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Comité d’évaluation et de contrôle, des politiques publiques

Jeudi 3 décembre 2009

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Bernard Accoyer, Président

– Discussion du programme de travail du Comité, prévu par l’article 146-3 du Règlement, pour la session ordinaire 2009-2010 ;

– Point d’étape sur les thèmes des aides aux quartiers défavorisés et des autorités administratives indépendantes ;

– Propositions d’inscription à l’ordre du jour de la semaine de contrôle du 26 au 29 janvier 2010 ;

– Communications du Président.

COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Jeudi 3 décembre 2009, Hôtel de Lassay

Présidence de M. Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale,

président du Comité

La séance est ouverte à onze heures.

Point d'étape sur les thèmes des aides aux quartiers défavorisés et des autorités administratives indépendantes

M. le Président Bernard Accoyer. Nous abordons aujourd’hui les questions de fond. J’ai en effet demandé aux rapporteurs de l’étude sur les aides aux quartiers défavorisés et à ceux de l’étude sur les autorités administratives indépendantes de nous présenter un point d’étape de leurs travaux.

En ce qui concerne les aides aux quartiers défavorisés, nos deux rapporteurs sont François Goulard et François Pupponi, qui ne sont pas membres du CEC. Comme, en raison d’autres obligations, ils ne peuvent participer à l’intégralité de notre réunion, je leur donne immédiatement la parole, si personne n’y voit d’inconvénient.

M. François Goulard, co-rapporteur pour les aides aux quartiers défavorisés. Notre groupe de travail a déjà commencé ses travaux, au rythme d’une réunion hebdomadaire, le mardi matin.

Je préciserai tout d’abord le champ de notre évaluation. Par « aides aux quartiers défavorisés », nous n’avons pas voulu entendre les seules mesures relevant, dans la définition des politiques publiques, de la mission budgétaire « Politique de la ville », mais l’ensemble des interventions publiques en faveur des quartiers défavorisés.

Par ailleurs, les acceptions de la notion de « quartier défavorisé » varient suivant les textes et les politiques concernées ; peuvent notamment entrer dans cette catégorie les zones urbaines sensibles (ZUS), les quartiers faisant l’objet de contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), les zones franches urbaines (ZFU), ou les zones de redynamisation urbaine (ZRU). Nous avons donc retenu la définition la plus large possible, afin de ne pas être tributaires de catégories administratives par trop limitatives.

Notre mission consiste bien entendu à évaluer la politique de l’État, mais, en l’occurrence, celle-ci est inséparable des politiques locales, les actions en faveur des quartiers défavorisés faisant généralement l’objet d’un accord entre l’État et les collectivités territoriales. Pour cette raison, nous avons opté pour une évaluation de l’ensemble des actions publiques.

Enfin, François Pupponi a insisté pour que soient également examinées les dotations de l’État aux collectivités territoriales, comme la dotation globale de financement (DGF) et la dotation de solidarité urbaine (DSU).

S’agissant de la méthode, nous avons commencé les auditions, qui seront sans doute nombreuses. Nous avons prévu de nous rendre en janvier dans certains quartiers, notamment là où des opérations de rénovation urbaine sont, sinon achevées, du moins bien avancées. Nous souhaiterions également faire quelques déplacements à l’étranger, afin d’observer la politique d’autres pays européens en la matière, notamment celles des Pays-Bas et de la Suède, confrontés à des problèmes comparables aux nôtres.

Un point pose aujourd’hui problème : pouvons-nous, oui ou non, bénéficier de l’assistance de la Cour des comptes ?

Les commissions des finances des deux assemblées demandent de plus en plus souvent des rapports à la Cour, au titre de l’article 58-2 de la loi organique, et ces travaux nous apportent une aide précieuse pour notre mission de contrôle.

Quant au CEC, le Premier président de la Cour des comptes s’était engagé, dans un premier temps, à l’assister dans sa mission d’évaluation, nonobstant l’absence de texte en ce sens. Il ressort des échanges que nous avons pu avoir avec Mme Claire Bazy-Malaurie, présidente de chambre, déléguée par la Cour à cet effet, que la position de son Premier président semble maintenant sensiblement plus en retrait puisqu’il estimerait qu’une loi doit prévoir explicitement l’intervention de la Cour dans ce cas de figure. Or, si un projet de loi portant réforme des juridictions financières a bien été déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale, nous ignorons quand il sera examiné et quand la loi sera promulguée. Il serait pourtant utile de pouvoir faire appel à la Cour des comptes pour mener à bien nos évaluations.

M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques. Lors des précédentes réunions du CEC, nous avions souligné que les évaluations devraient porter sur des politiques transversales, relevant de la compétence de plusieurs commissions. Je me réjouis donc qu’au-delà de la politique de la ville – laquelle concerne spécifiquement une commission –, nos rapporteurs aient décidé d’étudier l’ensemble des politiques publiques à destination des quartiers défavorisés.

S’agissant de la Cour des comptes, des engagements avaient été pris de manière claire. Il conviendrait de demander des précisions au Premier président, afin de lever l’équivoque, car je ne pense pas que sa position soit si tranchée. Compte tenu de la qualité des magistrats de la Cour, leur soutien nous est nécessaire.

M. Olivier Carré, suppléant le président du groupe UMP. Je salue moi aussi l’adoption d’une démarche transversale ; à cet égard, je souligne que les problématiques de sécurité jouent un rôle fondamental dans l’évolution des territoires concernés.

Par ailleurs, en sus des magistrats de la Cour des comptes, envisagez-vous de faire appel à des cabinets extérieurs ?

M. le Président Bernard Accoyer. La création du Comité d’évaluation et de contrôle n’avait pas enthousiasmé la Cour des comptes. Puis nous avons tout de même obtenu un accord de principe de sa part. Aujourd’hui, certains de ses membres préféreraient attendre l’adoption du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé sur le bureau de l’Assemblée.

Compte tenu de ces aléas, efforçons-nous d’être pragmatiques et commençons à travailler avec les moyens dont nous disposons. Les bonnes volontés pourront nous rejoindre ultérieurement. En attendant, je demande à François Goulard et François Pupponi de poursuivre leur mission.

M. Didier Migaud, président de la Commission des finances. Je signale que, en vertu des dispositions de la loi organique, j’ai transmis au Premier président de la Cour des comptes, en tant que président de la Commission des finances, une demande des rapporteurs du Comité sur le thème des autorités administratives indépendantes, de façon à ce qu’ils puissent avoir connaissance de certains rapports intéressants pour les travaux qu’ils doivent mener. Ce point devrait être bientôt résolu.

M. François Pupponi, co-rapporteur pour les aides aux quartiers défavorisés. Notre premier travail consistera à recenser les aides existantes, qu’elles soient versées par l’État ou par les collectivités territoriales, voire par l’Union européenne, et de dresser la liste des territoires concernés.

Par ailleurs, sous réserve de disposer des ressources financières nécessaires, nous souhaitons faire appel à des cabinets extérieurs, en effet, mais aussi à des universitaires, pour l’évaluation, comme pour les questions de finances publiques. Ainsi, l’Université de Rennes ayant déjà beaucoup travaillé sur la péréquation, il serait profitable de s’appuyer sur ses travaux.

M. le Président Bernard Accoyer. Messieurs les rapporteurs, au nom du Comité, je vous remercie de cet excellent travail.

En ce qui concerne les autorités administratives indépendantes, René Dosière, co-rapporteur pour l’opposition, est membre du CEC ; l’autre co-rapporteur, Christian Vanneste, qui représente la majorité, n’est pas membre du Comité et il n’a pas pu se libérer ce matin en raison d’un engagement pris de longue date.

Le thème des autorités administratives indépendantes a été évoqué dans l’hémicycle à plusieurs reprises récemment, notamment à propos de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et lors de la discussion d’amendements visant à réduire les crédits d’un certain nombre d’entre elles. L’étude du CEC permettra de prendre des décisions budgétaires en connaissance de cause, sur le fondement d’une évaluation de leur activité et de leur gestion.

M. René Dosière, co-rapporteur pour les autorités administratives indépendantes. Christian Vanneste et moi-même avons déjà tenu deux séances de travail. En outre, nous avons organisé, hier, la première réunion de notre groupe de travail, qui comprend deux représentants de cinq commissions, ainsi que deux membres du Comité, soit au total douze membres. Notre calendrier de travail a été arrêté, et nous souhaitons rendre notre rapport d’ici à la fin du mois de juin.

Nous commencerons par recenser les différentes autorités administratives indépendantes, en précisant leur origine et leur mode de fonctionnement. Pour ce faire, nous avons adressé un premier questionnaire commun à chacune d’entre elles.

Par ailleurs, nous procéderons à l’évaluation approfondie d’une dizaine d’autorités, représentatives des domaines de compétence des différentes commissions. Dans le champ des finances, nous auditionnerons les responsables du Trésor, du Budget et des différentes autorités qu’un projet d’ordonnance prévoit actuellement de regrouper. Pour le reste, à ce stade, nous avons prévu de nous intéresser plus particulièrement à l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, à l’Autorité de sûreté nucléaire, à la Commission d’accès aux documents administratifs, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à la Commission nationale du débat public, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, à la Haute Autorité de santé et au Médiateur du cinéma.

Cette liste pourra évoluer en fonction des demandes, mais l’objectif est de définir des critères d’évaluation applicables aux différentes autorités, dans le cadre d’un éventuel contrôle annuel, dont les résultats pourraient être rendus publics.

Le groupe de travail se réunira tous les jeudis jusqu’au mois de juin. La première audition aura lieu le 17 décembre.

Dans la mesure où il ne s’agit pas d’une commission d’enquête, nous avons retenu le principe que les auditions ne seraient pas systématiquement publiques et qu’elles ne feraient pas systématiquement non plus l’objet d’un compte rendu exhaustif, à moins que la personnalité invitée ne le justifie.

M. Didier Migaud. Ce qui fait l’intérêt du CEC, c’est ce qu’il apporte par rapport au travail des commissions permanentes. Plusieurs autorités administratives indépendantes correspondent a priori au champ de compétence, pour leur contrôle et leur suivi, d’une commission permanente, qu’il s’agisse de la Commission des affaires économiques, de la Commission des finances ou de la Commission des lois, par exemple.

Le CEC, quant à lui, doit dégager des principes communs d’évaluation, susceptibles de s’appliquer à toutes les autorités, et engager une réflexion sur le nombre, la nature et l’objet de ces multiples autorités administratives, ainsi qu’une comparaison entre la situation française et celle d’autres pays.

Nous sommes plusieurs à penser que le nombre d’autorités administratives indépendantes est excessif, et que cela conduit au démembrement de la puissance publique. Mettre en place une telle entité est souvent une solution de facilité : quand il y a un problème, on crée une autorité administrative indépendante. Dans le cadre du « Grand emprunt », on prévoit ainsi la création de plusieurs agences nouvelles. Ce foisonnement finit par être coûteux.

Il faut donc veiller à prendre en compte la dimension transversale du sujet.

M. Louis Giscard d’Estaing. M. le Président m’a désigné pour représenter l’Assemblée nationale au Comité législatif de la législation et de la réglementation financières, mon suppléant étant M. Jean-Pierre Balligand.

Dans ce cadre, j’ai assisté hier après-midi, à Bercy, à une réunion consacrée au projet d’ordonnance visant à créer une nouvelle autorité administrative indépendante, résultant de la fusion de la Commission bancaire et de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles ; cette orientation résulte du sommet de Pittsburgh et de la volonté d’organiser la régulation de ces différents secteurs d’activité par une même autorité. Cette opération de rapprochement méritera un examen attentif. J’observe d’ailleurs que, pour l’instant, la question du financement de cette nouvelle autorité n’a pas été évoquée, si ce n’est par l’intermédiaire d’une taxe versée par la profession, et dont celle-ci accepte apparemment le principe.

Je tenais à vous faire part du fait que j’ai suggéré qu’un représentant de l’Assemblée nationale et un représentant du Sénat siègent au collège de cette autorité nouvelle unique. Pour l’heure, cette proposition n’a recueilli l’approbation ni du ministère chargé des finances, ni du représentant du Conseil d’État ; toutefois, je reconnais qu’elle pourrait poser un problème de principe.

M. Olivier Carré. Dans le cadre d’une réflexion transversale, il convient de distinguer clairement les agences et les autorités, car leurs missions ne sont pas les mêmes.

Il faut également réfléchir à la valeur juridique des décisions prises par les autorités administratives. Par exemple, un certain nombre de sanctions décidées par la Commission des opérations de bourse, puis par l’Autorité des marchés financiers, ont été revues à la baisse à la suite de recours devant le Conseil d’État. L’écart est parfois important entre la sanction initiale et la décision définitive, après le recours : il faudrait que le législateur soit éclairé sur ce point.

M. Jean-Jacques Urvoas. Un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, présenté par le sénateur Patrice Gélard en 2006, soulignait la grande imprécision de la définition des autorités administratives indépendantes. Selon quels critères votre liste a-t-elle été arrêtée ?

Il faudrait que le travail mené sur quelques organismes conduise à une réflexion globale, voire à la remise en cause du principe même de l’autorité administrative indépendante : le présent n’engage pas l’avenir. À cet égard, l’exemple de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) est instructif : à sa création, c’était une autorité administrative indépendante sans pouvoir de sanction administrative, elle est devenue une structure quasi-juridictionnelle ; il semble que, en raison de ce changement de statut, le futur Défenseur des droits ne pourra pas l’absorber !

M. le Président Bernard Accoyer. Certaines autorités pourraient être tentées de suivre cette voie, ce qui risque d’entraîner une multiplication des juridictions, et une augmentation de la dépense publique.

M. Jean Mallot. L’exemple de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) illustre parfaitement ces problèmes de périmètre. En effet, l’AFSSAPS est un établissement public et n’entre donc pas dans la catégorie des autorités administratives indépendantes, bien qu’elle délivre des autorisations de mise sur le marché – ce qui va dans le sens du démembrement de la puissance publique –, d’une manière que nous espérons indépendante. Il me paraît donc souhaitable de l’inclure dans le champ de notre réflexion, de manière à vérifier si son statut garantit effectivement la compétence et l’indépendance qui doivent en être attendus.

S’agissant des auditions, il me paraît nécessaire de s’interroger sur leur caractère public ainsi que sur la nature du compte rendu. La MECSS, confrontée au même problème, a en général opté pour des auditions publiques et pour des comptes rendus exhaustifs, ce qui facilite considérablement notre travail. Sans vouloir ériger cette méthode en règle absolue, il serait bon, monsieur le Président, d’anticiper d’éventuels besoins en personnel et en salles de réunion adaptées.

M. le Président Bernard Accoyer. La réforme des services – en particulier la réforme des comptes rendus et la fusion des archives et de la bibliothèque – nous a permis de dégager d’importants moyens en personnel. Toutefois, nous étions convenu de ne pas instituer des modalités de fonctionnement trop lourdes pour les travaux du Comité. Les auditions seront enregistrées, mais les comptes rendus devront être synthétiques. Ne fabriquons pas une nouvelle « usine à gaz » ! Par ailleurs, le dispositif pourra toujours été adapté aux demandes spécifiques.

Mme Catherine Lemorton. À la suite du rapport sur le médicament, de nombreux acteurs du secteur de santé ont émis des doutes sur l’indépendance de l’AFSSAPS. Celle-ci étant en partie financée par des taxes perçues par l’État sur l’industrie pharmaceutique, le contrôleur est en partie financé par le contrôlé. Il serait pertinent d’intégrer cet organisme dans notre champ d’étude, de manière à infirmer, ou confirmer, ces doutes.

M. le Président Bernard Accoyer. L’AFSSAPS n’est pas une autorité administrative indépendante. En revanche, elle entre dans le champ de compétence de la commission des affaires sociales, qui peut, si elle le souhaite, évaluer son activité.

M. Guy Geoffroy. La définition des autorités administratives indépendantes étant imprécise et leur périmètre d’intervention incertain, nous sommes amenés à nous interroger sur la pertinence de certaines d’entre elles.

Il me semble que leur multiplication relève, comme celle des rapports et des commissions, d’un « syndrome de l’échappatoire » : quand le Gouvernement ou le Parlement ne souhaite pas s’emparer d’un sujet, il « botte en touche », ce qui ne semble pas très sain.

L’étude du CEC ne pourrait-elle pas déboucher sur la définition des conditions à réunir pour que, en recourant à une forme de subsidiarité, l’on crée une autorité qui apporte véritablement une valeur ajoutée aux pouvoirs constitués fonctionnant sous une forme administrative plus classique, qu’il s’agisse de l’exécutif, du législatif ou du judiciaire ?

Nous aurions besoin d’une telle liste pour nous prononcer sur le bien-fondé de chacune des autorités.

M. Claude Goasguen. Pourquoi ne pas prévoir des auditions publiques ? De tels sujets transversaux qui, sans faire l’objet d’une commission d’enquête, sont suffisamment préoccupants pour que l’Assemblée y consacre du temps, mériteraient davantage de publicité, afin d’appeler l’attention de l’opinion sur eux. Il ne faudrait pas que nos rapports finissent au fond d’un tiroir !

M. René Dosière. Nous avons décidé de partir de la situation actuelle et nous nous sommes donné comme objectif de définir, à la fin de nos travaux, les caractéristiques que devrait revêtir toute autorité administrative indépendante pour justifier le choix de ce statut.

Nous avons considéré que, notre but étant de procéder à une évaluation et d’arrêter des critères s’appliquant à toutes les autorités, l’audition publique systématique n’était pas la meilleure méthode. Nous souhaitons en effet aborder des aspects techniques, qui n’intéressent pas nécessairement le grand public. Notre objet n’est pas l’audition en soi, mais la mise au point d’indicateurs. Dans cette perspective, la publicité s’imposera pour le rapport plutôt que pour chaque audition. De même, le choix entre compte rendu intégral ou notes synthétiques se fera au cas par cas.

Soyez en tout cas assurés que nous serons particulièrement attentifs aux aspects juridictionnels.

Ce qui nous importe, c’est le résultat : à savoir, que nous puissions juger du bien-fondé de l’existence d’une autorité dans tel ou tel secteur. À cet égard, la comparaison avec quelques exemples étrangers, comme celui du Québec, nous aiderait à définir ce que devrait être une vraie autorité administrative indépendante. Notre but est de lutter contre la multiplication injustifiée de telles structures.

M. le Président Bernard Accoyer. Je rappelle que notre méthode de travail consiste à laisser une grande marge de manœuvre aux rapporteurs. Pour être efficaces, l’évaluation et le contrôle requièrent de la souplesse – d’autant plus que nous sommes encore en période d’installation.

M. Claude Goasguen. S’agissant de la publicité des auditions, je ne suis pas d’accord avec René Dosière. Tout d’abord, je doute qu’un rapport issu d’une longue enquête confidentielle soit très attractif pour l’opinion. Notre mission est de mettre au jour des problèmes et de provoquer des débats. En l’occurrence, il ne me semblerait pas inutile d’associer la presse à l’étude de questions qui, actuellement, lui échappent.

Ensuite, pour avoir été par le passé inspecteur général et pour avoir exercé des responsabilités d’autorité au sein de la fonction publique, je peux vous dire qu’aux yeux d’un haut fonctionnaire, un rapport n’a pas le même poids qu’une audition publique. Les inspecteurs généraux rédigent des rapports à longueur de temps, sans guère d’efficacité. Dans le cas d’un directeur d’administration centrale, qui a l’habitude du secret, l’audition publique est beaucoup plus contraignante. C’est même le seul moyen d’aboutir à un véritable résultat : une intervention directe du ministre a moins de poids !

Sauf cas particuliers, qui relèvent plutôt des commissions d’enquête, la publicité des débats me paraît constituer un atout non négligeable.

M. le Président Bernard Accoyer. Compte tenu de la marge de manœuvre laissée aux co-rapporteurs, votre appréciation n’est pas en contradiction avec celle de M. Dosière.

Par ailleurs, je souhaite que, comme le permet notre règlement, lors des semaines réservées au contrôle, les rapports du CEC fassent l’objet de débats dans l’hémicycle, en présence des ministres, et que nous demandions à ceux-ci de revenir six mois après, afin d’examiner les suites qu’ils auront données à nos recommandations.

M. Didier Migaud. Je crois qu’il faut faire preuve de souplesse : parfois, la publicité est utile ; parfois, elle peut être un frein. Quoi qu’il en soit, les responsables des autorités administratives indépendantes peuvent difficilement être assimilés à de hauts fonctionnaires !

L’important n’est pas tant le rapport lui-même que ce que l’on en fait. Il ne faudrait pas que les rapports du CEC demeurent lettres mortes, comme trop de rapports. L’intérêt de la procédure d’évaluation et de contrôle, c’est qu’elle nous offre la possibilité d’exercer un droit de suite, de provoquer un débat en séance publique, d’interpeller le Gouvernement et d’exiger de sa part des réponses. La semaine de contrôle et la semaine d’initiative parlementaire devraient servir à cela. Saisissons cette opportunité, même si nous n’en avons pas l’habitude !

M. le Président Bernard Accoyer. J’ai la conviction que le plus puissant levier de notre activité de contrôle sera la publicité que nous donnerons en séance aux rapports produits par le CEC, ainsi que l’exercice de notre droit de suite. Nous pouvons le faire autant de fois que nous le voulons, dans la mesure où nous avons la maîtrise de l’ordre du jour de la semaine de contrôle.

Discussion du programme de travail du Comité, prévu par l'article 146-3 du Règlement, pour la session ordinaire 2009-2010

M. le Président Bernard Accoyer. Venons-en maintenant au programme de travail. À la fin de notre précédente réunion, les représentants du groupe SRC avaient souhaité que l’on discute aujourd’hui du « droit de tirage » de leur groupe. Je rappelle que lors de la réunion du 8 octobre, le groupe SRC avait proposé un sujet ambitieux : « l’évaluation des effets sur la cohésion sociale des politiques publiques depuis 2007 : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale, loi en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat, révision générale des politiques publiques, loi de modernisation de l’économie… ». Le Comité ayant jugé qu’un tel objet excédait ses capacités de travail, le groupe SRC a revu sa proposition et formulé le thème suivant : « Politiques publiques et évolution des inégalités sociales ».

Par rapport à la première version, cette formulation ne limite plus le sujet à la période postérieure à 2007, et la notion de « cohésion sociale » a été remplacée par celle d’« inégalités sociales ». En revanche, les politiques publiques concernées ne sont plus clairement identifiées.

Le 5 novembre, nous avons engagé une discussion sur ce nouveau libellé, afin de savoir s’il était compatible avec notre Règlement, dont l’article 146-3 précise que le doit de tirage ne peut s’exercer que sur un sujet « entrant dans le champ de compétence du comité », lequel « réalise des travaux d’évaluation portant sur des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente ».

M. Jean Mallot. Je confirme, monsieur le président, que nous n’avons pas encore, à ce stade de nos travaux, exercé notre droit de tirage.

Je considère que le thème proposé par le groupe SRC respecte parfaitement l’article 146-3 du Règlement, dans la mesure où il porte bien sur « des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d’une seule commission permanente ».

Je ferai deux observations. Tout d’abord, figurent dans le présent dossier de travail deux courriers, datés respectivement du 7 octobre et du 1er décembre, qui vous ont été adressés par le président du groupe UMP et par les présidents des commissions permanentes, à l’exception du président de la Commission des finances, afin de vous proposer des sujets d’évaluation.

Tout le monde a bien entendu le droit de se réunir et de se coordonner. De même, il est parfaitement légitime que les présidents des commissions permanentes proposent au CEC des thèmes d’étude. En revanche, il est étrange qu’ils le fassent via une lettre à en-tête du président du groupe UMP ! C’est la marque d’une importante évolution institutionnelle : je pensais, jusqu’à présent, qu’un président de commission permanente s’exprimait indépendamment des groupes politiques.

Ensuite, nous observons, au sein de l’UMP, la tentation de soumettre les droits de l’opposition au fait majoritaire. On l’a vérifié récemment, avec le sort réservé à la demande du groupe SRC de création d’une commission d’enquête sur les sondages commandés par la Présidence de la République, ou avec la reformulation, par les commissaires des affaires sociales membres de la majorité, de l’intitulé de la commission d’enquête proposée par le groupe GDR. Les droits de l’opposition seraient donc fonction du bon vouloir de la majorité ! Voilà qui ne me paraît pas conforme à l’esprit qui prévalait lorsqu’il a été décidé de revaloriser le rôle du Parlement et, au sein de celui-ci, de l’opposition.

Pour en revenir à notre droit de tirage, nous avons proposé dans un premier temps : « L’évaluation des effets sur la cohésion sociale des politiques publiques depuis 2007 : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale, loi TEPA, RGPP, loi de modernisation de l’économie… ». On nous a répondu, premièrement, que le sujet n’était pas assez transversal, dans la mesure où il relevait de la compétence essentiellement de la Commission des finances, deuxièmement, qu’il était trop vaste.

Nous avons donc revu notre copie, de manière à proposer un thème parfaitement transversal : « Politiques publiques et évolution des inégalités sociales ». Cette fois, on nous a reproché de faire de la politique et, de nouveau, d’avoir choisi un sujet trop vaste.

À ce stade, je ne suis pas en mesure de vous faire une nouvelle proposition. Nous y travaillerons, mais nous ne voyons pas, à l’heure actuelle, de raison de modifier notre position, dans la mesure où notre proposition nous paraît conforme au Règlement.

Certains membres de l’UMP nous suggèrent de proposer l’examen d’une seule politique publique, ou l’évaluation de l’application de telle ou telle loi. Mais, ce faisant, le sujet entrerait de nouveau dans le champ de compétence d’une seule Commission permanente. Nous sommes donc prisonniers d’un cercle vicieux !

M. le Président Bernard Accoyer. Vous avez indiqué ne pas être en mesure de proposer aujourd’hui une autre formulation. Est-ce à dire que vous le ferez lors d’une prochaine réunion ?

M. Jean Mallot. La proposition que nous avons faite est toujours sur la table. Elle nous paraît conforme à l’article 146-3 du règlement, puisqu’elle concerne des politiques publiques et qu’elle est de nature transversale.

M. le Président Bernard Accoyer. Qu’en pensent les membres du Comité ?

M. Olivier Carré. Tout d’abord, à propos du document que vous avez évoqué, monsieur Mallot, il ne vous aura pas échappé que, d’une part, les groupes peuvent proposer des thèmes sur lesquels le Comité est susceptible de travailler, notamment dans le cadre du « droit de tirage » qui leur est accordé, et, d’autre part, que les signataires de ces propositions sont tous membres de droit du Comité.

S’agissant ensuite du sujet proposé désormais par le groupe SRC, il est vrai qu’il répond mieux au critère de transversalité. En outre, en envisageant l’évaluation d’une politique plutôt que d’une loi, il tient compte des remarques formulées lors des précédentes réunions. Mais il embrasse un champ encore très large. La question des inégalités sociales peut être abordée de bien des façons, de même que les différentes politiques sociales. C’est pourquoi un doute subsiste sur la finalité du travail qui pourrait être effectué par le Comité sur ce sujet. Qu’allons-nous évaluer ? Il conviendrait d’examiner ensemble les moyens de mieux cerner le sujet.

M. Claude Goasguen. Nous progressons, en effet, mais tout de même ! « Politiques publiques et évolution des inégalités sociales », cela ressemble à un sujet de thèse de doctorat d’État ! Une plus grande précision serait bienvenue. Même si vous avez gommé l’aspect conjoncturel, qui conduisait à mettre en cause un gouvernement – et un seul –, le sujet reste très polémique et trop général. Il faudrait le recentrer.

Mme Laure de La Raudière, suppléant le président de la Commission des affaires économiques. C’est la troisième fois que je remplace le président de la Commission des affaires économiques au sein de ce comité, et comme Olivier Carré, j’avais compris que l’objectif était de procéder à l’évaluation d’une ou de plusieurs lois sur un sujet donné. Nous en sommes assez loin dans le sujet proposé par le groupe SRC. Déjà, à propos de la première formulation de ce sujet, j’avais été étonnée que ne soient pas mentionnés le plan de relance de l’économie ni le contexte de crise économique internationale. Il conviendrait de savoir ce que vous souhaitez mesurer en parlant d’évolution des inégalités sociales. Quelles sont les politiques concernées ? Dans quels domaines ? Le sujet me paraît encore trop large pour être retenu dans le cadre de ce comité.

M. le Président Bernard Accoyer. Mais si, par exemple, il était plus précisément question de la politique de l’enseignement ou de celle de l’habitat, cela relèverait d’une commission permanente.

M. Jean Mallot. Exactement.

M. Olivier Carré. L’enseignement est un sujet transversal.

M. le Président Bernard Accoyer. Je ne suis pas sûr que Mme la présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation serait de votre avis.

M. Didier Migaud. Cette question est l’occasion de s’interroger sur ce que doit être le droit de tirage. Il conviendrait à la fois de le respecter, tout en trouvant les compromis nécessaires pour que l’on puisse se mettre au travail. Si on raisonne à la lettre, le sujet proposé par le groupe SRC est conforme au règlement : il concerne des politiques publiques et il a un caractère transversal. Toutefois, n’oublions pas l’adage « qui trop embrasse, mal étreint ». Le sujet est vaste, en effet, et même s’il est passionnant, le danger serait de ne jamais conclure. Quoi qu’il en soit, veillons à ne pas remettre en cause ce progrès potentiel qu’est le droit de tirage.

Par ailleurs, on a toujours intérêt à ne pas confondre les rôles. Les groupes sont les groupes ; les commissions sont les commissions. Bien entendu, les présidents de commission ne sont pas « asexués » : ils sont tous membres d’un parti politique. Je suis d’ailleurs le seul président de commission membre de l’opposition. Mais lorsqu’un président de commission fait une proposition, il le fait au nom de l’ensemble de la commission. En tout état de cause, il existe au moins deux sources de propositions : les commissions et les groupes.

M. le Président Bernard Accoyer. En effet.

M. Didier Migaud. En ce qui concerne les sujets proposés par le groupe UMP, je m’interroge sur le caractère transversal de certains d’entre eux. Un approfondissement serait peut-être nécessaire à cet égard. En revanche, le thème de l’hébergement d’urgence me semble un sujet très intéressant. Il concerne le logement et le social, l’État comme les collectivités territoriales, etc. Dans ce domaine, d’ailleurs, les politiques publiques souffrent souvent d’un défaut de transversalité.

M. le Président Bernard Accoyer. Je vous fais une proposition concrète : nos deux vice-présidents Jean Mallot et Claude Goasguen, qui ne manquent pas de bonne volonté, pourraient, en partant du thème aujourd’hui proposé par le groupe SRC, réfléchir ensemble à la faisabilité d’une telle évaluation et sa conformité aux objectifs du CEC, en en précisant peut-être le périmètre.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie, monsieur le président, de faire preuve de bonne volonté. J’avais l’impression, sans doute à tort, que l’on nous faisait une mauvaise querelle. Je tiens à faire observer que, si notre proposition avait eu pour titre : « l’efficacité des politiques publiques sur la lutte contre les inégalités sociales », on nous aurait sans doute adressé les mêmes reproches – trop large, pas assez transversal –, alors que la proposition de l’UMP relative à l’évaluation des politiques sociales en faveur des publics défavorisés me paraît relever du même registre. Ce débat est donc fallacieux.

M. Olivier Carré. Ce n’est pas du tout la même chose.

M. Jean-Jacques Urvoas. C’est pourtant bien ainsi que je le ressens, mon cher collègue.

Je suis donc heureux que le président Accoyer fasse preuve, une fois de plus, de bonne volonté. Nous devons avancer, car ce qui nous anime, c’est non seulement l’intérêt général, mais aussi le souci que le Parlement prenne toute sa place dans l’évaluation des politiques publiques – et non celle des lois.

Je remercie notre collègue Claude Goasguen d’accepter de contribuer à la réflexion du groupe SRC, mais je rappelle qu’il est question du droit de tirage de notre groupe. Un des rapporteurs de la mission, une fois celle-ci inscrite au programme de travail, sera certes issu de la majorité, mais pour ce qui est de la définition du thème de travail lui-même, le groupe SRC aimerait conserver son autonomie de proposition.

M. le Président Bernard Accoyer. J’en viens aux propositions formulées par le président du groupe UMP : la réforme des régimes spéciaux de retraite – je ne sais pas ce qu’en penserait le président de la Commission des affaires sociales…

M. Jean Mallot.  Ce n’est pas transversal !

M. le Président Bernard Accoyer. Puis, l’évaluation des politiques sociales et de santé en faveur des publics les plus défavorisés (aide médicale d’État et couverture médicale universelle) ; l’efficacité des dispositifs en faveur de la recherche et de l’innovation ; enfin, l’hébergement d’urgence. J’ai cru comprendre que ce dernier sujet faisait l’objet d’une large approbation dans l’assistance.

M. Olivier Carré. Je précise que ces thèmes sont présentés par ordre de priorité.

En ce qui concerne la réforme des régimes spéciaux, je comprends l’objection. Sur ce point, le débat n’est pas clos : la question du financement de la retraite devrait être à nouveau abordée dans l’année à venir. Il s’agit d’une question récurrente, ayant fait l’objet de nombreux débats sous plusieurs gouvernements, et il serait donc intéressant d’étudier les dispositifs déjà mis en œuvre, d’autant que cela nous donnerait un éclairage pour nos futurs débats. Quant à la transversalité, je remarque qu’au moins deux, voire trois commissions sont concernées. Je reconnais toutefois que le sujet est très spécifique, à l’inverse de ce qui était reproché à la proposition du groupe SRC. Il conviendrait à ce titre d’examiner ce sujet également dans le cadre du financement global des retraites.

L’hébergement d’urgence est aussi un sujet transversal. Mais notre collègue Étienne Pinte a déjà effectué un excellent travail sur ce sujet il y a un an, et ses recommandations sont sur le point d’être mises en œuvre, en particulier grâce aux amendements qu’il a fait adopter dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre les exclusions, du 25 mars 2009, dite également loi « MOLE ». Il y a donc matière à évaluation, mais il ne faudrait pas que cela conduise à retarder l’exécution d’une politique en cours d’application. C’est parce qu’il serait peut-être prématuré de s’en saisir aujourd’hui que ce sujet, certes important, a été placé en dernier rang de nos priorités.

M. Guy Geoffroy. M. Carré a raison de souligner cette difficulté. Toutefois, je vois aussi un intérêt dans ce qui peut apparaître comme un risque. Le fait que les conclusions d’un travail parlementaire soient en phase de mise en œuvre progressive ne signifie pas que le sujet soit clos. Au contraire, un certain nombre d’aspects nouveaux peuvent se révéler à l’occasion d’un travail complémentaire. Ainsi, certaines propositions contenues dans la proposition de loi sur les violences faites aux femmes, que nous venons de déposer, devraient toucher aux droits sociaux et à la législation sur l’hébergement d’urgence. Rien ne nous empêche donc de travailler en parallèle sur un sujet pour lequel la réflexion est loin d’être définitivement achevée. Il s’agit d’une question totalement transversale, dont les aspects juridiques et sociaux sont essentiels.

M. René Dosière. Parmi les quatre propositions de l’UMP, je ne vois guère que l’hébergement d’urgence qui réponde au critère de transversalité. Ce sujet a en effet des aspects sociaux, législatifs et financiers, et il concerne aussi les collectivités locales. Mais les autres thèmes proposés, si intéressants soient-ils, me paraissent relever de la compétence des commissions permanentes.

Nous avons déjà à plusieurs reprises rappelé la nécessité de donner une valeur ajoutée à nos travaux par rapport à ceux que peuvent mener seules les commissions permanentes. Cela doit nous conduire à être très sélectifs.

M. Claude Goasguen. Sans mésestimer le problème de l’hébergement d’urgence, il me semble que les autres thèmes proposés par le groupe UMP s’inscrivent tout à fait dans une démarche transversale. C’est notamment le cas de l’évaluation des politiques sociales et de santé en faveur des publics les plus défavorisés, qui ne concerne pas uniquement la Commission des affaires sociales, mais aussi celle des finances, de même que celle des lois, compétente s’agissant des problèmes d’immigration. En outre, l’enjeu financier est considérable, de l’ordre d’au moins 2 milliards d’euros.

Tout le monde sait que le système actuel fait l’objet de nombreuses fraudes et d’abus. Je ne souhaite pas laisser à des groupes extrémistes la possibilité de se saisir à eux seuls de tels sujets, en raison du désintérêt ou de la pudeur qui seraient manifestés par la représentation nationale. C’est justement le fait de ne pas traiter ces problèmes quotidiens qui conduit à favoriser certains discours dont nous dénonçons tous l’outrance.

Un tel sujet est non seulement conforme aux exigences de notre règlement, mais il répond en outre au critère de transversalité.

M. Didier Migaud. Je comprends les arguments de Claude Goasguen, et je suis prêt à me laisser convaincre, mais tout cela mériterait sans doute une réflexion complémentaire. Le problème est qu’en s’emparant d’un trop grand nombre de sujets, le Comité risque de se disperser. À ce stade, il nous suffirait de nous mettre d’accord sur un ou deux nouveaux thèmes.

S’agissant de la réforme des régimes spéciaux de retraite, on peut considérer que les commissions des affaires sociales et des finances sont concernées, mais dans un premier temps, les deux missions d’évaluation et de contrôle pourraient travailler en commun sur ce sujet.

Au sein de notre comité, les huit commissions sont représentées. C’est de là que pourrait venir la valeur ajoutée de ses travaux. Quoi qu’il en soit, à un moment donné, il faut bien arbitrer entre les différentes propositions.

Mme Catherine Lemorton. Compte tenu de la façon dont est libellé le thème évoqué par Claude Goasguen, on peut craindre de ne pas cibler l’ensemble des publics concernés. Vous visez expressément les plus défavorisés, c’est-à-dire les bénéficiaires de l’AME et de la CMU. Du coup, nous risquons de « manquer un rendez-vous », compte tenu des effets de seuil. Certaines personnes échappent totalement à ces dispositifs, parce qu’ils n’ont même pas l’idée d’en réclamer le bénéfice : ce sont les plus défavorisés parmi les défavorisés. Mais d’autres ont des ressources qui se situent juste au-dessus des seuils requis, alors que, compte tenu de la situation dans laquelle ils se trouvent – je pense en particulier aux bénéficiaires du minimum vieillesse –, on peut les juger encore plus défavorisés que le public désigné dans votre proposition.

M. Claude Goasguen. À l’inverse, certaines personnes aisées bénéficient de la CMU parce qu’elles ne relèvent d’aucun autre système. Le sujet est donc très complexe, et mérite d’être approfondi. Cela étant, je veux bien supprimer la référence aux populations « défavorisés » si elle vous gêne.

Mme Catherine Lemorton. Si c’est la question des fraudes que vous souhaitez aborder, je vous rappelle que le prochain rapport de la MECSS portera justement sur la fraude sociale.

M. Claude Goasguen. La question n’est pas là.

M. Jean Mallot. Le mieux serait de reporter la décision à notre prochaine réunion. Nous pourrions alors choisir un thème issu de la majorité et un autre de l’opposition, et nous en tenir là.

M. le Président Bernard Accoyer. Je note que le groupe UMP ne souhaite pas trancher définitivement à ce stade, le débat restant donc ouvert. J’insiste une nouvelle fois sur la nécessité de trouver un accord entre la majorité et l’opposition pour ce qui concerne la définition des thèmes abordés. À défaut, le résultat de nos travaux souffrirait d’une attitude partisane. La force de ce comité est justement de permettre le dépassement des clivages. C’est seulement de cette façon que nous pourrons être efficaces et demander au Gouvernement de prendre en compte nos observations.

Par ailleurs, je vous informe que, dans le prolongement de notre réunion du 5 novembre dernier, la Commission des affaires économiques a désigné deux de ses membres pour participer aux travaux du Comité et de ses rapporteurs sur la question de l’évaluation de l’application du principe de précaution. Il s’agit de :

– Michel Lejeune (UMP) ;

– Jean-Yves Le Déaut (SRC).

Je rappelle également que les membres désignés par les commissions ne peuvent en aucun cas se substituer au rapporteur ou au co-rapporteur, dont la présence aux réunions est indispensable.

Propositions d'inscription à l'ordre du jour de la semaine de contrôle du 26 au 29 janvier 2010

M. le Président Bernard Accoyer. Il nous reste à examiner les sujets susceptibles d’être inscrits à l’ordre du jour de la semaine de contrôle du 26 au 28 janvier 2010. Avez-vous des propositions à formuler à ce stade ?

M. Jean Mallot. Il ne s’agit pas de propositions formalisées mais plutôt de pistes de travail. En tout état de cause, il revient à la Conférence des présidents d’arrêter les thèmes examinés lors de la séance de contrôle.

Les thèmes sur lesquels nous envisageons une réflexion sont les suivants : les minima sociaux, notamment le RSA ; le coût de l’accès aux soins et les comportements des usagers – je pense au forfait hospitalier, aux déremboursements, aux franchises médicales – ; la décentralisation, et en particulier les compensations financières des transferts de compétences vers les collectivités locales ; la politique fiscale depuis 2007 ; la mise en place du Pôle emploi et les dispositifs de retour à l’emploi ; et enfin la révision générale des politiques publiques, à propos de laquelle un bilan d’étape serait sans doute utile.

Le président Ayrault formalisera ces propositions devant la Conférence des présidents.

M. Didier Quentin, suppléant du président de la Commission des affaires européennes. Le président de la Commission des affaires européennes, Pierre Lequiller, que je suppléé aujourd’hui, aurait souhaité proposer trois thèmes pour une semaine de contrôle beaucoup plus proche, celle du 7 décembre : la mobilité des patients, et notamment l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers ; la non-discrimination, autrement dit l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion, de conviction, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle ; et la situation du secteur laitier.

M. le Président Bernard Accoyer. La Conférence des présidents sera informée de ces propositions.

Communications du Président

M. le Président Bernard Accoyer. Je vous rappelle par ailleurs que la proposition de loi visant à donner aux rapporteurs du CEC des pouvoirs d’accès à l’information proches de ceux dont disposent les rapporteurs des commissions d’enquête a été déposée sur le bureau de l’Assemblée.

M. Jean-Jacques Urvoas. Monsieur le président, le Comité d’évaluation et de contrôle ayant été cité dans l’hémicycle lors de la séance d’hier soir, je souhaiterais obtenir certaines précisions. Depuis que l’Assemblée a commencé d’examiner en séance publique la proposition de loi relative à la simplification et à l’amélioration de la qualité du droit, nous interrogeons le président de la Commission des lois afin de savoir s’il a réellement fait appel à une structure privée pour écrire une partie du texte.

Après avoir affirmé que ce n’était pas le cas, M. Warsmann a fini par admettre, hier, vers 23 h 30, qu’un marché avait été passé pour une somme d’environ 85 000 euros, après l’accord que le Comité d’évaluation et de contrôle aurait donné lors de sa réunion du 22 octobre 2008. Or, à ma connaissance, le CEC ne pouvait pas être créé avant la décision du Conseil constitutionnel rendue le 25 juin 2009. Comment donc aurait-il pu se réunir en octobre 2008 et autoriser la passation d’un marché ?

M. le Président Bernard Accoyer. Je confirme qu’un marché a bien été passé en suivant la procédure réglementaire. En revanche, je n’ai pas le souvenir que la question de l’intervention d’un cabinet extérieur ait été abordée dans le cadre des réunions du Comité. Je rappelle cependant que les commissions disposent de crédits d’études : c’est sur cette enveloppe, dotée annuellement de 1 million d’euros, que le marché a été financé.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne cherche pas à faire un procès d’intention, mais je voudrais comprendre. Après tout, il n’y a rien d’infâmant à faire appel aux compétences extérieures, il faut juste que cela se sache. Or, le président Jean-Luc Warsmann, hier soir, a nommément cité, à deux reprises, le Comité d’évaluation et de contrôle. Son argument était d’ailleurs que l’opposition, dans la mesure où elle siège au Comité, devait être au courant de l’existence de ce marché.

Certes, il était tard, et le débat avait été long sur un texte comprenant 177 articles et touchant à 48 codes différents. Je peux donc comprendre que la fatigue ait joué un rôle. Cependant, nous avons été surpris d’être ainsi associés à une telle décision, d’autant que, à ma connaissance, cette aide extérieure n’a profité qu’à l’auteur de la proposition de loi. Il ne me semble pas que les crédits d’études aient été mobilisés en l’occurrence.

M. le Président Bernard Accoyer. Les crédits d’études sont ouverts afin d’aider les commissions à remplir leurs missions.

M. Jean-Jacques Urvoas. Il s’agissait d’une proposition de loi.

M. le Président Bernard Accoyer. Ils peuvent être mobilisés dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi, en particulier déposée par le président d’une commission permanente dans le domaine de compétences de celle-ci.

Je vais demander que soit vérifiée la nature exacte des propos qui ont été tenus. Il est possible qu’une confusion se soit produite, soit sur l’intitulé d’une commission, soit à propos des dates. Mais vous savez à quel point les esprits peuvent vite s’enflammer dans cette enceinte : nous l’avons encore observé hier. Il importe donc de ne pas tirer trop rapidement de conclusions.

M. René Dosière. Faites vérifier tout cela, monsieur le président, car après tout, mieux vaut que les choses soient parfaitement claires. Hier, Marylise Lebranchu, l’un des trois questeurs de notre assemblée, m’a présenté un extrait d’une décision de questure évoquant un marché passé « à la demande du Comité d’évaluation ». Elle m’a demandé si j’en avais le souvenir. La confusion est donc grande.

M. le Président Bernard Accoyer. Notre comité n’était pas installé avant le mois de juillet 2009 – mais chacun a le droit à l’erreur. En tout état de cause, je peux vous assurer que les procédures de passation des marchés publics sont particulièrement rigoureuses.

Par ailleurs, je vous confirme que les crédits d’études mis à la disposition des commissions sont bien destinés à de tels usages. Si une commission décide de lancer un programme de simplification du droit, elle peut parfaitement y avoir recours, et il n’existe aucun contrôle d’opportunité dans ce domaine. Ce qui compte, c’est la bonne observation des règles des marchés publics.

M. Olivier Carré. L’éclairage que vous allez apporter est très important, monsieur le Président, parce qu’à l’origine de tout cela, il y a notamment la suggestion que certaines dispositions fiscales de la proposition de loi auraient pu être écrites sous la dictée d’un cabinet privé servant des intérêts privés. Et lorsque la question de la rémunération de ce cabinet a été évoquée, l’imprécision des propos qui ont été tenus a même conduit à jeter le doute sur les destinataires de cette somme. Il est donc important d’établir toute la transparence sur ces faits. Pour ma part, j’ai compris qu’un groupe de professeurs de droit – dont j’ai d’ailleurs pu voir la liste – avait délivré une expertise technique sur une partie du texte. Les dispositions en cause n’avaient rien à voir avec la fiscalité, mais étaient relatives à des politiques pénales particulièrement complexes.

En tout cas, une clarification est nécessaire, tant sont graves certaines insinuations.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne peux laisser dire qu’un de nos collègues ait insinué quoi que ce soit. Mais alors que j’ai posé ma question dans l’hémicycle mardi, il a fallu attendre plus de vingt-quatre heures pour obtenir de premiers éléments de réponse. Convenez qu’un tel comportement puisse nourrir la méfiance.

M. le Président Bernard Accoyer. Cet échange me préoccupe beaucoup. L’institution n’a certes pas besoin que l’on fasse des déclarations tendant à entretenir la suspicion. Vous le savez, après l’adoption du premier train de mesures de simplification du droit, nous avons été attaqués à cause d’un oubli effectué dans un texte qui faisait l’objet d’un rapport de plus de 700 pages. Nous avons alors été suspectés d’être infiltrés par un organisme sectaire. Des efforts considérables ont été nécessaires pour convaincre la presse et l’opinion publique du contraire.

Il se trouve que la lutte contre les sectes est aussi un combat personnel que je mène depuis plus de dix ans. Or, en dépit des responsabilités que j’exerce ou que j’ai exercées, je ne suis pas parvenu à mes fins en ce qui concerne par exemple les psychothérapeutes « autoproclamés ».

Je vous en prie, soyons donc très prudents avant de nous accuser mutuellement de je ne sais quelle turpitude. Dans le cas contraire, ce n’est pas tel ou tel parti qui serait finalement suspecté, mais tous les élus. Il est normal d’avoir des discussions sur une proposition de loi : c’est la politique. Mais de grâce, n’utilisons pas des arguments nourrissant l’antiparlementarisme, sous peine de scier la branche sur laquelle la démocratie est installée. Si je fais cette demande, c’est parce que les incidents risquent de se multiplier à mesure que se rapprocheront les échéances que vous savez.

Sur le cas particulier dont nous parlons, je ferai rapidement procéder aux vérifications nécessaires, car il y a vraisemblablement une confusion. Je vous tiendrai naturellement informés de ce qu’il en est réellement

[Annexe]

La date de la réunion du mois de janvier vous sera communiquée dès que possible.

La séance est levée à douze heures quarante.