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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 15 décembre 2010

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Réunion, ouverte à la presse, commune avec le comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, sur le rapport d’information sur les rythmes scolaires

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 15 décembre 2010

La séance est ouverte à onze heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation se réunit, en présence de la presse, avec le comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, sur le rapport d’information de la Commission sur les rythmes scolaires.

Mme la présidente Michèle Tabarot. J’ouvre notre réunion en saluant une délégation de députés libanais qui effectuent une visite de travail à l’Assemblée nationale sur le thème du travail en commission.

Bienvenue donc à nos collègues libanais, le Dr Riad Rahal, rapporteur de la commission de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et de la culture, membre de la commission de la santé publique, du travail et des affaires sociales ; le Dr Ali El Mokdad, rapporteur de la commission de la jeunesse et du sport, membre de la commission de la santé publique, du travail et des affaires sociales ; le Dr Walid El Khoury, rapporteur de la commission de la technologie de l’information, membre de la commission de la santé publique, du travail et des affaires sociales. Ils sont accompagnés par M. Rachid Samaha, chef de division au service des relations interparlementaires de l’Assemblée nationale du Liban.

Nous sommes très honorés que vous veniez assister à nos travaux et, au-delà de cette réunion, nous vous souhaitons une bonne continuation de votre programme de travail.

Par ailleurs, je souhaite la bienvenue dans notre Commission à deux collègues qui nous rejoignent à la suite de la formation du gouvernement : il s’agit de Mme Pascale Gruny, députée de l’Aisne, et de M. Éric Berdoati, député des Hauts-de-Seine.

Enfin, je suis heureuse d’accueillir dans l’enceinte de l’Assemblée nationale les coprésidents et une grande partie des membres du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Il s’agit pour nous députés d’une occasion rare de valoriser notre travail de contrôle et d’évaluation en apportant notre contribution à la réflexion ouverte sur la société civile que conduit la Conférence nationale. Les décisions que prendra le ministre à l’issue de l’ensemble de ces travaux pourront ainsi s’appuyer sur la convergence de nos initiatives respectives.

Je salue donc, en les remerciant de leur présence, les coprésidents du comité de pilotage, M. Christian Forestier et Mme Odile Quintin, ainsi que les membres du comité de pilotage : Mme Colombe Brossel, adjointe au maire de Paris, chargée de la vie scolaire et de la réussite éducative, représentant l’Association des départements de France, M. Georges Fotinos, ancien chargé de mission à l’Inspection générale de l’Éducation nationale, enseignant à l’Université de Tours, M. Patrick Gérard, recteur de l’académie de Paris, M. Bernard Hugonnier, directeur adjoint pour l’éducation de l’OCDE, M. Serge Lagauche, sénateur du Val-de-Marne, Mme Isabelle Lemesle, présidente du Centre des monuments nationaux, Mme Catherine Morin-Desailly, sénatrice de Seine-Maritime, Mme Monique Sassier, médiateur de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, M. Claude Solard, directeur des transports express régionaux (TER) de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), M. François Testu, professeur en psychologie et président de l’association Jeunesse au plein Air, et M. Yvan Touitou, chronobiologiste, membre de l’Académie nationale de pharmacie.

Nous allons maintenant échanger nos points de vue sur les pistes de réforme de l’organisation des rythmes scolaires telles que nous les avons explorées dans le rapport de MM. Xavier Breton et Yves Durand, qui a été adopté, la semaine dernière, à l’unanimité, par la mission d’information constituée au sein de notre Commission.

Avant de laisser la parole aux coprésidents du comité de pilotage, je ferai un rapide bilan des travaux de la mission. Avant tout, je me félicite de la qualité de nos échanges, constante durant les sept derniers mois. Je rappelle que la Commission a créé, le 28 avril 2010, une mission d’information pluraliste, composée de quinze membres, sur les rythmes de vie scolaire dans le primaire. Il nous a semblé important en effet de nous pencher sur la nouvelle organisation hebdomadaire de l’enseignement primaire qui, depuis sa mise en place à la rentrée 2008, a été très critiquée.

Nous avons procédé à douze auditions et tables rondes et quatre déplacements, à Berlin, en mai, à Bordeaux et Épinal, en juin, et à Helsinki, en septembre, pour étudier, dans ces villes, des dispositifs d’aménagements du temps scolaire innovants.

Nos réflexions nous ont conduits, en octobre dernier, à élargir notre champ d’investigation aux rythmes de vie scolaire dans le secondaire. La mission aura procédé, dans ce second temps, à sept tables rondes et auditions, dont celle de la coprésidente du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, Mme Odile Quintin. Elle se sera rendue également dans le premier établissement à avoir expérimenté le dispositif « cours le matin, sport l’après-midi », le lycée Jean Vilar de Meaux.

Au total, près de 160 personnes se seront exprimées, en France et à l’étranger, devant la mission – enseignants, parents d’élèves, corps d’inspection, chronobiologistes, élus locaux, responsables de l’enseignement scolaire du Land de Berlin et de Finlande, représentants des principales confessions et d’associations, professionnels du tourisme.

Je propose sans plus attendre de réaliser un premier tour de table avec nos invités, avant de passer aux réactions des membres de notre Commission. Je donne donc la parole aux coprésidents du comité de pilotage pour qu’ils nous livrent leur premier sentiment.

Mme Odile Quintin, coprésidente du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Lors d’une audition devant votre mission, j’ai déjà eu l’occasion d’échanger une première fois avec vous sur notre thématique commune. Entre temps, nous avons pris connaissance du résultat de vos travaux.

En ce qui nous concerne, nous sommes encore dans une phase d’écoute et avons également réalisé un nombre record d’auditions. Cet après-midi même, j’assisterai à cinq heures d’auditions. Ce travail sera terminé pour la fin de l’année. Parallèlement, à la demande du ministre de l’éducation nationale, des débats ont été organisés dans les différentes académies et le dernier débat aura lieu demain. Enfin, nous disposons d’un site internet interactif dont la fréquentation a explosé suite à la parution de votre rapport, qui a suscité de nombreuses réactions.

Nous sommes aujourd’hui dans une perspective totalement ouverte et une approche très large. C’est clairement l’intérêt de l’enfant qui guide nos travaux, mais il ne peut être séparé d’autres éléments d’ordre plus sociétal ou économique.

On constate des éléments de consensus, non sur la solution mais sur le constat : la situation actuelle n’est pas satisfaisante, tout le monde le reconnaît. C’est donc l’organisation scolaire au sens large – ce qui inclut les programmes – qui est à revoir.

Le ministre de l’éducation nationale nous a demandé un rapport d’étape, qui sera rendu en janvier. Votre rapport est, dans ce cadre, un élément fondamental. En premier lieu, les thématiques identifiées sont identiques à celles que nous percevons et analyserons. En deuxième lieu, il nous semble, tout comme vous, que toute solution est complexe et qu’elle doit être analysée au regard de l’équilibre général. En troisième lieu, votre rapport a été publié au moment où l’enquête PISA a été publiée par l’OCDE, enquête qui fait toujours couler beaucoup d’encre.

Il n’existe certes pas de corrélation directe entre les rythmes scolaires et les performances des élèves mais certains pays ont évolué très positivement après le choc profond qu’a constitué pour eux PISA. Ainsi, l’Allemagne, contrairement à la France qui s’est longtemps voilée la face, a tout de suite été horrifiée par ces résultats et a pris très rapidement des mesures conséquentes, dont certaines avaient trait aux rythmes scolaires. Certains Lander ont ainsi mis en place la journée continue.

Nous sommes donc très heureux de pouvoir confronter nos points de vue avec vous. Vous l’aurez compris : nous sommes moins avancés que nous, nos propositions devant être rendues publiques en mai ou juin prochain. La période à venir va donc servir à approfondir les réflexions du comité de pilotage tout en ayant fortement à l’esprit le rapport de l’Assemblée nationale. Nous comptons mettre à profit cette période pour effectuer encore un certain nombre de déplacements – quelques-uns d’entre nous iront demain en Seine-et-Marne –, afin d’observer, sur place, des expérimentations menées par des établissements.

M. Christian Forestier, coprésident du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Mme Quintin a parfaitement bien traduit le sentiment général du comité de pilotage. Le rapport de l’Assemblée nationale n’a pas provoqué l’émoi des membres du comité, encore moins le mien. La situation me rappelle d’ailleurs ce qui s’était produit après la publication du rapport de M. Jacques Grosperrin sur la mise en œuvre du socle commun au collège. À l’époque, ce rapport n’avait pas perturbé les travaux du Haut conseil de l’éducation, dont je suis membre, mais les avait au contraire enrichis. Il est d’ailleurs intéressant de noter la convergence entre ce qu’il est convenu d’appeler le « rapport Grosperrin » et celui du Haut conseil.

Mme Quintin et moi-même avons refusé, mercredi et jeudi derniers, de commenter votre rapport dans les médias. Toutefois, vos conclusions pèseront lourds dans nos documents. D’abord dans le premier rapport d’étape de janvier, puis dans le rapport final qui sera rendu ultérieurement.

Les réactions médiatiques à votre rapport montrent qu’il y a encore beaucoup à faire pour favoriser l’évolution des mentalités de nos concitoyens. Les réactions seront d’ailleurs sans doute identiques lorsque notre rapport sera rendu. Restent donc beaucoup d’efforts à fournir pour convaincre tant les décideurs que nos concitoyens d’aller au-delà de la vision simpliste actuelle. La question des rythmes scolaires ne se réduit pas en effet à la semaine de quatre jours ou de quatre jours et demi.

Ce matin, j’ai reçu deux institutions importantes en audition, en premier lieu l’Association des maires de France (AMF). En effet, aucune réforme, notamment dans le primaire, ne pourra se faire sans un dialogue poussé avec les maires. Nous avons ensuite reçu Mme Françoise Laborde, du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et j’invite d’ailleurs la représentation nationale à faire de même. Elle nous a livré quelques statistiques sur l’impact de la télévision dans l’organisation du temps de l’enfant que je ne connaissais pas. Les membres du comité de pilotage ont été fortement ébranlés par ces chiffres. En effet, beaucoup d’enfants commencent à regarder la télévision à partir de 6 heures du matin et 5 % des enfants de moins de dix ans sont toujours devant la télévision à 23 heures. Ce pourcentage est compris entre 10 et 15 % pour les enfants de moins de quinze ans. Les jours de « non-école », le 23 heures va jusqu’à minuit… Ainsi, quand il n’y a pas classe le lendemain, le « gain » de télévision la veille est d’une heure. Par ailleurs, je ne nous ferai pas part de ce que nous a dit cette interlocutrice au sujet de la qualité des programmes qui ont remplacé les « Club Dorothée » et autres « Bonne nuit les petits »… Je m’étonne d’ailleurs que ces chiffres ne fassent pas l’objet d’une plus grande publicité.

En tout cas, nous tenterons, dans le rapport qui sera remis en janvier au ministre, de poser intelligemment toutes les questions, même si on n’échappera pas au feu médiatique sur la semaine de quatre jours et les grandes vacances. Nous entamerons ensuite la seconde phase de nos travaux – nous verrons si nous continuons les auditions – qui débouchera sur la remise, dans la dernière partie de l’année scolaire, d’un rapport au ministre.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je donne maintenant la parole aux deux rapporteurs de la mission d’information.

M. Yves Durand. Je rejoins les deux coprésidents de la Conférence nationale sur plusieurs points, et tout d’abord le cadre général dans lequel s’inscrit notre rapport qui est celui de l’enquête PISA. Nous sommes tous d’accord sur le double constat d’un système éducatif qui au mieux plafonne, voire régresse, et qui est surtout facteur d’inégalités croissantes, l’école étant désormais davantage reproductrice que compensatrice des inégalités sociales.

Il y a par ailleurs un consensus sur le caractère très insatisfaisant de l’organisation de la semaine scolaire. Au-delà de ce consensus se pose la question de savoir ce que nous devons faire. Or, sur ce point, rien n’est simple. Il faut à la fois du temps et des mesures d’urgence et il est impératif que nous examinions le problème des rythmes scolaires et de leurs conséquences dans sa globalité.

Dans l’optique de faire bouger les choses, nous sommes un peu prisonniers du suivi médiatique des rapports que nous produisons. Je souhaite évidemment que ce rapport ne reste pas lettre morte dans les archives de l’Assemblée nationale et qu’il constitue un apport important du débat national que vous allez continuer à alimenter par vos propres travaux. Les médias se sont centrés sur la question de la semaine de quatre jours qui n’est qu’un des éléments de notre rapport. Nous avons tous insisté sur la complexité du problème des rythmes scolaires.

Au début de nos travaux, nous en avions une conception presque technique, mais en avançant, nous nous sommes aperçus qu’en abordant la question des rythmes scolaires, nous posions bien d’autres problèmes qui dépassent celui des rythmes scolaires, comme l’organisation du temps de la vie de l’enfant et l’organisation de l’école elle-même : que fait-on du temps dégagé ? Que fait-on du périscolaire ? Comment doit-on passer le temps à l’école ?

Nous avons donc mis au centre de nos réflexions des thèmes tels que les cycles d’apprentissage – doivent-ils être confirmés au niveau élémentaire, voire généralisés au collège ? –, la place des disciplines dans le temps scolaire en vue d’une meilleure acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. Comment le travail en équipe peut-il se faire ? Doit-on dégager du temps pour le travail en équipe, ce qui pose des questions sur le métier d’enseignant ? On voit donc qu’en posant la question apparemment technique du temps scolaire, on soulève un vrai problème politique qui est l’organisation et la place de l’école dans la vie de l’enfant.

La complexité du problème pourrait nous amener à différer les décisions qui s’imposent. Dans le même temps, apporter des réponses en urgence, sans prendre toute la mesure de la complexité du sujet, pourrait entraîner des conséquences néfastes, comme l’illustre le cas de la semaine de quatre jours, qui a été plus ou moins « imposée » et qui est remise en cause deux ans après sa mise en place.

Lorsque nous nous serons mis d’accord sur un certain nombre de préconisations, se posera la question de savoir comment convaincre et faire preuve de la pédagogie nécessaire et à quel rythme on les applique. Certaines mesures pourront être prises relativement rapidement ; d’autres exigeront plus de temps, de conviction et de pédagogie pour ne pas être contestées dans les semaines ou les mois qui suivent.

M. Xavier Breton. Je rappelle que ce rapport a été rédigé par deux corapporteurs, ce qui n’est pas un exercice évident, et qu’il a recueilli l’unanimité de la Commission tant sur les constats qu’il dresse que sur la méthode retenue pour poser les questions et formuler des pistes. Le rapport présente une forte dimension d’étude d’impact de chaque solution proposée pour aider au mieux à la décision.

Le rapport comporte également des préconisations fortes comme l’interdiction de la semaine de quatre jours et le raccourcissement des vacances d’été qui ont, de façon assez prévisible, particulièrement retenu l’attention des médias. Cependant, la réflexion lancée par le rapport s’élargit peu à peu à d’autres sujets. D’autres préconisations du rapport me paraissent en effet essentielles comme la question du sommeil des enfants sur laquelle nous proposons de mieux sensibiliser les parents à travers notamment la mise en place d’une véritable politique de santé publique, comportant par exemple des campagnes de communication.

Vous avez indiqué avoir été « inondés » de messages à la suite de la publication de notre rapport, pouvez-vous nous préciser la teneur de ces messages et les réactions que vous avez recueillies s’agissant de nos travaux ?

M. Frédéric Reiss. Il est important que l’occasion nous soit ainsi donnée de rencontrer les membres du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Le débat est fort ancien et les enjeux sociétaux et économiques de ce sujet ne sont plus à démontrer. Je regrette à mon tour les raccourcis faits par la presse sur le contenu de l’excellent rapport de la mission d’information. J’étais la semaine dernière à la synthèse académique sur les rythmes scolaires à l’académie de Strasbourg. Nous nous sommes intéressés aux expérimentations et au débat qui a lieu sur ce sujet en Allemagne pour constater que le Bade Wurtemberg et la Rhénanie-Palatinat s’intéressent aussi à l’organisation de la journée scolaire continue en France.

Ce qui est clair, c’est que les expérimentations qui ont lieu actuellement ne pourraient pas être généralisées à l’ensemble du pays par manque de gymnases, de salles de spectacles et d’équipements divers pour occuper les enfants l’après-midi. Cette question devra être prise en compte.

Une principale d’un collège de Strasbourg nous a dit constater que les enfants qui font du sport l’après-midi sont plus fatigués le soir, se couchent plus tôt et sont donc plus réceptifs le lendemain matin en classe et globalement moins en retard. M. Henri Poulizac a bien mis en évidence les liens entre la durée de sommeil et le retard scolaire, le retard étant de l’ordre de 61 % pour les enfants qui dorment moins de huit heures. Il s’agit d’un élément que la Conférence nationale devra prendre en compte.

En conclusion, il est impératif de faire baisser significativement le nombre de jeunes qui sortent sans qualification ni diplôme du système éducatif.

Mme Martine Faure. La question qui se pose évidemment aujourd’hui est : comment allons-nous trouver des accords pour améliorer l’organisation des rythmes scolaires de nos enfants ?

Cependant, je souhaite insister sur un autre sujet qui m’est cher et que nous avons un peu évacué lors de nos auditions, à savoir l’aménagement du temps professionnel des parents. Nous savons aujourd’hui que certains enfants quittent le domicile familial à 7 heures le matin pour n’y revenir qu’à 19 heures, ce qui est source de graves difficultés pour ces enfants qui sont victimes des horaires professionnels de leurs parents. Je souhaite donc que nous puissions institutionnaliser la possibilité d’aménager le temps de travail des parents dans l’intérêt des enfants.

Mme Marie-Hélène Amiable. Le groupe GDR estime qu’il faut poursuivre deux objectifs : la réussite des élèves et la lutte contre les inégalités scolaires. L’enquête PISA a montré que l’écart entre les meilleurs élèves et les élèves en difficulté se creuse et que l’école ne corrige plus les inégalités sociales, comme l’avait souligné la Cour des comptes.

S’agissant de la semaine de quatre jours, le rapport le dit très bien, ce n’est pas une bonne chose, c’est même une catastrophe, pour les élèves les plus en difficulté. Nous sommes donc favorables aux propositions de notre mission, à savoir une semaine de cinq jours, des journées moins longues et une alternance entre sept semaines de cours et deux semaines de vacances.

Je voudrais insister sur d’autres points importants qui doivent être pris en compte, à commencer par l’égalité de traitement sur le territoire national. Les collectivités territoriales n’ont pas toutes les mêmes moyens pour assurer des activités périscolaires et le gel des dotations de l’État va mettre de nombreuses collectivités en grande difficulté.

S’agissant des activités culturelles et sportives, nous pensons qu’elles doivent rester dans le champ de l’enseignement et ne pas être de la responsabilité des collectivités territoriales et des associations, au risque d’accroître encore les inégalités.

Le temps scolaire devrait, selon nous, prendre en compte le temps de cours mais aussi les temps d’étude dirigée et de soutien individualisé. Si ce soutien individualisé se fait en dehors du temps scolaire, l’élève le considère comme une punition et n’y adhère pas.

S’agissant de la question de l’autonomie des établissements qui est également posée, nous souhaitons mettre en garde contre les dangers d’une éventuelle mise en concurrence des établissements scolaires.

La formation initiale et continue des enseignants est capitale pour la réussite des enfants, comme l’a montré l’étude PISA. Les conditions de la masterisation n’ont pas été bonnes. Cette formation doit donc impérativement être intégrée dans le temps de travail des enseignants.

S’agissant du calendrier, nous pensons que des décisions doivent être prises rapidement même s’il ne faut pas négliger la concertation.

M. Jacques Grosperrin. Je remercie les membres du comité de pilotage d’être venus nombreux à cette réunion. Je remercie également Christian Forestier d’avoir fait preuve de discrétion, dans les commentaires, sur l’impact que peut avoir le rapport de la mission sur les travaux de la Conférence nationale.

L’enquête PISA datant de 2009, elle n’a naturellement pas permis de mesurer l’impact du passage à la semaine de quatre jours, qui remonte à 2008.

Je regrette que cette enquête récurrente n’ait pas commencé plus tôt, car cela nous aurait permis d’avoir plus de recul sur certains phénomènes, comme par exemple l’impact, sur notre système éducatif, de l’existence ou de la non-existence des instituts universitaires de formation des maîtres.

En France, nous avons tendance à utiliser de multiples leviers de réforme, sans toujours en évaluer les conséquences. En matière de rythmes scolaires, il faut évoquer en réalité le rythme des enfants, celui des parents ou des enseignants.

Ne faut-il pas également réfléchir à la question des contenus ? On se pose la question du temps, moins souvent celle des programmes. Par ailleurs, l’idéal ne serait-il pas d’envoyer les enfants à l’école six jours sur sept ?

Mme Monique Boulestin. Mes remarques concernent le premier degré, car c’est à ce niveau que tout se joue. Mettre en place de nouveaux rythmes scolaires suppose de poser la question de la médiation culturelle et du lien à renforcer entre l’école et les collectivités territoriales, ce qui ne pourra se faire sans moyens supplémentaires.

Il conviendra de proposer aux élèves de nouvelles activités culturelles ou sportives, comme par exemple la visite de musées, car celle-ci constitue une occasion privilégiée pour favoriser l’appropriation par les plus jeunes de notre patrimoine culturel.

Cette nouvelle définition des rythmes scolaires suppose en outre l’implication des intercommunalités, chargées d’adapter l’organisation des transports scolaires. Ainsi que le note le rapport, c’est à l’échelle communale que se construit un parcours scolaire cohérent de l’école maternelle au cours moyen.

Il est nécessaire qu’un véritable travail collaboratif entre les élus et les équipes enseignantes puisse être mené afin que toutes les conditions soient réunies pour réussir la réforme des rythmes scolaires.

M. Christian Forestier, coprésident du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Les résultats de l’enquête PISA ont été publiés le même jour que le rapport de la mission parlementaire, ce qui m’a permis de m’abstenir de tout commentaire sur vos travaux. J’ai donc pu « botter en touche » en commentant les résultats de la quatrième édition de cette enquête.

Il est difficile d’établir une forte corrélation entre rythmes et réussite scolaires. Entre trois et huit ans, ce que j’appelle le « temps d’exposition au maître » ne représente que 10 %. On a donc tendance à surestimer l’importance de ce temps.

Le lien entre les horaires et les contenus est évident, et cela nous renvoie au paradoxe français, pays où le nombre d’heures et de jours d’école est le plus faible et où les programmes sont les plus denses. C’est une question difficile, car il est plus facile de parler de la semaine de quatre jours que du programme de mathématiques ou de français, mais nous sommes chargés d’une mission qu’on nous a demandé de remplir en faisant fi des tabous.

Pour revenir au dernier rapport PISA, j’ai été frappé par l’accueil qui lui a été réservé en France : il s’est avéré plutôt positif, alors que par le passé nos résultats insatisfaisants avaient entretenu une certaine tendance à « critiquer le thermomètre ». Les données relatives à la structuration de la population scolaire, à l’écart entre les meilleurs et les moins bons élèves, à l’évolution de cet écart, constituent des signaux qui doivent nous alerter.

Lors de la première enquête PISA, en 2000, l’Allemagne avait été fortement interpellée par ses résultats médiocres, et le ministère français de l’éducation nationale avait même reçu des émissaires de son homologue allemand venus se renseigner sur nos méthodes. L’amélioration des résultats de l’Allemagne au cours d’une période assez brève doit désormais éveiller notre curiosité et nous inciter à nous interroger sur la manière dont elle est parvenue à ce redressement.

Il ne faut pas s’imaginer que le retour à une semaine de quatre jours et demi va nous permettre d’améliorer nos résultats demain matin !

Une réforme du système scolaire prend du temps. La réforme du socle commun de connaissance ne pourra ainsi pas être raisonnablement évoluée avant dix ans, soit avant que toute une génération d’élèves ne soit passée par l’école. Le temps de l’école et le temps politique sont différents et c’est encore plus vrai pour le temps ministériel.

La semaine de six jours est en effet un bon rythme pour les enfants, mais elle est si difficile à mettre en œuvre qu’elle ne se pratique plus que dans un ou deux pays.

M. Marc Bernier. Je regrette la présentation parfois caricaturale qui a pu être faite des conclusions du rapport de la mission, et j’espère que cette contribution pourra être utile aux travaux de la Conférence nationale.

Évoquer les rythmes scolaires suppose de parler du temps où l’élève n’est pas à l’école stricto sensu, car les inégalités sociales, dont on constate les conséquences à l’école, se retrouvent également dans les loisirs, entre des familles où les parents organisent les activités extrascolaires de l’enfant et celles où ce dernier se retrouve devant la télévision.

Au temps de classe sont associés le temps d’accueil, ou bien encore le temps de restauration. Dans le cadre de l’avis budgétaire sur les crédits de l’enseignement scolaire qui m’a été confié, ainsi qu’à M. Gérard Gaudron, nous nous sommes intéressés à la médecine scolaire, et avons constaté que sa place est mal assurée par l’éducation nationale. Ainsi, il n’y a pas d’infirmières à l’école primaire. Or c’est entre trois et six ans que se situe le moment clé où les dysfonctionnements affectant le parcours scolaire sont susceptibles d’être détectés. Par conséquent, est-ce que la Conférence nationale fera le lien entre les rythmes scolaires, les différents temps de l’enfant et le rôle que peut jouer la médecine scolaire en matière de prévention et de santé publique à l’école ? Je rappelle par ailleurs que la libération du temps de l’enfant n’est pas nécessairement synonyme d’épanouissement pour ce dernier, le milieu social jouant en la matière un grand rôle.

Mme Marie-George Buffet. La question des rythmes scolaires ne peut être réduite à la question de la semaine de quatre jours. Il faut s’interroger sur les rythmes, les contenus, la qualité des intervenants, les programmes, l’accueil périscolaire, le temps de restauration, qui est parfois violent pour les enfants confrontés au bruit et à la précipitation…

Il faut également éviter tout effet d’annonce. Pour ne prendre que l’exemple des développements consacrés par le rapport de la mission à l’organisation des cours le matin et d’activités sportives l’après midi, ceux-ci soulèvent une série d’interrogations complémentaires : quel projet éducatif commun entre le sport à l’école et les activités sportives en club ? Quelle mobilisation des moyens, sachant que les associations sportives pourraient profiter de cette opportunité pour développer l’emploi salarié ? Quelle réflexion du mouvement sportif ? Quelle articulation avec les collectivités territoriales dans le cadre de l’organisation des activités périscolaires en centre de loisirs ? Comment régler le problème de la sur-occupation des équipements sportifs ? Quelle mobilisation des moyens publics sur le long terme pour mener une expérimentation à son terme ? Sur ce dernier point, on s’aperçoit, à travers l’exemple d’un seul lycée conduisant l’expérimentation « cours le matin, sport l’après-midi », que celle-ci se heurte à des difficultés dès sa deuxième année d’expérimentation. Attention aux effets d’annonce quand on traite une thématique qui concerne l’enfant, dont l’intérêt nous préoccupe tous, et dont les problématiques et les ramifications sont complexes !

M. Alain Marc. Je voudrais aborder la question de l’échec scolaire. Chacun sait ici qu’il est d’ordre multifactoriel. En quoi les rythmes scolaires peuvent-ils amplifier cet échec scolaire ? Si l’on réduit la semaine, que fait-on des enfants en dehors du temps scolaire ? Si l’on considère les catégories socio-professionnelles, les catégories supérieures pourront non seulement occuper le temps mais envisager une éducation renforcée avec des cours de musique etc., tandis que d’autres seront défavorisées.

Se pose également la question de l’inégalité sur le territoire. Dans le cas des dispositifs organisant des activités sportives l’après-midi, certines collectivités rurales, au territoire étendu, ne seront peut-être pas en capacité de les organiser.

Enfin, on sait les uns et les autres, pour ceux qui ont été dans l’enseignement, qu’il y a quelque chose d’essentiel – la maîtrise de la langue. Tout se joue à trois, quatre ou cinq ans – et je considère que le contact avec la langue française ou les bons registres de la langue doit avoir lieu à cet âge-là. Pour les enfants défavorisés, il serait peut-être nécessaire d’étaler la journée scolaire pour que le contact avec la langue soit renforcé.

Mme Colette Langlade. La question des rythmes scolaires est au cœur de la préoccupation de nombreux Français. C’est d’ailleurs un sujet récurrent depuis de nombreuses années. Les évolutions profondes de la société, qui ont transformé les attentes et les pratiques familiales, la transformation de la cellule familiale – les parents isolés, la garde alternée – qui conduit aussi à l’exigence de vraies fins de semaine, ont un impact sur les rythmes scolaires. J’ai bien noté que Mme Quintin a relevé que l’organisation du temps scolaire, dans notre pays, n’était pas satisfaisante et qu’aucune solution n’était simple.

Une interrogation concerne le collège, qui n’a jamais été vraiment la priorité ni en termes de moyens budgétaires ni en termes de pilotage par l’institution, comme le déplore le rapport du Haut conseil de l’éducation. À ce sujet, je voudrais poser une question à M. Girard, recteur de l’académie de Paris. Les recteurs vont être amenés à réaliser le décompte des économies qu’ils peuvent faire dans leur académie. Ce décompte sera sans doute plus facile à établir à Paris que dans l’académie de Bordeaux ou dans un département très rural comme celui de la Dordogne. Il faut tenir compte du lieu et des besoins spécifiques des élèves, en évitant les inégalités de territoire qui pourraient affecter les jeunes. Comment allez-vous organiser ce travail d’économies ?

M. Michel Herbillon. J’attendais beaucoup de cette rencontre entre le comité de pilotage et notre Commission, compte tenu de l’excellent rapport qui a été présenté la semaine dernière par nos deux collègues Yves Durand et Xavier Breton. Je dois vous dire que je reste un peu sur ma faim et il n’est jamais bon pour la représentation nationale d’être un peu sur sa faim, voire un peu frustrée ! Je comprends que vous n’ayez pas voulu réagir à notre rapport, M. Forestier ayant dit qu’il fallait botter en touche ou se montrer discret.

Je prends acte de cette pudeur de jeune fille vis-à-vis des propositions qui ont été faites par nos collègues, motivée par le fait que vous ne vouliez pas réagir aux journalistes. Au final, nous n’aurons pas vos réactions à ces propositions et je trouve cela extrêmement regrettable, car Xavier Breton et Yves Durand ont ouvert beaucoup de pistes, ont évoqué différents leviers de changement – sur le rééquilibrage de l’année scolaire, sur le nouvel équilibre entre le temps scolaire et le périscolaire, sur la place du travail collectif par rapport celle du travail personnel, sur le plafonnement des horaires quotidiens et hebdomadaires et sur la question du regroupement des élèves. Bref, si vous pouviez commenter au moins une proposition, nous serions intéressés.

Vous pourrez au moins nous dire où vous en êtes de votre travail. Vous travaillez depuis plusieurs mois, vous allez remettre votre rapport au mois de juin, on est donc à mi-parcours : peut-être pourriez-vous nous faire un point d’étape ?

Mme Martine Martinel. Comme M. Herbillon, je serais d’accord pour dire qu’il serait tout à fait intéressant d’obtenir un point d’étape précis. Ma question portera sur la télévision. M. Forestier a dit avoir été étonné par les chiffres de Mme Laborde sur le temps que passent les enfants devant la télévision. Il a évoqué, avec un brin de nostalgie « Le club Dorothée » et « Bonne nuit les petits », et il me semble que, plutôt que diaboliser la télévision actuelle, que les enfants regardent en masse quels que soient les milieux, il serait plus judicieux de nouer des partenariats positifs avec la télévision publique afin de construire une télévision juste, formatrice et pédagogique. Peut-être faudrait-il examiner ce qu’on peut faire pour que la télévision rende des services et à l’école et hors l’école, le CSA ayant des moyens de régulation et pouvant aussi intervenir sur la qualité des programmes.

Je voudrais terminer, pour avoir été élève comme tout le monde et enseignante du collège à l’université, en soulignant qu’il me semble constater une obsession à occuper les enfants. Il ne serait pas inutile, au contraire, de prévoir du temps libre, du temps de vacuité, pour que les enfants puissent créer leur monde imaginaire, sans forcément inciter les familles à courir de l’école au conservatoire, en raison de leur peur du vide, irraisonnée à mes yeux.

Mme Françoise de Panafieu. Je partage ce qu’a dit M. Michel Herbillon. Depuis une heure et demie, j’avoue que je n’ai pas bien compris pourquoi nous étions là alors que la semaine dernière, je ne me posais pas cette question en écoutant Xavier Breton et Yves Durand.

Je me suis également interrogée sur la composition du comité de pilotage de la Conférence nationale, en particulier sur l’absence des parents d’élèves. Lorsque je vois sa composition, des partenaires essentiels sont présents. Il y a bien sûr l’éducation nationale, les transports, la médecine… Les associations de parents d’élèves sont écoutées, mais pour autant elles ne sont pas représentées dans le comité. Or si l’on veut que le message passe du haut en bas de l’échelle, il faut les associer et non pas seulement les auditionner.

J’avais fait le même constat lorsque la semaine des quatre jours a été instaurée : je m’étais alors dit que si les associations de parents d’élèves avaient été là depuis le début, nous n’aurions peut-être pas commis cette erreur.

M. Jean-Luc Pérat. Je pense que nous sommes plusieurs dans cette salle à penser qu’en abordant les rythmes scolaires, il faut aussi évoquer les rythmes de vie de l’individu et tendre à une complémentarité entre les différents temps de vie. Un certain nombre d’élus essaient d’y parvenir. La semaine dernière, nous nous sommes interrogés sur le meilleur lieu de concertation pour organiser les rythmes scolaires. Il me semble que ce devrait être le bassin de vie, en partant du lycée et des collèges pour descendre ensuite au niveau des écoles maternelles et primaires.

Aujourd’hui, on a « saucissonné » les projets pédagogiques des uns et les organisations des autres, sans véritable concertation. Quel est d’ailleurs est votre sentiment sur les contenus, qu’on essaie de remplir au maximum ? Par ailleurs, il y a un domaine dans lequel il me semble que devons encore largement progresser : c’est celui de l’école et de l’entreprise, en ayant comme objectif de permettre de développer l’esprit d’entreprise.

Quel est en outre votre sentiment sur la place de l’internat dans la réflexion sur les rythmes scolaires ? Cela peut être une piste intéressante, notamment pour faciliter, encadrer et permettre à des jeunes de réussir et de s’épanouir. Enfin, je m’interroge sur le rôle du professeur principal qui peut être une clef dans la relation entre les parents, l’enfant et l’administration scolaire.

Dernier point, déjà évoqué par Mme Martine Martinel : la télévision aujourd’hui prend une place probablement trop importante. Je n’ai pas très bien compris pourquoi on propose des dessins animés à 6 heures du matin. Il faudrait donc faire des propositions pour qu’on ait – enfin – une télévision intelligente, tournée vers l’enfant, vers l’adolescent et vers sa réussite.

En conclusion, notre message doit être organisé et structuré. Je pense qu’il est possible de faire converger les idées des uns et des autres pour que, demain, des orientations claires soient enfin tracées.

Mme Odile Quintin, coprésidente du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Je reprendrai un certain nombre de points avant de laisser le recteur Gérard répondre à la question qui lui a été spécifiquement adressée.

Je reviendrai en premier lieu sur le fait que nous n’avons pas commenté les détails de votre rapport et sur la frustration que vous avez ressentie. Tout d’abord, et sans vouloir faire de jeux de mots, nous sommes, vous et nous, dans un rythme différent. Si vous avez votre propre calendrier, nous avons le nôtre – je l’ai rappelé au début – qui a été fixé par le ministre, dans le souci que nous prenions le temps d’approfondir le sujet. Nous en sommes ainsi actuellement, et c’est la réponse que je ferai à M. Herbillon, à la préparation du premier rapport d’étape, que nous adopterons en janvier, et qui devrait synthétiser les contributions que nous avons recueillies en indiquant clairement les pistes de réflexion qui sont ouvertes, ce qui se rapproche du travail que vous avez fait. À ce stade, nous ne pouvons donc pas commenter votre rapport point par point ; néanmoins, j’ai souligné que les domaines que vous avez identifiés dans votre réflexion sont à l’évidence ceux sur lesquels nous devons travailler. Ceux que vous avez identifiés, et dont les médias ont extrait un point-clef, la fin de la semaine des quatre jours, nous les avons à l’esprit, et nous pourrons, grâce à vous, y réfléchir.

La question de la composition du comité de pilotage est de la compétence du ministre ; ce dernier a souhaité que les personnes siégeant à ce comité ne représentent pas des structures en tant que telles, mais des sensibilités liées à une série de thématiques. Je souhaite néanmoins préciser que notre première audition a été consacrée aux associations de parents d’élèves ; par ailleurs, ces associations ont accompagné le ministre, M. Forestier et moi-même, lors de la visite que nous avons effectuée au Danemark, et nous avons donc eu, à cette occasion, de nombreux contacts avec ces organisations qui sont effectivement très importantes.

Sur la télévision, sujet qui a émergé ce matin, nous devons en effet réfléchir aux perspectives de partenariat à la lumière des chiffres qui ont été mentionnés. S’agissant des programmes et des contenus, la question a bien sûr été abordée lors des auditions que nous avons menées ; mais les différentes parties prenantes divergent sur la manière de réviser les programmes – on l’a vu avec le débat sur l’histoire – et sur l’équilibre à établir entre les programmes ; l’allégement des programmes, qui fait pourtant consensus chez les personnes auditionnées, est extrêmement complexe à mettre en œuvre parce que chaque discipline – histoire, mathématiques, littérature… – a son propre lobbying.

La notion d’entrepreunariat, c’est-à-dire le développement de l’esprit d’entreprise, est un point très important de la recommandation, adoptée au niveau européen, sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie sur lesquelles est d’ailleurs basé le socle commun. Au titre de mes anciennes fonctions à la Commission européenne, j’indiquerai qu’a été créé au niveau européen un forum permanent entre le monde de l’éducation et le monde de l’entreprise.

Par ailleurs, vous avez tous souligné que la lutte contre l’échec scolaire est l’objectif principal ; je me permettrai de rappeler que les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont adopté un objectif de pourcentage de sorties précoces du système scolaire inférieur à 10 %. Si la France est nettement au-dessus, certains pays qui se situaient à un niveau très bas dans ce domaine, comme le Portugal, ont amélioré leurs performances en menant une politique très volontariste, malgré l’opposition des enseignants. Il est ainsi possible de progresser en prenant des mesures d’ensemble systématiques.

La question du sommeil, les chronobiologistes le confirment, doit constituer un élément important de nos réflexions. Je dirai un mot de l’évaluation, qui a été fréquemment évoquée : l’évaluation des enseignants et de l’ensemble du système scolaire est un des leviers-clefs de l’amélioration des performances, comme le prouve, là encore, le Portugal ; ce pays vient de créer un nouveau système d’évaluation qui a permis des avancées importantes.

S’agissant enfin, de la gouvernance au sens large, que vous avez largement évoquée et sur laquelle nous allons nous focaliser parce qu’elle ressort comme un élément majeur des auditions, il n’existe pas de consensus sur ce qui doit être national et ce qui doit être décentralisé ; tout le monde s’accorde en revanche sur le fait qu’il faut une forme de partage ; avec qui et comment, cela reste à déterminer et les pistes que vous indiquez nous seront, à cet égard, très utiles. Je conclurai en indiquant que votre rapport, que nous avons lu mais que nous nous gardons de commenter, sera une pièce maîtresse de nos travaux.

M. Patrick Gérard, membre du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Le budget de l’État, donc celui de l’éducation nationale, est voté par le Parlement. À partir de ce budget, les dotations sont réparties entre les académies. Chaque recteur répartit sa dotation en fonction de la démographie, du territoire et de l’efficience du système – les territoires plus isolés devant être plus aidés, de même que les populations et les élèves en plus grande difficulté.

Je ferai quelques observations concernant le débat de ce matin. L’enquête Pisa concerne les élèves âgés de quinze ans en 2009, c’est-à-dire les enfants nés en 1994 et qui ont connu huit ministres de l’éducation nationale, de gauche comme de droite. On demande beaucoup à notre système éducatif, mais il est certain que les changements de ministres, sans parler des changements de politiques, rendent difficile toute action de fond ; la continuité en ce domaine est nécessaire, c’est une réalité incontestable.

Par ailleurs, pour répondre à M. Herbillon, la mission parlementaire a beaucoup travaillé, alors que nous en sommes, nous-mêmes, à la fin des auditions, et que nous n’avons pas encore réfléchi à la synthèse que nous pouvions faire de cette première phase ; il est donc difficile pour nous de dialoguer aujourd’hui, mais lorsque nous aurons formulé nos premières propositions, à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février, il sera extrêmement intéressant de confronter nos positions.

En réponse à Mme de Panafieu, je préciserai que les deux principales associations de parents d’élèves sont très présentes dans les débats locaux organisés par les académies où elles sont largement invitées à s’exprimer.

S’agissant des rythmes scolaires, j’ajouterai que ce qui est fait à l’école est indissociable de ce qui est fait en dehors de l’école. Certes, les élèves ont trente-six semaines de classe ; mais cela correspond en réalité, si l’on retire les week-ends, et selon que la semaine compte quatre ou cinq jours d’école, à vingt et une semaines continues ; c’est-à-dire que le temps passé en dehors de l’école est équivalent au temps scolaire. Cela nous amène à la question des internats ; en effet, si l’on attend tout du système éducatif, cela veut dire que l’enfant doit passer la majeure partie de son temps dans un cadre scolaire. Il faut donc développer les internats ; c’est d’ailleurs ce que l’on essaie de faire avec les internats d’excellence, où les enfants sont encadrés hors du temps scolaire. Si tout ce qui est fait à l’école est contrarié par ce qui est fait à la maison, notamment à cause de la télévision et d’internet, cela pose un problème.

J’ajouterai qu’une des questions à prendre en compte est l’âge de l’élève. Le rythme scolaire doit-il être le même quel que soit l’âge ? Les chronobiologistes répondent évidemment par la négative. Partant de là, le temps scolaire doit-il être le même, les enfants doivent-ils rentrer à la même heure au collège et au lycée ? Ce sont des questions très difficiles qui posent des problèmes pratiques, comme celui des transports scolaires, auxquels nous ne pouvons pas encore répondre aujourd’hui.

M. Georges Fotinos, membre du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Compte tenu de la connaissance que j’ai des rapports qui ont été publiés sur le sujet depuis les années 1950, de celui du professeur Debré, en passant par celui du professeur Bernard, jusqu’au plus récent, celui de la Cour des comptes, je peux dire que votre rapport me semble vraiment excellent. Il se rapproche de celui publié par le Conseil économique et social en 1980 qui avait déclenché toute la réflexion sur la période dite psycho-pédagogique des rythmes scolaires. De plus, il propose un certain nombre de pistes qui me semblent totalement novatrices. En ce qui concerne la gouvernance au niveau local, c’est-à-dire communal, je n’ai pas compris si, dans votre préconisation, la décision finale d’organisation de la semaine scolaire revenait à l’élu ou à l’inspecteur de circonscription. Parmi les autres pistes novatrices, je citerai également les deux zones, le calendrier scolaire et ses conséquences, la grille horaire hebdomadaire laissée au pouvoir de décision du chef d’établissement, ainsi que le nombre d’heures d’enseignement adapté à l’âge des enfants. Je le redis : c’est un très bon rapport !

M. François Testu, membre du comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Je souhaiterais apporter une note d’optimisme car cette réunion me laisse une impression mitigée. Pourtant les temps, ainsi que les méthodes changent ; en effet, c’est une nouveauté d’avoir non pas un seul, mais plusieurs débats ouverts et sans tabous, ainsi que l’a souhaité le ministre, sur cette question des rythmes scolaires, à la fois au sein d’une Conférence nationale, et dans un cadre parlementaire. C’est ce que nous, les chercheurs, réclamions depuis trente ans. Cela change des habitudes puisque la semaine de quatre jours a été mise en place sans que l’on se préoccupe beaucoup des conséquences.

Le rapport est effectivement riche, mais j’apporterai un bémol à mon propos. On voit bien que la question est d’ordre très général et dépasse le cadre de l’aménagement du rythme de vie des enfants ; elle concerne le rôle de l’école, le rôle des parents, donc un problème de société. Mais il ne faudrait pas que la multitude de facteurs qui interviennent dans cette problématique nous conduise à perdre de vue les enfants. Et même si l’on ne peut isoler les enfants de leur environnement, nous devrons, à un moment ou à un autre, faire des choix. Or, la multiplication des instances de réflexion risque de déboucher sur des points de vue divergents. Il y a, en outre, une attente très forte, qui est légitime, de la part de la presse, ainsi que des personnes que nous avons auditionnées. Nous devrons faire des préconisations, appliquer assez rapidement les mesures qui font l’unanimité, et prendre nos responsabilités.

J’ajouterais une dernière observation sans lien avec les précédentes, concernant le sommeil. La relation n’est pas tant entre sommeil et réussite qu’entre manque de sommeil et échec. De nombreux enfants manquent de sommeil en raison d’aménagements de leur temps ou de conditions familiales inadaptées à une hygiène de vie ; cela a pour conséquence une désynchronisation de la rythmicité, s’accompagnant de performances d’attention et de vigilance très faibles, et par voie de conséquence, d’apprentissages scolaires très lents, sources d’inégalités, comme cela a été dit.

M. Yves Durand. J’ai bien compris que nous n’en étions pas au même stade dans nos travaux et je proposerai donc à Madame la Présidente de reprendre le débat lorsque la réflexion du comité de pilotage sera plus aboutie. Le sujet qui me semble essentiel, sur lequel j’ai conclu tout à l’heure et qu’a repris M. Testu, est celui de la hiérarchisation des préconisations que nous ferons. C’est pourquoi notre prochaine rencontre pourrait avoir pour objectif de déterminer ce qui fait consensus, qui peut donc s’appliquer très vite et constituer notre message. Il serait très dommageable que nos travaux ne débouchent sur rien de concret, car nous sommes en effet attendus. Il importe donc de déterminer les points d’accord et ce qui doit demeurer en débat jusqu’à ce que se dégage une orientation majoritaire, quelles que soient par ailleurs les échéances politiques susceptibles d’accélérer, ou de freiner les décisions.

M. Xavier Breton. Pour répondre à l’interrogation de M. Fotinos concernant l’échelon local, j’indiquerai que nous n’avons pas préconisé d’échelon mais simplement recensé les différents échelons possibles, qui sont au nombre de trois. Le premier est l’école, qui est la cellule de base ; il permet de vérifier qu’il y a un accord à l’intérieur du conseil d’école pour organiser le temps scolaire. C’est le système retenu par un tiers des écoles à Épinal ; mais cet échelon est assez restreint. Le deuxième échelon est la commune ; les communes sont en effet propriétaires des écoles, elles financent les activités périscolaires et sont les interlocuteurs des conseils généraux pour l’organisation des transports scolaires. Le troisième niveau est celui du bassin : soit le bassin « scolaire », c’est-à-dire le secteur de recrutement d’un collège ou d’un lycée – et il pourrait y avoir une harmonisation, ainsi que l’évoquait le recteur Gérard, entre les établissements du premier et du second degré – ; soit, en allant au-delà du bassin scolaire, le « bassin de vie », mais qu’il faudrait définir. On pourrait évoquer un échelon supplémentaire qui serait une régionalisation du temps scolaire, à l’instar de ce qui existe, par exemple, en Allemagne, ce qui impliquerait une autre organisation de notre système national.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je remercie l’ensemble des participants et nous prenons effectivement date pour une nouvelle rencontre avec le comité de pilotage après la publication de son rapport d’étape.

La séance est levée à treize heures quinze.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 15 décembre à 11 heures 30 :

Présents. – Mme Marie-Hélène Amiable, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Éric Berdoati, M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Monique Boulestin, M. Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, Mme Pascale Crozon, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Delong, M. Bernard Depierre, Mme Marianne Dubois, M. Yves Durand, Mme Martine Faure, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, Mme Jacqueline Irles, M. Olivier Jardé, M. Régis Juanico, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, M. Alain Marc, Mme Martine Martinel, M. Gilbert Mathon, M. Michel Ménard, Mme Françoise de Panafieu, M. Jean-Luc Pérat, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Jean Roatta, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. – Mme Marie-Odile Bouillé, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. Jean-François Copé, Mme Jacqueline Farreyrol, Mme Claude Greff, M. Christian Kert, M. Yvan Lachaud, M. Pierre Lequiller, Mme Geneviève Levy, Mme Muriel Marland-Militello, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Pajon, Mme Marie-Josée Roig