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Commission des affaires étrangères

Mardi 5 juillet 2011

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 75

Présidence de M. Axel Poniatowski, président
puis de Mme Martine Aurillac, vice-présidente

– Audition de M. Alain Juppé, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes (ouverte à la presse)

– Information relative à la commission

Audition de M. Alain Juppé, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et européennes

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

M. le président Axel Poniatowski. Nous avons le plaisir de recevoir M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, pour une audition, ouverte à la presse, consacrée à l’actualité internationale.

Nous sommes convenus que votre propos liminaire porterait sur trois sujets : la Libye, la Syrie et l’Afghanistan. Naturellement, d’autres dossiers pourront être abordés à l’occasion des questions qui suivront votre intervention.

En Libye, Kadhafi est encore en place et les perspectives de solution militaire ou politique paraissent incertaines. Alors que notre assemblée sera conduite à voter la semaine prochaine sur la prolongation de notre intervention militaire, il est évidemment utile que vous vous exprimiez sur ce sujet.

En Syrie, on peut craindre que le point de non-retour ait été atteint et notre diplomatie peine, malgré ses efforts, à mobiliser la communauté internationale pour obtenir au moins une résolution a minima de condamnation de ce qui s’y passe.

Par ailleurs, la France, conjointement avec les États-Unis, a annoncé sa décision d’amorcer le désengagement de ses forces d’Afghanistan dès cette année. Nous sommes également intéressés par les informations que vous pourriez nous donner à propos de la libération des deux journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Je reviens de Barcelone, où j’assistais à l’installation de M. Youssef Amrani comme secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UPM). Il était important que la France soit présente à cette occasion. M. Amrani a été désigné à l’unanimité : ce haut fonctionnaire d’origine marocaine est considéré comme tout à fait compétent et engagé. Nous allons avec lui redonner un élan au processus de l’UPM, qui est plus pertinent que jamais, en l’orientant vers des projets concrets.

J’en ai notamment cité quatre. Le premier concerne la mobilité des jeunes entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, avec le projet d’office méditerranéen pour la jeunesse, qui a déjà pris corps, mais que nous allons essayer de faire grandir et d’intégrer dans les procédures de l’UPM. Le deuxième a trait à l’énergie, au travers, en particulier, d’un plan solaire méditerranéen – les Allemands ont un immense projet dénommé Desertec pour équiper le Sahara de panneaux solaires afin d’alimenter l’Europe du Nord et nous avons de notre côté des projets en matière d’interconnexion. Le troisième porte sur la protection civile, avec un projet assez avancé de prévention et de lutte contre les incendies autour de la Méditerranée, et le quatrième sur le premier projet labellisé par l’UPM, relatif à une usine de dessalement d’eau à Gaza.

En ce qui concerne la Libye, depuis que notre pays a engagé des forces dans ce pays, des progrès ont été accomplis.

Sur le plan militaire, l'étau se resserre autour de Kadhafi, qui dit lui-même être « le dos au mur ». Benghazi a été libérée. Le siège de Misrata a été interrompu. Les forces d'opposition continuent de gagner du terrain dans l'Ouest et dans le Sud, notamment dans le djebel Nefoussa. Mais les forces de Kadhafi poursuivent leurs attaques contre les populations civiles. C'est la raison pour laquelle la coalition a décidé de maintenir sa pression militaire dans le cadre de la résolution 1973, qui vise à protéger les civils.

Je sais que ce point prête à contestation. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir il y a quelques jours avec mon collègue russe Sergueï Lavrov. Nous considérons que les livraisons d’équipements, de médicaments, de nourriture et d’armes d’autodéfense aux populations du djebel Nefoussa sont conformes aux résolutions des Nations Unies – la résolution 1973, dans son paragraphe 4, prévoit que l’on peut déroger à la résolution 1970 instaurant un embargo sur la fourniture des armes dès lors que la protection des populations civiles est en jeu.

Sur le plan politique, Kadhafi est de plus en plus isolé. Les défections se multiplient dans les rangs des responsables du régime, qu’il s’agisse des civils ou des militaires. Sur la scène internationale, la Russie, la Chine et de nombreux pays africains considèrent désormais qu'il n'a plus aucune légitimité et doit partir. Le mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité délivré le 27 juin par la Cour pénale internationale contre lui, son fils Saif Al-Islam et le chef des services de renseignements Abdallah Al-Senoussi le confirme : aujourd'hui, l'ensemble de la communauté internationale a tourné la page de l'ère Kadhafi.

Même si elle ne le proclame pas publiquement, l’Union africaine a bien compris que la question n’était plus de savoir si Kadhafi devait partir, mais quand et comment ; elle y travaille.

Dans le même temps, le Conseil national de transition (CNT), que la France avait été la première à reconnaître comme le seul titulaire légitime de l'autorité gouvernementale pour l'État libyen, s'affirme de plus en plus comme un interlocuteur politique central. Il est maintenant reconnu par près d'une trentaine de pays, dont la Turquie il y a quelques jours, et par l'Union européenne, qui a ouvert un bureau à Benghazi. Il se structure et s'est doté d'une feuille de route politique prévoyant les étapes d'établissement d'un État de droit démocratique.

Dans ce contexte, nous devons aller de l'avant pour mettre un terme aux souffrances du peuple libyen.

D'abord, en apportant un soutien financier au CNT, qui en a cruellement besoin – chaque fois que ses responsables viennent à Paris, comme ce fut encore le cas la semaine dernière, ils nous appellent au secours. Nous nous sommes fortement mobilisés pour que le Groupe de contact pour la Libye crée un mécanisme spécifique. Celui-ci existe juridiquement depuis la semaine dernière. Il faut maintenant que des fonds soient versés pour l'abonder. Pour notre part, nous travaillons à la mobilisation d'avoirs libyens gelés en France. Nous avons d'ores et déjà pu obtenir le dégel de fonds détenus par la banque centrale, afin de continuer à payer les boursiers libyens qui poursuivent leurs études supérieures en France, comme le CNT nous l’a demandé. Nous sommes par ailleurs en train d’essayer de dégeler les 290 millions de dollars prévus. Cela est, pour des raisons juridiques, beaucoup plus compliqué qu’on ne le pensait, mais nous allons y parvenir.

Ensuite, en trouvant une solution politique à la crise.

Je rappelle les quatre conditions fixées par le Groupe de contact, l’Union européenne et la coalition : un cessez-le-feu véritable, avec un retour des forces de Kadhafi dans leurs casernes et la garantie de l'intégrité territoriale de la Libye sous contrôle international ; une renonciation publique de Kadhafi à tout pouvoir civil ou militaire ; la tenue d'une convention nationale sous l'égide du Conseil national de transition, ouverte à d’autres partenaires, y compris des responsables de Tripoli qui se sépareront de Kadhafi ; enfin, la mise en œuvre de la feuille de route du CNT : adoption d’une constitution, élections législatives et développement de la démocratie.

Les initiatives pour avancer dans ce sens se multiplient – ce qui constitue un de nos problèmes. Le premier ministre libyen, Mahmoud Jibril, a notamment été reçu la semaine dernière par le Président de la République, qui lui a dit l'urgence pour le CNT d'agir de manière décisive sur le plan militaire et d’engager ce processus de transition politique.

En ce qui nous concerne, nous poursuivons nos efforts selon trois axes.

En premier lieu, continuer notre travail de conviction auprès de ceux qui peuvent contribuer à faire émerger une solution politique. Je pense à la Russie, où je me suis rendu la semaine dernière. Il me semble que nous pouvons travailler avec les Russes qui, depuis le sommet du G8, ont adopté une attitude plus constructive et plus claire sur la Libye. Quand je suis arrivé à Moscou, j’avais des raisons de penser que mon entretien avec Sergueï Lavrov serait rude : nous nous sommes dit nos vérités respectives, en particulier nos différences d’appréciation sur la partie militaire de l’intervention, mais nous sommes tout à fait en phase sur l’objectif, à savoir la mise à l’écart de Kadhafi et l’application de la feuille de route du CNT. Le médiateur russe, Mikhaïl Marguelov, qui s’est rendu à Benghazi et à Tripoli, est en contact avec nous.

Il en est de même avec l'Union africaine. Le sommet de Malabo l'a montré : les dirigeants africains évoluent peu à peu vers le constat d'un départ inéluctable de Kadhafi. Ils ne le disent pas tous publiquement, mais tous le pensent. Nous espérons que l'Union africaine, qui a un rôle éminent à jouer pour résoudre l'affaire libyenne, saura faire les derniers pas qui nous séparent de la solution. À cet égard, la réunion du Groupe de contact à Istanbul le 15 juillet pourrait être déterminante. Nous insistons beaucoup pour que l’Union africaine participe à cette réunion – M. Ping, président de la Commission de cette organisation, avait d’ailleurs pris part à de précédentes rencontres.

Deuxième axe : faciliter le travail de l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Al-Khatib, qui centralise les efforts de la communauté internationale, car la multiplication des canaux de médiation politique affaiblit la pression sur Kadhafi et lui permet de gagner du temps.

Enfin, troisième axe : préparer le « jour d'après » la chute de Kadhafi au sein des différents groupes de travail internationaux, car il y a une forte inquiétude à cet égard et sur la capacité du CNT à éviter des difficultés dans le pays ainsi libéré. La construction de la Libye nouvelle relèvera d'abord de la responsabilité des Libyens eux-mêmes, mais nous sommes naturellement prêts à les accompagner. C'est dans cet esprit que les missions préparatoires françaises se succèdent à Benghazi, dans tous les domaines de la sécurité et de la reconstruction, et que nous organisons des déplacements d'entreprises volontaires pour aller prendre des contacts sur place, comme d’autres pays le font activement, en particulier l’Italie et la Grande-Bretagne.

S’agissant de la Syrie, la situation devient chaque jour un peu plus préoccupante.

Vous disiez, monsieur le président, que la diplomatie française était à la peine, mais je n’en connais aucune qui ne le soit pas !

Depuis le premier jour, comme nous l'avons fait pour la Libye, nous condamnons fermement le refus des réformes et la spirale de la violence. Depuis le premier jour également, nous condamnons la fuite en avant d'un régime qui réprime les aspirations de son peuple à la démocratie, a causé la mort d'au moins 1 300 civils et, avec des dizaines de milliers de Syriens fuyant leur pays, menace désormais la stabilité de la région tout entière.

Nous avons été les premiers à demander des sanctions contre Bachar Al-Assad et son entourage proche, notamment au sein de l'Union européenne, qui a adopté trois trains de sanctions contre des responsables syriens impliqués dans la répression et des entités finançant le régime. Ces sanctions sont mises en œuvre par de nombreux pays en dehors de l'Union, notamment par les États-Unis.

Nous nous sommes aussi mobilisés contre la candidature syrienne au Conseil des droits de l'homme, ce qui a abouti à son retrait au bénéfice du Koweït. C'est également grâce à nos efforts que ce Conseil a adopté le 29 avril une résolution condamnant les violations des droits de l'homme exercées par la Syrie et décidant l'envoi d'une mission d'enquête.

Enfin, nous travaillons pour que le Conseil de sécurité prenne position sur la crise de ce pays. Avec nos partenaires européens, nous avons préparé un projet de résolution condamnant les violences, demandant la fin de la répression et appelant le régime à ouvrir des perspectives politiques et à faire des réformes – c’est dire si ce projet est équilibré.

Je pense que le point de non-retour est franchi et que la capacité de Bachar Al-Assad à entreprendre celles-ci est aujourd’hui quasiment nulle compte tenu de tout ce qui s’est passé. Il n’en reste pas moins que, pour faciliter l’émergence d’un consensus au sein du Conseil de sécurité, nous avons accepté de nous adresser à nouveau à lui en l’invitant à s’engager dans un processus de réformes. Mais notre projet se heurte toujours à la menace d'un veto de la Russie, que soutient la Chine, au nom du refus d'ingérence dans les affaires intérieures syriennes.

Je n’ai pas pu faire beaucoup évoluer mon collègue russe sur ce sujet. Celui-ci, de même que d’autres pays émergents, ont la hantise de la résolution 1973 et le sentiment qu’en ne faisant pas obstacle à celle-ci, ils se sont laissés embarqués plus loin qu’ils ne l’auraient voulu. Ils craignent qu’une résolution sur la Syrie n’ait les mêmes conséquences. J’ai eu beau faire remarquer à mon collègue russe qu’il n’y avait rien dans le projet de résolution qui de près ou de loin ressemble au paragraphe 4 de la résolution 1973, je ne l’ai pas encore convaincu. Cela étant, la Russie commence à se poser des questions, car elle apparaît d’une certaine manière comme responsable de l’inertie du Conseil de sécurité.

Par ailleurs, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud restent tout à fait réticents, toujours au nom du refus d’ingérence dans les affaires intérieures d’un État, ce qui n’est pas tout à fait conforme avec le principe de la responsabilité de protéger adopté par les Nations Unies.

Le Conseil de sécurité ne peut pas continuer à fermer les yeux sur cette situation intolérable. Il en va de sa crédibilité. J’ai évoqué le précédent du Rwanda ou celui de l’ex-Yougoslavie. Le moment approche où chacun devra prendre ses responsabilités. Pour notre part, nous y sommes prêts et, si nous parvenons à réunir onze voix au Conseil de sécurité, nos intentions, avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, est de mettre le projet aux voix pour que chacun soit mis devant les siennes.

Enfin, pour ce qui est de l'Afghanistan, notre stratégie repose sur quatre piliers : une lutte déterminée contre les terroristes, encore présents dans cet État – ce qui se traduit, hélas, par les pertes humaines que vous savez ; une montée en puissance des forces afghanes pour qu'elles soient en mesure d'assurer la relève et la sécurité de leur pays – notre travail de formation auprès d’elles mobilise beaucoup de nos moyens sur place ; un retrait progressif et ordonné des troupes françaises ; et une solution politique permettant la réconciliation nationale dans ce pays.

Cette stratégie, qui est désormais endossée par l'ensemble de la coalition, porte ses fruits. Je voudrais rendre hommage au courage, à l'engagement, au professionnalisme et à l’esprit de sacrifice de nos forces déployées en Afghanistan, notamment aux militaires qui ont perdu la vie sur ce théâtre.

En ce qui concerne la traque des terroristes dans ce pays, la disparition de Ben Laden, qui s'était réfugié au Pakistan, constitue un succès incontestable. Elle entraîne un affaiblissement d'Al-Qaida, qui conserve une présence résiduelle sur place.

S’agissant du transfert des responsabilités, le processus est engagé dans trois provinces et quatre villes. Sur les deux zones que nous avons sous notre contrôle, au moins une, la Surobi, devrait pouvoir être transférée aux autorités afghanes cette année. Nous avons préparé une demande très argumentée à cet effet. Mais la décision dépend du commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (IFAS) et, in fine, du gouvernement afghan.

Pour ce qui est du processus de réconciliation inter-afghan, le cadre se met progressivement en place. Les Talibans afghans ont des objectifs et une organisation différents d'Al-Qaida. La mort de Ben Laden pourrait les inciter à couper les liens avec le terrorisme international et entrer dans un processus politique, que les États-Unis ont déjà engagé avec Kaboul et auquel nous souhaitons vivement être associés.

Il reste des difficultés. Certaines zones ne sont pas encore entièrement sécurisées, comme la Kapisa, pour ce qui concerne la France. La gouvernance du pays reste insuffisamment développée. La corruption demeure et la politique du Pakistan n'est pas encore claire.

Mais nous n'avons pas vocation à rester éternellement en Afghanistan, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le Président de la République. Nous avons toujours été clairs sur nos objectifs et sur notre calendrier et nous avons toujours agi en parfaite coordination avec nos alliés – je rappelle que le sommet de l'OTAN de Lisbonne a décidé de fixer à 2014 la date du retrait définitif des troupes de la coalition d'Afghanistan.

C'est dans ces conditions, devant les succès remportés dans la mise en œuvre d'une stratégie courageuse et cohérente, que le Président de la République a annoncé un retrait progressif des renforts envoyés dans ce pays, de manière proportionnelle et dans un calendrier comparable à celui annoncé par les Etats-Unis – lequel porte sur 33 000 soldats sur 120 000 en 2011 et 2012. Je ne donnerai pas de chiffres plus précis, car il appartient aux militaires de déterminer le processus concret de ce retrait. Celui-ci se fera en concertation avec nos alliés et avec les autorités afghanes.

Avant de conclure, je souhaite revenir sur la libération d'Hervé Ghesquière et de Stéphane Taponier et de leur interprète, Reza Din, qui a constitué pour nous tous un grand moment de joie et de soulagement. J’étais avec les familles dans les locaux de France Télévisions le soir où cette libération a été annoncée et, le lendemain matin, avec le Président de la République sur la base aérienne de Villacoublay.

J'en profite pour signaler que leurs deux autres accompagnateurs avaient été libérés il y a un certain temps, mais que cela n'avait pas été rendu public, pour préserver la sécurité des trois otages restants et ne pas compromettre l'issue de l'affaire. Cette libération est le fruit d'un long travail, d'efforts extrêmement soutenus et opiniâtres. De nos militaires d’abord, qui ont agi avec beaucoup de sang-froid : nous savions où étaient nos otages, dans la province de Kapisa, et il a fallu conduire les opérations militaires de manière à ne pas compromettre leur vie – toute intervention pouvant déboucher immédiatement sur un massacre. Nos services ont également été formidables sur le terrain, ceux de l’ambassade, comme les services spécialisés. Tous les responsables du comité de soutien aux deux journalistes, qui ont été parfois présents sur place à Kaboul, ont d’ailleurs rendu hommage à leur disponibilité et à leur efficacité.

En outre, le Président Karzaï nous a aidés dans la recherche d'une solution. Le comité de soutien a maintenu la pression tout au long de cette période, ce qui a été très positif : Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier nous ont dit combien ses messages, qu’ils entendaient sur leur poste de radio, ont été importants pour leur moral.

Enfin, tous les services de l'État, sous l'impulsion et l'autorité du Président de la République – qui a fait le point de la situation chaque semaine et a reçu fréquemment les familles – n'ont jamais relâché leurs efforts, qu’il s’agisse de nos militaires, de nos diplomates ou du Centre de crise du Quai d'Orsay, qui a été en permanence en contact avec les familles pour les tenir informées.

Nous pouvons être fiers du travail accompli dans ce contexte difficile. On m’a souvent demandé pourquoi cette libération n’a pas été plus rapide : si nous avions eu un bureau facile à identifier en face de nous pour négocier, cela aurait été le cas, mais nous étions confrontés à une nébuleuse de responsables, avec des chaînes de commandement très complexes et des décisions changeantes.

De plus, nos deux compatriotes étaient détenus dans une zone de combat contrôlée par l'armée française, ce qui rendait les choses particulièrement sensibles.

Vous comprendrez que je ne sois pas en mesure de vous en dire davantage sur les conditions de cette libération. Nous avons encore neuf otages dans le monde : si nous révélions les moyens utilisés pour libérer les précédents, cela risquerait de fragiliser considérablement ce que nous entreprenons pour ceux-là. Je rappelle à ce sujet que la France ne paye pas de rançon.

Présidence de Mme Martine Aurillac, vice-présidente.

M. Hervé de Charette. Que pouvez-vous dire aujourd’hui au sujet des otages d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ?

À l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre, va se poser la question de la reconnaissance de la Palestine comme État indépendant. Vous avez dit voici quelques semaines que la position française dépendrait du point de savoir si l’on relançait le processus de paix – lequel paraît aujourd’hui condamné malgré vos efforts. Cette position a-t-elle évolué depuis lors ou la France réserve-t-elle encore son point de vue ?

Mme Chantal Bourragué. Une des préoccupations porte sur la place réservée aux femmes à l’issue des conflits : la prendrez-vous en compte en Libye, où celles-ci ont largement participé à la révolution ?

Vous avez par ailleurs souligné la forte participation au référendum qui s’est tenu au Maroc et vous vous êtes réjoui de la marche de ce pays vers une transition. Quel rôle la France pourra-t-elle jouer, si le Maroc la sollicite, dans la mise en place de cette nouvelle gouvernance ?

M. Serge Janquin. Le 9 juillet, le Sud-Soudan doit accéder à l’indépendance. Depuis le référendum, Khartoum, aux abois du fait de sa dette souveraine, souffle le chaud et le froid sur les questions non réglées – le statut d’Abyei, le Sud-Kordofan, le Nil-Bleu, où les offensives militaires du nord auraient provoqué 80 000 déplacés, et les accords non finalisés sur le Darfour. Quelle position le Gouvernement a-t-il sur ces questions ?

Un nouvel ambassadeur du Nord-Soudan doit prochainement venir à Paris : le recevrez-vous et quelle représentation prévoyez-vous au Sud-Soudan ?

Quelle pression exercerez-vous, en accord avec l’Union européenne, sur l’ONU pour qu’elle garantisse le nouvel État dans son intégrité et apporte l’aide humanitaire qui lui est indispensable ? Cet État est fragile, confronté à une pénurie d’eau accablante et déchiré par des luttes tribales sur fond de partage de la rente pétrolière.

M. Jean-Paul Lecoq. Je faisais partie des passagers présents sur un des bateaux français récemment retenus à Athènes. On a l’impression qu’Israël a utilisé un gouvernement grec très affaibli pour lui faire bloquer une flottille, pourtant composée exclusivement de civils et n’ayant pour objectif que de briser le blocus de Gaza. Pourquoi n’êtes-vous pas intervenu pour aider ce gouvernement à éviter d’être pris en otage sur ce point ? Bernard Accoyer a déclaré il y a deux ans et demi à Gaza que la France reconstruirait l’hôpital sur place et qu’il reviendrait un an plus tard avec le président de notre commission. Depuis, nous n’avons pu y aller. J’étais porteur d’un convoi transportant du ciment et des médicaments pour tenir cette promesse. Pourquoi n’avez-vous pas accompagné cette démarche ?

M. François Rochebloine. Concernant le conflit du Haut-Karabagh, le sommet qui s’est récemment tenu à Kazan avec les présidents russe, arménien et azéri a donné lieu à des espoirs déçus. Quel est votre avis à ce sujet alors que les risques de reprise de la guerre sont réels et que le budget militaire de l’Azerbaïdjan représente une fois et demie le budget global de l’Arménie ?

Quelle est l’action du Gouvernement concernant Salah Hamouri ?

Qu’en est-il s’agissant de la chrétienne pakistanaise Asia Bibi, emprisonnée et condamnée à mort par pendaison pour blasphème en raison de sa foi ?

M. Dominique Souchet. Quelle est votre analyse de la situation au Maroc au lendemain du référendum sur la réforme constitutionnelle, alors que les manifestations organisées par le mouvement du 20 février se poursuivent ? Les opposants à la réforme, qui continuent à exiger une véritable monarchie parlementaire, représentent-ils encore une force suffisante pour entretenir un climat durable d’instabilité ou la réforme qui vient d’être adoptée permet-elle à Mohammed VI de reprendre la main ?

M. Michel Vauzelle. S’agissant de la Libye, on a du mal à comprendre que nous soyons toujours dans le cadre de la résolution 1973 et on peut craindre de découvrir par la suite des dégâts collatéraux préjudiciables à l’image de la France et à son rôle dans cette région du monde.

Quelle est la qualité des renseignements que nous avons eus sur la réalité du printemps arabe, lequel a apporté beaucoup d’espoir, de la Tunisie au Moyen-Orient ?

N’a-t-on pas fait preuve de précipitation dans l’intervention en Libye lorsqu’on voit que la guerre dure plus longtemps que prévu et qu’elle a peut-être changé de nature depuis l’adoption de la résolution 1973 ?

Enfin, qui est à Benghazi ? On a l’impression qu’au-delà de révolutionnaires hostiles à Kadhafi, on a affaire à un mélange de kadhafistes et d’islamistes contraires aux intérêts de la démocratie telle que nous l’envisageons.

Mme Martine Aurillac, présidente. De premiers accords sont intervenus il y a trois jours entre la Serbie et le Kosovo sur la libre circulation des personnes notamment. Peut-on espérer des progrès dans ce domaine en vue d’une nécessaire réconciliation ?

M. le ministre d’État. Sur les otages d’AQMI au Sahel, je ne peux vous apporter beaucoup d’informations. Nous avons obtenu la libération d’une otage, Mme Larribe, et nous continuons par les mêmes canaux à discuter pour obtenir celle des quatre autres otages.

Sur la Palestine, je suis moins pessimiste que vous : les efforts de la diplomatie française, loin d’être condamnés, ont assez prospéré. Le raisonnement que nous avons tenu, dans la ligne de ce qui a été dit lors du G8, fait aujourd’hui l’objet d’un consensus, à savoir que le statu quo est la pire des solutions, aussi bien pour les Palestiniens que pour les Israéliens. Autres points de consensus : la reprise des négociations est le seul moyen d’en sortir et ces dernières doivent être menées sur la base de principes et de paramètres équilibrés et mutuellement agréés – notre diplomatie a fait sur ce point un effort de proposition salué par beaucoup.

Après ce que MM. Medvedev et Poutine ont dit au Président de la République, M. Lavrov m’a confirmé que la Russie soutenait notre démarche. Le Conseil européen de la semaine dernière a endossé l’approche et les propositions de la France, fondées sur le discours du président Obama. Enfin, ce matin même, Tony Blair, qui est le haut représentant du quartet, est venu me dire qu’il soutenait complètement notre démarche et d’autres pays nous apportent également leur soutien, notamment dans le monde arabe.

Le 11 juillet prochain, le quartet se réunira à Washington. Obtiendrons-nous de lui un appel aux parties à renégocier sur la base des principes et paramètres faisant l’objet d’un consensus ? Il y a de bonnes raisons de le penser. Je rappelle que le quartet est constitué de la Russie, qui est d’accord avec nous, de l’Union européenne, qui a reçu un mandat clair à ce sujet, des Nations Unies, qui sont également en phase avec nous, et des États-Unis – je dois faire le point demain avec Hillary Clinton sur ce sujet, la diplomatie américaine, qui travaille en étroite liaison avec la diplomatie israélienne, n’étant pas fermée. Notre principal souci est que ne sorte pas du quartet une série de principes ou de paramètres déséquilibrés, alors que ceux-ci sont aujourd’hui équilibrés.

Ces principes sont : la renonciation au terrorisme et à la violence, l’acceptation des accords de paix antérieurs, l’abandon de toute autre réclamation après la conclusion de l’accord et, surtout, l’objectif de deux États nations pour deux peuples. Les paramètres portent sur la frontière de 1967 et les garanties de sécurité, puis dans un second temps, dans le cadre d’un accord global, sur la question des réfugiés de Jérusalem.

Si cet appel est lancé, nous passerons à une deuxième phase. Les parties accepteront-elles de se mettre autour de la table ? Une conférence des donateurs dans la première quinzaine de septembre serait en toute hypothèse utile, car l’Autorité palestinienne a besoin de fonds. Cette conférence pourrait-elle être celle de paix et de négociation que nous avons envisagée ? Il est trop tôt pour le dire.

Nous sommes donc au milieu du gué, mais notre initiative a des chances d’aboutir. Le moment venu, nous prendrons nos responsabilités.

Madame Bourragué, nous serons bien entendu attentifs à la présence des femmes dans le système démocratique de la nouvelle Libye : il revient aux Libyens d’en décider, mais nous les accompagnerons dans la reconstruction de leur pays et nous veillerons au respect des droits de l’homme et du principe d’égalité entre les genres.

En ce qui concerne le Maroc, je me suis entretenu il y a quelques heures à Barcelone avec mon homologue marocain et l’ai félicité. La France s’est en effet réjouie du résultat du référendum, avec 73 % de participation – alors que certains partis d’opposition ou islamistes avaient appelé au boycott et que le taux habituel se situe au-dessous de 50 % – et 98 % de oui. Cela prouve un réel élan populaire.

Le schéma proposé par le roi est audacieux. Reste à le mettre en œuvre, ce qui suppose l’adoption d’une série de lois organiques et de décisions.

Il est vrai qu’il y a encore des manifestations, encore qu’elles aient plutôt eu tendance à se calmer, mais elles sont pacifiques et elles ne donnent pas lieu à des répressions violentes. Il s’agit donc d’un phénomène naturel dans un régime évoluant vers la démocratie.

Le roi peut donc garder la main et nous devons le soutenir dans ce processus.

Parallèlement, il convient d’éviter que les difficultés économiques ne viennent contrarier ce dernier. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inclure le Maroc dans le partenariat de Deauville qui a été proposé à la Tunisie et à l’Égypte. Le Président de la République vient de confier à Édouard Balladur une mission pour se rendre dans les pays du Golfe et ceux du Maghreb afin d’essayer de sensibiliser leurs gouvernements à la mise en œuvre d’un plan d’action dans l’esprit de ce partenariat.

Monsieur Janquin, je serai vendredi soir à Djouba pour la proclamation d’indépendance du Sud-Soudan. C’est dire si la France, qui a soutenu le processus d’autodétermination, le référendum et ses résultats, sera pleinement impliquée. D’autres responsables européens ou américains seront également sur place.

La situation s’est améliorée depuis les fortes tensions dont vous avez parlé, après la prise de contrôle de la région d’Abyei par l’armée soudanaise le 21 mai dernier et les affrontements entre les armées soudanaises du Nord et les partisans du pouvoir du Sud dans la province du Sud-Kordofan.

Un accord sécuritaire a été trouvé sur Abyei le 20 juin : une opération de maintien de la paix des Nations Unies, forte de 4 200 Éthiopiens, va être déployée pour surveiller ce territoire, qui a été transformé en zone démilitarisée par une résolution du Conseil de sécurité du 27 juin. Un accord politique a également été trouvé entre le gouvernement soudanais et le parti du Nord sur la gestion du Sud-Kordofan et du Nil-Bleu, bien qu’aucun cessez-le-feu n’ait été encore agréé. Enfin, un troisième accord a été conclu le 29 juin sur une gestion concertée de la frontière nord-sud.

Mais le Sud-Soudan est un pays d’une extrême pauvreté, qui aura, espérons-le, accès à des ressources pétrolières abondantes lorsque l’accord sur la zone d’Abyei sera mis en œuvre. Cela étant, nous avons beaucoup de choses à faire pour l’aider à sortir de sa situation de sous-développement.

Monsieur Lecoq, la décision prise par les autorités grecques est souveraine : elle repose sur le droit grec et non sur le droit international maritime !

De toute façon, la participation de bateaux français à cette flottille ne nous est pas sympathique. Je l’ai dit publiquement, y compris à Jérusalem : cela ne constitue pas une bonne méthode pour acheminer l’aide humanitaire vers Gaza, dans la mesure où cela fait courir à tous ceux qui sont sur ces bateaux des risques inutiles et peut être interprété comme une provocation. La bonne méthode consiste au contraire à demander au gouvernement israélien de faciliter cet acheminement par les voies existantes à destination de Gaza : nous le lui avons dit avec beaucoup de fermeté.

S’agissant du Haut-Karabagh, nous déployons des efforts dans le cadre du Groupe de Minsk pour sortir du blocage actuel et arriver à une solution conforme aux principes adoptés sous l’influence de la diplomatie russe lors de la réunion de Sotchi. La réunion de Kazan n’a pas abouti aux résultats attendus, mais on ne peut dire qu’elle ait été un échec. On ne l’interprète pas ainsi en tout cas à Moscou : le président Medvedev va faire prochainement de nouvelles propositions aux deux parties pour essayer de les convaincre de renoncer à l’utilisation de la violence et à accepter les principes de solution fixés pour ce conflit qui n’a que trop duré.

Monsieur Rochebloine, j’ai reçu les parents de Salah Hamouri lorsque je suis allé à Jérusalem – ce qui m’a valu des reproches de la communauté juive de New York qui se demandait pourquoi on le traitait de la même manière que Gilad Shalit. Je ne les traite pas du tout de la même manière : ce dernier est otage dans des conditions scandaleuses, en violation de tous les principes internationaux. Nous exigeons sa libération immédiate et demandons aux différentes parties de faire tous les efforts nécessaires à cette fin. Salah Hamouri est dans une situation différente : il a été condamné par la justice israélienne. On peut certes estimer que la justice militaire israélienne n’est pas une justice, mais je laisse la responsabilité de cette affirmation à ceux qui la soutiennent ! Il est en prison et nous sommes intervenus auprès des autorités israéliennes pour qu’elles fassent preuve d’indulgence à son égard et le libèrent : il devrait être libre dans quatre ou cinq mois. J’ai tenu à manifester ma compassion à sa famille et à lui dire que nous souhaitons cette libération au plus vite.

Quant à Asia Bibi, le Gouvernement est très préoccupé par sa détention et sa condamnation à mort pour blasphème en novembre 2010. Nous considérons que l’existence même du délit de blasphème porte gravement atteinte aux libertés fondamentales, ce que nous n’acceptons pas. La Déclaration universelle des droits de l’homme et le pacte international sur les droits civils et politiques garantissent le droit de manifester sa religion mais aussi celui d’exprimer des opinions contraires sans être inquiété. Or le Pakistan a ratifié ce pacte : cet engagement international n’est pas compatible avec le maintien du délit de blasphème dans son corpus juridique !

Nous déplorons par ailleurs que deux personnalités politiques pakistanaises aient été assassinées pour s’être opposées à la loi sur le blasphème. Ces manifestations violentes d’extrémisme religieux s’inscrivent dans un climat préoccupant d’atteinte à la liberté d’expression, de religion et de conviction dans ce pays.

Nous ne pouvons ensuite qu’être heurtés par la condamnation à la peine de mort d’Asia Bibi, compte tenu de l’engagement déterminé et constant de notre pays contre cette peine, dont nous considérons qu’aucun acte ne saurait la justifier.

Nous nous sommes mobilisés en ce sens. Le 7 janvier dernier, dans ses vœux aux autorités religieuses, le Président de la République a dénoncé cette condamnation dans les termes les plus fermes. Le ministère des affaires étrangères a, dès l’annonce de celle-ci, fait une démarche au nom de l’Union européenne tout entière. Lors de mon entretien avec le premier ministre pakistanais, le 3 mai, j’ai exprimé la vive préoccupation des autorités françaises.

Le ministère a également reçu l’époux et la fille d’Asia Bibi à la fin du mois de mai, accompagnés de l’avocat : la famille a pu fournir des informations précieuses sur les conditions de détention et l’état de santé de cette femme. Cet entretien a aussi été l’occasion de réaffirmer le soutien de la France à la famille et notre souhait qu’une solution rapide soit trouvée.

Nous ne relâcherons pas nos efforts. Des démarches diplomatiques sont actuellement effectuées auprès de nos partenaires européens afin que l’Union européenne revienne à la charge auprès des autorités pakistanaises. Nous faisons donc le maximum avec les moyens dont nous disposons.

Monsieur Vauzelle, Kadhafi et son entourage dénoncent régulièrement des dégâts collatéraux – je dirais même qu’ils en rajoutent : on ne sait jamais si les cadavres qu’ils montrent sont tombés sous les balles de leurs propres forces ou du fait des frappes de l’OTAN. À notre connaissance, il y a eu très peu de dégâts collatéraux, même si ceux-ci sont toujours trop nombreux. Un cas semble particulièrement sensible, portant sur neuf morts, et l’OTAN fait une enquête pour déterminer s’ils ont été provoqués par l’une de ses frappes. Une forte attention est portée à la détermination des cibles pour que celles-ci soient exclusivement militaires et comportant le moins de risques possibles de dégâts pour les civils. Si nous avons utilisé des hélicoptères, c’est aussi pour déterminer plus précisément ces cibles.

Vous me demandez : qui est à Benghazi ? Je suis tenté de vous répondre : qui est dans l’opposition à Bachar Al-Assad en Syrie ? Qui figure dans les forces politiques du Caire ? Les Frères musulmans sont-ils ou non des partenaires convenables ? Faut-il faire confiance au parti Ennahda en Tunisie ? On peut donc se poser la question dans les autres pays : lorsqu’un système politique explose et que la tyrannie s’effondre, il y a forcément un moment d’ébullition. M. Moussa, l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe, aujourd’hui candidat à l’élection présidentielle en Égypte, me disait : en France, combien de temps avez-vous mis entre le 14 juillet 1789 et le moment où vous avez eu une démocratie policée ? au moins soixante-dix ans !

La Libye va donc connaître une période d’évolution, mais nous pensons qu’il y a dans le CNT beaucoup de gens responsables ayant une vision claire de l’avenir de leur pays et une feuille de route précise. Nous allons les accompagner et leur faire confiance, sans sous-estimer le risque qu’il y ait ici ou là, dans cette mouvance, des extrémistes qu’il appartiendra aux Libyens de maîtriser.

Quant à la Serbie, elle a fait un pas en avant considérable avec l’arrestation de Mladic. Mais elle a encore beaucoup d’efforts à faire pour construire un système judiciaire de qualité et indépendant, lutter contre la corruption et apaiser ses relations avec le Kosovo. Lorsque j’ai reçu mon homologue serbe, je l’ai vivement incité à développer le dialogue avec Pristina de façon à ce que la perspective européenne de la Serbie puisse se confirmer : avant d’engager des négociations d’adhésion, ce pays devra faire beaucoup de progrès en ce sens.

M. Gaëtan Gorce. Vous avez jugé utile de dire que la France avait une stratégie en Afghanistan, ce qui pouvait laisser penser que certains s’interrogeaient… Au stade où nous en sommes, on peut en effet se poser la question de l’intérêt de notre présence dans ce pays. Nous avons le sentiment que le calendrier, les modalités et les enjeux sont définis par les États-Unis et que nous y jouons un rôle assez limité. Pensez-vous que nous avons encore des raisons aujourd’hui d’envoyer dans ce pays des soldats pour se faire tuer ?

S’agissant de la Libye, nous avons salué le rôle du gouvernement français dans la décision d’intervenir dans ce pays. Nous en mesurons aujourd’hui les difficultés, dont celle de la France – et de certains de ses partenaires européens – à assumer l’ensemble des engagements que nous prenons aujourd’hui à l’étranger, lesquels sont très souvent en contradiction avec les objectifs du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Avons-nous la défense de notre diplomatie ou la diplomatie de notre défense ?

Sur le Tchad, nous avons voté à l’unanimité au printemps 2010 une résolution demandant la vérité sur la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh. Nous n’avons toujours aucune information de la part du gouvernement tchadien. C’est humiliant pour la France et la représentation nationale !

M. Didier Julia. Vous avez souligné le rôle de l’Union africaine. Sous l’impulsion de son président, M. Obiang, elle a décidé de reconnaître l’exclusion de Kadhafi de tout dialogue politique à l’avenir. Selon le site du Quai d’Orsay, vous admettez qu’en Guinée équatoriale les droits de l’homme et la démocratie sont respectés puisque même l’opposition a droit à un financement public, que les prisons sont ouvertes à la Croix Rouge et que le pays connaît un développement économique et social. Aujourd’hui, les autorités guinéennes demandent que vous prêtiez une attention aussi grande aux états entreprenant une réforme de l’intérieur qu’à ceux qui font la révolution. Elles ont sollicité le gouvernement pour qu’il joue un rôle de prescripteur des droits de l’homme auprès de l’Union africaine, en envoyant une mission à Malabo afin d’examiner les directives ou conseils que la France pourrait donner aux États africains. Pensez-vous donner une suite à cette demande ?

M. Jean-Michel Boucheron. La presse a fait état de divergences entre certains pays de l’OTAN, notamment la France et la Grande-Bretagne, concernant les livraisons de matériels : qu’en est-il exactement ? Ces différends ont-ils été aplanis et, si oui, dans quelles conditions ?

Nous avons des informations d’origine américaine selon lesquelles, à la suite de l’élimination de Ben Laden, un certain nombre de cadres importants d’Al-Qaida, dont peut-être son premier dirigeant, sont en train de se déplacer vers le Sud Sahara. Par ailleurs, des armes de l’ancienne armée libyenne se disperseraient dans le désert et se retrouveraient également dans cette région. Ces informations sont-elles exactes ? Ne suscitent-elles pas une nouvelle inquiétude sur la puissance dont pourrait disposer AQMI dans cette zone ?

M. Robert Lecou. La présidence française du G20 a déjà donné lieu à certains résultats positifs. En témoignent la prochaine tenue du G20 à Cannes à l’automne, indépendamment du G8, et la récente réunion des ministres de l’agriculture, qui semble avoir ouvert la voie à un accord sur la régulation des prix des matières premières, permettant de lutter notamment contre la volatilité de ceux des produits agricoles. Cela n’était pas gagné d’avance ! Quel est votre point de vue sur cette nouvelle gouvernance mondiale ? Est-elle pertinente ? A-t-elle un avenir ? Doit-on imaginer un secrétariat pour mieux suivre les décisions arrêtées par les chefs d’État ?

S’agissant de la politique européenne de voisinage, vous avez évoqué les espoirs de relancer l’Union Pour la Méditerranée. Or la Pologne préside l’Union européenne : on connaît son attraction pour la frontière est. Pensez-vous qu’elle puisse être un partenaire, avec l’ensemble des pays du Nord et de l’Est, pour faire en sorte que la nécessaire politique en faveur de l’Union de la Méditerranée prenne corps ?

M. Jean-Louis Christ. Le printemps arabe semble faire tâche d’huile en Afrique sub-saharienne, notamment au Sénégal. Le président Wade est de plus en plus contesté, notamment dans sa volonté de vouloir imposer son fils comme successeur.

Compte tenu des liens historiques que nous entretenons avec ce pays, quelle analyse faites-vous de cette situation ? Quels moyens la France pourrait-elle mettre en œuvre pour éviter que le Sénégal ne s’embrase et mette en difficulté l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest ?

M. Jacques Myard. A-t-on une idée précise des pertes civiles dans les conflits actuels de la Libye et de la Syrie ?

Quel est l’impact du conflit libyen sur le Sahel, l’Égypte et l’Europe – qui est à nu, la preuve de l’incapacité totale de ce « machin » à exister venant d’être apportée ? Quelle est la conséquence de la situation en Syrie sur Israël – laquelle constitue un élément important dans l’attitude de ce pays vis-à-vis du processus de paix que vous soutenez à juste titre ?

M. Jean-Claude Guibal. Quelle est l’influence de la Turquie, dont le parti dominant et le président ont été renforcés récemment, sur la Libye ? Constitue-t-elle un modèle pour elle ?

Concernant l’Union Pour la Méditerranée, où en est le projet d’un Erasmus méditerranéen permettant de former les étudiants du pourtour méditerranéen à une culture commune ?

Les principaux obstacles au développement de cette union se situent en Méditerranée orientale, principalement du fait du conflit israélo-palestinien : est-il envisageable d’avoir des coopérations renforcées sur un plan géographique et, notamment, de renforcer le dialogue « 5+5 » pour prendre davantage en compte la Méditerranée occidentale ?

M. Jacques Bascou. Concernant la Libye, les pays africains ont eu l’impression d’être un peu écartés puisque lorsqu’ils envisageaient une mission à Benghazi ou à Tripoli, la Grande-Bretagne et le France les ont laissés de côté. Par ailleurs, le président de l’Afrique du Sud a critiqué l’OTAN et d’autres dirigeants ont dit que la mise en examen de Kadhafi devant la Cour pénale internationale pouvait être un obstacle à une médiation.

Quel peut, dans ces conditions, être le rôle des pays de l’Union africaine ?

N’y a-t-il pas eu un changement de position de la diplomatie française, sachant que, pour certains conflits, on disait qu’il fallait laisser les pays africains se débrouiller eux-mêmes et que l’on a marqué une certaine prudence vis-à-vis de la Tunisie et de la Côte d’Ivoire ? Ce changement ne risque-t-il pas d’être préjudiciable à l’émergence d’une solution politique, à laquelle doivent être associés les pays africains ?

Quel peut être enfin le rôle de l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, qui est peu connue, mais s’est réunie régulièrement avec des représentants de la Palestine et d’Israël ? Les pays du Sud demandent aujourd’hui que les parlements soient associés à ce dialogue, l’Union Pour la Méditerranée s’étant vue reprochée de s’appuyer essentiellement sur des relations entre États et non des membres de la société civile ou des élus.

M. Jean-Jacques Guillet. Lors d’une tribune récente dans Le Monde, vous avez appelé à ne pas oublier l’Iran. Ce pays a accru son intervention politique en Syrie ces dernières semaines, avec des conseillers des Gardiens de la révolution – même si l’ambassadeur d’Iran que j’ai rencontré dernièrement disait qu’il essayait de modérer son allié syrien. De même, ce pays interviendrait en Libye : la présence de membres importants de la force Al-Qods et des Gardiens de la révolution à Tripoli semble être un fait nouveau. Enfin, il fait pression sur le gouvernement égyptien pour renouer des relations interrompues à l’époque d’Anouar el-Sadate.

Comment interprétez-vous l’action de ce pays, sachant par ailleurs que le pouvoir iranien connaît en son sein une lutte d’influence très importante ?

M. le ministre d’État. Monsieur Gorce, j’ai déjà indiqué les raisons de la présence française en Afghanistan et je l’ai expliqué aux parents d’au moins trois soldats français. Nous sommes présents dans ce pays parce que le gouvernement afghan nous a demandé de faire prévaloir la démocratie contre le terrorisme, mais aussi pour ne pas laisser libre cours à celui-ci, ce qui conduirait à exposer la France, une des cibles prioritaires du terrorisme extrémiste d’Al-Qaida ou d’AQMI.

Par ailleurs, il est assez curieux que certains nous aient reproché de ne pas retirer nos troupes plus tôt et, lorsque nous le faisons, de le faire par suivisme ! Nous l’avons fait au bon moment, non pas par suivisme, mais parce que nous pensions que les conditions étaient réunies pour cela, que les progrès que nous avons réalisés dans la sécurisation de la Surobi – district que nous voulons transférer à l’armée afghane au cours de cette année – nous permettaient d’engager ce processus de retrait.

Je pense en effet que nous avons la défense de notre diplomatie. Aucun autre pays en Europe, à l’exception de la Grande-Bretagne, n’est capable de s’engager dans une opération telle que celle que nous menons en Libye. Depuis trois mois, des dizaines de sorties aériennes ont été réalisées au-dessus de ce pays et 30 à 40 % des frappes militaires auxquelles elles ont donné lieu ont été assumées par l’armée française.

Nous avons les moyens de le faire : ce n’est pas parce que quelques généraux à la retraite disent le contraire, en France comme en Grande-Bretagne, que cela est vrai. Ces opérations ont un coût, bien sûr, mais nous menons une politique de redéploiement. La force Licorne en Côte d’Ivoire, qui a atteint 1 700 militaires au plus fort de l’intervention, devrait être réduite à 300 ou 400 à la fin de cette année, ce qui nous permet de retirer plus d’un millier d’hommes. De même, nous sommes en train de discuter avec le Tchad un nouvel accord de coopération et nous avons lancé une réflexion sur le format de notre dispositif Épervier, fort de plus d’un millier d’hommes.

M. Jacques Myard. Il faut aussi prendre en compte les problèmes du Sahel…

M. le ministre d’État. Certes, mais il ne justifie peut-être pas un dispositif de cette importance. S’agissant de la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, la commission d’enquête tchadienne, d’après les indications que nous donne le gouvernement tchadien, poursuit son travail. Nous intervenons régulièrement et avons transmis au Parlement toute la correspondance de notre poste à N’Djaména sur cette affaire fin mai.

En ce qui concerne la Guinée équatoriale, je ne suis pas sûr qu’elle constitue un modèle de démocratie. Des efforts doivent encore être faits. Nous sommes prêts à aider ce pays au fur et à mesure qu’il progressera sur le chemin de la démocratie.

Cela étant, il faut aussi aider les pays qui se réforment pacifiquement. Je rappelle que nous avons invité au sommet de Deauville les présidents de Côte d’Ivoire, du Niger et de la République de Guinée pour manifester notre soutien à des régimes qui ont réussi leur transition démocratique dans de bonnes conditions.

Monsieur Boucheron, la Grande-Bretagne a estimé qu’elle n’avait pas à livrer de matériels aux populations du djebel Nefoussa et ne l’a pas fait, contrairement à nous – cette opération est d’ailleurs terminée.

Je n’ai aucune information permettant de dire que des cadres d’Al-Qaida se transfèrent vers AQMI, mais, au début de la crise, on ne peut exclure qu’il y ait eu des transferts d’armements entre la Libye et le Sahel.

Cela a eu peut-être un effet bénéfique, en provoquant une prise de conscience de tous les pays riverains du Sahel, notamment l’Algérie. Celle-ci s’est engagée dans un processus de coopération régionale avec la Mauritanie et le Niger – qui sont déterminés – ainsi que le Mali pour mener ensemble des opérations militaires contre la pénétration du terrorisme d’AQMI. La France apporte son soutien au travers de son système de renseignement et de formation. Mais il revient aux puissances sahéliennes de s’engager en première ligne, ce qu’elles font de façon plus volontariste depuis quelques mois.

S’agissant du G20, je rappelle qu’il s’agit d’une initiative de la France, prise sous l’impulsion du président Sarkozy face à la crise financière. Elle part du principe que l’on ne peut laisser en dehors de la gouvernance mondiale des pays tels que le Brésil, l’Inde, l’ensemble des pays émergents ou des représentants du monde arabe ou du continent africain. Cette instance, qui n’a naturellement pas vocation à se substituer aux Nations Unies ou au Conseil de sécurité, a son rôle à jouer dans tous les domaines économiques.

On progresse favorablement vers le sommet de Cannes. Bruno Le Maire a excellemment piloté les réunions sur les dossiers agricoles. L’idée de maîtriser les prix des matières premières, notamment agricoles, qui choquait au départ tous les libéraux de la planète – qui nous expliquaient que les marchés devaient décider – et celle d’une plus grande transparence sur les stocks – de façon à éviter les opérations de spéculation ou à maîtriser à cette fin les produits dérivés – ont été adoptées. Cet accord devrait nourrir les débats à Cannes.

Sur la politique européenne de voisinage, nous avons clairement dit et obtenu que les instruments financiers restent destinés pour les deux tiers au Sud de la Méditerranée et pour le tiers restant au Partenariat oriental.

Il est évident que la présidence polonaise attachera de l’importance à ce dernier – un sommet du Partenariat oriental est prévu fin septembre –, mais cela ne veut pas dire que la priorité accordée au Sud de la Méditerranée sera mise en cause.

Quant au Sénégal, c’est un pays ami, qui nous aide, notamment en Libye – le président Wade a clairement pris position pour le départ de Kadhafi . Le fait de se faire élire avec 25 % des voix et de ne pas engager certaines réformes fondamentales tenant compte des aspirations de la population aboutit toujours au même résultat. Nous avons dit, sans nous ingérer dans les affaires intérieures de ce pays, que cette réforme électorale n’avait pas été précédée d’une concertation suffisante parmi les forces politiques. D’ailleurs, le président Wade l’a retirée. Nous essayons là aussi de faire comprendre qu’au bout de nombreuses années de pouvoir – la question se pose dans d’autres pays africains –, une alternance politique est absolument nécessaire.

Monsieur Myard, l’évaluation des pertes civiles en Syrie est de l’ordre de 1 300 à 1 500 morts et, en Libye, d’au minimum 10 000, vraisemblablement beaucoup plus.

Je me réjouis par ailleurs de votre conversion soudaine à l’Europe de la défense ! Vous semblez en effet regretter que nous n’ayons pas de quartier général pour conduire les opérations européennes ni une politique de sécurité et de défense communes plus efficace…

Il est vrai que nous sommes en retard à cet égard. Dans la lettre des membres du Triangle de Weimar que nous avons adressée au Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, nous avons notamment demandé qu’il y ait en Europe un système de planification et de commandement. Lorsque nous sommes intervenus en Libye, il a fallu faire appel aux États-Unis puis à l’OTAN. Je cherche, pour ma part, à combler cette carence européenne.

La situation en Syrie a bien sûr des conséquences préoccupantes sur Israël. Il y a eu des incidents sur le plateau du Golan, sans doute manipulés par Damas. Nous faisons valoir cet argument auprès des autorités israéliennes et leur rappelons qu’elles sont dans un univers mobile et imprévisible, qui appelle à prendre des initiatives pour sortir du blocage actuel des négociations.

Monsieur Guibal, la Turquie veut jouer un rôle en Libye et nous en sommes d’accord. Elle peut avoir beaucoup d’influence dans la région ; elle a reconnu le CNT et elle organise à Istanbul le 15 juillet la prochaine réunion du Groupe de contact. Nous comptons beaucoup sur son soutien. Il est vrai que l’AKP, qui est le parti majoritaire, sert parfois de référence à nombre de pays, qui y voient un parti d’essence islamiste mais démocratique – en tout cas aujourd’hui.

Le projet d’Erasmus méditerranéen est toujours à l’ordre du jour. Nous essayons de le mettre au point dans le cadre de la politique de voisinage de l’Union européenne. On voit la différence d’approche avec l’office méditerranéen de la jeunesse : Erasmus est un système européen proposé aux pays du Sud, alors que cet office est un projet partagé, le principe même de l’UPM étant l’égalité de responsabilité, avec un secrétaire général venant du Sud et un siège situé au Nord. Au sein des instances dirigeantes de cette organisation, siègent de fait côte à côte un Israélien et un Palestinien.

Le dialogue « 5+5 » est certainement utile, sauf que dans les « 5 » du Sud figure la Libye ; le dialogue est donc un peu en sommeil pour l’instant.

Monsieur Bascou, nous n’avons pas cherché à écarter l’Union africaine. Nous l’avons même invitée dès le départ dans les réunions du Groupe de contact. Le problème est qu’elle est divisée. En son sein, certains chefs d’État et de gouvernement souhaitent et ont dit que Kadhafi devait partir, alors que d’autres ont eu à cet égard, au moins au départ, une attitude différente.

Aujourd’hui, les choses ont évolué. Dans l’Union africaine, on ne se demande plus si Kadhafi doit partir, mais quand et comment. On recherche le moyen de lui permettre de le faire dans la dignité. Nous sommes ouverts à toute suggestion, mais nous disons clairement que Kadhafi doit s’écarter du processus politique de construction de la nouvelle Libye.

Je rappelle que dès le départ, trois pays africains ont voté en faveur de la résolution 1973 : l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Gabon.

Quant à l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, elle a certainement un rôle à jouer. Elle se réunit régulièrement et peut prendre des initiatives décisives pour mobiliser les opinions publiques et les peuples.

Monsieur Guillet, notre souhait est que l’Iran ne joue plus un rôle négatif dans l’ensemble du Proche-Orient et du Moyen-Orient.

D’abord, l’Iran continue à exercer une répression très sévère contre tous les partis d’opposition – les principaux opposants sont en résidence surveillée ou en prison – et tous ceux qui veulent exprimer leur aspiration à la liberté.

De plus, son rôle apparaît néfaste au Liban dans son soutien au Hezbollah et en Palestine dans celui apporté au Hamas. On met aussi en cause son intervention à Bahreïn, selon les autorités de ce pays. Cet interventionnisme est très préoccupant.

Je n’ai en revanche pas d’information sur une éventuelle présence iranienne à Tripoli.

L’Iran est incertain face au printemps arabe. Sa ligne de conduite est avant tout de savoir quelles sont les communautés en cause. Certains de mes amis des pays de la région me disent que nous sous-estimons en Europe la guerre de religions existant sur place entre chiites et sunnites, laquelle explique souvent l’intervention de cet État, autant que les considérations géopolitiques.

Enfin, la France reste extrêmement ferme et souhaite une attitude dure de la communauté internationale vis-à-vis de l’accès de l’Iran à l’arme nucléaire. Cet accès constituerait un véritable séisme politique pour l’ensemble de la région. Nous sommes déterminés à tout faire, par le dialogue, voire par des sanctions accrues – celles-ci commencent à produire des effets sur la situation en Iran –, pour dissuader ce pays de continuer à vouloir accéder à cette arme.

Mme Martine Aurillac, présidente. Merci, monsieur le ministre d’État, pour ce tour d’horizon précis et intéressant.

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Information relative à la commission

En application de l’article 4 du décret n° 2011-212 du 25 février 2011, la commission a désigné, au cours de sa réunion du mardi 5 juillet 2011, M. Jean-Paul Bacquet et Mme Henriette Martinez pour siéger au conseil d’administration de France expertise internationale.

La séance est levée à dix-neuf heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 5 juillet 2011 à 17 h 30

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Jacques Bascou, M. Christian Bataille, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Chantal Bourragué, M. Hervé de Charette, M. Jean-Louis Christ, M. Dino Cinieri, M. Gilles Cocquempot, Mme Geneviève Colot, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Michel Ferrand, M. Alain Ferry, Mme Marie-Louise Fort, M. Gaëtan Gorce, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Jean-Jacques Guillet, M. Serge Janquin, M. Didier Julia, M. Jean-Paul Lecoq, M. Robert Lecou, M. Lionnel Luca, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. Jean-Marc Roubaud, Mme Odile Saugues, M. Dominique Souchet, M. Michel Vauzelle, M. Gérard Voisin, M. Éric Woerth

Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Patrick Balkany, M. Claude Birraux, M. Alain Bocquet, M. Loïc Bouvard, M. Alain Cousin, M. Michel Destot, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean-Paul Dupré, M. Jean Glavany, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean-Pierre Kucheida, M. François Loncle, Mme Henriette Martinez, M. Jean-Claude Mignon, M. Éric Raoult, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Michel Terrot

Assistait également à la réunion. - M. Daniel Garrigue