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Commission des affaires étrangères

Mardi 15 novembre 2011

Séance de 16 h 45

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Axel Poniatowski, président

– Doubles impositions : avenant à la convention avec l’île Maurice (n° 3877), avenant à la convention avec l’Arabie Saoudite (n° 3878), avenant à la convention avec l’Autriche (n° 3879) – M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur

Doubles impositions : avenant à la convention avec l’Ile Maurice (n° 3877), avenant à la convention avec l’Arabie Saoudite (n° 3878), ratification de l’avenant à la convention avec l’Autriche (n° 3879)

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

La commission examine, sur le rapport de M. Jean-Paul Bacquet, le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’île Maurice tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 3877), le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Arabie Saoudite en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu, sur les successions et sur la fortune (n° 3878), et le projet de loi autorisant la ratification de l’avenant à la convention entre la République française et la République d’Autriche en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune (n° 3879).

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Notre Commission est aujourd’hui saisie de nouveaux accords relatifs à l’échange de renseignements en matière fiscale. Il s’agit de trois avenants aux conventions fiscales signées avec l’Arabie Saoudite, l’Autriche et l’Île Maurice, que nous examinons dans un rapport commun.

Avant d’entrer dans le détail des dispositions de ces textes, laissez-moi tout d’abord vous présenter quelques éléments de contexte.

Comme vous le savez, la transparence fiscale et la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales sont devenues ces dernières années des priorités de la communauté internationale. Je vous rappelle qu’en France, la dernière estimation du Conseil des prélèvements obligatoires évaluait de 29 à 40 milliards d’euros le coût de la fraude fiscale par an. L’OCDE joue un rôle particulier dans ce combat en encourageant la signature d’accords bilatéraux et met à disposition des Etats un modèle de convention, dont l’article 26 porte sur les échanges de renseignements fiscaux. Elle a par ailleurs actualisé les listes des paradis fiscaux. Aujourd’hui, seules cinq juridictions apparaissent en liste grise : Montserrat, Nauru, Niue, Guatemala et Uruguay, et aucune en liste noire.

La signature de ces trois avenants constitue un progrès important, même si ces trois pays présentent des caractéristiques différentes.

Tout d’abord, l’Arabie Saoudite est membre du G20 et sa participation à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est une avancée importante. A ce jour, le pays n’a pas encore été évalué par le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Le lancement de la première phase devrait avoir lieu d’ici la fin 2011 et la deuxième phase est prévue pour le premier semestre 2014.

D’un point de vue financier, le risque est faible qu’une partie des 257,31 milliards de dollars déposés dans les 21 établissements bancaires saoudiens soit directement issue de l’évasion fiscale, du fait du contrôle exigeant et régulier exercé par la banque centrale. En revanche, l’étude d’impact du Gouvernement cite l’estimation de l’organisation non gouvernementale Global Financial Integrity qui chiffre à 33,5 milliards de dollars le coût des surfacturations illégales de certaines multinationales à destination du Royaume pour minimiser leurs bénéfices dans des pays à pression fiscale plus élevée.

La France a pris l’initiative de proposer une renégociation de la convention fiscale de 1982 et les deux parties ont convenu d’y inclure en priorité un article instituant un échange de renseignements en matière fiscale. Tel est l’objet de l’avenant proposé, signé le 18 février 2011.

Deuxième pays concerné par ce rapport, l’Autriche est un membre de l’Union européenne traditionnellement rétif à l’échange de renseignements, mais dont la position évolue sensiblement. L’Autriche a en effet longtemps eu une conception très stricte du secret bancaire. Elle a par exemple fait le choix de recourir au régime dérogatoire de prélèvement à la source prévu par la directive épargne de l’Union européenne plutôt que de participer à l’échange de renseignements avec les autres Etats de l’Union.

Elle était d’ailleurs inscrite sur la liste grise de l’OCDE avant d’accepter en 2009 de lever ses réserves sur le paragraphe 5 de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE précité. Ce paragraphe 5 empêche l’Etat de refuser une demande de renseignements si ces derniers sont détenus par une banque ou un autre établissement financier. L’Autriche a fait voter une réforme de sa législation interne pour être en mesure de transmettre les informations demandées par un autre Etat.

Les stipulations de la convention fiscale avec l’Autriche sont à ce jour très restrictives en matière d’échanges de renseignements et nécessitent une mise en conformité avec les standards les plus récents auxquels l’Autriche s’est donc finalement ralliée. Le volume d’échanges de renseignements fiscaux entre nos deux pays est très réduit : la France a adressé 3 demandes en 2009 et 6 en 2010. Elle a été sollicitée 3 fois en 2009 et 20 fois en 2010. Cette augmentation significative des demandes autrichiennes concerne des vérifications de contrats d’assurances françaises signées par des personnes physiques ou morales autrichiennes. La signature de cet avenant le 23 mai 2011 représente donc une avancée dont nous pouvons nous féliciter.

Enfin, l’Ile Maurice est une économie orientée vers les services financiers, qui représentent le deuxième pilier de l’économie de l’île avec 11% du PIB. Les fonds gérés par 19 banques s’élèveraient à 100 milliards de dollars. Les liens de la France avec Maurice sont particulièrement étroits puisque nous sommes le premier partenaire économique et commercial du pays. La communauté française à l’Ile Maurice est forte de 10 000 personnes et 50 000 Mauriciens vivent en France. Le rapport d’évaluation du Forum mondial de l’OCDE a constaté la mise en place d’une nouvelle législation mauricienne favorisant l’échange d’informations, avec l’entrée en vigueur d’une modification de la loi relative aux impôts sur les revenus en juillet 2009. Cette réforme est évidemment la conséquence du changement de contexte international, alors que le risque d’évasion fiscale n’est pas négligeable avec cet Etat à fiscalité avantageuse. L’Île Maurice a fait part de sa volonté de renforcer sa coopération avec des partenaires européens et un dialogue a été ouvert avec la France en décembre 2008. L’avenant à la convention a été signé le 23 juin 2011.

J’en viens maintenant aux dispositions des avenants qui nous sont soumis. Dans le cas de l’Arabie Saoudite, il s’agit de créer le mécanisme d’échange de renseignements, inexistant dans la convention actuelle. Pour l’Autriche et l’Ile Maurice, les avenants mettent en conformité les dispositifs existants avec les derniers standards de l’OCDE. Ils reprennent fidèlement l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE.

Comme vous le savez, cet article établit une obligation d’échanger des renseignements, qui sont vraisemblablement pertinents pour l’application correcte d’une convention fiscale ainsi que pour la gestion et l’application des législations fiscales nationales des Etats contractants. Les Etats requérants doivent démontrer la pertinence prévisible des renseignements demandés en formulant leurs demandes. En outre, l’Etat requérant doit avoir eu recours à tous les moyens dont il dispose dans le cadre national pour se procurer les informations demandées, sauf lorsque cela donnerait lieu à des difficultés disproportionnées.

Le paragraphe 2 de cet article prévoit la confidentialité des informations.

Trois limites sont posées à l’obligation d’échange de renseignements au paragraphe 3 de l’article 26 : elle n’impose pas à un Etat de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l’autre Etat contractant, de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre Etat, et enfin de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public.

Le paragraphe 4 précise qu’un Etat ne peut refuser une demande de renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présentent pas d’intérêt pour lui dans le cadre national et doit donc utiliser les pouvoirs dont il dispose pour les obtenir.

Enfin, le paragraphe 5 stipule qu’un Etat ne peut faire obstacle à la transmission de renseignements au motif que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne.

Les renseignements pourront concerner toute personne ou entité et porter sur tous les renseignements vraisemblablement pertinents pour la détermination, l’établissement et la perception des impôts, pour le recouvrement et l’exécution des créances fiscales sur les personnes soumises à ces impôts ou pour les enquêtes et poursuites en matière fiscale et pénale.

Par ailleurs, les avenants avec l’Arabie Saoudite et l’Autriche permettent, sous réserve que les lois des deux pays et que l’Etat qui transmet le renseignement l’autorisent, l’utilisation des renseignements à des fins autres que fiscales, par exemple pour la lutte contre le blanchiment de capitaux, la corruption ou le financement du terrorisme.

Les avenants avec l’Autriche et l’Ile Maurice contiennent la précision supplémentaire que chaque partie s’engage à « prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre ».

Enfin, l’avenant signé avec l’Autriche comporte également un protocole additionnel qui précise, en conformité avec le modèle de l’OCDE et ses commentaires, les modalités de l’échange et notamment le fait que la mention de « vraisemblablement pertinents » a pour but d’interdire la « pêche aux renseignements ».

Il convient de noter que les demandes de renseignements avec l’Autriche pourront remonter au 1er janvier 2011 et l’avenant aura donc un effet rétroactif. Les avenants avec l’Arabie Saoudite et l’Ile Maurice seront eux applicables au 1er janvier 2012, une fois entrés en vigueur. Les entrées en vigueur se feront le premier jour du mois suivant la dernière des notifications de ratification pour l’Autriche ou du deuxième mois suivant cette notification pour les deux autres pays.

Il n’existe pas de processus de ratification en tant que tel en Arabie Saoudite. L’autorisation donnée lors du Conseil des ministres du 5 juillet 2010 de signer un accord international vaut ratification. La partie saoudienne n’a pour autant pas officiellement procédé à la notification. La notification par l’Autriche n’est pas non plus intervenue. Il conviendra de veiller à ce que le gouvernement autrichien ne diffère pas excessivement les procédures, incité qu’il pourrait l’être par les développements de la proposition dite Rubik. L’Île Maurice a en revanche notifié l’achèvement de ses procédures internes par une note verbale datée du 22 septembre 2009.

La signature de ces trois avenants représente un progrès. Ils permettront sans aucun doute à l’administration fiscale de disposer de renseignements utiles par le mécanisme des échanges de renseignements. La démarche consistant à améliorer la transparence fiscale doit être soutenue. C’est pourquoi je vous propose d’adopter ces trois projets de loi.

M. Jean-Claude Guibal. Ma question concerne l’avenant signé avec l'Arabie Saoudite. Quelle est l'importance de la communauté française en Arabie Saoudite et le nombre de personnes qui seraient concernées ? Le processus de ratification ne dépend-il que de l'exécutif ou le conseil consultatif intervient-il ?

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Comme je l’ai indiqué, il n’existe pas de processus de ratification en tant que tel en Arabie Saoudite. L’autorisation donnée lors du Conseil des ministres du 5 juillet 2010 de signer un accord international vaut ratification. Concernant les intérêts français en Arabie saoudite, 60 entreprises françaises employant 20 000 salariés y sont établies et 4 774 Français y étaient immatriculés fin 2010.

M. Serge Janquin. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce type de conventions. Elles constituent des progrès mais comportent aussi des limites et présentent donc un caractère inabouti. Je m'interroge sur la force juridique de l'expression « renseignements vraisemblablement pertinents ». Pourriez-vous m’en donner une explication ? Je me suis aussi demandé pourquoi l’avenant à la convention conclue avec l'Ile Maurice était signé par l'Ambassadeur et des autorités de second rang à l'Ile Maurice.

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Les Etats requérants doivent démontrer la pertinence prévisible des renseignements demandés en formulant leurs demandes. Il faut cerner les éléments utiles, motiver la demande et démontrer la pertinence prévisible des renseignements demandés. L’Etat demandeur doit aussi avoir eu recours à tous les moyens dont il dispose dans le cadre national pour se procurer les informations demandées avant de présenter une demande. Bien entendu, l’efficacité de la procédure repose sur une volonté de coopération partagée.

Mme Martine Aurillac. S'agissant de la convention avec l'Autriche et de l'évasion fiscale, peut-on avoir une idée des montants en jeu, bien qu’il soit toujours difficile de les évaluer ?

M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur. Je ne dispose pas de chiffres sur les montants en jeu dans les demandes de renseignements ayant été déposées, mais le nombre de ces demandes est limité du fait du caractère aujourd’hui restrictif de la clause d’échange de renseignements. La France a adressé 3 demandes en 2009 et 6 en 2010. Elle a été sollicitée 3 fois en 2009 et 20 fois en 2010.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification les projets de loi (n°s 3877, 3878 et 3879).

La séance est levée à dix-sept heures.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 15 novembre 2011 à 16 h 45

Présents. - Mme Martine Aurillac, M. Jean-Paul Bacquet, M. Christian Bataille, M. Jean-Michel Boucheron, M. Alain Cousin, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Paul Dupré, Mme Marie-Louise Fort, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Claude Guibal, M. Serge Janquin, M. François Loncle, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski

Excusés. - M. Claude Birraux, Mme Chantal Bourragué, Mme Danielle Bousquet, M. Jean-Pierre Dufau, M. Jean Grenet, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Jacques Remiller, M. François Rochebloine, M. Michel Vauzelle