte antiterroriste menée pendant une quinzaine d’années a permis aux forces de police et de gendarmerie de disposer de moyens importants, d’acquérir une expérience bien supérieure à celle de la police tunisienne et d’augmenter leurs recrutements, au point que les deux corps comprennent aujourd’hui environ 150 000 hommes, pour une population de 37 millions d’habitants.

Au plan politique, les manifestations n’ont fait l’objet jusqu’à ce jour d’aucune tentative de récupération par les partis politiques, ni par les mouvements religieux. Les prêches du vendredi 9 janvier ont appelé la population à rester calme. Les autorités politiques sont demeurées silencieuses. En revanche, le ministre de l’intérieur, M. Ould Kablia, a été très présent dans les médias.

Venons-en aux différentes interprétations de ce mouvement social. Une interprétation est que les manifestations en Algérie n’auraient rien à voir avec les événements de Tunisie. A preuve : les émeutes n’ont pas duré plus d’une semaine. Elles furent le fait de casseurs motivés par la hausse des prix. Le Gouvernement tient à démontrer aux classes moyennes que le calme est revenu, et qu’il maîtrise la situation.

Autre explication possible que l’on entend : ces émeutes reflètent l’âpreté de la politique économique de lutte contre l’informel. Toutes sortes de théories de manipulation et de conspiration circulent aussi, qu’il faut cependant aborder avec la plus grande prudence.

Comment faut-il envisager les manifestations algériennes au regard des événements de Tunisie ? Les deux pays partagent plusieurs points communs, largement médiatisés. Tout d’abord, l’Algérie et la Tunisie sont tous deux dirigées par les mêmes dirigeants depuis un certain temps bien que depuis des dates différentes. Ensuite, dans ces pays, le débat politique est monopolisé par le ou les parti(s) au pouvoir. Enfin, même si le niveau de vie est nettement plus élevé en Tunisie, on observe dans les deux pays des problèmes de logement et de précarité, ainsi qu’un phénomène de mal-être social, aggravé en Algérie par une longue guerre civile, qui pousse d’innombrables haragas, ou migrants clandestins, à traverser la Méditerranée.

N’oublions pas aussi les contacts très denses entre les deux pays par l’intermédiaire des communautés algériennes et tunisiennes en France.

Cela étant, plusieurs différences démarquent l’Algérie de son voisin oriental. Premièrement, le pouvoir algérien est plus diffus et complexe qu’en Tunisie, où le régime était de nature clanique, et même familiale. En Algérie, le pouvoir se partage entre plusieurs cercles ; c’est un système à la fois égalitariste et éclaté dans lequel différents cercles interviennent. Le mécanisme du pouvoir est donc plus compliqué qu’en Tunisie.

Deuxièmement, l’Algérie dispose depuis 1991 d’une presse qui fait preuve d’une étonnante liberté de ton. Si certaines limites ne doivent pas être franchies, la liberté de la presse instaurée voici vingt ans est une réalité. Aujourd’hui, plus de 80 journaux quotidiens paraissent, certains tirant jusqu’à 600 000 exemplaires. Dilem, le Plantu algérien, ne se prive pas, dans ses caricatures, d’attaquer le système.

Troisièmement, les émeutes de Tunisie ont associé de nombreuses catégories de la population : jeunes, avocats, syndicalistes, fonctionnaires ou autres. En Algérie, la plupart des manifestants étaient de jeunes garçons âgés de moins de 18 ans. D’autre part, les revendications des manifestants tunisiens ont d’emblée été d’ordre politique, alors qu’elle n’ont porté que sur la hausse des prix des produits de base en Algérie, sans se transformer à ce jour en revendications politiques. Ajoutons qu’en Algérie, l’émeute est un phénomène assez courant.

Enfin, la principale différence entre les deux pays tient à ce que l’Algérie a connu une guerre civile de quinze années. De ce fait, la population éprouve une réserve, et même une crainte face aux mouvements de rue. Les forces de police et de gendarmerie, fortes d’une longue expérience de la lutte antiterroriste dont elles continuent de payer le prix aujourd’hui, adoptent sans doute une approche sécuritaire plus « subtile » qu’en Tunisie.

On peut donc envisager, partant de là différents scénarios allant du statu quo à l’« imitation » tunisienne. En tout état de cause, beaucoup dépendra de l’évolution de la situation tunisienne dans les prochaines semaines. De deux choses l’une : soit la Tunisie, d’émeute en émeute, tombe dans le chaos jusqu’à l’élection présidentielle, ce qui effrayera les classes moyennes en Algérie, soit elle opère une transition pacifique vers la démocratie, ce qui aura des conséquences en Algérie, mais il est trop tôt pour savoir lesquelles. 

M. le président Axel Poniatowski. Je vous remercie pour cette analyse très intéressante. Vous n’avez pas dit quelles mesures ont été prises par le gouvernement  pour que le calme revienne : est-il revenu sur tout ce qui avait été annoncé ou un certain nombre d’augmentations ont-elles subsisté ? Par ailleurs, les troubles en Algérie ont débuté pour des raisons économiques et les augmentations de prix de tous ordres, mais quelle est la raison fondamentale ? Le pays est riche, dispose de réserves importantes, n’est pas endetté. La politique d’autarcie économique qu’il a lancée il y a un an et demi était quelque peu suicidaire. Qu’est-ce qui justifie de telles augmentations des prix et la suppression du crédit à la consommation qui revient à annihiler l’économie ?

M. Jean-Marc Roubaud. Les pillages et les saccages ont touché de nombreux intérêts français. Ceux d’autres pays ont-ils également été touchés ? A votre avis, la crise risque-t-elle de s’étendre au Maroc ? Dans les circonstances actuelles, comment voyez-vous l’avenir de l'Union pour la Méditerranée ?

Mme Marie-Louise Fort. Des critiques ont été formulées contre la France, jugée attentiste en ce qui concerne la Tunisie. Notre pays ne veut pas être accusé d’ingérence ou de néocolonialisme. Quel est le regard de la presse algérienne libre sur la position de la France en Tunisie ? Par ailleurs, quel est le rôle d’Internet et des réseaux sociaux sur la jeunesse algérienne ? Comment comparez-vous la jeunesse algérienne par rapport à la jeunesse tunisienne ?

M. Henri Plagnol. J’associe à ma question M. François Loncle, avec lequel j’effectue une mission d’information sur la sécurité des Français au Sahel. L’Algérie a payé un lourd tribut au terrorisme dans les années 1980 et 1990. Qu’en est-il de la coopération en matière de terrorisme entre les services français et algériens ? Quel est le regard de l’Algérie sur les événements tragiques qui viennent de se produire au Niger et sur le fait qu’AQMI a déclaré que la France était son ennemi principal ? L’Algérie est-elle totalement engagée avec la France ou y a-t-il des arrière-pensées ?

M. Jacques Myard. Vos explications sont conjoncturelles mais l’Algérie a des problèmes structurels de long terme. L’augmentation de la démographie a bouleversé les structures économiques. Encore récemment, 80 % des étudiants diplômés étaient au chômage. Il y a une grave crise de logement qui pèse particulièrement sur la jeunesse ; tout cela constitue le terreau de la radicalisation et de l’extrémisme. Les émeutes vont reprendre et il n’y a pas de solutions à court terme. Il s’agit d’un problème économique structurel de long terme : la libéralisation entraînera la radicalisation. Que pensez-vous de cette analyse ?

M. Paul Giacobbi. Vous avez parlé de statu quo. On a l’impression que ce pays vit une succession de statu quo ante, d’une situation bloquée à une autre, d’années en années. On pourrait très bien à nouveau déclarer le Président de la République malade et en profiter pour l’écarter. Combien de temps cela peut-il durer ? Par ailleurs, sur le plan de la sécurité, je me rappelle un voyage effectué il y a quatre ans dans la région de Tizi Ouzou où l’on avait l’impression d’un pays occupé par les forces de sécurité. Qu’en est-il aujourd’hui ? Enfin, une dernière question sur le projet de gazoduc entre l’Algérie et l’Italie, auquel pourrait être connectée la Corse. Savez-vous où en est ce dossier ?

M. Jean-Claude Guibal. Vous avez parlé d’un système de pouvoir à la fois égalitariste et éclaté. Y a-t-il une composante qui exerce plus de pouvoir que les autres ou qui assure l’équilibre ? Qu’en est-il de l’influence des islamistes ? Enfin en ce qui concerne les réserves de change, pourquoi l’Algérie n’arrive-t-elle pas à transformer sa rente en emplois ?

M. Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie. Lors d’un conseil interministériel du 11 janvier, le gouvernement algérien a annoncé le report au 31 août de la création de la TVA à 17 % et de la taxe sur les produits intérieurs de 3 %. En revanche, aucune des autres mesures prises lors des lois de finances complémentaires, notamment la suppression du crédit à la consommation, n’a été retirée.

Le pouvoir d’achat des Algériens a donc subi une forte baisse du fait, à la fois, d’une hausse des prix et de nouvelles taxes. Il faut se souvenir que le salaire de base est seulement de 150 euros par mois, le salaire moyen se situant autour de 300 euros.

Les saccages d’entreprises, perpétrés lors des mouvements sociaux récents, n’ont pas concerné que les sociétés françaises bien évidemment. Ainsi, des garages Ford et Suzuki, de nombreux magasins de sport et d’articles de grande consommation ont été victimes de pillages et pas uniquement des marques françaises.

Je ne connais pas la situation au Maroc mais je crois qu’elle est encore différente de la Tunisie et de l’Algérie.

Sur le projet d’Union pour la Méditerranée, l’Algérie, traditionnellement peu favorable à cette idée, risque de ne pas s’y investir davantage au vu des récents événements.

L’appréciation par la presse algérienne de la réaction française aux événements tunisiens a été critique.

Concernant la jeunesse algérienne, il faut préciser que, certes, 1,5 millions de jeunes Algériens sont étudiants mais se pose aussi la question de leur insertion sur le marché du travail, qui reste difficile.

A la question de l’importance des réseaux sociaux et d’Internet pour le mouvement de contestation, je répondrais qu’il s’agit là d’un des facteurs par lesquels les Algériens suivent la situation en Tunisie. Ils soulignent encore davantage l’importance, que j’ai déjà mentionnée, du rôle que pourraient jouer les communautés algérienne et tunisienne en France.

Concernant les raisons structurelles des mouvements actuels en Algérie, il est clair que le phénomène de malaise social est réel.

Toutefois, à la différence des autres pays touchés par ce malaise, l’Algérie a connu quinze années de terrorisme. La société civile algérienne, dès lors peu encline à considérer positivement les phénomènes politiques nés dans la rue, craint de voir le tissu social se déchirer à nouveau, ouvrant la voie au retour du terrorisme.

Au sujet du risque terroriste, il y a eu, en effet, une baisse importante de l’intensité des actions violentes, même s’il y a encore des attentats régulièrement, dans le Nord notamment.

Sur le projet GALSI, je n’ai pas d’information particulière, mais il y a une nouvelle inconnue majeure depuis les changements importants à la tête de la SONATRACH en 2010.

Enfin, concernant l’équilibre des pouvoirs, il y a plusieurs cercles.

M. Jean-Pierre Kucheida. Il y aurait, en Algérie, environ 9 000 émeutes par an : sur quelle période ce niveau a-t-il été atteint ? Quel était leur degré de gravité ? Les entreprises françaises ont-elles été particulièrement visées par les émeutes du début de l’année ? Les islamistes ont-ils été impliqués dans ces mouvements ?

A-t-on une idée – officielle ou officieuse – du nombre de prisonniers politiques en Algérie ? Sait-on combien de personnes fuient chaque année le pays ?

Avez-vous perçu en Algérie des échos de la situation en Tunisie depuis que vous êtes en poste ? Avez-vous été amené à en rendre compte auprès de l’administration centrale ?

M. Robert Lecou. Dans la mesure où la presse est, selon vous, libre en Algérie, dénonce-t-elle l’incapacité des autorités à utiliser la rente gazière au profit de la population ? Comment réagirait-elle si la France donnait des conseils aux dirigeants algériens, notamment en faveur de la libération des prisonniers politiques ?

M. Jean-Michel Boucheron. Trois pays, la Tunisie, l’Algérie et l’Egypte, me semblent actuellement dans une phase historique comparable, ayant chacun à leur tête un dictateur « en fin de course ». Je pense que la Tunisie n’est pas menacée par un risque islamiste, contrairement à l’Egypte. Qu’en est-il, selon vous, de l’Algérie ? Les intégristes vous semblent-ils exercer une influence sur la nombreuse jeunesse algérienne ?

M. Jean-Paul Baquet. Les récents « événements » étaient-ils concentrés dans le nord du pays ou ont-ils touché toutes les régions ? Le pays ne connaît-il pas surtout un choc générationnel, sa population étant composée de jeunes de moins de 25 ans à hauteur de plus de 50 % ? Dans ces conditions, pourra-t-on à nouveau trouver un homme providentiel, alors que, jusqu’ici, ceux qui se sont succédé étaient toujours issus de la lutte pour l’indépendance ?

Vous avez évoqué l’influence que les Tunisiens et les Algériens de France pourraient exercer sur leurs concitoyens restés au pays. N’existe-t-il pas, parallèlement, le risque que les événements au Maghreb aient des conséquences au sein des communautés installées en France ?

Je suis souvent étonné de la capacité des peuples à avoir une mémoire sélective. Ainsi, au Vietnam, les jeunes portent des vêtements exprimant une fascination des Etats-Unis ou de la France, comme si l’histoire avait été oubliée. Qu’en est-il en Algérie ? La mémoire a-t-elle été entretenue auprès des jeunes ?

M. Jean-Paul Lecoq. Il ne faut pas donner plus de signification qu’ils n’en ont aux slogans inscrits sur les vêtements portés par les uns et les autres !

L’intégration des minorités à la société et à la vie politique algériennes a toujours posé problème et ce n’est pas un hasard si le siège de l’AQMI est situé en Kabylie. La jeunesse kabyle a-t-elle eu un rôle particulier pendant les récentes émeutes ?

Dans quelles conditions les entreprises françaises peuvent-elles s’implanter en Algérie ? Quelles contreparties doivent-elles fournir en échange de la possibilité d’exploiter les richesses algériennes ?

M. Jacques Remiller. Etant président du groupe d’étude à vocation internationale sur le Saint-Siège, je sais que, par le passé, les autorités algériennes ont poursuivi et condamné des musulmans convertis au christianisme. Est-ce encore le cas, alors que le phénomène prend plus d’ampleur sous l’influence de missionnaires évangélistes ?

Un certain nombre de cathédrales ont été restaurées récemment, parfois avec l’aide de collectivités locales françaises : la restauration de celle d’Alger a bénéficié de l’aide de la commune de Marseille, Beaune a soutenu le chantier de la cathédrale d’Annaba. Y a-t-il d’autres projets du même type en prévision ?

Enfin, où en est la mise en œuvre du programme visant à restaurer et regrouper les cimetières français d’Algérie ?

M. Xavier Driencourt. Lorsque certains groupes citent le chiffre de 9000 émeutes, il s’agit d’une moyenne annuelle ; même si ce chiffre est très incertain, l’émeute constitue un phénomène courant. Les entreprises françaises n’ont pas été particulièrement visées pendant les émeutes du début de l’année. Des salariés algériens de plusieurs groupes français sont même intervenus pour protéger les installations de l’entreprise. Il n’y a pas eu de phénomène de récupération par les islamistes : Ali Belhadj, l’un des chefs historiques du Front islamique du salut algérien (FIS), a tenté de se mêler à une manifestation à Alger, mais les jeunes manifestants ne le connaissaient pas !

Les tentatives de départs vers l’Europe dans des embarcations de fortune sont estimées autour d’un ordre de grandeur de 1 000 par an et on constate régulièrement des arrestations et des décès en mer. Les bateaux partent d’Oran vers Alicante et d’Annaba en direction de la Sicile.

Ces derniers jours, la presse a beaucoup commenté les événements en Tunisie, tandis que le gouvernement restait silencieux. Mais ni l’une ni l’autre n’avaient senti venir la chute du Président Ben Ali ; tout le monde a été pris de court.

Très régulièrement, la presse francophone mais aussi une partie de la presse arabophone contestent l’utilisation de la rente pétrolière. Les médias sont très sensibles à tout ce qui peut ressembler à une intervention de la France dans les affaires algériennes.

L’attitude des autorités vis-à-vis des Harkis est bien connue.

La question d’un éventuel retour des islamistes sur le devant de la scène est difficile à trancher. Même si les figures du FIS ont été écartées des émeutes récentes, le gouvernement inclue un parti dit « islamiste » en son sein.

Les émeutes ont touché toutes les villes, pas seulement celles de la côte.

Le choc générationnel ne fait aucun doute. La population est très jeune. 

Intuitivement, on peut penser que les événements d’Algérie et de Tunisie peuvent avoir des conséquences en France.

La mémoire de la colonisation et de la lutte pour l’indépendance fait partie intégrante du discours politique

Les investissements étrangers en Algérie font l’objet de discussions plus âpres avec les nouvelles mesures adoptées ces dernières années. M. Jean-Pierre Raffarin a été chargé d’une mission visant à faciliter les projets d’investissements français en Algérie.

On observe un phénomène, au demeurant limité, de prosélytisme par des groupes évangéliques, mais l’Eglise catholique, qui constitue l’énorme majorité des Chrétiens en Algérie, ne le soutient nullement.

En décembre dernier, se sont achevés les travaux de restauration de la cathédrale Notre Dame d’Afrique et la restauration de la cathédrale d’Annaba est effectivement en cours. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’autres chantiers en projet. Quant à la restauration des cimetières français, un programme franco-algérien prévoyant d’y consacrer 300 000 euros sur cinq ans a été mené à bien et un nouveau programme, de moindre ampleur, va être lancé.

La séance est levée à dix-huit heures trente.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 18 janvier 2011 à 17 heures

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Pascal Clément, M. Michel Destot, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Paul Giacobbi, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. François Loncle, M. Jacques Myard, M. Henri Plagnol, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, M. Michel Terrot

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Claude Birraux, M. Alain Bocquet, M. Gilles Cocquempot, M. Michel Delebarre, M. Didier Julia, Mme Henriette Martinez, M. Jean-Luc Reitzer, M. François Rochebloine, M. Michel Vauzelle, M. Gérard Voisin