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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 29 mars 2011

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Jacques Grosperrin, secrétaire

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l’image animée, accompagné de Mme Audrey Azoulay, directrice générale déléguée

Informations relatives à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 29 mars 2011

La séance est ouverte à dix-sept heures quarante.

(Présidence de M. Jacques Grosperrin, secrétaire de la Commission)

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l’image animée, accompagné de Mme Audrey Azoulay, directrice générale déléguée.

M. Jacques Grosperrin, président. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Éric Garandeau, président depuis le début de cette année du Centre national du cinéma et de l'image animée, le CNC. Il est accompagné de sa directrice générale déléguée, Mme Audrey Azoulay.

Bienvenue, monsieur le président, devant cette commission qui attache beaucoup d'importance au cinéma et à la création audiovisuelle, et qui suit avec attention les actions du CNC.

Nous avons noté avec une grande satisfaction les très bons chiffres du cinéma en 2010, que ce soit pour les entrées en salle ou pour la production de films français. J'indique d'ailleurs que Mme la présidente Michèle Tabarot a l'intention d'organiser une table ronde avec les organisations de producteurs cinématographiques pour faire le point avec eux avant l'ouverture du prochain Festival de Cannes.

Le secteur du cinéma et le CNC ont beaucoup de défis à relever, et nous allons vous écouter avec grand intérêt sur vos priorités et les orientations que vous souhaitez donner à l'action du CNC.

M. Éric Garandeau. Monsieur le président, nous sommes très honorés d’être accueillis par cette commission prestigieuse. Je tiens à remercier sa présidente, Mme Tabarot, et l’ensemble de ses membres pour l’attention constante qu’ils témoignent à l’égard de notre politique culturelle en général et celle du cinéma et de l’audiovisuel en particulier. Nous avons pu le constater sur le dossier de la numérisation des salles de cinéma, puisque la proposition de loi votée l’année dernière, dans un climat de grand consensus, aura permis de faire en sorte que, dans les années à venir, aucune salle et aucune cinématographie ne soient laissées sur le bord de la route qui nous conduit à l’ère du tout numérique.

Au passage, je signale que l’année 2011 est une année historique : voilà 150 ans qu’était créée la bicyclette, mais aussi que naissait Méliès. La bicyclette et le cinématographe, ces deux inventions françaises – la seconde étant due aux frères Lumière nés peu de temps après Méliès –, ont transformé et continuent de transformer la vie de milliards de gens en leur permettant de voyager, au sens propre comme au sens figuré.

Comme vous le remarquiez à l’instant, les résultats du cinéma ont été excellents en 2010, qu’il s’agisse de la fréquentation des salles ou de la production agréée : plus de 206 millions d’entrées, soit une progression de 2,7 % par rapport à 2009, qui était déjà une année exceptionnelle. Ces résultats, supérieurs au niveau moyen des dix dernières années, constituent un record qui n’avait jamais été atteint depuis 43 ans, c’est-à-dire depuis 1967.

La part de marché du cinéma français a été un peu moins robuste que les années précédentes, mais son volume est très significatif : 73 millions d’entrées. La France est un des seuls pays à compter autant de spectateurs de ses films sur son sol qu’à l’étranger. Notre production s’exporte de plus en plus, sur des registres et des genres très différents, aussi bien des documentaires comme Océans, que des films d’auteurs comme Des hommes et des dieux ou des comédies comme Bienvenue chez les Chtis – film qui, décliné en Italie, fut le plus gros succès du box-office de ce pays.

La production cinématographique a été aussi très positive : 261 films agréés et 1,4 milliard d’euros d’investissements. Cela représente une activité économique très forte et un grand nombre d’emplois créés et soutenus. Ces très nombreux films sont bien financés, quelle que soit leur catégorie, notamment les « films du milieu », dont le budget varie entre 4 et 7 millions d’euros.

L’année 2010 a été marquée par d’importantes coproductions internationales et des sources de financement quasiment toutes en progression. Il ne s’agit pas forcément d’aller au-delà de ce chiffre, qui est très élevé et qui concerne à peu près un tiers du nombre de films diffusés en France. Mais c’est lui qui nous permet de maintenir notre part de marché à un niveau aussi soutenu, historique si on le compare à d’autres cinématographies.

On peut, à ce stade, mentionner l’effet très positif des mesures fiscales qui ont été votées par votre très bienveillante assemblée.

D’abord, le crédit d’impôt international. Il pourrait être qualifié de générateur d’impôt et d’activité. Une étude conduite sur l’exercice 2009 montre en effet que, pour un euro de crédit d’impôt versé, 11,30 euros de dépenses ont été réalisées en France et 3,60 euros de recettes fiscales ont été générées.

Ensuite, le crédit d’impôt national. Il continue d’être également très performant, même si son effet de levier – maintenir en France des tournages qui seraient menacés de délocalisation – est moins marqué que par le passé : d’abord, les budgets des films augmentent ; ensuite, d’autres pays comme la Belgique et le Luxembourg mettent en place des systèmes très attractifs. Certains parlementaires, dans les deux assemblées, avaient suggéré de relever le plafond de ce crédit d’impôt national au niveau du crédit d’impôt international, soit 4 millions d’euros. Une telle mesure permettrait certainement de mieux lutter contre ces délocalisations. Cela dit, on pourrait faire jouer d’autres leviers comme le périmètre des dépenses éligibles ou le barème de points.

Enfin, les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (SOFICA). Ce dispositif permet à la fois de soutenir des productions risquées, qui ne trouvent pas toujours de relais auprès des chaînes de télévision, et de faire en sorte que ces films restent dans le marché. Vers la mi-mai, au moment du Festival de Cannes, le CNC sera en mesure de dresser un bilan de ce dispositif fiscal. Celui-ci devra par ailleurs être reconduit pour les trois prochaines années à l’occasion de la prochaine loi de finances ; vos voix seront alors précieuses.

J’en viens à l’audiovisuel.

Sur le marché publicitaire de la télévision, les chaînes historiques ont connu en 2010 une année de rattrapage, après une très forte chute forte au milieu de l’année 2008 et en 2009. Le secteur poursuit sa recomposition, les chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) prenant inéluctablement une part d’audience de plus en plus forte : on s’achemine vers un pourcentage d’environ 25 %.

La production audiovisuelle aidée, qui a bénéficié du surcroît de recettes publicitaires des chaînes, a connu une progression de 8 % en 2010, tirée notamment par l’animation et le documentaire, deux secteurs particulièrement performants – y compris à l’international pour l’animation.

Le marché des télécommunications, qui n’a pas réellement subi les effets de la crise, contrairement au secteur audiovisuel classique, est également en pleine croissance. Mais nous en saurons plus lorsque nous disposerons de toutes les déclarations fiscales.

En dernier lieu, le marché de la vidéo, en déclin depuis au moins 2005, connaît une situation beaucoup plus difficile. Malgré tout, si l’on en croit les professionnels, les effets des lois HADOPI sont là. Ce marché s’est stabilisé et il est porté par la croissance du format haute définition (HD), le Blu-ray, ainsi que par la vidéo à la demande – celle-ci, qui représente aujourd’hui 10 % de parts du marché, confirme son décollage.

Quelles sont nos préoccupations ? Comme vous l’avez mentionné, nous pouvons nous interroger sur l’avenir des financements du cinéma et de l’audiovisuel, en raison notamment de la redéfinition de la taxe sur les services de télévision qui représente aujourd’hui plus des trois quarts des recettes du Centre.

En 2011, le fonds de soutien du Centre devra être logiquement conforté dans ses recettes, du fait des progrès structurels des marchés de la diffusion. Ce fonds permet d’alimenter nos programmes d’aide, lesquels doivent tenir compte de la multiplication des canaux de diffusion, et donc des besoins de production. Faute de quoi, tous ces canaux seront essentiellement parcourus par les productions étrangères, notamment américaines. Au moment où la transition numérique nécessite d’importants investissements, le niveau de ce fonds de soutien constitue un enjeu majeur sur lequel plane une forte incertitude.

Il faut savoir que la taxe spéciale additionnelle (TSA), qui est assise sur le prix des entrées en salle de cinéma et qui est une ressource mature, peut être sujette à des retournements de marché : la fréquentation des salles peut diminuer.

Les taxes sur la vidéo et la vidéo à la demande, malgré le rattrapage de la vidéo à la demande, peuvent être menacées de deux manières : par le piratage ou la délocalisation de plateformes dans des pays ayant une TVA à taux réduit, comme le Luxembourg.

Voilà pourquoi la taxe sur les services de télévision (TST) est vitale pour le soutien de la création. Elle concerne non seulement le marché hertzien, lui aussi mature, mais aussi et de plus en plus la distribution de services de télévision en mode payant, et devra, selon nos prévisions initiales, rapporter 583 millions d’euros. Or le rendement de cette taxe est aujourd’hui menacé dans la mesure où l’un des opérateurs de télécommunications a décidé, à la suite de la modification du taux de TVA sur les offres composites dans la dernière loi de finances, de dissocier son offre audiovisuelle du reste de l’abonnement au téléphone et à internet – qui s’appelait jusqu’à présent « triple play » – en en faisant baisser considérablement le coût, qui est passé à 1,99 euro. Cette pratique réduit en fait à néant le volume de la taxe qu’il devrait logiquement supporter et fait planer des incertitudes sur le rendement de la TST dès l’année 2011.

Nous nous réjouissons que les autres opérateurs n’aient pas emprunté cette voie qui ne nous semble pas refléter la réalité du marché de l’audiovisuel ni l’importance des services de télévision ni, plus généralement, de la vidéo sur internet. Reste qu’il faudra certainement sécuriser le régime de cette taxe dans une prochaine loi de finances – si possible la prochaine. C’est le sens de la mission conduite en ce moment par l’inspection des finances et l’inspection des affaires culturelles.

Je rappelle que les distributeurs de chaînes payantes représentent 5,7 millions d’abonnés et contribuent au compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (COSIP) de façon tout à fait significative. Quant aux fournisseurs d’accès, qui représentent 22 millions d’abonnés, ils devraient contribuer à la hauteur de cette puissance économique, au nom du principe selon lequel tous ceux qui font, directement et indirectement, le commerce de la diffusion d’images doivent contribuer à leur financement. Ce principe fait d’ailleurs de plus en plus d’émules à l’étranger : de nombreux pays se sont dotés, ou sont en train de se doter, de l’équivalent d’un compte de soutien pour financer la création.

En ce qui concerne la numérisation des salles de cinéma, entreprise à la suite de la loi que vous avez votée, elle connaît déjà un grand succès : fin mars 2011, 2 182 écrans sont numérisés, soit 40 % des écrans dans 585 cinémas, soit encore 28 % des établissements. Nous sommes les premiers en Europe, et probablement très bien placés dans le monde.

Ce succès est dû à la combinaison réussie de trois outils. Premièrement, la mise en œuvre, en vertu de la loi que vous avez votée, du principe de la « contribution numérique » des distributeurs à l’investissement des exploitants – le comité de suivi prévu par la loi sera bientôt mis en place, le décret correspondant venant d’être publié.

Deuxièmement, l’aide sélective qu’accorde le CNC à la numérisation des salles qui ne peuvent pas s’équiper elles-mêmes. Ce dispositif concerne environ un millier d’établissements de trois salles maximum, qui, par leur type de programmation ou de configuration, ne peuvent obtenir de contributions des distributeurs. Lors des deux sessions d’aide du 15 décembre 2010 et du 15 février 2011, 69 dossiers ont été aidés correspondant à 77 écrans de 17 régions différentes, l’aide totale accordée étant de 3,6 millions d’euros. Nous traitons actuellement 585 dossiers et nous pouvons donc anticiper une montée en charge assez rapide de la procédure pour la prochaine session, qui aura lieu le 19 avril.

Troisièmement, les recommandations du comité de concertation permettent d’encadrer techniquement les discussions entre les distributeurs et les exploitants sur cette question de la contribution numérique. Les cinq recommandations formulées jusqu’à aujourd’hui permettent de maintenir un dialogue serein entre distributeurs et exploitants.

On peut penser raisonnablement que l’essentiel des salles sera numérisé d’ici à la fin 2012. Au moment où les films eux-mêmes sont dématérialisés, toutes les salles, y compris les plus petites – lesquelles jouent un rôle d’animation culturelle – ont absolument besoin de cette numérisation, qui permet une bien plus grande flexibilité de programmation.

La numérisation des salles va, bien entendu, avec la numérisation des œuvres, films nouveaux ou œuvres de patrimoine. Pour les films qui sortent aujourd’hui sur le marché, cela est à peu près acquis, puisque l’essentiel des films est post produit en numérique. La numérisation des œuvres de patrimoine constitue un enjeu très fort, que ce soit pour la culture française ou pour la culture européenne et internationale ; la demande du public est d’ailleurs élevée, comme en témoigne le succès de l’exposition Kubrick à la Cinémathèque française. L’action du CNC, associée à celle du Grand emprunt, va permettra de procéder à une numérisation en masse de ces œuvres, et ainsi améliorer leur diffusion ou leur rediffusion.

Nous sommes extrêmement vigilants sur la qualité du support, c’est-à-dire sur le format du fichier à utiliser pour la numérisation. Le CNC a missionné la commission supérieure technique (CST) sur le sujet. Je peux d’ores et déjà vous indiquer que sera recommandée la norme 2K, sachant qu’elle permet une exploitation de bonne qualité dans les salles de cinéma et que le marché de la HD va se transformer en marché du 2K, tant pour les salles de cinéma que pour la télévision ou la vidéo. Le CNC recommandera également aux équipes du Grand emprunt d’exiger cette norme.

Reste à déterminer la bonne complémentarité entre les financements apportés par le Grand emprunt et ceux qui seront apportés par le CNC. Nous considérons que l’enveloppe des 750 millions d’euros qui a été réservée dans le cadre du Grand emprunt pour la numérisation des œuvres de l’esprit – films, livres, archives de presse – doit être mobilisée en priorité, puisque c’est sa vocation. Toutefois, comme une partie des catalogues ne répondra peut-être pas aux critères de rentabilité qui sont exigés par le Commissariat général à l’investissement – chargé de veiller à l’utilisation des fonds du Grand emprunt, il doit agir en investisseur avisé – et par la Caisse des dépôts et consignations, qui instruit les dossiers, nous serons sans doute obligés d’intervenir en complémentarité.

La numérisation des salles et des œuvres représente à peu près un demi-milliard d’euros. Un inventaire national prenant en compte de façon exhaustive les fichiers d’œuvres dans leur état matériel et leur état juridique devrait nous permettre, dans les dix-huit mois qui viennent, d’établir avec plus de précision l’étendue des besoins, mais on sait qu’ils sont très importants si l’on prend en compte à la fois les longs métrages, les courts métrages, le film et le hors film. Il s’agit d’œuvres de qualité qui méritent d’être redécouvertes et rediffusées.

Par ailleurs, nous conduisons à l’égard de la production et de la distribution cinématographiques un exercice de transparence équivalent à celui qui avait été conduit entre les auteurs et les producteurs. Sans doute avez-vous suivi les travaux du Club des treize, le rapport Bonnell, la médiation conduite par Roch Olivier Maistre, l’accord sur la transparence signé à la fin de l’année dernière et le décret sur le fonds de soutien, publié il y a un mois et qui améliore la situation des producteurs délégués. Aujourd’hui, nous poursuivons cet exercice de transparence et de réexamen des besoins de la filière pour établir des références communes dans la relation entre les producteurs d’une œuvre et l’aval : distributeurs en salle, en vidéo, vendeurs des droits télévisés, agents de vente internationale… Nous souhaitons aussi mieux accompagner l’exportation de nos œuvres, notamment cinématographiques.

Dans le domaine de l’audiovisuel, de nombreux chantiers sont ouverts, notamment en matière de fiction et de séries. Nous espérons non seulement être plus performants sur le marché national, très concurrencé par les séries américaines, mais aussi conquérir le marché international. Quelques grands acteurs privés, mais aussi France Télévisions et Arte, étudient la question, qui passe par un travail sur l’écriture, la réécriture, et le développement des œuvres. Nous avons commandé des rapports, notamment celui de M. Pierre Chevalier sur la fiction, dont nous allons mettre en œuvre les conclusions.

Nous soutenons également les écritures transmédia, que ce soit sur la fiction, le documentaire ou d’autres genres, car elles contribuent au renouvellement de l’écriture et du vivier des auteurs. Le CNC et Arte, qui ont souvent travaillé main dans la main, ont mis en place il y a trois ans un système d’aide sélective, avec un certain succès public. France Télévisions est également en train de s’emparer de ces œuvres transmédia. Le décret « web COSIP » étendant le bénéfice du soutien financier à la production notamment pour internet devrait sortir dans les prochains jours.

Nous nous intéressons par ailleurs au développement des nouvelles plateformes de vidéo à la demande et à l’amélioration de leur référencement sur la télévision par internet : plus de 90 % du volume d’affaires et de la consommation de la vidéo à la demande se fait via les fournisseurs d’accès. Or la très grande diversité des plateformes de vidéo à la demande – plus de 50 en France – ne se retrouve absolument pas sur les boîtiers internet. Le rapport de Mme Sylvie Hubac contient des propositions, y compris législatives, pour améliorer ce référencement.

Nous réfléchissons au soutien automatique et sélectif aux plateformes de vidéos à la demande. Nous essayons de convaincre la Commission européenne que ce sont des sujets culturels et que les productions françaises et européennes doivent absolument être disponibles sur ces plateformes. Faute de quoi, nous perdrons la bataille culturelle, compte tenu du lien très étroit entre les œuvres et les plateformes. L’enjeu est donc fondamental.

Il faudra conduire des concertations professionnelles, afin que la gestion des droits soit la plus efficace possible. Sur ce sujet également, le rapport Hubac contient des préconisations, qui seront soumises à concertation.

Il conviendra en outre de continuer à travailler sur la chronologie des médias, même si, grâce à la loi de 2009, celle-ci a déjà été adaptée, sans remettre en cause le lien fondamental existant entre la chronologie et le préfinancement des œuvres. Dans ce domaine délicat, nous avons plutôt un rôle de médiateur entre les professionnels.

Je terminerai sur deux sujets liés à l’international.

Le ministre de la culture, qui s’est rendu récemment à Ouagadougou, a été très attentif au soutien aux cinématographies des pays d’Afrique Nous réfléchissons à l’amélioration de nos dispositifs, que ce soit via le Fonds Sud, dont nous allons d’ailleurs changer l’appellation, ou d’autres mécanismes de coopération, notamment les accords de coproduction.

Par ailleurs, nous nous inquiétions de l’avenir du programme européen MÉDIA, mais le président de la Commission européenne a fait des déclarations rassurantes à ce sujet. Nous devrons malgré tout rester très vigilants sur la poursuite de ce programme au-delà de 2013. Cela se jouera dans l’année qui vient.

En conclusion, la révolution numérique est l’enjeu le plus important pour le Centre, dans la mesure où se trouvent concernées toutes les industries culturelles qui font partie de notre périmètre d’action. Parmi celles-ci, je n’ai pas eu l’occasion de parler du jeu vidéo, qui fait partie de notre « nouvelle frontière », mais j’indique que nous discutons en ce moment avec la Caisse des dépôts et avec l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) du moyen d’améliorer le soutien que nous apportons à cette nouvelle industrie très créative. Mais notre préoccupation majeure est aujourd’hui de conforter notre capacité d’intervention financière – et donc la taxe sur les services de télévision.

Mme Muriel Marland-Militello. Nous avons été très heureux de vous entendre. Vous êtes l’exemple vivant d’une politique exemplaire, menée aussi bien en amont qu’en aval des productions.

Vous avez remarqué à juste titre, et je vous en félicite, que les succès que nous remportons en matière de politique culturelle cinématographique sont dus non seulement aux dispositifs d’avantage fiscal mis en place, mais aussi à notre combat pour maintenir l’exception culturelle face à la menace que constituent les États-Unis, voire les pays anglo-saxons au sein même de l’Europe.

J’apprécie par ailleurs que le CNC ait pris en compte très vite la révolution numérique, car l’avenir du cinéma dépend beaucoup de la technologie. L’aide que vous apportez à la numérisation des salles qui ne pourraient pas s’équiper elles-mêmes me semble particulièrement bienvenue.

Je m’interroge à propos des avances sur recettes. Nos jeunes auteurs, scénographes ou autres, sont-ils vraiment créatifs ? Quelle est la proportion entre les dossiers qui sont proposés et ceux qui sont retenus ? Et parmi ces derniers, combien ont rencontré leur public ?

La problématique des délocalisations est peut-être la seule où nous n’avons pas pleinement réussi. Les délocalisations ne dépendent pas uniquement des plafonds de défiscalisation, elles tiennent aussi et beaucoup au coût de la vie du pays qui accueille les productions et des salaires qui y sont versés. Or le niveau de prix de nos hôtels et des salaires que nous pratiquons fait que nous sommes moins bien armés contre des délocalisations que d’autres – je pense moins au Luxembourg qu’à d’autres pays, plus au Nord de l’Europe. Il arrive même que l’on réalise à l’étranger des films dont l’histoire se situe en France.

Selon moi, des problèmes se posent encore dans la chronologie des médias. Vous avez souligné votre rôle de médiateur et bien montré que, quel que soit le nombre de plateformes, les offres étaient peu variées. J’ai observé de mon côté qu’elles n’étaient pas clairement présentées, au point que des spectateurs, ne sachant pas comment procéder légalement, finissaient par pirater les œuvres. Le CNC peut-il intervenir ?

Des mécènes d’entreprise comme Total ou la Société générale m’ont indiqué que le dispositif de mécénat prévu dans la loi Aillagon était rarement utilisé dans le cinéma. Est-ce exact ? Et pourquoi ?

Je voudrais, au nom du groupe UMP, vous féliciter de poursuivre la politique du CNC. Je tiens aussi à rendre hommage à Véronique Cayla, qui, avant vous, avait fait un travail formidable, surtout sur les droits d’auteur. L’industrie du cinéma ne pourrait pas vivre sans vous. Au reste, vous avez bien conscience de vos responsabilités.

Je tiens aussi, au nom de mon groupe, à féliciter le Gouvernement et, d’une façon générale, la France pour cette politique exceptionnelle : si nous sommes un des rares pays de grande production cinématographique, c’est grâce aux financements publics.

M. Marcel Rogemont. S’il y a un nouveau président du CNC, c’est probablement parce qu’il y a un nouveau Centre et de nouveaux défis à relever. Le maintien de l’exception culturelle que représente le cinéma français est l’un d’entre eux. Et si l’on parle de maintien, c’est bien parce qu’il y a quelque chose qui existe depuis un certain temps. Les satisfecit sont donc à partager.

Aujourd’hui, le cinéma va bien, qu’il s’agisse du nombre de spectateurs, du nombre de films, de leur qualité ou de leur exposition. Et comme, en plus, il y a de l’argent, on ne peut pas se plaindre. Cela dit, j’ai cru comprendre que certains s’intéressaient à cet argent et que les débudgétisations se poursuivaient, qu’il s’agisse du Fonds Sud, du patrimoine ou encore de la ponction de 20 millions d’euros sur les recettes du CNC. J’aimerais donc connaître les débudgétisations qui vont venir amoindrir les subsides du cinéma. Au reste, dans les 750 millions d’euros du produit des taxes affectées directement au CNC, quelle est la part qui va au cinéma ?

Le cinéma va si bien que l’on peut s’interroger sur le fondement des nombreux propos tenus au moment du vote les lois HADOPI. Même la vidéo à la demande (VOD) ne se porte pas si mal – grâce au Blu-ray et non grâce à la HADOPI

Cela dit, quelques questions restent en suspens.

Que Free échappe à la TST pose évidemment un problème. Certes, vous avez mis en place une mission de réflexion, mais, si j’ai bien compris, la solution la plus sûre serait de sécuriser la ressource en modifiant, par la loi, le régime fiscal actuel. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Le développement de la télévision connectée va de pair avec la multiplication des offres de films. Certes, le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, ou décret SMAD, vient d’être publié. Mais il n’est pas prévu que la VOD entre dans une logique de préfinancement ; or c’est ce dispositif qui garantit la vitalité de la production française. Il y a là de quoi s’interroger. Que se passera-t-il si une société du secteur télévisuel implantée à l’étranger signe avec Time Warner. Comment le financement des films sera-t-il assuré ?

Le programme MÉDIA, qui a pratiquement vingt ans, est l’expression européenne de l’exception culturelle – et la France y est probablement pour quelque chose. Cela dit, même si la commissaire chargée de cette question a tenu des propos rassurants, il est néanmoins question d’inclure ce programme dans un programme plus large et de diminuer ses crédits. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet ?

Le médiateur du cinéma s’inquiète de l’exposition des films, sachant que le « surplus » de spectateurs va plutôt vers les multiplexes que vers les petites salles. Je souhaiterais vous entendre sur ce sujet.

Jusqu’à présent, très peu de salles ont bénéficié du dispositif de l’aide sélective à la numérisation, même si vous prévoyez la montée en charge de celui-ci. Combien de temps allez-vous l’appliquer ? À cet égard, quelle est, pour l’ensemble des décisions qui ont été prises, la part de financement apportée par les collectivités territoriales ? Et quelle est celle qui est apportée par le CNC ?

Vous avez confié à Mme Hubac une mission sur le développement des services de VOD. Il semblerait que les détenteurs des droits soient réticents à l’idée d’alimenter le marché de la VOD. Envisagez-vous une négociation ? Prévoyez-vous d’intervenir ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous devons en effet nous féliciter de la bonne santé du cinéma français. Toutefois, afin de maintenir un tel dynamisme, il ne faut pas relâcher notre pression sur les contributeurs éventuels.

Le CNC a-t-il défini une politique concernant le financement des festivals de cinéma municipaux ou départementaux ? J’exclus les festivals de grand renom.

Quelle est la position du CNC en matière de projection dans les salles de cinéma de productions à caractère culturel ou sportif, par exemple ? Peut-on envisager un financement, voire éventuellement des aides ?

M. Michel Pajon. Le visage des salles françaises est en pleine mutation. Le nombre de multiplexes s’est accru de manière fulgurante : alors qu’il représentait 3,9 % des établissements et 34,5 % des entrées en 2000, il compte aujourd’hui pour 8,4 % des établissements et 57 % des entrées. Dans son dernier rapport, le médiateur du cinéma, M. Maistre, s’inquiète de ce phénomène. Les multiplexes s’implantent sur tout le territoire en fragilisant les petites salles indépendantes en zone concurrentielle. Celles-ci sont victimes d’un effet de ciseaux : elles ne peuvent programmer les films dits « grand public » qu’en deuxième ou troisième semaine d’exploitation, tandis que les multiplexes les concurrencent directement en proposant de plus en plus de films d’art et d’essai. C’est la situation que subit aujourd’hui le cinéma municipal de ma ville de Noisy-le-Grand sous les coups du groupe UGC, et ce malgré l’intervention du médiateur du cinéma. La survie de ces cinémas de proximité est pourtant primordiale. Dans les grandes villes, ils animent le cœur de ville ; dans les villes petites ou moyennes, ils sont ancrés dans le tissu social et culturel. Ils accueillent notamment les écoles et aiguisent la curiosité des enfants par des programmations originales. Quel compromis le CNC pourrait-il donc trouver pour faire vivre ensemble ces deux approches de l’offre cinématographique aussi diverses que complémentaires ?

Vous avez d’autre part pour mission de soutenir l’ensemble des professions et des activités du cinéma. Comment accompagner l’évolution vers le numérique tout en préservant un savoir-faire technique ? Je pense notamment au métier de projectionniste et aux métiers de l’industrie créant les supports argentiques. Au-delà des œuvres cinématographiques, ce savoir-faire technique participe en effet de la richesse du patrimoine culturel français et international.

Mme Marie-Hélène Thoraval. Je m’associe bien volontiers aux propos de Mme Marland-Militello et me félicite à mon tour de l’action conduite par le Gouvernement.

En 2010, Canal + a investi dans 155 films la somme globale de 194 millions d’euros. Cet investissement est en hausse de plus de 18 % et constitue même un sommet pour la chaîne. Ne craignez-vous pas que la fusion entre Orange cinéma séries et TPS Star, filiale de Canal +, réduise les financements disponibles pour les producteurs de films français ?

Avec l’émergence des nouvelles pratiques de consommation des médias, les sources de financement tendent d’autre part à s’élargir. Pourquoi ne pas mettre à contribution les opérateurs-diffuseurs de vidéos à la demande ?

Mme Colette Langlade. Monsieur le président, vous êtes le président de l’art du tout numérique, du court métrage au jeu vidéo, en passant par le transmédia.

Vous avez parlé de conforter la capacité financière du CNC. Or les ressources du fonds de soutien proviennent pour l’essentiel des taxes, et l’un des fournisseurs d’accès à internet, Free, a imaginé un moyen d’échapper à cette contribution. Pouvez-vous nous en dire plus ?

S’agissant justement des offres triple play des fournisseurs d’accès à internet, comment faire quand se conjuguent à la fois la décision de l’État de soumettre l’ensemble de leur offre à la TVA à taux plein, celle des fournisseurs d’accès internet de maintenir leur offre mixte et le fait que les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel proposent de plus en plus des images animées, lesquelles occupent une part croissante des abonnements triple play ?

J’observe que, malgré la démarche que vous avez entreprise en matière de numérisation des salles de cinéma, le passage au numérique reste difficile pour de nombreuses salles comptant entre quatre et huit écrans, en particulier lorsqu’elles ne sont pas éligibles au dispositif que vous avez mis en place.

M. Michel Françaix. Je me félicite moi aussi, monsieur le président, du travail que vous accomplissez dans la continuité de vos prédécesseurs. Je prends acte que le gouvernement actuel n’est pas revenu sur la politique culturelle mise en œuvre en 1981, laquelle a permis au cinéma français de résister au cinéma américain quand les cinémas italien ou suédois, pour ne prendre que ces exemples, ont pratiquement disparu. Bref, nous sommes sur la même ligne, et les résultats sont là.

Contrairement à la plupart de mes collègues, y compris des amis de ma propre sensibilité, je pense que la seule façon de continuer à développer le cinéma est d’augmenter le nombre des multiplexes. Depuis que deux multiplexes se sont implantés dans l’Oise, la fréquentation cinématographique du département a enregistré une progression notable : en deux ans, on est passé de 2,1 à 3,7 sorties par an. A-t-on vraiment le droit de priver les gens de cinéma parce qu’il n’y a pas de salle à moins de quinze kilomètres ? De même qu’on ne pouvait pas être contre les grandes surfaces, il me semble donc qu’on ne peut être contre cette possibilité offerte à nos concitoyens d’aller plus souvent au cinéma, et dans de bonnes conditions. Partagez-vous cette vision ?

La fréquentation des petites salles n’augmente certes pas autant, mais pour peu que les professionnels soient bons, le taux de fréquentation peut continuer de progresser de 4 à 6 %. La cohabitation est donc possible. Si vous me permettez une comparaison, je dirai que nous sommes un peu dans le même cas de figure qu’une grande surface voisinant avec un traiteur de luxe… Les cinémas confrontés à des difficultés sont plutôt ceux qui comptent cinq ou six salles qui n’ont pas été modernisées et qui refusent de s’adapter. Bref, je suis confiant pour les petits cinémas ; je pense que les gros sont indispensables ; et je considère que si un problème doit être posé, c’est plutôt celui des cinémas de taille intermédiaire.

M. Jean-Philippe Maurer. Un certain nombre de salles situées dans des villes moyennes et n’appartenant à aucun grand réseau ont toujours des difficultés d’accès à la copie. Leur survie est pourtant conditionnée par la résolution de ces difficultés. Quelles précisions pouvez-vous nous donner à ce sujet ?

Je souhaite également vous interroger sur le court métrage, qui est une école à part entière dans le cinéma français. Je pense que la production fonctionne ; c’est la diffusion qui est difficile. La plupart des cinémas se sont affranchis de l’obligation de passer un court métrage avant le film qui est à l’affiche. Une production est pourtant faite pour être diffusée ! Quelques festivals s’attachent heureusement à promouvoir les courts métrages, qui constituent souvent – l’histoire l’a montré – les prémices d’une œuvre. Quel élan entendez-vous donner à la production de courts métrages ? Que pourrions-nous faire de plus pour le court métrage français ?

Mme Jacqueline Irles. Je m’associe à mes collègues pour saluer votre action et la qualité de votre intervention, monsieur le président.

La fusion des chaînes d’Orange et de Canal + ne risque-t-elle pas de freiner la production de films plus modestes ?

Ma seconde question porte sur l’aide à la numérisation. Quelle proportion des investissements espérés les aides à la numérisation représenteront-elles pour les salles de cinéma municipales ou associatives ?

Mme Martine Faure. Vous avez fait allusion à l’aide au jeune cinéma africain. Je sais que le Fonds Sud joue un rôle important, mais j’aimerais avoir davantage de précisions.

M. Éric Garandeau. Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de vos questions, qui témoignent de l’intérêt que vous portez au cinéma et à l’image animée, et de votre excellente connaissance des dispositifs existants.

La culture et l’économie sont en effet intrinsèquement liées, madame Marland-Militello, puisque le créatif et l’aspect technique sont les deux faces d’une même réalité – c’est en tout cas une idée qui nous est chère. On ne peut donc les dissocier. C’est tout l’enjeu du dialogue que nous conduisons avec la Commission européenne pour essayer de faire comprendre que les industries techniques sont partie intégrante de la création, et qu’on ne peut « découper » le processus créatif – bref, que nos techniciens contribuent de manière décisive à la qualité artistique de nos productions. Je ne pense pas seulement au jeu vidéo et à l’animation, mais aussi au court métrage, et plus généralement à tout le champ de notre création.

S’agissant des nouveaux auteurs, vous avez évoqué l’avance sur recettes. On peut également penser aux aides au court métrage, qui permettent souvent de découvrir et de soutenir ces nouveaux auteurs. Il faut savoir que la sélectivité de l’avance sur recettes est très forte, puisque seules 5 % des demandes débouchent sur l’obtention d’une avance.

Depuis quelques années, la sélection est opérée par deux collèges distincts – l’un pour les premiers et deuxièmes films et l’autre pour les auteurs plus confirmés – afin de ne pas pénaliser les jeunes auteurs. Ce dispositif permet un certain renouvellement. En 2010, plusieurs premiers films ont ainsi remporté un grand succès d’audience, voire des césars et les faveurs de la critique. Je pense notamment au Gainsbourg de Joann Sfar, à Tout ce qui brille de Géraldine Nakache ou à L’arnacœur, comédie de Pascal Chaumeil.

Mme Audrey Azoulay, directrice générale déléguée du CNC. S’agissant de l’avance sur recettes, il faut rappeler que les films qui rencontrent un certain succès dans leur exploitation commerciale – et donc génèrent des recettes – remboursent l’avance au fur et à mesure de l’encaissement de celles-ci. Nous avons ainsi reçu il y a peu un remboursement au titre du film Des hommes et des dieux, qui a rencontré un grand succès. Ces remboursements viennent réalimenter le budget de l’avance sur recettes.

Mme Muriel Marland-Militello. C’est un bon système.

Mme Audrey Azoulay. Le taux de remboursement est certes faible au regard des aides distribuées, puisque le budget de l’avance sur recettes dépasse les 25 millions d’euros, mais le système a le mérite d’assurer une solidarité entre les créateurs.

M. Éric Garandeau. En ce qui concerne les délocalisations de tournages, nous constatons en effet que la Belgique et le Luxembourg offrent des dispositifs attractifs sur le plan fiscal – autrefois, on pensait plus volontiers à la République tchèque, à la Hongrie ou au Royaume-Uni. C’est pourquoi une amélioration du crédit d’impôt nous paraît souhaitable. L’activité resterait ainsi en France au lieu d’être délocalisée, si bien que le coût de la mesure pour les finances publiques serait nul.

Le niveau de nos charges sociales est certes élevé, mais ce handicap peut être compensé par la présence d’infrastructures de qualité. Je pense à la Cité du cinéma, pôle de compétences que nous sommes en train de développer en Seine Saint-Denis avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations, qui nous permettra notamment de disposer d’un vivier de techniciens très qualifiés. Nous avons donc le souci d’encourager le renouvellement du tissu technique. De même, l’aide à la numérisation des films permettra de nourrir une industrie capable d’attirer de l’activité à l’échelle européenne.

J’en viens à la vidéo à la demande. Le nombre de films mis à disposition a considérablement augmenté : plus d’un million de fichiers sont aujourd’hui disponibles, et pour le long métrage, nous approchons des 10 000. Cette offre est appelée à se renforcer encore avec le plan de numérisation. À terme, c’est toute l’histoire du cinéma qui devrait être couverte, depuis les premiers films des frères Lumière et de Méliès.

Il est aussi capital de développer les outils de recommandation, de prescription et de navigation. Les grands acteurs – américains – sont connus : Google pour la navigation et Facebook pour la recommandation. Mais il n’y a pas de fatalité : nous pouvons développer à notre tour des outils et des plateformes efficaces pour naviguer dans le « web profond » et nous attacher à prendre en compte les différents profils de publics pour mieux répondre à leurs demandes, dans le respect de la vie privée, bien entendu. Il ne s’agit pas nécessairement d’encourager la multiplication des plateformes, mais d’en avoir quelques-unes qui soient performantes. Ainsi, AlloCiné et UniversCiné pourraient se regrouper pour améliorer encore leurs performances, d’autant qu’elles se développent désormais à l’international.

Vous avez également évoqué le mécénat. Lorsque je suis arrivé au CNC en 2004, je venais de travailler sur la loi mécénat de Jean-Jacques Aillagon. C’est donc tout naturellement que j’ai voulu voir si on pouvait développer le mécénat dans le cinéma. S’il existe, c’est surtout en matière de patrimoine, avec, par exemple, la Fondation Groupama Gan pour le cinéma ou la Fondation Technicolor pour le patrimoine du cinéma, qui investit notablement – avec l’appui du CNC – dans la restauration des films de Jacques Tati ou de Pierre Etaix. Sans être désigné comme tel, le mécénat existe aussi avec les conditions préférentielles que les industries techniques réservent aux jeunes auteurs et producteurs. Néanmoins, il n’emprunte pas le mécanisme fiscal du mécénat, pour deux raisons principales : d’une part, il y a malheureusement peu de bénéfices ; d’autre part, les auteurs sont constitués en sociétés et non en associations. Il reste que le mécénat pourrait être plus développé en matière de patrimoine ou d’éducation artistique. On ne peut donc que l’encourager.

J’en viens aux nouveaux défis de la territorialité, monsieur Rogemont. Les fonds régionaux se sont révélés un grand succès pour assurer le croisement des compétences et des financements entre les collectivités locales – les régions au premier chef, mais aussi les conseils généraux et quelques villes – et le CNC, avec le fameux dispositif du « un euro du CNC pour deux de la collectivité ». Nous renouvelons actuellement l’ensemble des conventions – j’ai reçu la semaine dernière les représentants de plusieurs régions pour évoquer cette troisième génération de contrats, sachant qu’ils devront cette fois-ci être notifiés à la Commission européenne. Nous sommes en train de réfléchir à un accord-cadre qui pourrait convenir à toutes les régions, qu’elles privilégient le cinéma, l’animation ou l’audiovisuel, le court ou le long métrage… J’ajoute que ces instruments ont aussi vocation à inciter les collectivités à intervenir dans l’aide à la numérisation des petites salles. Il est trop tôt pour disposer de montants, puisque ces conventions sont encore en négociation, mais nous ne manquerons pas de dresser un bilan des aides qui auront été apportées.

Vous avez évoqué la débudgétisation. Le CNC a en effet pris à sa charge sur le compte de soutien des dépenses qui correspondaient jusque-là à des crédits budgétaires du ministère de la culture dévolus au CNC. Cela concerne notamment le financement de la Cinémathèque française, les dépenses éducatives, le Fonds Sud et les accords internationaux, dont le « mini traité » franco-allemand, dont nous fêterons les dix ans cette année.

M. Marcel Rogemont. Ce mouvement est-il appelé à se poursuivre ?

M. Eric Garandeau. Dans la mesure où nous n’avons plus de financements budgétaires ou presque, il est achevé. Les crédits budgétaires financent encore pour moitié – soit à hauteur de 10 millions d’euros – la Cinémathèque française, mais nous devrons dès l’an prochain assumer la totalité de cette charge. Dès lors que notre financement est assuré, cela ne constitue cependant qu’une simplification qui ne pèse pas sur l’activité des structures que nous soutenons. Nous avons ainsi augmenté le Fonds Sud de 300 000 euros cette année, tout en confortant les moyens consacrés à l’éducation artistique. Notre seule crainte touche à la prise en charge des transports scolaires par les conseils généraux, certains ayant manifesté des velléités de désengagement. Toujours dans le domaine de l’éducation artistique, je rappelle que nous avons lancé dans tous les lycées de France un portail internet, CinéLycée.

Quant à la part du Grand emprunt réservée à la numérisation, elle ne dépend pas de nous ! Sachez que nous rencontrons tous les mois les équipes du Grand emprunt pour faire avancer les négociations en cours avec les détenteurs de droits. Nous mettons tout en œuvre pour qu’un accord-cadre puisse être signé pour le Festival de Cannes. Nous espérons bien sûr la réponse la plus ambitieuse possible, afin de limiter la charge qui pèsera sur nous. Nous savons d’ores et déjà que pour les films muets, les documentaires et les courts métrages de la première moitié du vingtième siècle, pour lesquels les perspectives de rentabilité sont faibles, il nous appartiendra sans doute d’agir nous-mêmes. Pour le reste, tout dépendra du résultat de la négociation.

J’en viens à la vidéo et à la HADOPI. Les professionnels du cinéma et de la musique reconnaissent que la HADOPI joue un rôle dissuasif en incitant les consommateurs à privilégier les sites d’offres légales. Pour leur faciliter la tâche, nous nous sommes mis d’accord pour labelliser autant que faire se peut les mêmes plateformes. Nous faisons confiance au marché pour se structurer et faire en sorte que les plateformes légales soient aussi faciles d’accès que celles qui ne le sont pas…

S’agissant de Free et de son comportement d’optimisation fiscale, la solution à apporter ne pourra être connue qu’au moment où la mission diligentée par les ministères des finances et de la culture rendra son rapport. La subtilité mise en œuvre, qui consiste à dissocier l’offre audiovisuelle du forfait internet et téléphone, est de toute évidence artificielle puisqu’on ne peut accéder à la première sans contrat de double play. C’est une première orientation pour réfléchir à un mécanisme de sécurisation juridique. Sans doute faut-il cependant admettre qu’internet devient de plus en plus un média audiovisuel – les investissements dans la fibre et le très haut débit sont liés à la nécessité de faire circuler des images. Sur le plan fiscal, il serait donc logique de taxer sur une assiette très large et à un taux très bas. Mais nous n’en sommes encore qu’au stade de la réflexion à ce sujet.

La télévision connectée est un enjeu majeur. L’accès à internet sur les postes de télévision tend, ici encore, à en faire un média audiovisuel. La concurrence avec la régulation audiovisuelle traditionnelle est inévitable. Plusieurs scénarios sont possibles, et les colloques sur le sujet se multiplient. Il faut en tout cas agir. C’est ce que nous faisons en encourageant les écritures sur les nouveaux médias et en incitant ces derniers – comme le fait le décret sur les services de médias audiovisuels à la demande – à contribuer à la création en finançant ou en pré-finançant des œuvres.

Un débat s’est instauré entre le Gouvernement et le CSA pour savoir jusqu’où il était possible d’aller dans la régulation sans prendre le risque d’une délocalisation de ces plateformes. Tant que les autres pays européens n’auront pas mis en œuvre la directive qui permet d’imposer des obligations aux SMAD, nous ne pourrons en effet aller très loin dans cette voie.

Nous avons aujourd’hui des groupes français qui investissent dans des contenus à haute valeur ajoutée et créant un phénomène de fidélisation, qu’il s’agisse de cinéma ou de séries. Ainsi, Canal + investit dans des séries très coûteuses qui devraient permettre de rivaliser avec les séries américaines, y compris à l’exportation. Par ailleurs, des séries françaises se vendent déjà dans le monde entier. Il faut encourager les groupes audiovisuels – privés comme publics – à investir dans ces contenus de qualité qui peuvent s’exporter. Cela permettra de maintenir un vivier de consommateurs et de faire face à l’éventualité d’une arrivée en France de plateformes internationales vendant directement leurs séries aux consommateurs, comme cela se pratique aux États-Unis, où certains opérateurs pré-financent des séries, assorties de droits d’exclusivité. Ce phénomène nous inquiète : si les chaînes de télévision venaient à ne plus être les premiers financeurs de la création, la charge qui pèse sur le CNC serait inévitablement alourdie. C’est dans cette éventualité que le renforcement de nos financements est nécessaire.

C’est aussi parce qu’il faudra faire face à cette concurrence que le programme MÉDIA est si important. Nous ne sommes cependant qu’au début de la procédure. C’est pourquoi nous avons fait le choix, lors du festival de Berlin, de lancer un appel avec nos homologues européens pour insister sur la nécessité de renforcer les moyens du programme. Des pétitions ont également été lancées, puis des représentants de la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs – ARP – et des réalisateurs européens ont rencontré M. Barroso. Nous avons obtenu des déclarations encourageantes, mais les étapes les plus importantes restent à venir : la proposition de la Commission, puis le passage au Parlement européen – qu’il faudra aussi mobiliser – et enfin au Conseil des ministres. Nous devons donc rester vigilants.

Le risque d’engorgement dont s’inquiète le médiateur du cinéma est un problème récurrent. Le CNC avait donc proposé il y a deux ans d’organiser une concertation entre les distributeurs sur l’harmonisation des calendriers de sortie, mais ceux-ci n’avaient pas donné suite à la proposition. Cela n’a cependant pas empêché la fréquentation de se répartir sur un très grand nombre de films en 2010.

En ce qui concerne les multiplexes, nous n’avons pas de doctrine particulière. Leur implantation a permis d’augmenter le nombre de sièges de près d’un million en dix ou quinze ans, et donc de contribuer à l’augmentation de la fréquentation du cinéma, laquelle atteint les 206 millions de spectateurs. En outre, les engagements de programmation – qui visent à assurer la diversité de la programmation et qui ont été renouvelés en début d’année – couvrent aujourd’hui 50 % des salles. Le risque est alors celui qu’a évoqué M. Pajon : les petites salles redoutent désormais la concurrence des multiplexes sur les films d’art et d’essai. On ne peut cependant intenter tous les procès à la fois aux multiplexes. C’est donc au niveau de la commission d’implantation que nous veillons à préserver une harmonie, afin que les multiplexes n’écrasent pas l’offre de proximité. C’est également cette offre que nous souhaitons numériser en priorité : 125 millions d’euros sont prévus pour aider à la numérisation des petites salles.

Ce patrimoine qui va être numérisé peut être utilisé pour faire de la contre-programmation – ce que certains appellent de l’offre de cinéma de rattrapage – et de l’animation culturelle, de même que du hors film, que le ministre de la culture n’a pas voulu défavoriser lorsqu’il porte sur des œuvres culturelles, comme l’opéra ou le théâtre. Cela permet de faire venir des auteurs ou d’augmenter le nombre des courts métrages. Bref, nous n’avons pas d’autre doctrine que la recherche d’une harmonie entre les multiplexes et les salles de centre ville.

Suite au rapport Hubac sur le développement des services de vidéo à la demande et la gestion des droits, qui nous a été remis en janvier, nous envisageons de nommer un médiateur pour parvenir à un nouvel accord collectif sur la question.

J’en viens au financement des festivals de cinéma, que le CNC a volontiers conforté dans la période récente. Nous avons la chance d’avoir un grand nombre de festivals en France, et, s’agissant du cinéma et de l’audiovisuel, ils comptent parmi les plus célèbres au monde, avec le Festival de Cannes pour le long métrage, celui de Clermont-Ferrand pour le court métrage et celui d’Annecy pour le film d’animation. Ils attirent des auteurs et des réalisateurs du monde entier, qui viennent chercher là leur première consécration, comme je l’ai constaté il y a encore quelques jours à Clermont-Ferrand. J’ai également observé que les plateformes internet permettent désormais de diffuser ces milliers de courts métrages à grande échelle.

Monsieur Maurer, les salles n’ont aucune obligation juridique de diffuser des courts métrages. Nous les encourageons à le faire, mais entre la publicité et le court métrage, le choix est parfois vite fait. En revanche, réserver des séances à la diffusion de plusieurs courts métrages s’avère un dispositif intéressant.

Nous réfléchissons d’autre part avec la société des réalisateurs de films à une opération de grande envergure qui pourrait s’appeler « le jour le plus court » et serait dédiée sur tous les écrans – télévision, cinéma, internet – au court métrage. Contrairement à une idée reçue, le court métrage n’a rien d’ennuyeux : il est aujourd’hui d’une grande variété, allant de la fiction au documentaire, et connaît un vrai dynamisme. Nous pourrions donc faire mieux. France Télévisions et Arte, par exemple, réservent une place au court métrage dans leurs grilles, mais souvent à des heures tardives.

J’en viens à la survie des métiers menacés par la numérisation. Le cinéma est depuis longtemps l’un des secteurs dont les modèles économique et technologique évoluent le plus vite. C’est inscrit dans ses gènes depuis le praxinoscope de la fin du dix-neuvième siècle. Nous avons même connu le lumicycle, projecteur de cinéma actionné par une bicyclette ! C’est désormais avec le numérique qu’on assiste à un foisonnement de technologies. Les métiers doivent donc évoluer très vite, et il y a un effort collectif de formation à réaliser. En même temps, il faut entretenir le patrimoine, y compris les matériels de projection – nous essayons actuellement d’acheter un appareil de projection de têtes d’épingle, technologie ancienne qui fut développée par M. Alexeieff.

Contrairement à ce qui s’est passé pour la musique, le 35 mm et le 16 mm ont assuré une certaine harmonisation – ou standardisation – depuis le début du vingtième siècle, qui a permis aux films sur support argentique de rester visibles – à condition d’être restaurés régulièrement. Avec le numérique se pose désormais la question de la pérennité. C’est pourquoi nous plaidons pour que la conservation des films continue à se faire sur support photochimique, même après la révolution numérique. Ainsi, les films tournés en numérique devraient être remis en 35 mm pour leur conservation aux archives du film.

Vous avez évoqué à plusieurs reprises le rapprochement entre TPS Star et Orange cinéma séries. Nous sommes attentifs, mais les discussions n’ont pas encore abouti. Les autorités de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) seront de toute façon saisis. Le CNC sera probablement consulté, et il ne manquera pas de faire valoir ses arguments en faveur du maintien de la diversité et du volume des financements apportés à la création. Vous savez par ailleurs qu’Orange intervient également dans le secteur du cinéma via sa filiale de coproduction et d’acquisition, Studio 37, qui a financé près de 30 films en 2010.

Je terminerai par le cinéma africain. Le Fonds Sud n’est pas dédié à l’Afrique, mais à tous les cinéastes de talent qui produisent un type de cinéma qui n’est pas financé dans leur pays. Nous souhaitons maintenir cette ouverture aux cinq continents. En revanche, nous envisageons avec le ministère des affaires étrangères – cofinanceur du Fonds – de distinguer à l’avenir deux collèges, l’un pour les auteurs d’un premier ou deuxième film et l’autre pour les auteurs confirmés, afin d’aider en priorité les premiers, notamment en Afrique.

Sachez également qu’en Afrique comme ailleurs, nous travaillons sur toute la filière, de l’écriture à la distribution. Les aides du CNC sont nombreuses, des aides à la distribution aux accords de coproduction qui permettent aux productions concernées d’être éligibles à toutes nos aides et de rentrer dans les quotas de diffusion des chaînes de télévision – les films étant souvent tournés en français. Nous renouvelons actuellement ces accords. Nous essayerons de présenter à Cannes un projet solide.

J’ajoute que l’inspection des affaires culturelles fera prochainement des propositions, dans le cadre d’une mission qui lui a été confiée, pour mieux coordonner les différents guichets existants – ceux du CNC, mais aussi du programme d’appui européen aux films des États de l’Organisation internationale de la francophonie ou de MÉDIA Mundus.

M. Jacques Grosperrin, président. Monsieur le président, je vous remercie de la qualité de cette audition et de la précision de vos réponses. Et vive le cinéma !

La séance est levée à dix-neuf heures dix.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné M. Gilles d’Ettore membre de la mission d’information sur la gouvernance des fédérations sportives, et Mme Valérie Fourneyron, présidente, et M. Gilles d’Ettore rapporteur de cette même mission, M. Michel Herbillon, président-rapporteur de la mission d’information sur les nouvelles formes du mécénat culturel, et M. Jacques Grosperrin, président-rapporteur de la mission d’information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants, M. Marcel Rogemont ayant déploré que la demande du groupe SRC de bénéficier de la présidence de cette dernière mission d’information n’ait pas été satisfaite, le groupe SRC se réservant dès lors la possibilité de reconsidérer sa participation aux travaux des missions créées par la Commission.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 29 mars à 17 heures 30 :

Présents. – M. Pierre-Christophe Baguet, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Sophie Delong, Mme Martine Faure, M. Michel Françaix, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Gérard Gaudron, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Michel Herbillon, Mme Jacqueline Irles, M. Régis Juanico, Mme Colette Langlade, Mme Geneviève Levy, M. Apeleto Albert Likuvalu, Mme Muriel Marland-Militello, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Pajon, M. Jean-Luc Pérat, M. Frédéric Reiss, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, Mme Marie-Hélène Thoraval, M. Jean Ueberschlag

Excusés. - Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. Jean-François Copé, M. Bernard Debré, Mme Jacqueline Farreyrol, Mme Valérie Fourneyron, Mme Françoise Imbert, M. Yvan Lachaud, M. Pierre Lequiller, Mme Martine Martinel, M. Patrick Roy, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot