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Commission des affaires étrangères

Mercredi 4 mai 2011

Séance de 9 h 45

Compte rendu n° 55

Présidence de  M. Axel Poniatowski, président

– Royaume-Uni : ratification du traité entre la France et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes (n° 3385) – M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur.

– Convention des Nations unies : ratification de la convention sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens (n° 3079) – Mme Elisabeth Guigou, rapporteure.

– Slovaquie : accord relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 3078) – M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur

Royaume-Uni : ratification du traité entre la France et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes (n° 3385).

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Michel Boucheron, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes (n° 3385).

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. Ce traité entre la France et le Royaume-Uni relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes traduit l’un des volets du partenariat de défense entre les deux pays, conclu à l’occasion du sommet bilatéral de Londres – important, voire historique – du 2 novembre 2010, date à laquelle le traité a été signé.

La coopération militaire entre la France et le Royaume-Uni concernera des éléments essentiels pour la modernisation des forces. Outre la simulation nucléaire, objet du traité, les principaux projets concernent la mise au point d’un drone MALE (moyenne altitude-longue endurance), la construction d’un démonstrateur de drone de combat – alors que les Etats-Unis sont actuellement les seuls à produire des drones de grande taille –, la recherche en matière de cyberdéfense, qui est un enjeu stratégique pour le futur, comme en atteste la récente attaque contre le ministère français des finances, et la participation britannique au groupe aéronaval français, dans un contexte de rapprochement technologique qui laisse espérer des retombées industrielles considérables. Les deux pays vont aussi collaborer pour le maintien en condition opérationnelle des sous-marins nucléaires, ce qui constitue, sur le plan politique, une avancée d’importance pour le Royaume-Uni, qui a toujours été, depuis 1962, en la matière, extrêmement dépendant des Etats-Unis.

Le projet le plus fort politiquement reste la coopération en matière de simulation d’essai nucléaire, qui est l’objet du présent projet de loi. Concrètement, le traité vise à doter la France et la Grande-Bretagne de nouvelles installations permettant d’améliorer la connaissance de la phase dite « froide » du fonctionnement d’une arme nucléaire, à savoir l’utilisation d’explosifs conventionnels préalable au déclenchement de la réaction nucléaire au cœur de l’arme. Des systèmes radiographiques sont nécessaires pour mesurer la précision de l’explosion. Pour la phase « chaude » – thermonucléaire – de l’arme, la simulation repose sur l’utilisation de la technologie laser. La France développe actuellement le laser mégajoule du Cesta, qui devrait entrer en service en 2014.

Si ces capacités de simulation sont nécessaires à la France et au Royaume-Uni pour améliorer la robustesse de leurs armes nucléaires, c’est que les deux pays sont les seules puissances nucléaires, avec la Russie, à avoir ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires de 1996, alors que les Etats-Unis l’ont signé mais jamais ratifié. Ils ont d’ailleurs effectué un essai nucléaire sub-critique à 120 kilomètres de Las Vegas en juillet 2010 sans provoquer d’autres réactions que celle du maire de Hiroshima. La France a donc démantelé son centre d’essai de Mururoa et le Royaume-Uni a cessé d’utiliser les installations dont il disposait aux Etats-Unis. Le traité conclu entre la France et le Royaume-Uni vise donc la mise en commun de leurs capacités de simulation d’essais nucléaires.

Pour ce qui est de la phase « froide », les technologies actuellement disponibles sont l’installation Airix en France, qui dispose d’un pas de tir et d’une machine d’observation, et son équivalent britannique, encore plus ancien. Les deux pays avaient donc l’intention de moderniser ces outils. L’accord leur donne les moyens juridiques de le faire ensemble. Deux infrastructures sont prévues. La principale installation, baptisée Epure (expérimentations de physique utilisant la radiographie éclair) sera située en Bourgogne, à Val-Duc. Ensuite est prévue, d’ici 2019, l’adjonction d’une deuxième machine d’observation britannique. D’ici 2022, un deuxième pas de tir devrait être construit, et une troisième machine d’observation de conception commune sera ajoutée. La conception de cette troisième machine et d’autres recherches relatives aux activités d’Epure seront conduites dans l’autre installation prévue par l’accord, baptisée TDC, qui sera implantée dans le Berkshire, à l’ouest de Londres.

Pour la phase « chaude », le Royaume-Uni ne disposant d’aucune capacité propre, il pourrait utiliser le laser mégajoule français lorsque ce dernier sera opérationnel.

En plus des bénéfices opérationnels tirés de la coopération franco-britannique, le présent accord permet de dégager des économies budgétaires. Le gouvernement les chiffre, pour la seule partie française, à 450 millions d’euros.

Le traité fixe les modalités de cette coopération, en posant le français et l’anglais comme langues officielles, à égalité. Chaque Etat sera responsable des essais qu’il effectuera, tant vis-à-vis des personnels que de la gestion des déchets – lesquels ne seront pas des déchets nucléaires. Le financement sera partagé à égalité entre les deux pays, en temps réel. Chaque pays mènera un programme d’essais séparé, mais cette coopération conduira à une convergence de leurs outils de dissuasion nucléaire.

Ce traité ne se réduit en effet pas à un arrangement technique visant des économies budgétaires, mais vise un rapprochement des technologies nucléaires de la France et du Royaume-Uni.

M. Jacques Myard. Je reviens sur les dernières remarques du rapporteur et sur les retards de la Grande Bretagne en matière de recherche. Ce traité est emprunt d’une certaine solennité, il est signé entre la République française et le Royaume-Uni, mais je me demande si un passager clandestin ne risque pas d’être présent. Le Royaume-Uni est client des Etats-Unis sur de nombreux aspects militaires, nucléaires notamment, et sa force de frappe n’est pas indépendante. La coopération que nous instaurons entre nos pays ne risque-t-elle pas de nous poser problème ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. C’est une question très pertinente. La limite de notre coopération est précisément sur le fait que la Grande Bretagne participe aux plans nucléaires de l’OTAN et pas nous : lorsque Nicolas Sarkozy a décidé la réintégration de la France dans l’OTAN, il a bien été expressément précisé que cela portait sur tout sauf les plans nucléaires.

Cela étant, il faut préciser aussi que ce qui est concerné par les plans nucléaires de l’OTAN, ce n’est pas l’arme mais le « targeting », c’est-à-dire la liste des cibles potentielles. L’autre dépendance du Royaume-Uni vis-à-vis des Etats-Unis porte sur leur équipement et notamment sur les missiles Trident, qu’il achète très cher. Le budget du ministère de la défense britannique a deux problèmes : l’Irak et ces missiles qu’il acquiert.

Je ne pense pas qu’il y ait le moindre risque que cet accord diminue notre indépendance nucléaire et notre dissuasion. Il ne faut pas oublier non plus que nous travaillons d’ores et déjà avec les Américains, par exemple sur le laser mégajoule.

M. Jean-Pierre Dupré. Quant à la convergence des systèmes, a-t-on pris en compte nos radars de Toulon, Castelnaudary et en Bretagne ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. Non. Cet accord ne porte que sur des questions de simulation et non pas sur des aspects opérationnels sur lesquels il n’a donc pas d’incidence.

M. Hervé Gaymard. Je remercie notre rapporteur pour la qualité de son intervention. Comment la future coopération militaire franco-britannique s’inscrit-elle dans le cadre de l’Europe de la défense ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. Je dois dire que j’ai longtemps été d’un très grand scepticisme sur cette question et que je suis en train de réviser ma position, au vu de la multiplicité des accords et de ce qui se décide actuellement. Car de plus en plus, la Grande Bretagne se tourne vers nous, dans beaucoup de domaines fondamentaux, dont l’industrie et la recherche.

Plusieurs raisons à cela. Les pessimistes avancent les problèmes économiques, auxquels tout le monde est confronté et qui imposent aux uns et aux autres de faire plus ou moins la même chose : des missiles de croisière, des porte-avions qui se ressemblent. Les optimistes sentent plutôt que le Grande Bretagne a conscience du fait que les Etats-Unis se tournent de plus en plus vers le Pacifique, car la garantie de leur sécurité ne passe plus par l’Europe ; le Royaume-Uni a aujourd’hui plus de mal dans sa relation avec les Etats-Unis qui basculent vers l’ouest. Je crois que les deux analyses de ce basculement contiennent une part de vérité.

M. Jean-Paul Bacquet. Le traité nous est présenté comme garantissant à la fois économies et indépendance de notre dissuasion tout en augmentant les capacités de l’OTAN et de l’Union européenne, mais la question du passager clandestin que Jacques Myard évoquait me semble importante. Avec Hervé Gaymard, nous étions hier au Sénat où nous avons appris que, depuis 1998, la France achetait l’intégralité de ses munitions petits calibres. En conséquence, nous pouvons mobiliser 30 000 hommes sur le terrain, nous pouvons mobiliser des matériels, mais nous avons un problème de munitions.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. Effectivement, depuis une quinzaine d’années, nous ne sommes plus indépendants sur cet aspect. J’en suis d’autant plus désolé que les munitions étaient autrefois fabriquées à Rennes. Nous avons fait le choix d’être stratégiquement indépendants dans des secteurs précis. GIAT était déficitaire, nous avons alors choisi d’acheter nos munitions à l’étranger et des accords de ventes et d’achats automatiques ont été conclus en cas de crise, qui nous permettent de ne pas toucher à nos stocks stratégiques, quand nous intervenons en Libye par exemple. Mais nous sommes effectivement dépendants d’autres productions, que nos partenaires sont dans l’obligation de nous vendre. D’où l’importance de l’interopérabilité, au sein de l’OTAN par exemple.

M. Jean-Pierre Kucheida. Ce rapport est très bon et nous voyons les petits pas qui sont faits depuis plusieurs années. Une autre étape se fait ici après celle de Saint Malo et d’autres. J’avais moi-même pu constater dans le cadre de l’UEO dont je regrette la disparition, que les Britanniques étaient très proches de la France et qu’ils exprimaient une crainte quant à leur alliance avec les Etats-Unis. Cela étant, quel est le nombre des essais prévus ? Quels progrès sont attendus pour le France et le Royaume-Uni ?

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. En ce qui concerne la convergence entre la Grande Bretagne et le France, les accords se multiplient effectivement dans tous les domaines.

Quant au nombre des essais, c’est difficile à dire, car nous ne sommes pas dans le « chaud ». Quant à la partie « froide », ce sera sans doute de l’ordre de la dizaine par an. Mais l’intérêt de cette coopération réside aussi dans le fait que, non seulement, on dégagera des économies, mais aussi que l’on aura accès aux données britanniques et, par conséquent, que l’on aura une double estimation grâce aux aspects comparatifs.

M. Jean-Paul Lecoq. Jean-Michel Boucheron hier dans l’hémicycle nous a dit que la guerre serait désormais différente après la mort de Ben Laden. On a vu l’importance des services de renseignements. Cela étant la cybercriminalité peut aussi mettre gravement en péril les systèmes nucléaires et le développement du nucléaire est en ce sens totalement obsolète. Tout traité qui va dans ce sens est absurde. Ce traité est contraire au Traité de non-prolifération et on ne peut pas accepter qu’après l’avoir ratifié, on développe aujourd’hui l’arme nucléaire par ce biais. C’est en tout cas notre position et nous ne le voterons pas. J’ajoute que le président de l’association mondiale des maires pour la paix, qui est le maire d’Hiroshima, a récemment dénoncé un essai américain, avec d’autres, dont les maires de Hanovre ou de Gonfreville.

M. Alain Néri. Jean-Michel Boucheron m’a plutôt inquiété que rassuré, finalement : si nous avons des capacités performantes mais pas de munitions, nous ne serons pas bien avancés, car on peut supposer que si nous sommes en conflit avec nos fournisseurs, il arrêteront de nous vendre ! Je pense à l’embargo jadis contre Israël ; cela rappelle aussi 39-45 où nos soldats avaient la possibilité de tirer 16 coups par pièce et l’on a vu le résultat.

M. Michel Terrot. Quelle est l’incidence de l’accord en termes d’emploi ? Vous avez parlé des essais envisagés en Bourgogne, notamment.

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur. A Jean-Paul Lecoq, je dirai d’emblée qu’il n’y a aucun conflit avec le TNP. Il ne s’agit que de garantir la sécurité de nos armements dont le vieillissement serait difficile à apprécier sans simulation. Il ne s’agit donc pas de prolifération mais d’aller vers plus de sécurité nucléaire. Par ailleurs, la dissuasion nucléaire n’est pas obsolète. Il ne faut jamais oublier que s’il n’y a pas eu de guerre entre les grandes puissances, c’est précisément grâce à l’arme nucléaire et je suis donc en désaccord profond avec les positions inverses. On peut être assurés par exemple que, malgré la montée en puissance stratégique de la Chine, qui prépare des armes anti-satellites et anti-porte-avions, une guerre n’interviendra pas entre Pékin et Washington, car le verrou nucléaire est là, entre deux puissances qui disposent chacune de l’arme atomique. Cela n’exclut pas qu’il y ait bien sûr de nombreux conflits secondaires qui ne répondent pas aux mêmes enjeux.

A Alain Néri, je préciserai que nos fournisseurs sont européens et que nos approvisionnements sont donc sécurisés. Israël ne nous fournit que des éléments pour des drones légers et un éventuel embargo ne porterait pas à conséquence. Au demeurant, on sait aussi ce qu’il en a été de l’embargo contre Israël sous de Gaulle et je revois le général de Bénouville à la Knesset rappeler la manière dont la France avait alors agi.

En ce qui concerne les emplois, il s’agit surtout d’ingénieurs, britanniques, sans doute entre 50 et 100 qui seront en France. Il faut aussi compter sur le transfert d’Airix à Valduc. Il faudrait prendre des renseignements sur le nombre de personnes qui l’utilise et qui doit approcher la centaine. Le tout sur une période de 5 à 7 ans.

M. le président Axel Poniatowski. Je remercie le rapporteur pour son exposé et ses explications très intéressantes.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n  3385).

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Convention des Nations unies : ratification de la convention sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens (n° 3079).

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Ce projet de loi, approuvé par le Sénat le 23 décembre dernier, vise à autoriser la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens. Cette convention a été le fruit d’un long travail de négociations, commencé il y a trente-cinq ans. Elle porte sur une question importante, complexe et sensible, dans la mesure où elle touche à la fois au droit d’accès au juge, à l’égalité de chacun dans l’exercice de ce droit, à la souveraineté des Etats et au droit international.

Fondée sur le principe de l’égalité souveraine des Etats, la notion d’immunité se décline en immunité de juridiction et immunité d’exécution. La première implique qu’un Etat (ainsi que ceux qui agissent en son nom) ne peut pas être jugé par la justice d’un autre Etat, la seconde signifie qu’aucune forme de contrainte ne peut être exercée contre les biens d’un Etat suite à la décision d’un autre Etat.

Pour l’heure, ces immunités relèvent principalement du droit international public coutumier et leur mise en œuvre est déclinée par la pratique jurisprudentielle des Etats. Les juridictions nationales peuvent être amenées à prendre des décisions différentes face à des situations identiques, mais les similitudes l’emportent sur les divergences. Ainsi, le régime des immunités a progressivement évolué : autrefois absolue, l’immunité est devenue restreinte. Cette convergence des pratiques a conduit les Nations unies à lancer, au milieu des années 1970, des travaux visant à codifier le droit des immunités juridictionnelles des Etats, afin de définir précisément les exceptions au principe de l’immunité. La convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, ainsi que les Points convenus en ce qui concerne la compréhension de certaines dispositions de la convention, qui lui sont annexés, sont le résultat de ce processus.

La convention a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 2 décembre 2004 et ouverte à la signature du 17 janvier 2005 au 17 janvier 2007. La France l’a signée le 17 janvier 2007. Cette signature peut apparaître tardive, alors même que notre pays a été très actif dans les négociations. Selon le Gouvernement, elle s’explique par le temps consacré à la consultation interministérielle, ce que la technicité du sujet explique certainement. Le projet de loi autorisant sa ratification a été déposé en juillet 2009, après un nouveau délai de plus de deux années, qui s’explique par la tenue d’une nouvelle phase de consultation interministérielle et par son examen pour avis devant le conseil d’Etat. Il faut néanmoins souligner que ni la signature de la convention ni le vote du projet de loi n’apparaissaient comme urgents, dans la mesure où, sur le fond, les solutions retenues par la convention sont conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation.

La France a toujours plaidé pour l’adoption d’une convention à vocation universelle parce que, une fois ratifiée et entrée en vigueur, elle pourrait être appliquée directement par les tribunaux français, dont le travail serait facilité, et ainsi contribuer à assurer une meilleure sécurité juridique pour les entreprises françaises contractant avec des Etats étrangers, une fois que ceux-ci auront à leur tour ratifié la convention. A terme, la convention aura aussi pour avantage de rendre plus prévisibles les règles qui seront appliquées à notre pays dans le cas où sa responsabilité civile serait mise en cause devant un tribunal étranger.

C’est cette même préoccupation qui a conduit à l’élaboration, dans le cadre du Conseil de l’Europe, de la convention européenne sur l’immunité des Etats, signée à Bâle en 1972, en vigueur depuis 1976. Cette convention européenne n’a rencontré qu’un succès très limité puisque, près de quarante ans après sa signature, huit Etats seulement y sont parties.  La France ne figure pas parmi eux. En effet, selon les informations qui m’ont été données, notre pays préférait l’élaboration d’une convention dans le cadre universel des Nations unies à l’adoption de normes régionales. Si la France était devenue partie à la convention européenne de 1972, qui est, au demeurant, moins complète que la convention des Nations unies, elle aurait pris le risque de se trouver confrontée à des dispositions conventionnelles discordantes, susceptibles de poser des difficultés d’interprétation aux juridictions nationales, alors que le but d’une convention internationale est d’harmoniser et clarifier les règles applicables.

La convention des Nations unies (comme la convention européenne, d’ailleurs) porte exclusivement sur les procédures au civil, les procédures pénales restant du ressort exclusif du droit coutumier. Elle est organisée autour de la distinction entre immunités de juridiction et immunité d’exécution. L’évolution des jurisprudences a conduit à ce que ces deux immunités soient désormais relatives : la convention fixe les cas dans lesquels l’une ou l’autre de ces immunités ne peut être invoquée ; les exceptions sont plus nombreuses pour l’immunité de juridiction que pour l’immunité d’exécution, car les mesures de contrainte constituent des atteintes plus importantes à la souveraineté d’un Etat que la simple soumission à la juridiction d’un autre Etat (puisque, en l’absence de mesure d’exécution, une condamnation est sans effet réel).

Les juridictions internes des Etats opèrent une distinction entre les activités souveraines, pour lesquelles les Etats bénéficient d’immunités juridictionnelles, et les activités privées, ne bénéficiant pas d’immunités juridictionnelles. La convention n’utilise pas ces termes, qui donneraient lieu à interprétation, mais énumère des exceptions à l’immunité, de juridiction d’une part, d’exécution d’autre part, qui recoupent largement cette distinction.

Ainsi, après avoir posé le principe de l’immunité de juridiction des Etats, la convention écarte cette immunité pour les procédures relatives aux transactions commerciales, aux atteintes à l’intégrité physique des personnes et aux dommages aux biens, à la détermination d’un droit ou intérêt de l’Etat lié à la propriété, la possession ou l’usage de biens, à la propriété intellectuelle ou industrielle, ainsi que pour les procédures relatives aux contrats de travail. Pour ces dernières néanmoins, la convention prévoit tant d’exceptions à l’exception, que, finalement, l’immunité des Etats est, en pratique, quasiment la règle.

Il faut pourtant souligner qu’un Etat n’est jamais obligé d’invoquer son immunité et qu’il peut toujours y renoncer : il m’a été indiqué que la France n’invoquait jamais l’immunité lorsqu’elle était poursuivie par un salarié recruté localement – ces salariés étant relativement nombreux dans nos postes diplomatiques et consulaires – car elle considère que ces salariés doivent bénéficier de leur droit de recours devant le juge du pays où ils exercent leur activité. C’est ainsi que notre pays est actuellement impliqué dans vingt-cinq contentieux concernant des agents de droit local devant les juridictions locales.

Pour ce qui est de l’immunité d’exécution, qui a été l’objet de débats longs et difficiles, la solution retenue dans la convention repose sur la distinction entre mesures de contrainte antérieures et postérieures au jugement.

Les mesures de contrainte antérieures au jugement (comme les saisies ou saisies-arrêts) contre les biens d’un Etat sont interdites par la convention sauf dans deux cas : si l’Etat y a expressément consenti ou s’il a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande.

L’interdiction des mesures de contrainte postérieures au jugement souffre pour sa part trois exceptions : les deux précédemment mentionnées et une troisième, spécifique. Elle concerne les mesures portant sur des biens spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat autrement qu’à des fins de service public non commerciales, à condition que ces biens soient situés sur le territoire de l’Etat où la procédure a été engagée et aient un lien avec l’entité contre laquelle elle a été intentée.

Toutes ces stipulations peuvent apparaître très techniques. Par l’intermédiaire des jurisprudences nationales, elles sont pourtant régulièrement appliquées dans le cadre d’affaires qui défraient souvent la chronique. Peut-être vous souvenez-vous de la saisie en rade de Brest, à l’été 2004, du navire Sedov de l’Université technique d’Etat de Mourmansk dans le cadre d’un rassemblement de « vieux gréements ». La société (suisse) Noga tentait ainsi de récupérer sa créance à l’encontre de la Fédération de Russie (à la suite d’une sentence arbitrale). Le juge a prononcé la mainlevée de cette saisie au motif que le navire était, en vertu du droit russe, affecté de manière autonome à l’Université, laquelle, étant une personne distincte, ne devait pas répondre des dettes de la Fédération de Russie. Il manquait ainsi un lien entre le bien saisi et l’entité condamnée.

Cet exemple témoigne de la convergence entre les principes actuellement appliqués par la justice française et les stipulations de la convention des Nations unies. Les rares dispositions législatives françaises relatives aux immunités des Etats sont pour l’essentiel conformes à la convention. Seul un article du code monétaire et financier devra être modifié : pour l’heure, il interdit toute saisie de valeurs détenues par une banque centrale étrangère, même si l’Etat concerné y a consenti ou s’il a réservé des biens pour satisfaire la demande. Les ministères compétents n’ont toutefois pas été en mesure de m’indiquer le projet de loi à venir dans lequel ces modifications du code monétaire et financier pourraient être insérées.

Il est vrai qu’il n’y a pas d’urgence à effectuer ces ajustements puisque la convention n’entrera pas en vigueur avant un certain temps – probablement quelques années. En effet, à ce jour, seuls vingt-huit Etats ont signé la convention et onze y ont adhéré ou l’ont ratifiée. Nous sommes donc encore loin des trente Etats parties nécessaires à son entrée en vigueur. Il m’a néanmoins été signalé que plusieurs Etats européens, dont la Belgique, la Grèce et la République tchèque, avaient récemment fait état de l’avancement de leur procédure de ratification.

L’entrée en vigueur de cette convention ne va pas, on l’aura compris, modifier en profondeur les conditions dans lesquelles sont actuellement mises en œuvre les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens : tel n’est pas son but. Elaborée dans une logique de compromis, elle vise à harmoniser les pratiques des Etats en fixant des règles claires et précises, là où s’appliquaient des jurisprudences reposant toutes sur les mêmes principes, mais variables dans leur détail. Les changements qu’elle pourrait introduire seront d’autant plus limités en France que notre pays a obtenu que la convention soit directement inspirée de sa jurisprudence.

Cela ne signifie pourtant pas que la ratification par la France de cette convention sera inutile. D’abord, lorsqu’elle sera en vigueur, les juges français l’appliqueront directement, sans plus avoir à s’interroger sur la portée de telle ou telle décision antérieure ou de tel ou tel principe coutumier ; ensuite, en devenant partie à la convention, la France confirme sa forte implication dans la négociation du texte et contribuera à accélérer son entrée en vigueur. Je suis donc tout à fait favorable à l’adoption de ce projet de loi.

M. Jean-Claude Guibal. Cette convention est à l’étude depuis trente-cinq années. Il n’y a pas d’impatience particulière à accélérer son adoption. Cette durée longue s’explique, certes, par la complexité du sujet, mais aussi sans doute par le fait que certains Etats ne trouvent pas avantage à son adoption. Qu’en est-il notamment des « Etats voyous », qui tiennent à leur souveraineté ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je ne sais comment définir la notion d’Etats « voyous ». Par ailleurs, des Etats « convenables » peuvent avoir parfois des pratiques douteuses. Si les négociations ont été très longues, c’est notamment à cause de la question du traitement des Etats fédéraux, comme la Suisse. Un compromis a finalement été trouvé, qui accorde en pratique l’immunité aux entités constituant ces Etats. Pour répondre à votre question, je ne peux que vous renvoyer à la liste des Etats signataires de la convention, figurant en annexe 2 du rapport. Il vous appartiendra de déterminer si certains d’entre eux peuvent être qualifiés de « voyous ».

M. Jean-Paul Lecoq. Il est important que des conventions de cette nature soient adoptées pour régler les conflits dans les relations courantes entre Etats. Mais au sein de cette convention, il est fait référence à des concepts tels que celui d’Etat ou de chef d’Etat. Si l’on prend l’exemple de la Libye d’aujourd’hui, qui serait considéré comme le chef d’Etat ? A qui revient-il d’en juger ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je me suis posé la question de l’application des dispositions de la convention dans les pays arabes en transition, s’agissant notamment des biens. La convention est claire : elle ne vise que les Etats, à l’exclusion des personnes privées. Les biens des dirigeants ne sont donc pas couverts par les règles relatives à l’impunité. Concernant la Libye, à défaut de reconnaissance internationale du Conseil national de transition de Benghazi, le colonel Kadhafi demeure, jusqu’à preuve du contraire, le chef de l’Etat.

M. Jacques Myard. S’agissant de la question des biens que vous évoquiez, hors champ d’application de la convention, seul le Conseil de sécurité peut apporter une réponse. Je ne suis pas de votre avis concernant l’unité de la jurisprudence. J’ai notamment en mémoire des démêlés avec l’Union soviétique au sujet d’Aeroflot. La convention traduit essentiellement la doctrine française. Quelques questions demeurent toutefois en suspens. D’abord, les immunités juridictionnelles s’appliqueront-elles à un Etat procédant à des livraisons de pétrole ou considèrera-t-on qu’il s’agit de transactions commerciales ? Ensuite, les pays émergents adhéreront-ils à la convention et l’appliqueront-ils, à l’inverse par exemple de la convention de Washington de 1965 pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats, adoptée par de nombreux Etats qui ne l’ont pour autant pas appliquée ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je souscris à ces remarques. Les discussions ont été difficiles, surtout avec les Etats qui faisaient alors partie du bloc soviétique. La question est effectivement de savoir dans quelle mesure cette convention sera appliquée de manière universelle, ce qui est la condition de son efficacité.

M. Jean-Pierre Dufau. Tout le monde perçoit le bien-fondé de ce type de conventions, la complexité technique, les difficultés d’application. Le rapport explicite la différence entre les immunités de juridiction et les immunités d’exécution, ainsi que l’exclusion du champ des transactions commerciales. Sur le plan de l’effectivité, à la clôture de la période de signatures, peut-on dresser un constat d’échec ? Les grandes puissances et les puissances émergentes sont globalement absentes de la liste des signataires. En outre, la convention traite des biens des Etats mais permet-elle de résoudre les contentieux liés au non-versement des retraites dans un autre Etat, par exemple ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. La convention précise les conditions dans lesquelles un Etat bénéficie de l’immunité de juridiction dans les cas de contentieux en matière de contrats de travail, ce qui peut inclure les questions de retraite des anciens salariés de l’Etat. Au-delà de ce cas, il est exact que la convention ne règle pas tout. La convention a vocation à créer un environnement plus prévisible, à faciliter le travail des juridictions, mais ne donne pas réponse à toutes les questions susceptibles d’affecter les relations entre un Etat et des ressortissants étrangers.

M. Robert Lecou. Trente ratifications sont nécessaires pour que la convention entre en vigueur. C’est plus que le nombre de signataires actuels. Pourquoi des grands pays comme le Canada, les Etats-Unis ou l’Argentine n’ont-ils pas signé ? Je souhaiterais également connaître les conséquences d’une ratification pour la législation française.

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Les conséquences pour la France n’existeront que lorsque la convention sera entrée en vigueur, c’est-à-dire après sa ratification par trente Etats. Sur le plan du droit interne, seul l’article L. 153-1 du code monétaire et financier que j’ai mentionné devra être modifié. 28 Etats ont signé la convention pendant les deux années où cela était possible mais d’autres Etats peuvent y devenir parties en y adhérant, comme l’ont déjà fait l’Arabie saoudite et le Kazakhstan.

Mme Nicole Ameline. Il me semble qu’il convient d’accompagner la démarche qui sous-tend la convention en ce qu’elle traduit une évolution du droit international et – il faut l’espérer – une harmonisation des pratiques. Je m’interroge sur la hiérarchie des normes. Si l’on reprend l’exemple des navires, les règles de l’Organisation internationale du travail (OIT) prévoient, en cas de manquement aux obligations sociales, le blocage des navires dans les ports et la saisine des juridictions auxquels ils sont rattachés. La cohérence des normes internationales est essentielle. Nous souhaitons tous que les normes sociales puissent donner lieu à sanctions. Cela suppose de clarifier les démarches, de les rendre compatibles et cohérentes.

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. Je partage cette analyse. Au sein de l’OIT, j’ai pu voir la tendance très nette, du moins de la part des représentants des Etats, en faveur de l’unification des normes sociales. L’exemple de réussite de l’OIT en la matière est l’interdiction du travail des enfants. Pour le reste, une règle n’est applicable que si un Etat y consent. Il existe certainement une unification des droits afin que des personnes ne soient pas employées sur des navires dans des conditions proches de l’esclavage. C’est pourquoi, à mon sens, l’entrée en vigueur d’une convention, qui suppose des adhésions, constitue un progrès car elle marque une avancée vers une unification. C’est pourquoi la France a raison de ratifier la convention en pariant sur un effet d’entraînement.

Mme Geneviève Colot. La convention n’entre-t-elle pas en contradiction avec la convention de Mérida contre la corruption, qui permet de saisir les biens de dirigeants acquis en lien avec des opérations de blanchiment et de les restituer aux pays ?

Mme Elisabeth Guigou, rapporteure. La convention sur les immunités juridictionnelle des Etats et de leurs biens ne s’appliquant pas aux biens privés, il n’y a en principe aucun conflit de normes concernant les biens appartenant aux dirigeants.

Suivant les conclusions de la rapporteure, la commission adopte sans modification le projet de loi (n  3079).

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Slovaquie : accord relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 3078)

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. La France s’efforce, sur tous les continents, de faire valoir son expertise militaire dans des domaines précis. Après la chute du mur de Berlin, de nombreux Etats d’Europe centrale et orientale se sont tournés vers les Etats-Unis, considérés comme l’allié le plus fiable après la chute de l’Union soviétique. Certains de ces Etats considèrent aujourd’hui qu’une diversification des coopérations est indispensable.

L’accord de coopération militaire entre la France et la Slovaquie signé à Bratislava le 4 mai 2009 participe de cette évolution, dans un pays dont l’outil de défense reste très influencé par le partenariat avec les Etats-Unis.

Au-delà de l’influence politique, cet accord, parfaitement conforme aux standards internationaux notamment fixés dans le cadre de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) permettra à notre pays de voir mieux garantie la sécurité juridique de sa coopération militaire avec un pays actif dans les conflits actuels.

Cet accord n’offre peut-être pas, a priori, le même caractère stratégique que d’autres textes nous associant à des puissances militaires plus importantes. Il ne faut pas pour pourtant en négliger la portée.

L’armée slovaque, de taille modeste, fait preuve d’une capacité opérationnelle certaine. Poursuivant un objectif de modernisation et de mise en conformité aux standards de l’OTAN, elle est présente sur plusieurs théâtres d’opération, notamment en Afghanistan où elle déploie plus de 300 hommes.

La Slovaquie cherche à faire de son armée un atout politique dans la résolution des grandes crises internationales. Pour le moment, force est de constater que la France ne participe que modestement au renforcement de ses capacités militaires.

En effet, depuis la dislocation du bloc de l’Est, ce sont les Etats-Unis qui ont le plus pesé sur la transformation des forces armées slovaques. Ils disposent de trois officiers basés en permanence dans le pays, et organisent des formations dans tous les domaines qui intéressent leurs objectifs stratégiques, principalement sur le théâtre afghan.

C’est ainsi qu’une société américaine a organisé des formations pour la lutte contre les explosifs. Or, ce domaine de coopération fait précisément partie des quelques thèmes pour lesquels la France avait réussi à imposer son expertise militaire face au géant américain.

Notre pays est en effet à l’origine de la création d’un centre de formation pour la lutte contre les explosifs, situés à Trencin. Nous occupons actuellement le poste de directeur adjoint, revendiqué désormais par les Etats-Unis.

De la même manière, la formation des contrôleurs aériens avancés slovaques est assurée par la France aujourd’hui, mais les Etats-Unis ont récemment proposé de l’assurer eux-mêmes.

Les projets de coopération futurs avec la Slovaquie ont été revus à la baisse en raison des difficultés budgétaires actuelles de ce pays. Toutefois, la simple défense de nos positions acquises, et le maintien d’une certaine diversité des partenaires militaires pour la Slovaquie, restent des objectifs, que le présent accord pourrait remplir.

Parfaitement classique dans sa structure, le texte qui nous est présenté autorise la France et la Slovaquie à mettre en place des coopérations dans de très nombreux domaines de leurs politiques de défense. Tous les types d’activités communes, du séminaire aux exercices communs en passant par les visites officielles, sont prévus par l’accord. Par ailleurs, ce texte améliore la prévisibilité de nos activités de défense en confiant à une réunion des deux états-majors le soin d’élaborer des programmes de coopération pour l’avenir.

Le développement de notre coopération militaire s’accompagne des garanties juridiques traditionnellement adjointes aux accords internationaux intervenant dans le domaine militaire. Dans la mesure où ce texte associe deux Etats membres de l’OTAN, les stipulations de l’accord renvoient directement aux standards multilatéraux fixés par l’accord sur le statut des forces signé à Londres le 19 juin 1951 par les membres de l’Alliance Atlantique.

Les personnels engagés dans des activités de coopération se voient ainsi accordées diverses facilités afin de mener à bien les projets auxquels ils participent, en matière d’entrée et de séjour sur le territoire notamment.

De même, conformément aux standards de l’OTAN, la responsabilité des Etats n’est engagée qu’en cas de dommage subi par des tiers, et elle est partagée, sauf faute lourde ou intentionnelle.

Enfin, les infractions commises par les personnels en-dehors du service sont poursuivies et sanctionnées par les juridictions de l’Etat d’accueil, sous réserve que les principes garantissant les droits de la défense soient respectés.

Offrant toutes les garanties juridiques que nous sommes en droit d’attendre en matière de coopération militaire, l’accord qui nous est soumis permet donc à notre pays de maintenir sa position de partenaire militaire dans un Etat largement acquis aux méthodes et doctrines américaines.

Sa ratification permettrait également l’entrée en vigueur d’un accord connexe, signé le 20 octobre 2009 à Bratislava, qui permettrait la clarification de la situation juridique du directeur adjoint du centre d’excellence pour la lutte contre les explosifs déjà mentionné.

Pour ses raisons, je vous invite à approuver le présent projet de loi.

M. Jean-Michel Ferrand. Le 4) du 1 de l’article 3 de l’accord vise la conception, la réalisation et l’acquisition des matériels d’armement. Cette rédaction permet-elle de privilégier l’acquisition de matériels fabriqués par l’autre partie à l’accord, ou plus précisément la Slovaquie devra-t-elle privilégier le matériel français ? J’ai en mémoire l’acquisition par la Pologne de matériel militaire américain.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. L’accord n’écarte pas une telle possibilité mais ne l’impose pas non plus.

M. le président Axel Poniatowski. Aucun pays ne se mettrait en situation d’exclusivité. Ce serait en outre contraire à la procédure des appels d’offres qui s’applique dans les pays de l’Union européenne.

M. Jean-Michel Ferrand. Sans parler d’exclusivité, il est dommage de ne pas prévoir que le matériel de l’autre partie sera privilégié pour les acquisitions.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Ce qui est certain, c’est que l’absence d’accord bilatéral ne favorise pas l’acquisition de matériel français. On peut espérer qu’après cet accord, la présence de militaires français valorise le matériel français.

M. Patrick Labaune. Concernant l’accord franco-britannique examiné précédemment, la question du « passager clandestin » que sont les Etats-Unis a été posée. Ils sont pour l’accord franco-slovaque un passager non clandestin. L’accord ne reflète-t-il pas une instrumentalisation de la part des Slovaques, voire des Etats-Unis, tout ceci dans le cadre de l’OTAN ? Ensuite, quel est le but de l’accord que nous examinons ? Le 9) du 1 de l’article 4 vise les manifestations sportives dans le cadre du Conseil international du sport militaire. Autant les 3), 4) et 5) du même 1 relèvent du niveau d’un traité de défense, autant le sport militaire confère une note ridicule à l’accord.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Je souligne dans mon rapport les efforts insistants des Etats-Unis pour affirmer leur présence dans certains pays parmi lesquels la Slovaquie. Faut-il pour autant leur abandonner le terrain ? N’est-il pas préférable au contraire de jouer notre partition dans un pays en outre européen et de tendre ainsi vers un rééquilibrage ?

M. Philippe Cochet. Cet accord pose un vrai problème. Le 10) du 1 de l’article 4 vise l’organisation de manifestations artistiques, y compris musiques militaires et groupes d’artistes. Où s’arrête-t-on ? Le contenu relevant de l’accord ne pose aucun problème s’il existe une finalité économique pour notre pays, mais l’impression est que la France donne beaucoup et reçoit peu. Au regard de la qualité de notre armement, des besoins de notre économie, j’espère que nous retirerons plus que de la considération de cet accord.

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Je souscris à ces propos. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’on peut se spécialiser dans la fabrication de matériels de musique…  Il est clair qu’il n’est pas possible d’instituer des clauses d’exclusivité, mais notre démarche s’inscrit dans une stratégie d’influence dont l’objet est de faire connaître, par une action pédagogique, la qualité de nos matériels, de les valoriser. Ce n’est pas un objectif démesurément ambitieux, mais l’important est de ne pas abandonner le terrain à d’autres.

M. Jean-Paul Dupré. L’article 6 de l’accord prévoit l’organisation d’exercices et entraînements communs, à caractère interarmées ou concernant une seule armée ou service. Je suppose que l’objet est de mettre en avant les techniques de nos armées. Où ces exercices et entraînements se dérouleront-ils ? En France et en Slovaquie ou le cas échéant sur le territoire d’un Etat tiers ?

M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur. Il s’agit d’une disposition classique. Les exercices et entraînements peuvent se dérouler sur le territoire de l’un ou l’autre pays, mais aussi sur celui d’autres pays membres de l’OTAN. C’est une bonne chose en soi.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n  3078).

La séance est levée à onze heures quinze.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 4 mai 2011 à 9 h 45

Présents. - Mme Nicole Ameline, Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jacques Bascou, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Loïc Bouvard, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Dino Cinieri, M. Philippe Cochet, M. Pierre Cohen, Mme Geneviève Colot, M. Alain Cousin, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean Glavany, M. Jean-Claude Guibal, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Jacques Guillet, M. Serge Janquin, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Patrick Labaune, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. Lionnel Luca, M. Didier Mathus, M. Jacques Myard, M. Alain Néri, M. Jean-Marc Nesme, M. Axel Poniatowski, M. Éric Raoult, M. Jean-Luc Reitzer, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, M. André Santini, Mme Odile Saugues, M. Dominique Souchet, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle, M. Éric Woerth

Excusés. - Mme Sylvie Andrieux, M. Patrick Balkany, M. Claude Birraux, M. Roland Blum, M. Alain Bocquet, M. Jean-Louis Christ, M. Gaëtan Gorce, M. François Loncle, M. Jean-Claude Mignon, M. Henri Plagnol, M. Rudy Salles, M. André Schneider