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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 23 septembre 2009

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 10

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

– Information relative à la Commission 15

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 23 septembre 2009

La séance est ouverte à onze heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je souhaite la bienvenue à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, avec qui notre Commission ouvre une série d’auditions dans ses champs de compétence, qui se poursuivra avec l’audition de M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, et Rama Yade, secrétaire d’Etat chargée des sports.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Je vais tenter de vous présenter de manière synthétique les méthodes, les orientations et les objectifs de notre politique de la jeunesse et de celle que nous menons en direction du monde associatif.

La politique de la jeunesse, tout d’abord.

Si la France se situe à un rang moyen ou bon parmi les pays de l’OCDE, elle se place parmi les trois derniers, avec la Corée et la Hongrie, pour ce qui est du taux d’activité des jeunes de 18 à 25 ans, très inférieur à celui de la population générale. Ce phénomène, qui s’observe depuis des années, est inacceptable. L’un de nos objectifs est donc de ramener la France dans le peloton de tête des pays de l’OCDE.

Sans vouloir noircir le tableau, je rappelle aussi que le taux de pauvreté, qui est de 12 % pour l’ensemble de la population, est de 18 % pour les moins de 25 ans, soit 50 % de plus. Les situations d’échec ou de sortie du système scolaire sans qualification représentent chaque année 15 % d’une classe d’âge. Cette vulnérabilité des jeunes, bien antérieure à la crise actuelle, est particulièrement sensible avec elle, et cela d’autant plus que nous nous trouvons à un moment crucial de l’évolution démographique. Dès avant la crise, les entreprises me faisaient part de leur crainte de perdre des marchés par manque de main-d’œuvre et ressentaient comme un gâchis la mauvaise intégration des jeunes dans la vie active. Avec chaque année 100 000 départs de plus à la retraite et 80 000 arrivées de moins, le marché du travail devrait donc pouvoir intégrer les jeunes, à condition toutefois que nous résolvions les problèmes qui se posent notamment en matière d’éducation, d’accompagnement et de formation.

Pour pouvoir avancer, il nous a paru nécessaire d’impliquer tous les acteurs concernés par la problématique de la jeunesse. Nous les avons donc réunis, entre mars et juillet 2009, au sein de la commission de concertation sur la jeunesse. Deux parlementaires de la majorité et deux de l’opposition siégeant ès qualités et désignés par le Parlement, ainsi que d’autres qui étaient présents au titre de leur rôle dans les missions locales ont ainsi participé très activement à ses travaux. Les organisations patronales et syndicales, les collectivités territoriales et l’ensemble des réseaux qui s’occupent des jeunes étaient représentés, ainsi que les jeunes eux-mêmes.

L’exercice s’est révélé très intéressant. Alors qu’il est d’usage, lors de telles réunions, que l’absent – qu’il s’agisse de l’Éducation nationale, de Pôle emploi ou de l’Assemblée des régions de France – se voit attribuer tous les torts par les autres, nous avons cherché à faire en sorte que tous se sentent collectivement responsables de la situation des jeunes et admettent l’idée d’agir ensemble. Nous avons décidé de ne négliger aucune des dimensions du problème – formation, orientation, ressources, citoyenneté, emploi, santé, logement – pour imaginer une politique de la jeunesse susceptible d’apporter des améliorations.

Les propositions du Livre vert qui découlent de ce travail obéissent à une logique.

La première idée, c’est qu’il est difficile de rattraper une situation d’échec qui commence dès l’enfance. Or, de nombreux jeunes de 12 à 15 ans sont désignés comme mauvais en tout. Nous sommes partis, quant à nous, du postulat humaniste, auquel nous croyons, que nul ne peut être nul en tout et qu’un système qui détecte tant de nuls est peut-être lui-même nul. Nous en avons conclu que l’on pourrait ajouter aux missions du système éducatif celle de détecter les compétences qui ne sont pas détectables par le système classique. Je tiens beaucoup à cette idée, qui permet de tirer un fil très important. Plutôt que de rejeter dans les filières d’échec un élève de 13 ou 14 ans qui n’est pas très à l’aise dans le système scolaire, mieux vaudrait tirer parti de ses capacités à s’impliquer dans une activité civique, associative, artistique ou sportive, voire dans une matière scolaire moins prestigieuse que d’autres. Ces aptitudes détectées pourraient figurer sur un « livret de compétences » et faciliter les décisions d’orientation en permettant au jeune de développer ses capacités et de faire en sorte qu’elles soient rentables pour son avenir. Nous travaillons sur cette question avec le ministre de l’éducation nationale, à partir de programmes qui se mettent en place dans les établissements et pourraient devenir un élément important du système.

La deuxième barrière est celle, à 16 ans, de la fin de la scolarité obligatoire. Il en résulte un taux élevé de jeunes de 16 à 18 ans laissés pour compte, abandonnés, sans contrat ni contrainte. Nous proposons de prolonger l’obligation scolaire stricte par une obligation de formation entre 16 et 18 ans. Il ne s’agirait pas de prolonger des difficultés scolaires qui durent parfois déjà depuis plusieurs années, mais de proposer diverses formules, parmi lesquelles l’entrée dans une filière d’alternance ou dans la vie professionnelle, afin qu’aucun jeune de 16 à 18 ans ne soit livré à lui-même. Cette obligation d’intégration dans un système formateur jusqu’à 18 ans devrait peser, de façon symétrique, sur le jeune et sur les institutions publiques.

Cela passe par une politique de prévention et de lutte contre le décrochage, laquelle suppose l’intervention de divers acteurs. Un appel à projets a été lancé pour soutenir les « plateformes anti-décrochage » mises en place sur certains territoires ou pour en créer de nouvelles. Le Fonds d’expérimentation a permis de soutenir onze de ces plateformes régionales de prévention du décrochage, selon des modalités diverses. Dans la région Centre, par exemple, on a voulu s’assurer que tous les jeunes sortis des fichiers seraient reçus en septembre ou octobre, tandis que, dans la région Nord-Pas-de-Calais, on a choisi d’adopter une démarche exhaustive sur deux territoires. Ces projets, que nous laissons prospérer, pourraient être généralisés à terme si nous sommes suivis dans cette idée.

Il importe cependant d’assurer le « chaînage » des dispositifs. Celui qui sort du système, avec ou sans diplôme, ne doit pas se trouver en situation d’errance. Les statistiques ont montré que 3 % seulement des jeunes qui s’adressent aux missions locales ont été orientés vers celles-ci par le système, tandis que tous les autres y viennent par hasard, par bouche-à-oreille ou envoyés par Pôle emploi lorsqu’ils y sont déjà inscrits. Un jeune peut donc passer plusieurs mois ou années sans aucun suivi. Autant qu’à l’organisation du système, cette situation tient aussi à l’« année de carence » : pendant l’année qui suit la sortie du système scolaire, l’éducation nationale a normalement une mission de suivi, qu’elle ne peut pas assurer, et que les missions locales refusent d’assumer. Or, un an perdu, ce peut être une vie fichue. Nous avons donc préconisé de mieux « chaîner » les responsabilités : une institution ne doit pas laisser partir un jeune sans savoir par qui il va être suivi.

Les missions locales, créées voilà vingt-cinq ans, pourraient donc recevoir une responsabilité transversale concernant l’ensemble des jeunes et une mission plus spécifique en direction des jeunes en difficulté. Les conventionnements, les objectifs, les modes de financement et les moyens cohérents avec ces responsabilités doivent être assurés aux missions locales – qui, je le rappelle, emploient 20 000 personnes, quand Pôle emploi en emploie 40 000 – pour leur permettre de s’en acquitter. Encore faut-il assurer aussi, en matière d’entrée dans la vie active, de ressources et de soutien, des réponses adaptées aux différentes situations que connaissent les jeunes.

Le rapprochement entre le monde de la formation et celui de l’entreprise a été acté et ne fait plus l’objet, dans son principe du moins, de débats idéologiques.

La première manière de réaliser ce rapprochement est de développer l’alternance et tous les acteurs conviennent en effet que le doublement du nombre de jeunes en apprentissage est un objectif nécessaire. Il faudra plusieurs années pour l’atteindre, il supposera la réforme de la taxe d’apprentissage et l’ouverture d’autres formations à l’apprentissage. Il faudra également faire en sorte que les apprentis n’aient pas moins de droits que les étudiants ; ils devront par exemple avoir accès au Centre régionale des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), disposer d’aides au logement adaptées à leur situation et voir régler les problèmes de mobilité. Des formules doivent être trouvées pour assurer une meilleure adéquation entre les besoins des entreprises et ceux des jeunes ; les entreprises se plaignant de ne pas trouver de main d’œuvre formée et les jeunes hésitant, de leur côté, à entrer dans une filière de formation qui ne leur assure pas de trouver un emploi, notre commission a préconisé une solution originale consistant à transposer à l’entreprise un modèle que l’État applique depuis un siècle : une entreprise pourrait financer tout ou partie de la période de formation d’un jeune, contre l’engagement que prendrait celui-ci de travailler dans cette entreprise, pour une durée de trois ans par exemple, à charge pour le jeune formé ou pour son nouvel employeur de rembourser le coût de la formation s’il quitte l’entreprise avant la fin de la durée prévue. Cela peut s’appliquer aussi bien à une grande entreprise du secteur nucléaire qui cherche des chaudronniers qu’à une maison de retraite qui forme une aide soignante en alternance et souhaite éviter qu’elle parte immédiatement prendre un emploi dans un autre établissement. Ce mécanisme, qui supposerait l’adoption d’une disposition législative, a recueilli un large consensus, comme du reste bon nombre des mesures que nous avons élaborées sur ces questions.

Nous avons également proposé le renforcement de plusieurs dispositifs afin de mieux répondre à la diversité des besoins des jeunes. Pour les jeunes en difficulté, qui ont décroché, il est proposé de renforcer le dispositif du contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) qui a succédé au Trajet d’accès à l’emploi (TRACE). Le dispositif du CIVIS est considéré par l'ensemble des acteurs comme un assez bon système, mais auquel ne recourent pas assez de jeunes et qui ne dispose pas de moyens suffisants pour chacun d'entre eux.

La commission de concertation a par ailleurs proposé un alignement de la durée des bourses sur celle de l'année universitaire, soit dix mois.

Pour les jeunes entrés dans la vie active, l'instauration du revenu de solidarité active (RSA) a pour effet de permettre à un jeune salarié de 25 ans et demi de bénéficier d'un complément de revenu auquel ne pourrait pas prétendre, dans la même entreprise, un salarié de 24 ans et demi qui aurait déjà plusieurs années d'expérience professionnelle. Il s'agit là d'un problème d'équité et cette discrimination nous a été fortement reprochée par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

En outre, des jeunes de 24 ans qui ont travaillé dès 17 ou 18 ans, puis ont été licenciés, peuvent n’avoir plus aucun revenu au terme de leur indemnité de chômage. Le Livre vert propose donc d'étudier l'application du mécanisme du RSA à des jeunes déjà actifs. En effet, si personne ne veut qu'un jeune de 18 ans sorte de l'école pour frapper à la porte de la caisse d’allocations familiales ou du conseil général, personne ne veut non plus qu’un jeune de 24 ans puisse se trouver sans aucune ressource. Bien qu’un député m’ait comparé ce matin, lorsque j’évoquais cette question, à une « gangrène qui contamine », il me semble que l'ensemble des organisations syndicales et patronales, ainsi que les parlementaires de la majorité et de l'opposition qui participaient à ces travaux, étaient prêts à considérer que ce dispositif était une solution.

Une question sous-jacente, plus générale, est celle de savoir comment répondre à l'aspiration des jeunes à l'autonomie. C'est une question complexe, car la jeunesse est une période de transition et les jeunes ont à la fois besoin de voler de leurs propres ailes et de ne pas voir se couper brutalement le lien avec le soutien familial, qui peut être notamment affectif, pédagogique ou financier. L'une des réponses pourrait consister à faire basculer vers les jeunes certaines aides actuellement octroyées à des familles au titre de leurs enfants de plus de 18 ans. Sans prétendre trancher cette question, le Livre vert propose la mise en place de programmes expérimentaux, prévoyant par exemple une dotation ou un revenu d’autonomie, afin d’en examiner les effets en termes de qualification et d'emploi.

Nous avons également préconisé la création rapide d'un service civique volontaire, qui pourrait être mis en œuvre de diverses manières et aurait vocation à concerner une grande partie de chaque classe d'âge. On pourrait d’ailleurs également envisager, à l’instar des Américains, de mettre en place un service civique senior, pour lequel il semble qu'il existe une demande.

En ce qui concerne l’autonomie, je souligne que les courbes « en V » montrant la faille qui existe entre les classes les plus modestes, qui peuvent être aidées, et les classes les plus aisées, qui peuvent l’être aussi, sont particulièrement applicables aux jeunes : les jeunes dont les parents ont des revenus de l’ordre de 3 000 euros par mois sont les moins aidés. Il serait donc préférable de mettre en place un système plus progressif.

J’en viens à la vie associative.

Si les associations sont très impliquées dans les questions liées à la jeunesse, par exemple pour ce qui concerne l’éducation populaire ou le service civique, le champ de la vie associative est bien sûr plus vaste. Après une première conférence tenue en 2006 et dont plusieurs d’entre vous ont été des chevilles ouvrières, une deuxième Conférence de la vie associative doit se tenir le 17 décembre prochain autour de trois grands thèmes.

Le premier est la place du milieu associatif dans la société. Sous cet intitulé très vaste, il ne s’agit pas d’enfoncer des portes ouvertes, mais de tenter de répondre aux interrogations du milieu associatif, au vu des progrès accomplis ces dernières années dans la notion de dialogue social, sur sa propre place dans l’élaboration de la norme et de la règle. Un premier pas va être franchi avec l’élargissement de la place des associations au sein du Conseil économique, social et environnemental, qui va vous être soumis dans un projet de loi organique, mais il faut aussi répondre à des questions plus larges sur la reconnaissance, la régulation et la représentation des associations au niveau national comme au niveau local.

Le deuxième thème est celui du nouvel équilibre des relations entre les associations et les pouvoirs publics. En la matière, le transfert de compétences de l’État aux collectivités territoriales a élargi le nombre d’intervenants. Les associations demandent une clarification car elles craignent parfois que le désengagement de l’un des acteurs prépare celui de l’autre. Les régions, les départements et les villes seront donc associés à la Conférence de la vie associative.

Pour ce qui est des relations financières entre les pouvoirs publics et les associations, les conditions de recours à des marchés ou à une mise en concurrence doivent être clarifiées. On impute en effet souvent à l’Union européenne des procédures qui sont en réalité liées à d’autres motifs. Cette question est liée à celle de la défense des directives sur les services d’intérêt général. Il est également nécessaire de définir une doctrine permettant d’assurer de la stabilité aux associations tout en permettant à de nouveaux entrants de participer.

Enfin, le troisième grand thème sera la reconnaissance des bénévoles, sujet sur lequel beaucoup de pistes peuvent être ouvertes. Les attentes des associations, qui sont parfois précises, devront dans certains cas être clarifiées et nous travaillerons avec elles à l’élaboration d’une doctrine partagée, sur ce volet comme sur les deux précédents. Je me réjouis que le Parlement s’implique dès maintenant sur ce sujet dont je souligne l’importance, eu égard au nombre des associations et du nombre d’emplois et de bénévoles que représente le secteur associatif.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Avant de donner la parole au rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative, M. Régis Juanico, puis aux nombreux collègues qui souhaitent vous interroger, je voudrais pour ma part formuler deux questions. Quelle suite entendez-vous donner aux 57 propositions du Livre vert ? Qu'en est-il du service civique volontaire et du service public de l'orientation, qui l’un et l’autre nous paraissent essentiels pour la jeunesse de notre pays ?

M. Régis Juanico. Monsieur le haut commissaire, l'exercice auquel vous vous livrez ce matin est compliqué. En effet, le Président de la République semble devoir annoncer la semaine prochaine des mesures relatives à la jeunesse et sans doute ne pouvez-vous pas nous les dévoiler précisément ce matin.

Vous avez souligné à juste titre que la question de la jeunesse est très peu discutée au Parlement. De fait, les deux dernières expériences législatives en la matière se sont soldées par des échecs retentissants : il s'agissait du contrat d’insertion professionnelle (CIP) en 1994 et du contrat première embauche (CPE) en 2006 – autrement dit de la sous-rémunération du contrat de travail, puis d’un sous-contrat de travail pour les jeunes. Le Parlement doit aujourd'hui se saisir à nouveau de la question d'un droit à l'avenir pour les jeunes, posée depuis la fin des années 1980 et le début des années 1990 et qui n’a jamais été traitée de façon globale.

Ma première question est donc la suivante : y aura-t-il une loi d'orientation et de programmation consacrée à la jeunesse ? Et pour passer des discours aux actes, aurez-vous les moyens financiers de votre politique ? Sans disposer des chiffres du budget 2010, force est de constater que l'évolution triennale de la mission Sport, jeunesse et vie associative entre 2008 et 2011 donne des raisons d’en douter.

Pour ce qui concerne l'emploi des jeunes, nous avons perdu beaucoup de temps. Un an après le début de la crise, les taux d'évolution du chômage des jeunes dans nos départements sont très alarmants – près de 40 % dans le mien, la Loire – et bon nombre des mesures de la politique de l'emploi mise en place par le Gouvernement depuis un an agissent à contretemps et, si j'ose dire, à contre-emploi pour les jeunes. C’est notamment le cas de toutes les mesures adoptées en vue de maintenir sur le marché du travail ceux qui voulaient partir à la retraite plus tôt. Certains dispositifs mis en œuvre se sont soldés par des échecs : combien de contrats aidés a-t-on mis en place sur les 45 000 prévus au titre du Plan Espoir banlieues de Mme Fadela Amara ? De même, l’action de Pôle emploi en direction des jeunes n’ayant pas cotisé assez longtemps pour percevoir une allocation n’a concerné que 3 000 jeunes, sur les 200 000 visés. La politique de l'emploi menée en direction des jeunes n'est pas assez ambitieuse et ne tient pas assez compte de l'ampleur de la crise que nous traversons. Ces mesures semblent homéopathiques, prises au fil de l'eau et inadaptées aux enjeux. Il faut changer de braquet.

Pour ce qui concerne l'autonomie des jeunes, je crains que vous ne preniez que des demi-mesures, faute de moyens financiers. Il en va de même du service civique, qui n'a d'intérêt que s'il est universel.

Pour ce qui est de la vie associative, M. Pierre Morange a présidé l'an dernier une mission d'information parlementaire au terme de laquelle nous avons tous souscrit à vingt propositions concrètes. La feuille de route et donc toute tracée pour le Conseil de la vie associative de décembre.

M. Frédéric Reiss. Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le haut-commissaire, pour la densité et la cohérence de vos propos.

Le livret de compétences me semble être une très bonne idée. Il me semble insuffisant de n'avoir pour indicateurs d'évaluation des collèges que la réussite à des examens et le pourcentage d'entrée en Seconde. D'autres indicateurs doivent être mis en place, pour que les jeunes qui partent en alternance ne soient pas laissés pour compte. Je me réjouis que les dossiers d’orientation de Troisième comportent une rubrique consacrée à l'apprentissage. Il est en effet très regrettable que les élèves partant vers la filière professionnelle aient longtemps été considérés comme perdus pour le système éducatif.

En deuxième lieu, si je souscris pleinement à l'obligation de formation entre 16 et 18 ans, je rappelle aussi que j'étais un fervent défenseur de l'apprentissage junior, mesure dont le président Sarkozy, pendant sa campagne électorale, a promis à un important syndicat de l'éducation nationale qu’elle serait abandonnée. Or les jeunes qui « décrochent » ont souvent commencé à le faire très tôt et sont déjà très bien identifiés à l'âge de 14 ans. Il conviendrait donc de leur proposer quelque chose ; bien qu'elle se heurte pour l'instant à la législation du travail, cette piste mériterait d'être explorée.

Enfin, je me réjouis de la proposition de créer un service civique volontaire. Je rappelle l’existence du service volontaire européen – ou SVE –, dispositif mal connu en France qui permet à des jeunes Européens, après une brève formation, d’accomplir un service civil dans un autre pays européen. De nombreux jeunes des pays d'Europe de l'Est ou du Sud viennent ainsi en France dans des structures culturelles ou d’aide à la personne. Ces structures doivent être aidées, car elles rencontrent souvent d'énormes difficultés de financement.

Mme Monique Boulestin. Ma première question porte sur la suppression du poste de défenseur des enfants. Ces derniers mois, des affaires insupportables ont montré qu'il était urgent et nécessaire de maintenir des « soupapes de sécurité » ou, du moins, des maillons essentiels dans la prévention et le suivi des enfants en danger. Or, vous avez déclaré dans la presse que vous supprimiez ce poste « pour que les enfants soient mieux défendus, avec plus de force, plus de poids, plus de droits, plus de pouvoir », ajoutant que « les uns et les autres se marchent sur les pieds, entre le médiateur de la république, le défenseur des enfants, différentes institutions trop fragiles pour pouvoir véritablement peser ». J'ai été choquée de ces déclarations, qui dénient toute légitimité et tout crédit à des personnes qui accomplissent un travail remarquable de détection et de suivi des enfants en difficulté.

Ma deuxième question concerne l'emploi des jeunes. Dans une lettre que vous nous avez envoyée le 19 juin, vous nous indiquiez l'effort que vous souhaitiez faire en direction des entreprises et des collectivités. Or, nous constatons aujourd'hui, notamment dans le cadre de la formation par alternance, que les entreprises privées sont plutôt frileuses et qu'en raison de la crise, il y a plus de demandes que d'offres pour les jeunes de 16 à 18 ans. Par ailleurs, le secteur public, qui devrait être exemplaire, ne remplit pas ses missions car, même lorsque les jeunes sortent d'entreprises publiques avec des diplômes, ils ne sont pas embauchés.

Mme Françoise Guégot. Dans le prolongement de la loi sur l’orientation et la formation tout au long de la vie, j’ai été nommée parlementaire en mission pour travailler sur la mise en pratique des dispositifs d’orientation. Et s’il est vrai qu’il n’y a pas eu de débat dans l’hémicycle sur la politique à l’égard des jeunes, en revanche, depuis deux ans, des missions – notamment sur la réforme du lycée, sur la formation tout au long de la vie – ont permis aux députés d’être associés à l’action du haut-commissaire et des membres du Gouvernement.

Les dispositifs d’orientation sont complexes à déchiffrer. Même en interrogeant l’ensemble des acteurs et des partenaires, il est très difficile d’y trouver un point d’entrée lisible. En matière d’information et d’orientation professionnelle, la loi sur l’orientation et la formation tout au long de la vie a validé l’idée d’une mission d’intérêt général, prévu la labellisation d’organismes pour créer ce point d’entrée, constaté l’importance du collège. Une stratégie coordonnée va-t-elle être mise en œuvre ? Plus de 8 000 organismes travaillent dans le domaine de l’orientation ; les appels à projets, lancés par exemple à Nantes ou à Lyon, montrent des projets très intéressants, mais aussi la méconnaissance d’un grand nombre de dispositifs.

M. le haut commissaire. Il est en effet prévu que Président de la République indique prochainement ce qu’il retient des propositions qui ont été formulées. Nous avons cherché dans ce Livre vert à construire un ensemble cohérent, sans oublier une catégorie, un levier ou un maillon. La probabilité est forte pour que cette cohérence soit la marque de ce que nous viendrons défendre devant vous.

En cette période de crise, avons-nous les moyens de notre politique ? Soyons clairs : il n’y a pas de problème d’argent. Nous avons débloqué 1,3 milliard d'euros en faveur de l’emploi des jeunes – pour des contrats aidés dans les secteurs marchand et non marchand, l’apprentissage, les contrats de professionnalisation, l’embauche de stagiaires sur des contrats à durée indéterminée. Mais beaucoup d’entreprises hésitent à embaucher des jeunes, et de ce fait nous n’avons pas dépensé toute la somme disponible. Pour repérer les points de blocage et continuer à progresser, Laurent Wauquiez et moi-même réunissons demain l’ensemble des acteurs – centres de formation d’apprentis (CFA), régions, grandes et petites entreprises. Nous allons notamment proposer des solutions pour les jeunes inscrits dans un CFA qui n’ont pas obtenu tout de suite un contrat dans une entreprise ; les régions sont d’accord pour qu’ils puissent passer sous un autre statut, par exemple celui de stagiaire en formation professionnelle.

Quant aux grandes entreprises, elles se sont engagées le 15 juillet 2009 à l’Élysée à augmenter de 24 000 le nombre de jeunes en apprentissage. Ces engagements doivent être tenus. On ne peut accepter que les grandes entreprises disent ne pas arriver à trouver des jeunes, et que les missions locales et les CFA ne pas savoir où placer les leurs… Il faut donc impérativement créer une plateforme, avec un numéro de téléphone, permettant d’assurer la rencontre.

Votre collègue Laurent Hénart a formulé des propositions très intéressantes sur la relance de l’apprentissage dans le secteur public. Il est parti du constat que si l’on demande aux entreprises un taux de 3 pour cent d’apprentis, les trois fonctions publiques en sont à peine à 1 pour mille – 6 000 apprentis dans l’ensemble des trois fonctions publiques pour 5 ou 6 millions d’agents publics. La marge de manœuvre est donc large.

Il nous paraîtrait utile que tous les cinq ans au moins, une discussion de fond soit organisée au Parlement sur les orientations de la politique de la jeunesse. Je ne sais si cette proposition pourra être retenue. Des débats en commission tels que celui d’aujourd’hui peuvent aussi être organisés.

Il nous paraît important qu’existe, distinctement du service public de l’éducation, un service public de l’orientation, qui n’en soit pas un sous-produit et qui vise à répondre aux besoins de l’économie et des jeunes. Pour organiser cette mission de service public à part entière, des clarifications sont nécessaires car les intervenants sont nombreux – ONISEP, Centre Info, CIDJ, délégué interministériel à l’orientation. La cohérence n’est pas plus facile à instaurer à l’échelon régional, du fait tant du partage de compétences entre l’État et les régions et de l’existence d’un très grand nombre de réseaux. Nous avons proposé la mise en place, à l’échelon du président de région, du préfet de région et du recteur d’académie, d’un centre où sera décidée l’organisation du système d’orientation scolaire et professionnelle, et un dispositif d’accréditation, à partir d’un cahier des charges, des structures participant à l’orientation. Une mission locale dont le fonctionnement n’est pas bon ne sera pas accréditée en tant que lieu d’orientation ; un centre d’information et d’orientation qui ne répond pas au cahier des charges n’a pas à être financé. Cette procédure d’accréditation doit s’appliquer aussi aux établissements de l’éducation nationale pour leurs missions d’orientation. Nous avons constaté l’intérêt des acteurs pour cette démarche.

La commission de concertation n’a pas jugé utile de rouvrir le débat sur l’apprentissage avant l’âge de 16 ans. Elle a néanmoins constaté avec intérêt que beaucoup d’acteurs de l’éducation considéraient que, dans le cadre actuel, sans faire d’un jeune de 13 ou 14 ans un salarié, il était possible, avec quelque souplesse, de mettre en place des dispositifs, comme des périodes de stages relativement longues, de deux mois, par exemple, permettant aux jeunes de retrouver de la motivation. Il existe donc des moyens de concilier la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans avec vos justes observations.

La suppression du défenseur des enfants trouve son origine dans le rapport Balladur et la réforme de la Constitution. Dans le prolongement de celle-ci, un projet de loi organique vise à créer, à l’instar d’autres pays, un défenseur des droits disposant de pouvoirs d’injonction envers l’administration, – dont aucune des autorités administratives indépendantes relevant de son futur champ d’action ne dispose aujourd’hui –, de pouvoirs de suite, de pouvoirs de proposition, de pouvoirs d’action directe. Il est notamment proposé de regrouper dans cette nouvelle institution le médiateur de la République et le défenseur des enfants. C’est un secret de Polichinelle que le rédacteur de cette partie du rapport de la commission Balladur est M. Jack Lang.

M. Patrick Bloche. Raison de plus ! (sourires)

M. le haut commissaire. Ce n’est pas un infanticide tout de même !

M. Patrick Bloche. Plutôt un parricide !

M. le haut commissaire. J’ai lu les rapports des différents défenseurs des enfants : ils se plaignent de devoir passer par le médiateur de la République pour agir, de ne pas pouvoir saisir directement les juges… Doter une institution de l’ensemble de ces pouvoirs, ce n’est nullement revenir en arrière.

Certains préfèreraient que la fonction de défenseur des enfants soit incarnée. Pour répondre à ce souhait, j’ai proposé au Président de la République la création d’une fonction de « défenseur des enfants, adjoint au défenseur des droits ». Avant que le projet de loi organique ne vienne devant le Parlement, j’ai rendu publique une lettre au président de l’UNICEF évoquant cette ouverture. Des solutions existent donc pour concilier l’incarnation de la fonction de défenseur des enfants et son organisation dans le cadre d’une autorité administrative puissante. Il n’y a pas matière à considérer que les réformes aboutiront à une moins bonne défense des enfants. Croyez à notre bonne foi sur cette question.

Mme Colette Langlade. L’idée de service civique fait consensus. Ce service peut être un excellent vecteur d’émancipation pour nos jeunes, en leur offrant la possibilité de s’accomplir tout en étant utiles aux autres et à la société. Les chiffres montrent cependant le peu de succès qu’il rencontre aujourd’hui. L’objectif de 5 000 jeunes engagés dans le service civil n’a pas été atteint. L’insuffisance de la communication sur ce dispositif n’explique pas tout. Comment comptez-vous rendre attractif le nouveau service civique ? Quelles leçons tirez-vous des expériences menées par les grandes écoles avec leurs étudiants, qui aident les jeunes en difficulté ?

La question du caractère volontaire ou obligatoire du service civique n’a pas encore été tranchée. Certains préconisent une mise en place progressive. Les sénateurs du groupe RDSE ont déposé le 14 septembre dernier une proposition de loi retenant la formule du volontariat. Pouvez-vous nous présenter l’état de la réflexion sur ce point ?

Par ailleurs, il est nécessaire d’aider les jeunes à mieux appréhender l’Europe. Une réflexion avait été entamée à l’échelon européen sur la dimension européenne du service civique. Pouvez-vous nous indiquer son état d’avancement ?

M. Xavier Breton. Le chapitre du Livre vert intitulé « Donner à tous les jeunes les moyens de prendre en main leur existence » traduit un consensus sur l’idée de progresser vers l’égalité des chances entre les jeunes, mais le débat perdure sur l’accompagnement financier. Le soutien doit-il être systématique et fondé sur la seule situation des jeunes, ou doit-il plutôt s’appuyer sur le projet du jeune et inclure une part remboursable ? Cette dernière option permettrait à la fois de responsabiliser les jeunes et d’accroître les montants alloués. La question est de savoir si la société veut envoyer aux jeunes un message d’autonomie et de responsabilisation ou un message d’assistanat.

Il convient aussi de ne pas écarter les familles, mais au contraire de les conforter dans leur rôle : il ne faudrait pas que les dispositifs de soutien aux jeunes se mettent en place à leur détriment car elles doivent être soutenues dans leurs tâches d’accompagnement des jeunes.

Mme Martine Martinel. Monsieur le haut commissaire, vous avez évoqué un travail de « chaînage » avec l’éducation nationale et votre désir d’apporter des solutions au « décrochage scolaire ». Notre collègue Reiss s’est félicité de l’établissement d’un livret de compétences, mais celui-ci existait déjà dans l’enseignement primaire et il a été largement marginalisé ; comment envisagez-vous de le rendre opérationnel dans l’enseignement secondaire ?

Comme nombre d’entre nous, vous avez évoqué la nécessité et la difficulté de trouver du travail en alternance pour les jeunes. Avez-vous pensé à des mesures particulières en faveur des jeunes Français issus de l’immigration, qui ont encore plus de mal à trouver un emploi dans les entreprises ?

Enfin, vous aviez évoqué l’idée de stages hors formation, permettant aux jeunes de découvrir un autre domaine. Quel est le devenir de cette proposition ?

Mme Françoise de Panafieu. S’agissant de l’apprentissage, je voudrais témoigner de ce qu’a fait l’entreprise Veolia. L’an dernier, j’ai passé une journée dans le centre d’apprentissage qu’elle a créé à une soixantaine de kilomètres de Paris en faveur de jeunes en très grande difficulté. J’ai été très impressionnée. Ce que fait cette entreprise est tout à fait exemplaire de ce qui peut être fait par une très grande entreprise en faveur de la réinsertion des jeunes.

Ma question porte sur les « jobs d’été ». Lorsque les jeunes gens viennent de sortir du lycée et s’apprêtent à entreprendre des études supérieures, ils ne sont plus lycéens et pas encore étudiants et ne peuvent donc pas faire valider une convention de stage. Malgré leurs souhaits, ils se trouvent ainsi dans l’impossibilité de travailler. Quelles aides éventuelles pourrait-on apporter à ces jeunes qui cherchent à occuper intelligemment leur été mais se trouvent confrontés à de multiples difficultés, y compris pour avoir connaissance de ce que les entreprises pourraient leur proposer ? Quel régime social pourrait leur être proposé ?

Mme Marie-Odile Bouillé. Vingt-trois pour cent des étudiants renoncent à certains soins faute de moyens. Treize pour cent des étudiantes ne sont pas adhérentes à une mutuelle. Qu’en est-il du chèque santé destiné à leur permettre d’y accéder ? Qu’en est-il aussi des politiques de prévention en direction de la jeunesse, qu’elles concernent la contraception ou certaines pratiques addictives ?

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le haut commissaire, je tiens d’abord à vous féliciter pour la qualité du site Internet que vous avez mis en place sur le RSA et sur son accessibilité pour tous.

Je me suis posé le cas d’école d’une étudiante de moins de 25 ans, dont les parents n’auraient guère de moyens et qui n’exercerait pas d’activité salariée, tout simplement parce que son emploi du temps d’étudiante ne le lui permettrait pas. Âgée de moins de 25 ans, elle ne peut bénéficier du RSA. Elle en bénéficiera cependant si elle est enceinte, mais à la condition qu’elle vive seule ou que son compagnon exerce une activité rémunérée. Mais tel ne sera pas le cas si elle vit en couple avec un étudiant. Si la conclusion est que dans certains cas, il vaut mieux vivre seul, alors, nous encourageons la monoparentalité ; si nous considérons que l’un des deux membres du couple a avantage à arrêter ses études, alors, du fait de cet effet insidieux, nous ne valorisons pas la démarche d’éducation et de formation. Cette question est loin de vous être inconnue, comme en témoigne la proposition 37 du Livre vert. Plutôt que d’accumuler les systèmes d’aides pour les étudiants – RSA, bourses, systèmes de dotation –, ne serait-il pas préférable de centraliser les dispositifs existants en un seul, qui permette d’aider tous les étudiants quelles que soient leurs particularités ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. Il est convenu que le haut-commissaire répondra par écrit aux questions auxquelles il ne lui serait pas possible de répondre au cours de la présente réunion. Il doit en effet nous quitter à treize heures.

M. Patrick Bloche. Monsieur le haut-commissaire, vous avez longuement développé un certain nombre d’axes d’action envers les jeunes sans formation.

Dans vos échanges avec les entreprises du CAC 40, les interpellez-vous régulièrement sur le sort souvent honteux qu’elles réservent aux jeunes diplômés ? Après des études souvent poussées, beaucoup d’entre eux se retrouvent en effet dans une situation de grande précarité. Bien qu’ils soient déjà formés, on leur offre des stages, lesquels sont en réalité des contrats à durée déterminée déguisés et qui permettent de leur donner une très faible rémunération. Cette situation est-elle une exception française ? En tout cas il serait nécessaire de rappeler à l’ordre nos grands entrepreneurs.

Enfin, le logement est une difficulté importante pour nombre de jeunes. Qu’ils soient étudiants ou non, tous n’ont pas la possibilité, comme Tanguy, de rester tardivement chez leurs parents. Le Gouvernement prévoit-il des actions ciblées dans ce domaine ?

M. Jean-Philippe Maurer. Depuis que je suis conseiller général, c’est-à-dire depuis 1998, je constate que toutes les actions s’engagent avec la mise en place de dispositifs. Ils se répètent d’année en année, pour finalement ne pas avoir d’influence fondamentale sur la réalité locale. Ainsi, la circonscription dont je suis l’élu compte les trois collèges du département dont les résultats sont les moins bons. Cette situation perdure depuis plus de dix ans. Si nous ne nous fixons pas comme objectif que ce ne soit plus le cas dans dix ans, nous risquons de continuer à empiler les dispositifs sans résultat. Pourrait-on créer moins de dispositifs et fixer davantage d’objectifs ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le haut-commissaire, nous ne demandons qu’à croire en votre bonne foi au sujet du défenseur des enfants mais j’insiste sur le fait que cette institution a joué un rôle essentiel et contribué à la réflexion commune. Dans l’évolution qui s’annonce, il faudra veiller au maintien, et même au renforcement de cette mission.

Lorsqu’ils séjournent à l’étranger, parce que leur cursus d’études le leur impose, les jeunes étudiants handicapés perdent le bénéfice de l’aide au logement dont ils bénéficient en France et qui leur permet de conduire leur projet d’autonomie. Serait-il possible de prendre en compte cette situation ? Plusieurs étudiants, confrontés à cette difficulté, m’ont alertée.

M. Dominique Le Mèner. Monsieur le haut commissaire, vous avez évoqué le rôle éminent des associations et du bénévolat. Vous le savez, nous vivons en ce moment une crise non pas du bénévolat mais des structures d’administration des associations. Dans son programme présidentiel, le Président de la République avait ébauché un statut des élus associatifs. Certaines propositions étaient de grande ampleur. Seront-elles mises en œuvre prochainement ?

M. Michel Ménard. Les jeunes qui réussissent un baccalauréat technologique ont les plus grandes difficultés à poursuivre leurs études. En effet, les sections de techniciens supérieurs et les IUT, prévus d’abord pour eux, retiennent souvent par priorité des jeunes qui ont réussi un baccalauréat général. Si la formation en alternance leur est plus accessible, ils s’y trouvent confrontés à la recherche d’un emploi : s’ils n’en trouvent pas un, ils ne peuvent pas bénéficier de la formation. La solution qui leur reste est alors l’université, pour laquelle ils n’ont pas été formés et où ils contribuent massivement au taux d’échec. Comment faire pour conserver à destination de ces jeunes un nombre suffisant de places au sein des formations qui leur sont a priori destinées ?

Quel est l’avenir du réseau Information Jeunesse ? D’année en année, les moyens que lui consacre l’État diminuent ; or ce réseau me paraît essentiel en matière de loisirs, d’emploi, de santé.

M. Yves Durand. Monsieur le haut commissaire, vous avez parlé avec une très grande force de conviction du livret de compétences. Pourriez-vous user de cette force de conviction envers votre collègue de l’éducation nationale ? En effet l’action de l’éducation nationale est centrée sur la transmission des savoirs, et les activités périscolaires disparaissent, du fait de la suppression des moyens autrefois donnés aux associations d’éducation populaire, mais aussi des décisions prises par le ministre – le précédent certes, mais elles demeurent – en particulier la semaine de quatre jours, qui détruit les projets éducatifs globaux mis en place par les communes. Allez-vous, comme tel a été le cas avec les contrats éducatifs locaux, aider les communes dans ce travail périscolaire ?

M. Jean-Luc Pérat. Pour positives que soient vos intentions, monsieur le haut-commissaire, elles se heurteront probablement à des difficultés de concrétisation.

Je suis issu du monde enseignant. Nous sommes tous d’accord pour constater que 80 à 85 % des jeunes scolarisés en collège suivent à peu près normalement l’enseignement, tandis que 15 à 20 % sont en réelle difficulté ; pour ceux-ci, l’enseignement est sans doute peu adapté, peu motivant ou peu intéressant. Cette réalité est la source des échecs et des difficultés qui seront rencontrées par la suite pour les réinsérer dans des filières de formation.

Vous l’avez dit, le monde de l’entreprise n’est présent que partiellement ou trop peu au collège. La classe de quatrième comporte des actions de sensibilisation, celle de troisième un stage de quelques jours. Que le monde de l’entreprise « entre » dans l’école beaucoup plus qu’aujourd’hui est indispensable pour que les élèves découvrent les métiers. Cette tâche n’est pas forcément de votre responsabilité, mais un travail avec l’éducation nationale me semble un enjeu majeur pour ne pas perdre ces jeunes qui disposent d’un potentiel à valoriser.

Vous avez aussi fait remarquer que lorsqu’un jeune quitte le collège, il est perdu de vue. Il est indispensable que le suivi soit assuré. Des responsables doivent être désignés pour assurer cette coordination.

Enfin, le dernier enjeu que j’évoquerai est le financement des stages au profit des associations qui accueillent des stagiaires. Aujourd’hui, des jeunes ne trouvent pas de stage faute de financement.

Mme Pascale Crozon. Aujourd’hui, les jeunes filles sont majoritaires parmi les jeunes chômeurs. Avez-vous évoqué les problèmes qu’elles rencontrent, notamment en matière d’orientation à l’école ?

Par ailleurs, les centres d’information sur la sexualité comme le planning familial ont failli voir disparaître leurs subventions l’année dernière. Nous avons dû intervenir vigoureusement. Or ces lieux me paraissent indispensables.

Enfin, monsieur le haut commissaire, je me permets de vous rappeler mes courriers sur les jeunes majeurs et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Mme Jeanny Marc. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’état des lieux qui figure dans le Livre vert.

Lors des états généraux de l’outre-mer, des propositions sur l’égalité des chances entre les jeunes ont été formulées, que je ne manquerai pas de vous transmettre.

Je souligne par ailleurs le fait qu’outre-mer, ce n’est pas le revenu de solidarité active (RSA) qui s’applique mais le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA), dont les objectifs ne sont pas tout à fait identiques. Une évaluation devrait permettre aux jeunes de bénéficier du RSA.

Enfin, les entreprises citoyennes devraient bénéficier d’un statut. Il n’est pas toujours facile pour elles d’accepter des jeunes en grande difficulté. Pour accompagner ces derniers, il faudrait avoir recours aux compétences des seniors.

M. le haut commissaire. Plusieurs interventions ont concerné les jeunes diplômés et les stages. Dans le cadre de la commission de concertation, nous avons obtenu l’accord du MEDEF, des organisations syndicales et des organisations de jeunes sur l’idée qu’il ne doit pas y avoir de stages hors du cadre d’une formation, d’un cursus pédagogique. On constate en effet que les stages sont parfois utilisés pour contourner les dispositifs de formation en alternance ou les contrats de travail classiques. Lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi sur la formation professionnelle, le Gouvernement n’avait pas encore pris sa décision. C’est aujourd’hui chose faite et le Sénat vient, en accord avec lui, d’adopter un amendement en ce sens. Le mot d’ordre est : pas de formation sans stage, mais pas de stage sans formation, dans le secteur public comme dans les entreprises privées. Il faut en finir avec des rémunérations de 300 euros pour des stagiaires diplômés chargés par de grandes entreprises de la définition de leur politique de développement ; j’ai encore vu il y a peu des situations de ce type.

Sur les jeunes majeurs, il y a aujourd’hui un vide entre l’action de la PJJ et celle des départements. Nous allons rouvrir le dossier ; la Garde des sceaux en est d’accord.

Vous avez adopté un dispositif qui ne soumet pas à l’impôt des parents les rémunérations liées aux jobs d’été.

L’insuccès du service civique n’est dû qu’à un défaut de financement : il y a plus de volontaires que de postes financés, et la soif d’engagement est très forte. Quelques grandes écoles conduisent des projets intéressants.

Le volontariat européen est en France géré par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), pour 500 jeunes seulement dans chaque sens. La Commission européenne a décrété l’année 2010 « année du volontariat ». Ce sera l’occasion d’y travailler.

Monsieur Ménard, dans le projet de loi de finances pour 2010, nous proposerons de maintenir les crédits des réseaux information jeunesse au même niveau qu’en 2009. Il n’y a donc pas de désengagement de l’État.

Monsieur Bloche, parmi les mesures qui se dessinent en faveur du logement figure la garantie du risque locatif pour les jeunes. Ceux-ci sont victimes de discrimination : beaucoup trop de garanties leur sont demandées. Avec Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, nous travaillons aussi à impliquer le dispositif du 1 % dans la construction de petits appartements (T2).

Je vous prie de m’excuser de ne pas avoir pu répondre à toutes vos questions, mais je ne manquerai pas de le faire.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Merci beaucoup, monsieur le haut commissaire. Nous ne manquerons pas de nous retrouver à l’occasion de l’examen des textes qui, je le suppose, suivront vos propositions.

La séance est levée à treize heures dix.

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Information relative à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné M. Jean-Jacques Gaultier rapporteur pour avis sur la proposition de loi (articles 1er A à 1er D et article 1er GA), adoptée par le Sénat, relative à la lutte contre la fracture numérique (n° 1857).