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Commission des affaires étrangères

Mercredi 2 mars 2011

Séance de 10 h 30

Compte rendu n° 39

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Inde : accord de sécurité sociale entre la France et l’Inde (n° 3076) – Mme Chantal Bourragué, rapporteure

– Irak : accord entre la France et l’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 3077) – M. Jean-Marc Nesme, rapporteur

– Information relative à la commission

Inde : accord de sécurité sociale entre la France et l’Inde

La séance est ouverte à dix heures trente.

La commission examine, sur le rapport de Mme Chantal Bourragué, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde (n° 3076).

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Les relations franco-indiennes se sont considérablement développées depuis une quinzaine d’années : les deux pays ont lancé un partenariat stratégique en 1998 et un dialogue stratégique un an plus tard. Les nombreuses visites bilatérales de haut niveau témoignent de cette évolution. Le Président Nicolas Sarkozy a effectué une visite d’Etat en Inde en janvier 2008 et une visite de travail en décembre 2010. Après un premier déplacement en France en septembre 2008, le Premier ministre Manmohan Singh a été l’invité d’honneur des cérémonies du 14 juillet 2009, pendant lesquelles quatre cents soldats indiens ont défilé sur les Champs Elysées.

Ces visites ont été l’occasion de signer une série d’accords de coopération, à l’exemple de l’accord de coopération pour le développement des usages pacifiques de l’énergie nucléaire et de l’accord sur l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, dont notre Assemblée a autorisé la ratification au cours de ces derniers mois. Le même jour, le 30 septembre 2008, a aussi été signé l’accord de sécurité sociale qui est l’objet du présent projet de loi.

C’est le développement des relations économiques franco-indiennes, et particulièrement celui des investissements réalisés par les entreprises de chaque pays dans l’autre, qui justifie la conclusion d’un accord visant à faciliter l’envoi croisé de salariés. Les stipulations de cet accord sont néanmoins centrées sur les mesures de coordination concernant les risques longs, afin d’éliminer tout risque de « dumping social » lié à la nette différence du niveau des cotisations sociales entre les deux pays.

La part de marché française en Inde est de l’ordre de 1,7 %, ce qui fait de notre pays le 15ème fournisseur et le 11ème client de la Fédération. La France se situe en outre parmi les dix premiers investisseurs étrangers en Inde, avec un stock d’investissements directs de l’ordre de 750 millions de dollars américains. Notre pays est enfin le troisième pour l’accueil des investissements indiens en Europe sur la période 2003-2009, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne : le stock des investissements directs indiens s’est élevé à 323 millions d’euros en 2009.

Ainsi, environ trois cents entreprises françaises disposent de 750 établissements permanents en Inde. Elles y créent un nombre d’emplois considérables, estimés par le ministère des affaires étrangères et européennes à au moins 40 000 en 2009. Le poids des sociétés de services informatiques et d’ingénierie est particulièrement important mais les entreprises françaises développent aussi leurs investissements dans les secteurs de l’énergie (Areva), la téléphonie, l’environnement (Suez et Veolia) et les transports (Renault et Michelin). Il faut souligner qu’une grande majorité des investissements directs a été réalisée par le biais d’acquisitions ou dans le but de conquérir des parts de marché en Inde, en Asie ou dans le Golfe persique ; seulement 5 % des emplois créés ont ainsi vocation à servir le marché français.

Parallèlement, on comptait, en 2009, 90 entreprises indiennes établies en France, représentant 8 000 emplois. Les secteurs les plus attractifs pour les investissements indiens sont la métallurgie et la fabrication de produits métalliques, les technologies de l’information et de la communication et l’industrie pharmaceutique. Les secteurs de l’automobile et des énergies renouvelables commencent aussi à retenir l’attention des investisseurs indiens.

Seule une petite partie des effectifs des entreprises françaises implantées en Inde et des sociétés indiennes installées en France est constituée, respectivement, de Français et d’Indiens. Mais étant donné le développement des investissements croisés et l’augmentation du nombre d’emplois en jeu, les personnels concernés ne sont pas négligeables.

Le ministère des affaires étrangères et européennes estime à environ 900 le nombre actuel des Français qui pourraient bénéficier du statut de détachement en Inde. Le nombre d’Indiens susceptibles d’en bénéficier en France est du même ordre : les salariés indiens détachés par des entreprises établies en Inde y étaient 206 en 2008, 413 en 2009 et 408 en 2010. Le « stock » des titres les concernant serait ainsi passé de 522 en 2009 à 894 en 2010, ce qui témoigne bien du dynamisme des relations économiques franco-indiennes.

L’accord vise donc à faciliter l’installation des entreprises françaises en Inde et vice-versa, grâce à une amélioration de la circulation des travailleurs. L’étude d’impact du projet de loi n’avance aucune donnée chiffrée dans sa partie consacrée aux conséquences financières de l’accord. Essayer de comparer les éventuelles pertes de recettes et les éventuels gains financiers qu’induira pour la sécurité sociale française l’entrée en vigueur de l’accord n’a en effet guère de sens. Il est d’abord difficile de prévoir précisément l’évolution des effectifs concernés, même si leur augmentation de part et d’autre est l’objectif même de l’accord ; ensuite, les Indiens détachés qui ne cotiseront pas au régime français ne toucheront pas non plus de prestations, contrairement aux Français qui continueront d’y être assujettis. En tout état de cause, étant donné l’ordre de grandeur limité des populations visées, l’application de cet accord ne contribuera aucunement au déséquilibre de nos comptes sociaux.

Les principes qui fondent cet accord de sécurité sociale sont classiques : sont affirmés celui de l’égalité de traitement et celui de l’exportation des prestations ; comme il est habituel, un salarié est soumis à la législation de sécurité sociale de l’Etat où il réside, à l’exception de certaines catégories particulières (personnels à bord des navires, fonctionnaires) et du cas des personnels détachés.

C’est le traitement des personnels détachés qui distingue cet accord des autres accords de sécurité sociale : en effet, alors que, dans les autres accords, les personnels détachés restent soumis à l’ensemble de la législation de leur pays d’origine en matière de sécurité sociale pendant une certaine période (trois ans renouvelables une fois, ou cinq ans, selon les accords), l’accord franco-indien ne prévoit le maintien de l’affiliation au régime du pays d’origine (pendant cinq ans) que pour les risques longs (vieillesse et invalidité) ; les salariés devront donc cotiser pour les autres risques dans leur pays de résidence.

Cette « dissociation des risques » répond à une préoccupation de la France. L’exemption de contributions à la sécurité sociale française, dont le coût pour les entreprises est élevé, constituerait un avantage comparatif important pour des entreprises établies en Inde, où ces contributions sont de faible niveau, et créerait des risques de « dumping social ». En outre, s’agissant des risques courts (maladie et accidents du travail), une prise en charge insuffisante des travailleurs concernés par le système de protection indien ou une assurance privée serait susceptible de faire peser une charge indue sur les établissements de soins français qui seraient amenés à dispenser les soins. Ce double souci a conduit à limiter l’exemption aux risques longs, pour lesquels les détachés restent couverts dans leur pays d’origine – ce qui évite les périodes d’interruption dans la constitution des droits à pension – et pour lesquels une affiliation en France n’a qu’un intérêt limité pour les salariés indiens.

Les ressortissants français détachés en Inde seront donc affiliés au régime indien pour les risques maladie-maternité et accidents du travail, dont le niveau de protection est inférieur au régime français, mais cette affiliation ne sera évidemment pas exclusive d’une couverture financée par leurs employeurs ou d’une assurance volontaire, du type de celle offerte par la Caisse des Français de l’étranger.

L’accord précise que les salariés en détachement bénéficient des prestations familiales versées dans l’Etat où ils exercent leur activité. Cette stipulation ne s’appliquera en fait qu’au profit des salariés indiens détachés en France puisqu’il n’existe pas de prestations familiales en Inde, compte tenu de la croissance démographique du pays.

Les règles relatives au calcul des prestations sont classiques. Ainsi, lorsqu’un travailleur ne justifie pas de la durée d’assurance prévue par la législation de l’Etat d’affiliation pour l’ouverture ou le maintien d’un droit, il est fait appel aux périodes d’assurance accomplies sous la législation de l’autre Etat, à condition que les périodes ne se superposent pas.

Les règles précises de calcul du montant des prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants sont aussi énumérées dans l’accord.

Celui-ci comporte enfin un volet relatif à la coopération en matière de cotisations et de lutte contre la fraude aux prestations sociales, qui prévoit notamment des échanges d’informations.

L’accord de sécurité sociale franco-indien est un outil qui doit contribuer à renforcer l’attractivité de la France pour les investisseurs indiens et de l’Inde pour les investisseurs français, principalement en facilitant l’envoi de salariés détachés d’un pays vers l’autre. Il tient néanmoins compte de la grande différence du niveau des cotisations et des prestations sociales entre les deux Etats en limitant aux risques longs le maintien du rattachement des salariés détachés au système de leur pays d’origine.

Cet accord est attendu avec impatience par les entreprises des deux pays. Il m’a par exemple été signalé que l’organisme indien qui participe au projet ITER de Cadarache attend son entrée en vigueur pour y détacher plusieurs de ses salariés.

L’Inde n’a pas à suivre de procédure particulière pour la ratification des accords internationaux et le Sénat a adopté le présent projet de loi le 22 décembre dernier.

M. Michel Terrot. Je poserai une question simple : le maintien de l’affiliation au régime français de sécurité sociale dispense-t-il de cotiser au régime de sécurité sociale indien pour les Français qui vivent en Inde ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Pour les risques longs, il y a une dispense de cotisation au régime indien pour les Français détachés en Inde par leur entreprise et qui cotisent en France.

M. Jean-Paul Dupré. Madame la Rapporteure, ce projet de loi a un caractère très social. Cela me conduit à vous demander si vous disposez d’éléments sérieux relatifs aux conditions de travail en Inde, notamment concernant la main d’œuvre infantile.

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Ce projet de loi traite de la question des Français qui travaillent en Inde et des Indiens qui travaillent en France. Nous ne disposons pas de renseignements particuliers sur les conditions de travail des uns et des autres. Les employeurs concernés sont en général de grandes entreprises, qui ont une politique correcte vis-à-vis des personnels.

M. André Schneider. Je souhaiterais aussi affiner la question. Il est bon que les Français cotisent au régime indien pour les risques courts, mais les conditions de prise en charge y sont beaucoup moins favorables qu’en France. Vous avez abordé cette question mais, concrètement, si des Français ont besoin de soins d’urgence, peuvent-ils bénéficier de remboursements complémentaires, sachant comment marche la médecine privée dans ces pays ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. La protection sociale pour les risques courts relève de la politique de chaque entreprise. Chacune reste libre de contracter des assurances complémentaires pour ses salariés qui sont en Inde, la couverture du risque maladie étant en Inde moins performante qu’en France.

M. Jacques Remiller. Je risque d’être hors sujet et de recevoir la même réponse que Jean-Paul Dupré. Il s’agit d’un pays où le travail des enfants est très répandu. Pouvez-vous apporter quelques réponses à ce sujet ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Cet accord n’aborde absolument pas cette question et je ne peux donc pas répondre.

M. le président Axel Poniatowski. C’est la seconde fois que la question est posée mais effectivement ce n’est pas du tout l’objet du projet de loi.

M. Robert Lecou. J’interviens, non pas pour poser une question, mais pour porter une appréciation sur ce projet de loi. Des pays comme l’Inde ou la Chine sont des pays en devenir. L’Inde sera la troisième économie du monde en 2050. Il me paraît important d’apporter notre approbation à un tel accord car cela permettra certainement aux expatriés français en Inde et aux expatriés indiens en France de travailler dans des conditions convenables.

M. Paul Giacobbi. Le rapport est tout à fait précis et le projet de loi est très important. Je voudrais souligner que ce n’est pas une question anecdotique, ni pour le présent ni pour le futur. Il est extraordinairement difficile de situer le niveau des investissements étrangers dans un pays. Pour donner une idée exacte de la réalité des investissements réciproques, au-delà des statistiques disponibles, qui sont très mauvaises, je signale par exemple que le groupe indien Tata a cent mille salariés en Europe, dont cinquante mille en Grande-Bretagne. Le groupe français Cap Gemini, à ma connaissance, a plus de salariés en Inde qu’en France.

J’indique que si le projet d’installation de deux réacteurs EPR à Jaitapur se concrétise, on imagine que la société Areva aura un certain nombre de salariés en Inde. Le groupe Tata va réaliser dans les deux ans 20 à 25 milliards d’investissements en Europe et il est très intéressé par les investissements qu’il pourrait réaliser en France. Je signale enfin qu’un des plus gros investissements étrangers en France de ces cinquante dernières années, bien qu’il n’entre pas dans les statistiques, a été effectué par une personne de nationalité britannique, mais qui possède la qualité de citoyen d’outre-mer de l’Inde : M. Mittal. Ce n’est donc pas une question théorique mais pratique.

J’ajoute que, sur le plan des échanges étudiants, qui restent extrêmement faibles malheureusement, il y a des difficultés pour l’obtention de titres de séjour et pour la prise en charge de sécurité sociale. Pourtant, une de nos écoles de management, HEC, est liée à la meilleure école de management de l’Inde, l’IIMA (Indian Institute of Management Ahmedabad).

Ce projet de loi vient à point nommé car, dans les cinq à dix prochaines années, les investissements réciproques vont augmenter considérablement. D’où la nécessité dès maintenant de disposer d’un outil de bonne qualité. Le problème de la prise en charge des soins en Inde est simple : la qualité des soins pour ceux qui ont de l’argent est tout à fait remarquable. L’ancien premier ministre Michel Rocard a été exceptionnellement bien soigné à Calcutta. Mais en réalité le coût des soins, nominalement beaucoup moins élevé qu’en France, n’est pas pris en charge par la sécurité sociale indienne.

M. François Rochebloine. J’aurais une question sur les conjoints : bénéficieront-ils des prestations de santé ? Par ailleurs, pendant combien de temps le statut de détaché peut-il s’appliquer ?

Mme Chantal Bourragué, rapporteure. Oui, les conjoints font partie des ayants droit, dans les régimes français et indien. Les personnels sont considérés comme détachés pendant cinq années au plus.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 3076).

*

Irak : accord entre la France et l’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Marc Nesme, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 3077).

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Cet accord de coopération militaire entre la France et l’Irak est un texte simple, tant pour son objectif que pour son dispositif.

Du côté français, deux chiffres expliquent l’intérêt que représente cet accord : dans les années 80, la valeur de nos ventes d’armes à l’Irak avoisinait les 6 milliards de francs, soit 900 millions d’euros environ. Depuis 2003, année de la chute de Saddam Hussein, nous sommes quasiment évincés d’un marché dominé par les Etats-Unis. Nos fournitures d’armement se limitent à la vente d’une vingtaine d’hélicoptères et à la promesse, pour l’heure, de moderniser 18 Mirage. La valeur de nos ventes militaires s’inscrit dans un contexte où l’ensemble de nos échanges commerciaux demeure très faible dans tous les autres domaines.

Du côté irakien, cet accord représente un moyen de desserrer la tutelle américaine. Bagdad est certes reconnaissante de l’action de Washington contre le terrorisme et de son appui pour surveiller notamment la frontière avec l’Iran mais ne souhaite pas dépendre d’un seul fournisseur pour sa défense, d’autant que les besoins irakiens sont si importants que l’industrie américaine, malgré sa puissance, n’est pas à même d’assurer à elle seule l’équipement des forces irakiennes. C’est la raison pour laquelle l’Irak se fournit d’ores et déjà auprès d’une dizaine d’autres pays, parmi lesquels l’Ukraine, la Hongrie, la Pologne ou la Jordanie.

Cet accord intervient dans le contexte de la relance des relations bilatérales entre la France et l’Irak. Notre pays était relativement mal perçu par les nouvelles autorités irakiennes en raison de son opposition à l’intervention militaire de la coalition conduite par les Etats-Unis et également de ses relations étroites avec l’ancien régime de Saddam Hussein. Il a fallu plusieurs années pour que les Irakiens admettent que notre opposition à cette intervention militaire ne signifiait nullement un soutien au régime précité. La présence de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies et le souvenir de la coopération franco-irakienne, qui s’exerçait dans tous les domaines, ont convaincu Bagdad et ses nouveaux dirigeants de reprendre des relations normales avec notre pays, ce qui est tout à fait récent.

De nombreuses visites ont permis le renouveau des relations bilatérales : de nombreux membres du gouvernement français se sont rendus à Bagdad, mais aussi la venue de plusieurs responsables irakiens en France et notamment celle du Président Jalel Talabani, du 16 au 19 novembre 2009, au cours de laquelle le présent accord de défense a été signé par M. Hervé Morin, pour la France et par le général Abdulqader Al Obeidi, pour l’Irak.

En souhaitant ainsi clairement recourir aux technologies françaises pour sa défense, malgré la contrainte et les pressions américaines constantes, l’Irak a marqué son intérêt pour le renouvellement du pacte de confiance entre nos deux pays. Si les échanges commerciaux hors pétrole demeurent encore très bas, de nombreuses entreprises françaises retrouvent des parts de marché significatives en Irak, ce qui laisse espérer une vigoureuse relance de ces échanges. Les échanges se développent très rapidement dans les domaines de l’équipement électrique, de l’électronique, du pétrole, du bâtiment, de l’eau et de l’assainissement, des transports, alors qu’Aéroport de Paris a remporté le marché d’études de l’aéroport du Moyen Euphrate, entre Kerbela et Nadjaf, et des services, France Telecom s’étant porté candidat pour l’attribution d’une licence de téléphonie mobile.

Le présent accord n’est pas un accord de défense et ne comporte pas de clause d’engagement de nos forces. A l’instar de l’accord avec le Liban que je vous ai présenté en décembre dernier, il s’agit essentiellement d’un texte qui permet à notre pays de reprendre pied sur le marché de l’équipement et de la formation des forces irakiennes en vendant des matériels et en instruisant des personnels. La France avait notamment entraîné de nombreux pilotes de chasse irakiens sur Mirage, et Bagdad attribue la bonne tenue de ses forces durant son conflit contre l’Iran à la qualité de son armée de l’air, aussi bien au niveau du matériel que de la formation des pilotes dispensée par la France. Les Irakiens étaient très désireux de reprendre leur coopération avec notre pays.

Quel est l’état des forces irakiennes ? Sans entrer dans le détail, il s’agit d’une armée composée de trois armes dont une armée de terre de 250 000 hommes répartis en quatorze divisions. L’armée de terre irakienne dispose de bons équipements individuels, essentiellement fournis par les Etats-Unis. Elle manque en revanche de matériels lourds.

L’armée de l’air comprend 3 000 hommes et ne remplit que des missions de surveillance et de transport. Sa faiblesse est patente : elle dispose de trois avions de transports militaires américains, d’une vingtaine d’hélicoptères américains et de six hélicoptères Gazelle de fabrication française. Un contrat avec l’Ukraine prévoit la livraison de six appareils de transports de modèle Antonov 32. Les Etats-Unis se sont engagés à livrer d’ici la fin de 2011 onze avions de formation et un certain nombre de F-16. Leur livraison comme la formation des pilotes par les Etats-Unis ne pouvant être exécutées avant trois ans, des négociations avec la France en vue de la modernisation de dix-huit Mirage F1 sont en cours. Comme l’armée de terre, la force aérienne irakienne souffre d’un manque criant de matériels modernes et performants.

La marine ne semble pas constituer la priorité du ministère de la Défense. Ses effectifs avoisinent 1500 marins, dont la moitié constituée par les bataillons de fusiliers commandos. Sa flottille est composée de quatre patrouilleurs italiens et en recevra, sous peu, cinq autres des Etats-Unis.

Les besoins irakiens en équipements militaires sont très importants et Bagdad souhaite absolument diversifier ses fournisseurs. L’accord de coopération qui fait l’objet du présent projet de loi est conforme aux standards internationaux en la matière et n’appelle pas de commentaire particulier. Il est essentiellement axé sur la formation des personnels, qui pourront ainsi faire usage des équipements que nous vendrons à l’Irak. Il contient les dispositions classiques de ce type d’accord, avec l’échange d’informations dans les domaines stratégiques et militaires, la mise en place d’une commission bilatérale, la présence d’un représentant de la direction générale de l’armement en Irak, la vente d’équipements militaires et des actions de formation. Il convient de noter que ces dernières seront financièrement à la charge de l’Irak.

Au moment où le Moyen-Orient connaît d’importants soubresauts, l’accord dont nous discutons aujourd’hui apparaît d’un intérêt relatif. Il convient néanmoins de noter qu’il est signé avec un pays qui a organisé des élections reconnues comme libres par la communauté internationale, un pays qui s’efforce, dans un contexte sécuritaire difficile, de mettre en place un régime parlementaire. La France doit accompagner l’Irak dans ses efforts de reconstruction comme de restauration de sa souveraineté. Sa défense fait évidemment partie de ses pouvoirs régaliens.

M. Michel Terrot. Sait-on si l’Irak a signé d’autres accords du même type avec d’autres pays et en a-t-on mesuré l’impact ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. J’y ai fait allusion dans le rapport. Des contrats d’armement ont été conclus avec la Pologne et l’Ukraine, qui a débuté ses livraisons. Nous ne sommes donc pas seuls sur le marché et cela justifie d’autant plus l’accord dont nous débattons aujourd’hui. J’ajoute que les autorités irakiennes le souhaitent vivement. Il faut également garder présent à l’esprit le fait que les officiers sunnites, qui avaient été exclus de l’armée à la chute de Saddam Hussein, sont progressivement réintégrés. Indépendamment du fait que l’armée en avait été déstabilisée, ces officiers avaient une grande habitude de travailler avec l’industrie française, tant en ce qui concerne les armements que la formation des cadres militaires. Toutes les conditions, politiques, militaires et techniques, sont donc aujourd’hui réunies, pour que cet accord soit positif.

M. Jean-Marc Roubaud. Au-delà de l’intensification des échanges économiques attendue entre les deux pays, ce qui sera positif, quel est aujourd’hui le solde de notre balance commerciale avec l’Irak ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Le montant des échanges est des plus faibles, dans les deux sens. Cela étant, les choses changent depuis deux ans, notamment dans les secteurs électroniques, mécaniques ou encore du BTP. Nos échanges ont été multipliés par 2,4 en deux ans, ce qui est très rapide. Le déficit commercial français s’est considérablement réduit en dix ans. Il est aujourd’hui inférieur à 500 millions d’euros. Si la France retrouvait le niveau d’échanges qui était le sien au cours des années 1980, il y aurait très probablement de nouveau un solde excédentaire de notre côté. En d’autres termes, outre le volet politique, cette opération est bénéfique sur le plan commercial.

M. Jacques Remiller. Quelle est la situation précise en Irak aujourd’hui, par rapport aux autres pays arabes et notamment en ce qui concerne le terrorisme ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Il semblerait que les actes de terrorisme diminuent désormais en Irak, même s’il convient de rester prudent sur ce sujet. Cela fait probablement suite à la réintégration des sunnites dans les forces armées, qui contribue évidemment à apaiser les tensions et à la réconciliation entre les deux communautés.

M. Jean-Michel Ferrand. L’Irak privilégie-t-il les achats de matériels français ou bien se diversifie-t-il ? Les Mirage ont été vus comme l’une des raisons de la bonne tenue de l’armée irakienne contre l’Iran, mais le rapport ne fait pas mention de ces avions de chasse. Ont-ils été détruits ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Il reste des Mirage, mais ils sont dans un état de pauvreté technologique avancé. La remise à niveau ou la constitution d’une nouvelle flotte sont précisément sous-jacents à cet accord. Le montant estimé des réparations se monte à quelque 3 milliards d’euros. Il semblerait que l’Irak cherche à se diversifier, mais il marque néanmoins sa préférence pour le matériel français et sa volonté de se libérer de la tutelle des Etats-Unis, ne serait-ce que pour conserver plusieurs fers au feu, tant sur le plan politique que militaire.

M. Philippe Cochet. Alors que les efforts français en matière de formation de l’armée sont reconnus par les autorités irakiennes, ceux-ci s’accompagnent-ils de démarches commerciales, exercice dans lequel nous pêchons souvent. Il serait dommage de passer à côté de l’aspect économique qui devrait être indissociable de nos actions de coopération. Par ailleurs, puisque la formation des policiers est aussi l’objet d’une coopération entre nos deux pays, qu’en est-il de la vente de matériel français dans ce domaine ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. La formation et la vente d’équipements militaires et de sécurité vont de pair. C’est d’ailleurs un atout de pouvoir associer les deux. Il existe en la matière une très bonne coordination entre les services de l’Etat, les constructeurs et les pays acheteurs.

M. Robert Lecou. Il est important de signer un tel accord qui permet à l’Irak de diversifier ses achats et de progresser sur la voie de la démocratie. Savez-vous si des contacts ont déjà été noués par les autorités irakiennes avec les industries d’armement françaises ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Des contacts ont en effet été pris pour permettre une conclusion rapide des contrats dès la ratification de cet accord.

M. Jean-Paul Dupré. Quels sont les autres pays de la région auxquels la France fournit des armements ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Je peux citer la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. En outre, un accord a été conclu récemment avec le Liban mais celui-ci ne dispose pas à ce jour des moyens financiers nécessaires pour lui donner une traduction concrète. La France est donc déjà présente dans la région mais il est vrai qu’elle était absente de ce grand pays qu’est l’Irak. Il est important que cet accord soit mis en œuvre rapidement afin de renforcer le poids politique et économique de la France dans la région.

M. Dominique Souchet. L’Union soviétique avait développé une coopération forte avec l’Irak dont l’Ukraine se veut aujourd’hui l’héritière, comme en témoignent les livraisons de matériel. La Russie cherche t-elle à se réintroduire dans le marché ? Peut-elle devenir un concurrent sérieux ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. La Russie cherche en effet à revenir dans le jeu par le biais de l’Ukraine. Mais elle souffre du mauvais souvenir laissé par ses équipements militaires aux officiers irakiens. Pour cette raison, la France dispose d’une longueur d’avance.

M. Jean-Claude Guibal. Quelle appréciation peut-on porter sur la stabilité du régime et la cohésion nationale ? Quels sont les alliés et les conflits potentiels qui pourraient conduire l’Irak à utiliser les armements que nous lui fournirons ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Le Gouvernement irakien souhaite se doter d’une armée moderne afin non pas d’attaquer mais de se défendre car le souvenir de la guerre contre l’Iran demeure vivace.

L’Irak est encore un pays instable mais qui va dans la bonne direction. L’idée de trois fédérations (chiite au Sud, sunnite autour de Bagdad et kurde au Nord) n’est plus à l’ordre du jour. Le Gouvernement est en passe de réussir l’unification du pays sur le plan institutionnel : l’Irak est un Etat unitaire doté d’un pouvoir central et de pouvoirs délégués dans les provinces. Cet accord ne peut que conforter la souveraineté de l’Etat irakien en renforçant les pouvoirs régaliens.

M. Patrick Labaune. Les armes sont-elles destinées à un usage externe ou interne ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Les armes ont une vocation défensive. Rien n’indique que la modernisation ait des visées agressives à l’égard des pays environnants. Il est vrai qu’il s’agit d’un pari comme pour toute vente d’armes.

M Rudy Salles. Vous avez évoqué la part du lion que se taillent les Etats-unis ainsi que le cas de quelques pays européens. Qu’en est-il de la Grande-Bretagne ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. La Grande-Bretagne cherche à reprendre pied mais leur engagement dans la guerre en Irak constitue un handicap. Les Irakiens assimilent la Grande-Bretagne aux Etats-Unis. La diversification ne passe donc pas pour l’heure par la Grande-Bretagne.

M. Alain Neri. L’Irak a été utilisé un temps comme bouclier contre l’Iran. Dans le contexte d’agitation iranienne actuelle, l’accord ne traduit-il pas la volonté de s’appuyer sur l’Irak pour mener certaines opérations ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Je ne dispose pas d’éléments pour abonder dans votre sens. L’armée irakienne est une armée professionnelle, composée de chiites et de sunnites sans que des conflits entre eux n’aient été rapportés. La réintégration des officiers sunnites a contribué à pacifier l’Irak et à favoriser l’équilibre entre les communautés.

La guerre contre l’Iran a marqué la mémoire de la population. C’est la raison pour laquelle les autorités souhaitent renforcer l’armée, pour se défendre le cas échéant. L’Irak cherche à recouvrer sa souveraineté grâce à des institutions stables, les plus démocratiques possibles. L’Irak est aujourd’hui un pays détruit. La première préoccupation de ses dirigeants est donc la reconstruction dans tous les domaines. Il serait dommage que notre pays n’y contribue pas.

M. Jean-Pierre Kucheida. Quelle est la part des Kurdes dans l’armée ?

M. Jean-Marc Nesme, rapporteur. Les peshmergas du Nord pourraient rejoindre l’armée nationale. On s’éloigne donc de la partition.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n 3077).

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Information relative à la commission

MM. Eric Woerth et Paul Giacobbi ont été désignés rapporteurs de la mission d’information sur la place de la France en Inde.

La séance est levée à onze heures trente.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 2 mars 2011 à 10 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Sylvie Andrieux, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Jean-Louis Bianco, M. Roland Blum, Mme Chantal Bourragué, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Dino Cinieri, M. Pascal Clément, M. Philippe Cochet, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, Mme Geneviève Colot, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Paul Giacobbi, M. Gaëtan Gorce, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, Mme Henriette Martinez, M. Didier Mathus, M. Alain Néri, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, M. Rudy Salles, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Éric Woerth

Excusés. - M. François Asensi, M. Jacques Bascou, M. Claude Birraux, M. Alain Bocquet, M. Jean-Michel Boucheron, M. Loïc Bouvard, M. Jean-Louis Christ, M. Alain Cousin, M. Michel Delebarre, M. Jean-Pierre Dufau, M. Hervé Gaymard, M. Serge Janquin, M. Didier Julia, M. François Loncle, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Éric Raoult