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Commission des affaires étrangères

Mercredi 6 avril 2011

Séance de 9h 30

Compte rendu n° 48

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Brésil : accord dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial (n° 2845) – Mme Christiane Taubira, rapporteure.

Brésil : accord dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial

La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission examine, sur le rapport de Mme Christiane Taubira, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial (n° 2845).

Mme Christiane Taubira, rapporteure. Je vous présenterai mon rapport en quatre points : les articles les plus intéressants, la réalité de l’activité illégale visée par l’accord, les conditions de mise en œuvre de celui-ci et enfin les problématiques spécifiques de l’activité aurifère que l’accord ne réglera pas mais sur lesquelles il serait utile d’alerter le Gouvernement.

L’accord comporte neuf articles. Le premier est un article de définition. Celle qui est donnée des « zones protégées ou d’intérêt patrimonial » pose problème. En effet, on ne comprend pas à quoi renvoie « la bande de 150 kilomètres de part et d’autre de la frontière » sachant que cette frontière matérialisée par le fleuve Oyapock est longue de 370 km. Cette bande doit-elle être mesurée en longueur ou en profondeur ? En dehors du parc amazonien de Guyane et du parc Tumucumaque au Brésil, on ne sait pas quelle est la zone concernée. Le message envoyé par cette définition est par ailleurs inquiétant puisqu’il laisse entendre que l’exploitation pourrait avoir lieu dans d’autres zones en Guyane. Or la Guyane compte de nombreuses zones protégées sur son territoire.

L’article 2 rappelle l’objectif de l’accord, à savoir le renforcement de la coopération pour la prévention et la répression de l’activité aurifère illégale. L’article 3 précise le régime complet de réglementation et de contrôle des activités aurifères qui pour une grande part existe déjà. Il soumet les différentes activités à des obligations d’autorisation ou de déclaration : activités de recherche et d’exploitation, négoce d’or, transport fluvial, fourniture de mercure (le mercure est interdit en France depuis janvier 2006 et fortement encadré au Brésil depuis 2007 dans le cadre du « Global mercury project » du PNUD »).

L’article 4 porte sur les infractions et sanctions – confiscation, saisie et destruction – que les Etats doivent prévoir dans leur législation nationale. L’article 5 relatif aux méthodes admissibles et standards communs exigés en la matière envisage des formations professionnelles communes au profit des entreprises exerçant l’activité dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial. C’est pour le moins étonnant puisque ces zones ne devraient pas être exploitées, notamment le parc amazonien de Guyane, en vertu d’un engagement de l’Etat français. Il est vrai que des titres miniers y ont été attribués mais ils sont actuellement l’objet de recours judiciaires.

L’article 6 rend la convention d’entraide entre le Brésil et la France applicable aux infractions visées par l’accord. Cette convention ne déroge pas au modèle européen sauf sur le délai de citation à comparaître pour lequel le Brésil a demandé que soit tenu compte de l’étendue de son territoire. Il existe également un accord de partenariat et de coopération relatif à la sécurité publique de 1997. Sur le même sujet, la France a signé un accord avec le Suriname qui est plus corsé et permet de mettre en œuvre une véritable coopération opérationnelle. Ces accords démontrent que le problème de l’orpaillage concerne tout le plateau des Guyanes. La tenue d’un séminaire gouvernemental à Belem en 2010 en réunissant les trois pays précités ainsi que le Guyana en atteste également. S’il n’en est rien sorti de remarquable, il témoigne du souci de développer une coopération globale. La France et le brésil ont par ailleurs conclu un partenariat stratégique qui a notamment permis la création d’un centre de coopération policière à Saint-Georges de l’Oyapock. Il reste à mettre en place un conseil du fleuve Oyapock, indispensable pour harmoniser la législation sur les conditions de navigation.

J’en viens aux réalités que met en jeu cet accord. Les gisements miniers se trouvent dans le parc amazonien et au-delà vers le Nord. La réalité physique de la Guyane permet que l’activité minière se déroule sur près de 80 % du territoire. Sur les 90 titres miniers recensés, 27 sont valides avec une production déclarée en 2009 de 1,22 correspondant à 36 millions d’euros de chiffres d’affaires pour une redevance de 86 000 euros. L’activité illégale représente d’après l’étude d’impact 500 chantiers. D’après le bilan des opérations « Harpie », le nombre de chantiers illégaux sur le territoire du parc amazonien est passé de 105 à 64 entre 2009 et 2010. Ces chiffres interpellent : soit ils traduisent une distorsion préoccupante dans les informations recueillies par différentes sources, soit ils permettent de conclure que la zone qui ne sera pas concernée par l’accord (hors du parc) concentre 400 chantiers. Ces chantiers utilisent 5 tonnes de mercure et produisent 10 tonnes d’or revendues au cours actuel pour 320 millions d’euros. Selon les mêmes sources, 2057 carbets auraient été détruites et 67 puits ou galeries repérés. Ce dernier constat est intéressant : jusqu’à présent l’orpaillage portait sur l’or alluvionnaire qui se trouve dans les lits des rivières. Le nombre de puits et galeries démontre que les orpailleurs s’intéressent désormais à l’or primaire en s’attaquant aux flancs de collines. J’affirme par ailleurs, n’en déplaise aux forces de gendarmerie, que ce changement de méthode s’accompagne d’une sédentarisation des orpailleurs. Il est certain que l’activité, d’une grande intensité et d’une grande vitalité, s’adapte, se renouvelle, se spécialise.

Selon l’Office national des forêts en 2006, 1 300 kilomètres de cours d’eau et 12 000 hectares de forêts subissent les conséquences de l’orpaillage clandestin pratiqué par 3000 à 15000 « garimpeiros », nom brésilien pour les chercheurs d’or, selon l’étude d’impact ; cette fourchette est considérée comme une hypothèse très basse par les observateurs sur le terrain. Sur le plan environnemental, l’orpaillage provoque des rejets de mercure et des pollutions aquatiques qui affectent toute la chaîne trophique. Sur le plan sanitaire, les Amérindiens des vallées de l’Oyapock et du Maroni sont les premières victimes. D’après des chiffres de l’Inserm de 1997 – j’ai demandé au gouvernement d’actualiser ces données par une nouvelle étude –, 70 % des enfants de moins de trois ans présentent des taux d’imprégnation au mercure cinq fois supérieur aux normes internationales qui ont des conséquences pathologiques graves (retards de développement, affections ophtalmiques et troubles de comportement).

L’activité d’exploitation aurifère illégale ne reculera pas tant que le prix de l’or atteindra des sommets. L’once est ainsi passée de 325 dollars en 2003 à 870 en 2008 et 1270 en février. Les prévisions sont optimistes puisque la crise financière a renforcé l’attractivité de l’or comme valeur refuge. Il faut donc lutter avec force contre l’orpaillage. L’accord y suffira t-il ?

Actuellement, les opérations « Harpie », qui ont succédé à l’opération Anaconda, sont le moyen de lutte le plus visible. Elles mobilisent 345 gendarmes par jour et 320 militaires des forces armées guyanaises pour un coût global de 4 millions d’euros pour six mois. Ces opérations sont coûteuses mais donnent des résultats. Les succès sont précaires puisque l’on sait que l’activité illégale a repris dès le lendemain de la fin de la première opération qui avait duré quatre mois…

La lutte passe aussi par les procédures judiciaires. Je ne m’étends pas sur la faiblesse des moyens de l’institution judiciaire sur lesquels nous ne cessons d’alerter. Ce n’est cependant pas sans rapport avec le choix de privilégier les procédures de reconduite à la frontière plus faciles à mettre en œuvre mais au terme desquelles les personnes reviennent dans la journée. Par ailleurs, la législation française est plus sévère que la législation brésilienne : les peines dans la première peuvent aller jusqu’à dix ans alors qu’elles sont de un à cinq ans dans la seconde.

D’après le ministère des affaires étrangères et européennes, la mise en oeuvre de l’accord permettra de stimuler la coopération opérationnelle en offrant un cadre juridique contraignant. Il s’agit selon moi d’un accord a minima, inférieur à celui qui lie la France et le Suriname puisqu’il ne prévoit pas de patrouilles conjointes.

La procédure de ratification au Brésil a été ralentie par les dernières élections mais il faudrait désormais qu’un ministère ou une commission du Congrès s’empare de ce dossier car les choses traînent en longueur.

A l’adresse du Gouvernement, j’estime que plusieurs actions urgentes doivent être entreprises pour renforcer la lutte contre l’orpaillage illégal :

- la mise en place d’un suivi sanitaire des Amérindiens ;

- la création du bureau de garantie des métaux précieux qui permettra de mettre en oeuvre la traçabilité de l’or en Guyane que j’ai rendue applicable à la Guyane par un amendement en loi de finances. Jusqu’à présent, la loi de garantie sur l’or de 1971 s’appliquait partout sauf dans le seul département riche en or, la Guyane ;

- la publication du décret en Conseil d’Etat définissant les conditions de navigation sur l’Oyapock et le Maroni, prévu par un amendement que j’ai proposé. Ces fleuves n’étant pas répertoriés dans la nomenclature nationale des fleuves et cours d’eau, ils ne sont pas formellement dédiés à la navigation, et les transporteurs, y compris ceux qui exécutent des marchés publics (transport scolaire), ne disposent pas d’embarcations immatriculées et ne bénéficient pas de couverture assurantielle. Ce décret serait la première marche vers une harmonisation des législations ;

- peser sur le calendrier de ratification au Brésil. Il y a, me semble t-il, quelque condescendance à être aussi patient envers le Brésil. Je rappelle que le Brésil n’est pas un pays pauvre mais une puissance régionale, membre du G20, qui a considérablement amélioré ses indicateurs économiques et sociaux ces dernières années et a fortement agi sur le plan international. C’est un pays capable d’assurer l’Etat de droit sur son territoire .La France doit donc faire preuve d’un niveau d’exigence correspondant au rang actuel du Brésil.

Le président Axel Poniatowski. Je vous félicite Madame la rapporteure pour votre remarquable connaissance du dossier.

M. Jean-Marc Nesme. Pourriez-vous préciser les raisons pour lesquelles le Brésil semble réticent à l’application de cet accord, outre les raisons de calendrier que vous avez mentionnées.

M. Jacques Remiller. Avec plusieurs collègues, dont M. Alain Cousin, nous nous sommes rendus à Kourou la semaine dernière et avons pu nous entretenir avec les autorités au sujet de l’orpaillage. Je souhaiterais disposer de précisions complémentaires d’abord sur la coopération avec le Guyana et le Surinam. Ensuite, qu’en est-il pour les zones protégées et d’intérêt patrimonial qui sont visées par l’accord et cette zone de 150 kilomètres que vous avez évoquée. Enfin, le pont sur l’Oyapock, qui fait l’objet d’un accord pour la ratification duquel j’étais rapporteur en 2006, aura-t-il des conséquences en matière d’orpaillage ?

M. Jean-Paul Dupré. Nous avons pu percevoir votre grande connaissance du sujet. En matière d’orpaillage illégal, le pire serait de ne rien faire. Compte tenu du contexte que vous avez rappelé, que peut-on réellement attendre de l’accord ? Derrière l’exploitation illicite, qui si je le comprends bien représente les deux tiers de la production d’or, quelle est la situation humaine des orpailleurs clandestins ? Subissent-ils des exactions de la part des exploitants ? Enfin, je souhaiterais moi aussi des précisions sur la position du Brésil.

M. Philippe Cochet. Les orpailleurs clandestins parviennent à écouler l’or. Ils trouvent des débouchés. Que sait-on de la chaîne du commerce et du négoce ? Par ailleurs, lorsque l’on sait les quantités de mercure nécessaires, il n’existe pas des milliers de fournisseurs possibles. Y a-t-il eu des actions conduites à l’encontre de ces deux types d’intermédiaires ?

M. Serge Janquin. Madame la Rapporteure, je vous remercie pour la qualité de votre intervention. Votre avis fait autorité. Je souhaiterais disposer de précisions concernant les populations victimes du phénomène. Toutes les dépenses faites en matière de prévention, de police et de justice sont toujours à recommencer. Il y a sans doute d’autres façons de s’y prendre. Existe-t-il des projets locaux constituant de véritables alternatives qui permettraient aux populations de vivre dignement tout en étant plus conformes aux intérêts collectifs ? En tant qu’élu d’un ancien bassin minier, je souhaiterais également dire que la redevance minière est plus favorable aux exploitants qu’aux collectivités territoriales et qu’il conviendrait plutôt de la transformer en prélèvement de type taxe professionnelle.

Mme Christiane Taubira, rapporteure. Concernant la position du Brésil, il faut savoir que les orpailleurs n’ont qu’à traverser l’Oyapock pour passer en territoire brésilien. L’Etat d’Amapa est le plus pauvre du Brésil. Très peu d’activités y sont implantées. L’exploitation minière, au dire de certains, sert de soupape sociale à cet Etat. Le Brésil a donc toutes les raisons de fermer les yeux sur les activités illégales. Il faut rappeler qu’il n’a pas fermé toutes ses mines dans le Nord comme annoncé mais que néanmoins très peu d’or est produit au Brésil. En revanche, le Brésil a surcoté l’or lorsque son cours était bas. Son économie est donc prête à accueillir et blanchir l’or extrait en Guyane. Je signalerai aussi la grande corruption qui sévit au Brésil. Une affaire judiciaire est en cours. De nombreux acteurs sont corrompus, y compris des forces de l’ordre. Toutes ces raisons matérielles objectives expliquent que le Brésil ne fasse pas preuve de précipitation. Avant l’arrivée de Luiz Inacio Lula Da Silva, le contexte était pire. La Guyane figurait encore sur les cartes en territoire brésilien. Le Président Lula Da Silva a montré une sensibilité au sujet et je pense que nous avons manqué l’occasion de son deuxième mandat. Il nous faudra attendre que Dilma Roussef inscrive le sujet à son agenda.

Concernant les Etats voisins, le Guyana, le Surinam, mais aussi le Venezuela, comme je l’ai indiqué, il existe un accord de 2008 avec le Surinam qui prévoit des patrouilles conjointes et un mécanisme financier sous la forme d’un fonds de solidarité financière. J’ai demandé au représentant de l’Etat de transmettre des rapports d’étapes sur la mise en œuvre de l’accord. Ses réponses sont toujours enthousiastes mais sur le terrain les effets concrets ne sont pas visibles. Il y a peu à dire sur la coopération avec la Guyana. Le Venezuela a en revanche adopté une position intéressante. En 1995, décision a été prise d’abattre un avion de ravitaillement brésilien. Le Brésil a été obligé de prendre langue avec le Venezuela et de durcir sa législation. En peu de temps, cent mille garimpeiros ont été chassés du territoire vénézuélien.

Concernant la bande de 150 kilomètres, je ne peux pas apporter plus de précisions que celles que j’ai données. Je n’ai pas les réponses aux questions que j’ai posées au gouvernement. En revanche, il existe des espaces protégés en plusieurs points du territoire guyanais qui ne sont donc pas tous couverts par l’accord.

Concernant le pont sur l’Oyapock, le projet a pris du retard. Le Président de la République souhaitait l’inaugurer sous la Présidence de Lula Da Silva, mais l’inauguration n’interviendra finalement qu’au mois de novembre prochain. Ce pont aura bien sûr des effets, surtout pour le Brésil en matière d’or et de flux migratoires. Pour la France, il dégradera la compétitivité du secteur des transports guyanais puisque les règles du transport routier sont beaucoup plus dures qu’au Brésil. Il existe un accord en la matière mais il n’est pas en vigueur du fait du peu d’empressement du Brésil à le ratifier. Encore une fois, chaque fois que le Brésil tarde à ratifier un accord, il ne faut pas que la France fasse preuve de condescendance voire de complaisance à l’égard de cette puissance régionale qui occupe 40 % du territoire sud-américain.

S’agissant des observations de M. Dupré, je suis d’accord sur le fait que le pire serait de ne rien faire. Je n’ai pas explicitement proposé à la fin de mon intervention la ratification du projet de loi mais j’y suis évidemment favorable. Cet accord est le minimum acceptable. C’est la raison pour laquelle il faut faire pression sur le Brésil pour qu’il procède à sa ratification.

Sur les situations humaines des orpailleurs, elles sont en réalité très diverses. Des surexploitations sont avérées. Il se dit que parmi les exploitants on trouve des Français, mais c’est peut-être moins évident aujourd’hui que par le passé. Mais l’on trouve également des artisans garimpeiros. Ce que je pense c’est que le secteur est de plus en plus organisé et que les méthodes d’exploitation se modifient. La gendarmerie refuse de valider cette hypothèse, notamment quant à la sédentarisation des orpailleurs. Pourtant des éléments attestent d’une plus grande organisation. Ainsi, les bases sont restées côté brésilien pendant les quatre mois qu’a duré l’opération « Harpie ». On notera d’ailleurs que le Brésil ne s’empresse pas de démanteler les bases. Il faut disposer de ressources suffisantes pour attendre quatre mois. Les méthodes d’exploitation impliquent aussi la présence de géologues.

Concernant les intermédiaires dans le négoce de l’or, c’est une activité clandestine mais on les devine ou on les connaît. Les comptoirs achètent de l’or sans la moindre contrainte d’origine. C’est ainsi que l’or clandestin rentre très facilement dans les circuits légaux. Les intermédiaires ont pignon sur rue. La traçabilité devrait permettre d’améliorer la situation. Mais il faut aussi assurer l’harmonisation des règles avec le Brésil. Par ailleurs je plaide aussi depuis 2000 pour un dispositif permettant de remonter la filière pour le mercure, en s’appuyant notamment sur les numéros des matériels.

Je ne sais pas si la taxe professionnelle pourrait être rétablie pour la seule Guyane, mais à titre personnel j’y serais favorable.

Concernant les alternatives pour les populations, ces dernières sont peu concernées. Je proposais en 2000 des activités artisanales de substitution, cela n’a pas été retenu, mais la reconversion concerne surtout des garimpeiros Le Conseil régional et la préfecture de Guyane sont favorables à la régularisation des garimpeiros. A mes yeux, moralement, politiquement et éthiquement, c’est inacceptable. Les dégâts sur l’environnement, sur la santé et sur l’ordre public sont majeurs. Les effets du mercure sont évidemment préoccupants et nécessitent de mettre en place un suivi sanitaire.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous nous avez parlé de l’évolution des métiers, des orpailleurs qui autrefois travaillaient dans les criques, coupaient les arbres et qui désormais, savent se cacher sous la canopée. On a l’impression que les moyens techniques de lutte n’ont pas suivi et n’ont pas intégré ces mutations. Il faut dire que cela nécessite une augmentation des moyens. Quant à l’impact de ces activités sur les populations locales de Guyane, je ne partage pas tout à fait le sentiment de notre rapporteure : il y a une vie économique autour de cette exploitation clandestine. Cela n’est pas chiffrable, mais il faut aussi penser à la réponse économique que l’on apporte en substitution. Par ailleurs, la question du Brésil est effectivement fondamentale. Enfin, il ne faut sans doute pas négliger l’impact de l’évolution des sciences et techniques qui a rendu service, indirectement, aux exploitations clandestines : la précision des cartes du BRGM rend inutile la recherche sur le terrain. La question de la publication des cartographies se pose peut-être.

Mme Nicole Ameline. Le Brésil revendique un rôle mondial sur beaucoup de sujets et de valeurs. Une pression politique s’impose. L’opinion publique a-t-elle conscience des effets pervers de l’exploitation clandestine ? Quant à la traçabilité, il faut travailler à la fois sur la production et le commerce. Quelle est la nature des réseaux ? Sont-ils identifiés, comme c’est le cas pour les trafics de drogue ou d’êtres humains ?

M. Jean-Michel Boucheron. Cette présentation est passionnante. Quant aux moyens techniques de détection, les drones qui donneraient une information en temps réel seraient peu coûteux et efficaces. A-t-on envisagé d’en équiper la gendarmerie ou les douanes ? Ils permettraient un suivi 24 heures sur 24. Si cela n’a pas encore été utilisé, sait-on pourquoi ? Par ailleurs, quelle est la réalité des relations entre les chercheurs d’or et les populations traditionnelles : conflictuelles ? Commerciales ?

M. Jean-Paul Bacquet. Je suis perplexe sur l’idée d’accords de gendarmerie entre la France et le Suriname quand le préfet dénonce les bases de repli dans ce pays. Les pirogues ne cessent de circuler sur le Maroni pour alimenter pour des semaines les bases vie des orpailleurs. Les moyens satellitaires ne sont pas nécessaires, il suffit de suivre les ravitailleurs !

Mme Christiane Taubira, rapporteure. Très rapidement, il y a effectivement un impact sur les populations locales, mais elles ne sont pas concernées par des programmes de reconversion vers des activités alternatives. Cela étant, les populations sont évidemment concernées parce que ce sont des activités très lucratives qui dévorent toutes les autres : un maire d’une commune de la vallée de l’Oyapock qui luttait précédemment contre les trafics s’est finalement lui-même converti en orpailleur et transporteur ! Il faut avoir bien conscience que la pression matérielle et financière est très forte. Les populations sont aussi touchées, par exemple par le fait que la navigation sur le fleuve est très difficile, exige des connaissances qui se transmettent de génération en génération, au sein de certaines tribus amérindiennes. L’armée utilise aussi ces piroguiers. Les chasseurs agissent pour leur propre compte et aussi pour alimenter les chercheurs d’or. Tout est lié. L’opinion publique est sensibilisée mais écrasée par la fatalité. Le potentiel d’or primaire est estimé à 120 tonnes. Il y en a encore pour 12 à 15 ans de gisement alluvionnaire, en fonction des techniques actuelles, qui ne cessent de s’améliorer : on peut désormais revenir sur des chantiers autrefois considérés comme épuisés. La revente se fait essentiellement au Brésil, en Guyane, où l’on a eu une pénurie ces derniers mois compte tenu de la demande, car c’est plus intéressant de revendre au Brésil. Je n’ai pas d’éléments d’information sur les drones, mais je vais poser la question. Quant au problème de la mise à disposition des nouvelles techniques, en fait, on n’a pas trouvé de nouveaux sites depuis très longtemps, ce n’est donc peut-être pas un véritable problème.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n s 2845).

La séance est levée à dix heures trente.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 6 avril 2011 à 9 h 30

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Sylvie Andrieux, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Loïc Bouvard, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, M. Dino Cinieri, M. Philippe Cochet, M. Alain Cousin, M. Jean-Paul Dupré, M. Alain Ferry, M. Serge Janquin, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jean-Claude Mignon, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jacques Remiller, M. Jean-Marc Roubaud, Mme Christiane Taubira

Excusés. - M. Jean-Louis Bianco, M. Claude Birraux, M. Paul Giacobbi, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Robert Lecou, M. François Loncle, M. Éric Raoult, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle