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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 14 juin 2011

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 43

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions

– Présences en réunion 15

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 14 juin 2011

La séance est ouverte à dix-sept heures trente cinq.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions.

Mme la présidente Michèle Tabarot. J’ai le plaisir de souhaiter la bienvenue au ministre de la culture et de la communication pour une audition consacrée au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions. Ce contrat était jusqu’à ces derniers jours en négociation avec l’État. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour nous le transmettre en bonne et due forme dans les meilleurs délais. Notre Commission doit en effet émettre un avis sur ce projet de COM négocié à la demande du nouveau président de France Télévisions, Rémy Pflimlin, ainsi qu’il en avait lui-même exprimé l’intention lorsque nous l’avions auditionné à l’occasion de sa nomination.

Afin de préparer cet avis et faire, le cas échéant, des propositions que nous souhaiterions voir reprises par le Gouvernement, nous avons confié la responsabilité du travail préalable à notre collègue Jean-Jacques Gaultier, que je remercie d’avoir mené une trentaine d’auditions à ce jour, qui ont toutes été ouvertes à l’ensemble des membres de la Commission.

Avant que vous nous présentiez, monsieur le ministre, l’état d’avancement des négociations sur ce COM, une observation préalable. Elle a trait à la trajectoire financière qui va être convenue entre l’État et France Télévisions et concerne à la fois l’affectation de l’ex-redevance, la dotation de l’État et les ressources propres du groupe. J’appelle solennellement votre attention sur la nécessité d’un mécanisme vertueux permettant à France Télévisions d’optimiser ses recettes propres sans écrêtement de la part de l’État. Il ne faut pas pénaliser la réussite économique et financière. Nous avions déjà eu ce débat à l’occasion du projet de loi de finances pour 2011 et nous y reviendrons. Nous serons très vigilants sur ce point et aurons sans doute un débat au sein de la Commission au moment de donner notre avis.

Trois questions maintenant. Comment l’État entend-il soutenir les efforts de France Télévisions pour s’insérer dans le nouvel univers numérique ?

France Télévisions occupe une place prédominante dans la commande de programmes audiovisuels. Quelle ambition assignez-vous à la télévision publique pour soutenir la création dans toutes ses composantes, innover et donner leur chance à des programmes que la télévision privée finance moins volontiers ?

Ma dernière question concerne la place des différentes disciplines sportives sur les antennes de la télévision publique, point qui nous préoccupe beaucoup dans la mesure où notre Commission est également compétente en matière de sport. Le COM pourra-t-il renforcer la place des sports dans toute leur diversité ? Cette évolution est très attendue de nos collègues.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Je suis très heureux de pouvoir aujourd'hui devant vous faire état de la négociation d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Télévisions pour la période 2011-2015.

« Objectifs » et « moyens », voilà des mots qui appartiennent autant au vocabulaire de l'art de la guerre que du bon gouvernement. On oscille entre Clausewitz et Machiavel, Sun Zu et Pierre de l'Étoile. Ars belli, ars governandi !

L'élaboration de contrats d’objectifs et de moyens constitue, depuis le début des années 2000, un progrès. Elle offre aux organismes de l'audiovisuel public, en l'espèce à France Télévisions, une visibilité pluriannuelle sur leur stratégie, leur gestion et leur financement. Cette capacité de vision et d'anticipation leur profite aussi bien qu'à l'État, et je n’oublie pas la représentation nationale, dont l'avis est nécessaire avant la conclusion du contrat. Ces contrats, vous le savez, sont le fruit d'une concertation approfondie et je tiens à saluer la qualité du travail mené entre les administrations concernées et, en l’occurrence, France Télévisions.

Le COM en cours de négociation correspond au mandat du nouveau président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin. Il coïncide également avec le passage à la télévision numérique pour tous les Français à la fin de 2011. Il s'adosse enfin au mode de financement retenu à l’issue de vos débats de l'automne dernier sur le projet de loi de finances : la publicité, supprimée en soirée, est conservée en journée pour toute la durée du COM, c’est-à-dire au moins jusqu'en 2016. C'est une solution d'équilibre et de sagesse à laquelle s'est rallié le Gouvernement, dans un contexte budgétaire très contraint, et qui apporte aujourd'hui la visibilité et la stabilité nécessaires pour que France Télévisions puisse élaborer sa stratégie pluriannuelle. Cette solution préserve également l'ambition de qualité et l'éthique de service public qui a animé la réforme de France Télévisions.

Les ultimes arbitrages financiers sur le COM doivent être rendus dans les jours qui viennent. Nous souhaitons que les travaux soient achevés d'ici à la fin du mois de juin, pour pouvoir vous transmettre ce contrat au début du mois de juillet.

Soutenues par l’État, les ambitions de France Télévisions sont claires. France Télévisions doit s'adresser à tous les publics. Il faut offrir à l'ensemble des citoyens de toutes les classes d'âge, de tous les milieux, de toutes les régions, de toutes les origines, une offre télévisuelle de service public riche, variée et diversifiée. Il en va de la légitimité, de la singularité, je dirais même de l'image de la télévision publique, plus que jamais essentielle dans un paysage médiatique proliférant, où l’on est passé en peu d'années d'une logique d'offre de programmes limitée à un foisonnement, gros de défis pour les groupes dits « historiques ». Dans ce contexte, France Télévisions peut s'appuyer sur la palette de ses chaînes pour proposer des programmes qui parlent à tous et ne négligent personne.

France Télévisions doit être forte et bien identifiée dans l'univers de la télévision numérique terrestre, qui se substituera définitivement à l'analogique fin 2011. Cela suppose d’affirmer l’identité de chaque antenne tout en tirant parti de leurs complémentarités. Cela suppose aussi de renforcer l'un des points forts de la télévision publique : sa dimension régionale, tant en métropole qu'en outre-mer, au plus proche des attentes et des besoins de nos concitoyens.

France Télévisions doit également être forte dans l'univers numérique. Le format vidéo y prédomine, qui s'accompagne d'une baisse de la consommation linéaire de la télédiffusion « traditionnelle » au profit d’une consommation à la demande, sur un nombre croissant de supports : téléviseur de salon, ordinateur, tablettes et téléphones mobiles. Dans ce nouveau contexte, les intermédiaires que sont les diffuseurs ont un double devoir.

Premier de ces devoirs : rester des prescripteurs dans l'univers audiovisuel, à même de créer de grands rendez-vous collectifs et de construire un lien solide, puissant entre les Français, qui fassent vivre parmi eux le sentiment de « faire société ensemble ». Je pense ici aux grands rendez-vous sportifs comme le Tour de France, à des programmes emblématiques tels que le Téléthon, mais aussi aux émissions d'information et de débat politique, destinées à éclairer nos concitoyens. Cette mission différencie clairement le service public du reste du paysage audiovisuel. S’impose à lui une exigence de transmission de la culture et du savoir – je pense notamment à l'éducation artistique, à la culture scientifique et technique, à la diffusion du spectacle vivant, au profit du plus grand nombre.

Second devoir : devenir des espaces de création, d'innovation en matière d'usages numériques.

France Télévisions s'appuiera sur ses domaines d'excellence, l'information, le sport, l'ancrage régional, pour s'affirmer dans l'univers numérique. Ses programmes seront mieux partagés, plus accessibles, disponibles sur les réseaux numériques.

Le nouveau COM doit marquer l'exemplarité du groupe public dans plusieurs domaines. Tout d’abord, la création audiovisuelle, avec un double enjeu. D'une part, offrir au public des œuvres modernes, créatives, renouvelant notamment la fiction française qui doit retrouver vigueur et énergie, rencontrer de nouveaux publics, être plus en phase avec les modes de vie et les formes de loisir de notre société. D'autre part, concevoir un véritable partenariat avec les producteurs et les créateurs, dans un souci de transparence, de confiance et d'innovation. Les excellentes propositions du rapport que m'a récemment remis Pierre Chevalier sur l'avenir de la fiction française et son développement trouveront ici à s’appliquer. Dans le domaine du cinéma, France Télévisions poursuivra sa politique en faveur de la diversité culturelle.

Le deuxième domaine d'exemplarité, auquel je tiens particulièrement, est celui de la diversité. En tant qu’entreprise, la télévision publique doit être exemplaire à travers ses équipes, leur ouverture à la diversité de la société française du 21ème siècle et à ce qu'Édouard Glissant désignait comme la « mondialité », un monde globalisé, façonné par des identités plurielles, « en réseau ». Il ne s'agit pas seulement de quotas ou de couleur de peau, mais d'état d'esprit et de mentalité. Agir dans le domaine de la diversité, c'est s'ouvrir au monde pour changer nos regards sur le monde ; c'est s'ouvrir aux richesses et aux réussites à l'œuvre dans les quartiers populaires – que l'on qualifie parfois de « sensibles », cet adjectif qui les stigmatise – et offrir un autre regard sur celles et ceux qui y vivent, sur la France telle qu'est est et non telle que nous voudrions qu'elle soit. En tant que média grand public, la télévision publique doit aussi représenter la société française dans toute sa diversité, ses composantes et sa richesse. Que la France soit un « pays-monde » est une chance et un atout pour asseoir notre influence, notre rayonnement, notre singularité aussi.

France Télévisions doit enfin être exemplaire dans le domaine des programmes culturels, notamment musicaux, en rendant justice à la diversité des musiques, en renouvelant les « grammaires audiovisuelles » pour les émissions consacrées à la musique. J'ai ainsi demandé à France Télévisions de travailler à une meilleure éditorialisation des programmes musicaux, pour accorder toute la place qu'elles méritent aux nouvelles productions, notamment sur les antennes « historiques » du groupe, France 2 et France 3.

Même si le service public excelle souvent en la matière, comme en a encore attesté la couverture du tournoi de Roland-Garros il y a quelques jours, France Télévisions doit aussi être exemplaire pour la diversité des sports proposés à l'antenne et la transmission de certaines valeurs attachées au sport, celles du « vivre ensemble », de la citoyenneté et de l'intégration sociale.

Enfin, France Télévisions conduit actuellement un chantier important, celui de l'achèvement du projet d’entreprise commune. La loi du 5 mars 2009 a fusionné les sociétés nationales de programme France 2, France 3, France 4, France 5 et Réseau France Outre-mer (RFO), absorbées par leur maison-mère. Les chaînes ont été réunies sur le plan juridique pour former depuis 2009, la société nationale de programme France Télévisions.

L'objectif de cette fusion est de conjuguer les forces de chacune de ces chaînes pour répondre aux défis audiovisuels du 21e siècle Mettre en commun des fonctions partagées, mutualiser les moyens, garantir l'accès à certains services pour l'ensemble des acteurs du groupe : tel est l'esprit dans lequel a été engagée cette fusion.

Pour y parvenir, il faut une nouvelle organisation. Une première étape importante a eu lieu début 2010, sous la conduite de l’équipe dirigeante précédente. Le nouveau président a procédé à des ajustements fin 2010 et début 2011, comme il était légitime. Sur le plan éditorial, il entend replacer la responsabilité au niveau des antennes, tandis que les fonctions support – finances, communication, ressources humaines… – ainsi que les fonctions technologiques et de fabrication resteront mutualisées.

La naissance de cette entreprise commune n’est pas encore terminée. Les salariés appartenaient auparavant à des régimes différents, j'oserais même dire à des cultures différentes. L’objectif consiste aujourd’hui, dans le cadre des négociations en cours avec les partenaires sociaux et les institutions représentatives, à construire une culture du travail commune, une culture d'entreprise partagée, forte des valeurs du service public, à même de construire une identité bien marquée pour France Télévisions.

Je ne doute pas que sur la durée du COM, France Télévisions mènera ce chantier à son terme. C'est une priorité qui lui permettra d'améliorer sa gestion mais aussi d'accroître le volume et la qualité de son activité.

Mesdames et messieurs les députés, je ne vous apprendrai rien en rappelant l’extrême contrainte du cadre budgétaire, notamment en 2012. Le plan d'affaires de France Télévisions est en cours de finalisation. L'enjeu est considérable : il s'agit de permettre au service public audiovisuel de continuer à s'adresser à tous les publics et de jouer son rôle singulier dans le nouvel environnement numérique. Soyez assurés que je me bats pour que les missions de France Télévisions bénéficient d’un financement cohérent, à la hauteur de l’enjeu et de nos ambitions pour l'audiovisuel public français en Europe.

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur d’information sur le COM de France Télévisions. Notre Commission a souhaité vous entendre, monsieur le ministre, sur les contours du nouveau contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, les axes de développement retenus pour le groupe et ses besoins de financement. J’ai bien compris sur ce point que tous les arbitrages financiers n’avaient pas encore été rendus.

Où en est-on exactement de la mise en place de l’entreprise unique et de la mutualisation des fonctions support comme les systèmes informatiques, la comptabilité ou la paie ? Selon quel calendrier ces fonctions ont-elles été ou seront-elles mutualisées ? La création de l’entreprise unique dans le respect de l’identité de chaque chaîne n’est-elle pas en définitive une gageure ?

Les statuts des personnels sont encore loin d’être harmonisés. Les fameuses conventions collectives uniques sont encore en négociation. Les échéances seront-elles tenues tant pour les journalistes, dont la convention doit être signée en juin, que pour les personnels techniques et administratifs, pour lesquels le délai court jusqu’à 2012 ? Où en en est la négociation des nombreux accords d’entreprise qui seront nécessaires, par exemple sur la durée du travail, et qui doivent être conclus pour décembre 2011 ? Où en est-on du plan de départs volontaires qui avait été annoncé avec un objectif de 900 départs sur trois ans ? Il semble que l’on soit encore loin du compte…

L’enjeu est double pour France Télévisions. Il lui faut réussir la révolution numérique en proposant l’offre numérique la plus complète alors que le nouveau mode de diffusion aura supplanté l’analogique sur l’ensemble du territoire national à la fin de cette année, que la télévision connectée est en plein développement, que la diffusion en haute définition (HD) et en 3D s’étend. Quels moyens exacts seront affectés au numérique dans les cinq années à venir ? En 2010, ils dépassaient à peine 30 millions d’euros. Quelque 50 millions devraient y être consacrés en 2011. On évoque 125 à 150 millions à la fin du COM. Cela ne représente que 4 à 5 % du budget global de France Télévisions. Quel calendrier pour le passage à la full HD de France 3 et France 5 ? Du retard semble avoir été pris en ce domaine, sauf pour France 2. Incitera-t-on au développement de la création sur les autres supports de diffusion, dont internet ?

L’autre enjeu concerne les programmes. France Télévisions doit tenir son rang de premier groupe audiovisuel national et continuer à être le moteur de la création audiovisuelle française, dont il est le premier financeur. Quelles seront les politiques de commande de programmes et de contenus ?

Nous sommes nombreux à penser que de nouveaux indicateurs, plus qualitatifs, sont nécessaires. En matière de sport par exemple, nous ne disposons aujourd’hui que d’indicateurs quantitatifs sur le nombre de disciplines dont les compétitions font l’objet d’une retransmission, sans indication ni des durées ni des horaires de diffusion.

Enfin, question-clé, quelle trajectoire financière pour France Télévisions ? Qu’est-il prévu en cas de surplus de recettes publicitaires ? Je serais, pour ma part, favorable à ce qu’une règle claire soit fixée – l’idée ne fait pas consensus – et placerais volontiers le curseur à 50-50. France Télévisions doit, comme les autres, contribuer à la réduction du déficit public et il ne serait pas illogique, dans cette perspective, que la moitié du surplus revienne à l’État. Dans le même temps, il n’y a aucune raison de pénaliser la réussite économique : il serait logique que le groupe conserve la moitié de ce surplus, à condition qu’il ne soit pas affecté au fonctionnement mais bien à des dépenses d’investissement dans les programmes, dont le sport, et le numérique. Cette règle me paraît d’autant plus nécessaire que bien des incertitudes demeurent. Quid des chaînes bonus sur la TNT ? Quid de la publicité à l’antenne après 2016 ? Toute décision à cet horizon est susceptible d’avoir des incidences dès 2014, les recettes publicitaires pouvant alors diminuer, dans un contexte de concurrence exacerbée avec les nouvelles chaînes de la TNT.

M. Patrick Bloche. L’élaboration de ce nouveau contrat d’objectifs et de moyens pour France Télévisions coïncide avec la prise de fonctions d’un nouveau président. Mais au-delà, nous sentons bien, fût-ce confusément, qu’il ne s’agit pas seulement d’actualiser le COM en cours. S’il en était besoin, la table ronde organisée par notre Commission la semaine dernière avec les représentants des télévisions privées a rappelé qu’un défi majeur allait devoir être relevé dès lors que 80 % des écrans, nous dit-on, seront connectés dans les deux années à venir. Comment France Télévisions se différenciera-t-elle par les contenus et l’excellence de ses programmes sur ces écrans connectés ? Comment pourra-t-elle résister à des géants comme Apple ou Google, lorsque ceux-ci développeront leur propre télévision ?

Chacun a bien compris qu’au travers de ce COM, est en jeu pour France Télévisions la capacité même d’assurer son avenir. L’innovation sera déterminante pour proposer une offre multimédia ambitieuse et attractive. Les marges de manœuvre qu’il sera possible de dégager au sein du budget même de France Télévisions sont donc cruciales.

France Télévisions doit continuer de soutenir la création, comme la loi lui en a donné mission : elle finance aujourd’hui 50 % de la fiction en France et sans ses financements, bien que je n’oublie pas ceux d’Arte, il n’y aurait plus de documentaires !

France Télévisions doit soutenir la diffusion du spectacle vivant, avez-vous dit, monsieur le ministre. Ses engagements en ce domaine seront-ils calqués sur ceux qui existent pour le documentaire et l’animation ?

France Télévisions doit aussi avoir une politique ambitieuse de programmes pour la jeunesse. Pour porter, comme il en est question, les programmes d’animation de 3 200 heures cette année à 3 800 heures, les moyens doivent suivre.

Enfin, de quels moyens exacts disposera France Télévisions pour mener à bien tous ces chantiers ? Les députés du groupe SRC, qui ont voté contre la réforme de 2009, s’inquiètent du devenir des deux taxes qui avaient alors été instituées pour compenser l’arrêt de la publicité. En effet, au prétexte d’un contexte économique défavorable et d’une diminution conjoncturelle des recettes publicitaires, la majorité avait, dès l’examen du projet de loi, réduit de 3 % à 1,5 % le taux de la nouvelle taxe sur ces recettes pour les chaînes privées, avant de l’abaisser à 0,5 % aujourd’hui. Plus inquiétant encore, et peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous donner des informations à ce sujet, que va-t-il advenir de la taxe sur les opérateurs de télécommunications, qui n’a pas été abolie, bien que la Commission européenne l’ait jugée incompatible avec le droit européen et qu’une procédure ait été engagée à l’encontre de la France devant la Cour de justice européenne ? Il y a là une véritable bombe à retardement budgétaire, estimée au bas mot, intérêts compris, à 1,2 milliard d’euros.

Si les recettes commerciales de France Télévisions ont diminué cette année, ses recettes publicitaires, elles, ont augmenté – c’est d’ailleurs pourquoi nous nous sommes prononcés en faveur du maintien de la publicité en journée. Nous considérons que ce serait une mauvaise manière de la part de l’État que de récupérer à son profit une fraction de ce qui est avant tout le fruit d’une réussite économique. C’est la très performante régie publicitaire de France Télévisions qui obtient ces succès. Plutôt que de reverser à l’État la moitié du surplus de ces recettes, dont rien ne dit d’ailleurs qu’elles continueront d’augmenter indéfiniment, ne serait-il pas plus opportun de l’affecter à la réorganisation interne du groupe, à son développement et à l’innovation ?

M. le ministre. Parler aujourd’hui de révolution numérique, c’est enfoncer une porte ouverte, je suis le premier à le faire, mais une fois cette porte enfoncée, on ne sait pas pour autant ce qui se trouve derrière. Cette révolution est en effet beaucoup plus rapide et plus complexe qu’on ne pouvait l’imaginer. L’arrivée dans les deux ou trois prochaines années sur le marché français de Netflix, société qui propose des films en flux continu sur internet, risque de bouleverser bien des prévisions. Nous nous efforçons de rationaliser le plus possible toutes les hypothèses avec les professionnels les plus compétents. Quelle que soit l’éminente qualité des équipes en place, et Rémy Pflimlin bénéficie d’un capital de confiance inentamé, nul ne peut prévoir les ajustements que la révolution numérique va entraîner dans les cinq prochaines années. En dépit de toute la rigueur dont nous faisons preuve, nous sommes emportés par un tourbillon dont nul ne sait où il nous portera…

Il se trouve qu’il n’y a pas si longtemps encore, je travaillais pour France 2, France 3 et France 5. Je sais donc par expérience que chacune de ces chaînes possède sa propre culture, liée à son histoire, et a une manière spécifique de se vivre. Chacune revendique, non sans raison, sa singularité dans le même temps que toutes se sentent très fortement appartenir au service public, dont elles sont convaincues de l’importance et de la pertinence du modèle. C’est d’ailleurs pourquoi la mutualisation ne peut s’effectuer que progressivement. Il est des domaines où elle ne pose pas de difficulté et d’autres, notamment pour tout ce qui touche à l’artistique et correspond pour chacune des chaînes à l’image qu’elle se fait d’elle-même, où elle est beaucoup plus délicate. Peut-être d’ailleurs est-il mieux que chaque chaîne préserve sa culture et son identité forte dans le domaine artistique. Pour le reste, le processus s’effectuera selon le calendrier prévu, c’est-à-dire sur toute la période 2011-2016. Je ne suis pas en mesure, monsieur Gaultier, de vous indiquer toutes les étapes. D’ailleurs, quand bien même je le pourrais, j’y serais réticent. En effet, il n’appartient pas au Gouvernement d’intervenir, quand les éminents responsables concernés n’ont pas encore totalement arrêté le calendrier qui leur paraît le plus adapté.

S’agissant des conventions collectives, les négociations sont longues et complexes. On a plusieurs fois été sur le point d’aboutir sans finalement y parvenir. Le changement de direction a certainement contribué à rouvrir des débats. La convention collective des journalistes devrait néanmoins être signée dans les jours qui viennent et celle des personnels techniques et administratifs en 2012. Aucun scoop donc sur le sujet ! Les contacts réguliers que nous avons, tant avec l’équipe dirigeante qu’avec les partenaires sociaux, nous laissent espérer que ces délais seront tenus.

En ce qui concerne le numérique, la nouvelle direction a donné un signal fort en confiant à Bruno Patino à la fois la direction de France 5 et la direction du développement numérique de l’ensemble du groupe. Outre que son éclatante réussite antérieure à Radio France plaide pour lui, qu’il fait l’unanimité et qu’il connaît parfaitement ces sujets, Bruno Patino disposera des moyens nécessaires pour ancrer France Télévisions dans le domaine numérique au moment précis où il importe de réussir cet ancrage. Votre rapporteur évoque une montée en puissance de 50 à 125 millions d’euros. Compte tenu du budget global de France Télévisions, cela paraît légitime. Nous faisons confiance aux dirigeants lorsqu’ils jugent l’objectif tenable. Ne pas relever ce défi dans le nouveau COM serait pure folie. La nouvelle direction s’y est attaquée de front et s’est donnée les moyens de réussir.

Pour ce qui est du passage à la haute définition, il existe un programme national qui correspond à celui appliqué pour France 3, France 5, ainsi que sur la TNT. Je ne peux vous dire à quel rythme exactement France Télévisions envisage d’étendre son offre de diffusion en HD. Cela étant, la qualité de l’image va tellement s’améliorer avec la TNT que le groupe sera obligé de tenir un calendrier assez serré. Mais là encore, je considère qu’il est de la responsabilité de l’équipe dirigeante de le définir, certainement pas de la mienne.

Qu’il soit prévu d’affecter 420 millions d’euros à la production de documentaires et autres programmes propres au service public marque bien la volonté que France Télévisions demeure un moteur de la création et en assoit la légitimité. Pardonnez-moi encore une fois d’invoquer mon expérience personnelle mais je n’ai pu réaliser de documentaires par le passé que sur les chaînes publiques, n’ayant jamais réussi à obtenir le moindre financement autre part.

Cette conviction que les chaînes publiques doivent tirer la création fait intimement partie de leur culture commune. Pour autant, ce moteur connaît des ratés, notamment en matière de fiction. Il appartiendra à la nouvelle direction de trouver des réponses mieux adaptées aux attentes du public. Tout en me gardant d’un quelconque antiaméricanisme primaire, je suis toujours fasciné de voir qu’au fin fond de notre pays, on puisse vibrer au récit de telle ou telle histoire américaine, emblématique d’une société pourtant si éloignée de la nôtre. C’est tout simplement qu’il n’y a pas aujourd’hui de fiction française qui soit le miroir de notre société, à l’exception sans doute de Plus belle la vie, qui est une grande réussite. Les téléspectateurs souhaitent se reconnaître dans les émissions, ce qui a d’ailleurs expliqué en son temps le succès de la télé-réalité, et que ces émissions donnent une meilleure représentation de notre société et de ses problèmes. Force est, hélas, de constater que la plupart des fictions françaises, quelle que soit leur qualité et il en est d’excellentes qui ont même valeur patrimoniale, n’offrent pas aux téléspectateurs cette possibilité d’identification. Il faut donc compléter l’offre en ce sens. Cet immense défi justifie la mission qui a été confiée à Pierre Chevalier qui propose dans son rapport des pistes très intéressantes.

Le renouvellement de la fiction permettra aussi de lutter contre le vieillissement de l’audience. Les jeunes se détournent de la télévision au profit d’autres médias. Il est possible de contrer cette évolution par une richesse et une créativité des programmes qu’ils n’ont pas aujourd’hui dans le domaine de la fiction.

Pour ce qui est du sport, j’avais, à tort, le sentiment qu’il était peu et mal représenté sur les chaînes du service public. En réalité, des disciplines peu familières du grand public y sont très bien présentées mais la communication à ce sujet est insuffisante, si bien que beaucoup l’ignorent. Le COM doit continuer d’affirmer cette vocation du service public et mettre en valeur les efforts faits en matière d’émissions sportives, notamment à l’occasion des Jeux olympiques.

La direction actuelle de France Télévisions a la ferme volonté de promouvoir le spectacle vivant. N’y est sans doute pas étranger le fait que Rémy Pflimlin lui-même en est passionné et que cela fait partie de sa culture. Une contractualisation permettra-t-elle de lui donner une meilleure visibilité et de sanctuariser les émissions qui y seront consacrées ? Un accord interprofessionnel spécifique est prévu.

Nous ne cessons de demander aux équipes de Rémy Pflimlin de veiller à établir de bonnes relations avec les acteurs du spectacle vivant, comme avec les fédérations sportives et les producteurs de fiction, et de construire avec eux des stratégies de long terme plutôt que d’avancer au coup par coup.

Nous aurons des garanties sur ce point, au même titre que pour l’animation. J’ai été littéralement soufflé lors du récent festival d’Annecy par la diversification et l’extrême richesse esthétique du film d’animation aujourd’hui – songeons aux longs métrages Persépolis ou bien encore Valse avec Bachir. Le film d’animation est devenu un média adulte qui attire des jeunes et suscite un engouement qui n’a rien de passager. On ne peut donc que se féliciter que France Télévisions s’apprête à lui accorder plus de place avec des moyens qui augmentent de manière significative.

Je termine par les moyens financiers de France Télévisions. Les recettes publicitaires ont atteint un niveau inespéré l’année dernière. Puis les choses se sont normalisées et on arrive à un montant de 410 millions d’euros. L’objectif de 425 millions d’euros paraît donc raisonnable. Cela étant, nul ne sait comment évoluera le marché. L’estimation de ce que devait rapporter l’ex-redevance a, elle, été sans doute surévaluée.

Au total, le besoin de financement de France Télévisions devrait s’établir cette année autour de 25-26 millions d’euros, si on se refuse à ce qu’elle réduise la voilure en matière artistique. Je rends hommage à la fois aux membres de la direction générale des médias et des industries culturelles, notamment Laurence Franceschini et son équipe, et à France Télévisions qui ont, ensemble, tout méticuleusement passé au crible pour établir cette prévision, qui comporte nécessairement une part d’incertitude vu qu’il est impossible de prédire le montant exact des recettes publicitaires. Nous attendons maintenant l’arbitrage du Président de la République et du Premier ministre dans les tout prochains jours.

Si d’aventure la publicité rapporte plus qu’escompté, le surplus ne doit pas être écrêté. Faut-il le répartir à moitié entre l’État et France Télévisions, comme le suggère votre rapporteur ? Faut-il ne pas y toucher, comme le propose votre présidente ? France Télévisions est une entreprise fantastique, qui possède des savoir-faire exceptionnels et une réactivité remarquable, qui tient vraisemblablement au bon équilibre entre la forte identité de chacune des chaînes et la puissance de la culture commune du groupe. Elle a à relever des défis que nous n’imaginons pas encore. Si elle gagne plus d’argent que prévu dans un domaine, elle ne doit pas être pénalisée. Il faut laisser ces moyens supplémentaires à sa disposition, tout en veillant à ce qu’elle les consacre à l’artistique car la clé de tout réside dans la création. Il y a tant à faire encore, de nouvelles grammaires numériques à inventer, de domaines annexes à la création à explorer…

Oui, la taxe télécoms, contestée par la Commission européenne constitue une bombe à retardement potentielle, vous avez eu raison de le rappeler, monsieur Bloche. J’ignore comment l’affaire se terminera et quand. Je puis seulement vous dire que les arguments préparés par le ministère et nos représentants à Bruxelles sont étayés et méritent considération.

M. Patrice Martin-Lalande. Comme vous le savez, monsieur le ministre, le Parlement dispose de six semaines pour rendre un avis sur le projet de COM de France Télévisions. Le Gouvernement s’engage-t-il à nous le communiquer début juillet, de façon que nous ayons vraiment le temps de l’examiner ? Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet ?

On a changé d’époque en matière de consommation audiovisuelle avec la multiplication des supports, le foisonnement des contenus et la diversité des usages. Qu’il est loin le temps où la seule offre télévisuelle émanait du service public ! Des chaînes privées sont peu à peu venues élargir la palette et aujourd’hui, le service public ne propose plus qu’une petite partie de l’offre. Comment, dans le prochain COM, faire en sorte qu’il marque vraiment sa différence et apporte une réelle plus-value ? Le problème n’est pas spécifique à la France : nos voisins s’interrogent eux aussi sur le rôle nouveau des chaînes publiques à l’ère de l’abondance des contenus.

Quels objectifs assigner à France Télévisions en matière d’audience ? La concurrence est rude.

La contribution de France Télévisions à la création d’œuvres pour la télévision et le cinéma augmentera-t-elle de façon homothétique au budget du groupe ou plus fortement ?

En cas de surplus de recettes publicitaires, il convient de ne pénaliser ni France Télévisions ni l’État. Je ne pense pas qu’il faille fixer d’avance une clé de répartition, quelle qu’elle soit. Il faut simplement prévoir dans le COM des objectifs complémentaires que l’on visera si des recettes supplémentaires sont au rendez-vous.

M. Marcel Rogemont. Je ne reviens pas sur la télévision connectée. Lors de la table ronde organisée la semaine dernière avec les représentants des chaînes privées, nous avons bien compris que Canal + avait une stratégie parfaitement définie en ce domaine. Nous attendons celle de France Télévisions.

S’agissant des moyens, si l’État envisage de prélever une part d’un éventuel surplus de recettes publicitaires, j’espère que dans le cas inverse, il accepterait de mettre la main à la poche au profit de France Télévisions…

Il semble que le nouveau président de France Télévisions n’ait pas tout à fait la même approche de l’entreprise unique que son prédécesseur. L’État actionnaire lui a-t-il donné des instructions en ce sens ? Si tel n’est pas le cas, comment voyez-vous les choses ?

Comment l’État actionnaire envisage-t-il les rapports entre France Télévisions et l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), en particulier avec TV 5 Monde ? Je n’ignore pas que celle-ci achète des programmes à tarif préférentiel à France Télévisions. J’ai toutefois du mal à comprendre qu’il puisse exister des relations financières client-fournisseur entre deux chaînes publiques.

Est-il envisagé de solliciter de France Télévisions des émissions sur le cinéma ?

Alors même que sa grille coûte plus cher que celle de France 2, France 3 voit son audience diminuer régulièrement. Comment abordez-vous le problème ?

M. Christian Kert. France 3 doit-elle devenir une chaîne « tout région » ou demeurer une chaîne nationale avec des décrochages locaux ? Il a semblé un temps qu’on s’orientait vers davantage de décentralisation puis le mouvement a été freiné. Les personnels en région s’interrogent. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Le pôle international de France Télévisions, dirigé par Jean Réveillon, ne pourrait-il pas collaborer avec l’AEF ? Une réforme de l’AEF a été engagée. Au-delà, pourquoi ne pas associer une chaîne comme Euronews et le pôle international de France Télévisions ? Sous quelle forme ? Cette complémentarité pourrait-elle être un objectif de France Télévisions ?

Mme Martine Faure. France Télévisions a l’intention de s’adresser à tous les publics sur tous les supports. Elle a une stratégie ambitieuse de développement et de diversification de média global. Quelle place pourrait être accordée aux langues régionales, joyau de notre patrimoine linguistique, dans le renouvellement des programmes et la reconquête de l’audience, notamment de France 3 ? Quelle place leur a-t-on réservée dans ce COM ?

M. Alain Marc. Le paysage audiovisuel français a considérablement évolué et évoluera encore beaucoup. France Télévisions doit y affirmer sa différence. Toute la difficulté est de trouver un juste équilibre entre le commercial et le culturel. S’il importe de créer, il faut aussi transmettre. Il existait autrefois une télévision scolaire. Ce COM a-t-il prévu un lien entre l’audiovisuel public et le monde de l’éducation ? Si oui, sous quelle forme ?

Mme Colette Langlade. Une récente étude de l’IFOP montre que les documentaires restent, devant le cinéma, les émissions préférées de plus d’un Français sur deux. Pourtant, les réalisateurs de documentaires se sentent mal-aimés de France Télévisions, dont ils dénoncent le manque de cohérence de la programmation. Les documentaires ont en effet quasiment disparu des antennes alors même que le public les plébiscite et que ce devrait être une mission du service public de l’audiovisuel que d’en diffuser. Que pouvez-vous leur répondre ?

M. Jacques Grosperrin. La part d’audience de France 3 est tombée de 14 % à moins de 10 % en trois ans, inférieure désormais à celle de M 6. L’image de cette chaîne de proximité semble s’être brouillée. Comment contrer cette tendance ?

Nous avons apprécié, monsieur le ministre, le discours que vous avez prononcé le 8 juin dernier en ouverture de la seconde Conférence nationale du handicap sur la place des personnes handicapées dans les émissions de télévision. On pourrait s’interroger également sur leur place parmi les journalistes.

Quelles économies peut-on attendre du passage au tout numérique et de l’extinction de l’analogique ?

M. Eric Berdoati. Il existe à France Télévisions au moins deux métiers distincts. Le premier consiste à produire des émissions d’information, de divertissement, de fictions, de cinéma, de documentaires… Un autre consiste à gérer les entreprises que sont chacune des chaînes qui composent le groupe. On attend des économies d’échelle de la mutualisation de plusieurs fonctions support. Mais il ne faut pas oublier que France 3 a été créée sur un concept régional avec une organisation, une gestion, des modes d’intervention liés à l’information régionale, ce qui a induit une logistique, une organisation du travail, des moyens humains et un statut des personnels bien particuliers. France 2 a, elle, été conçue comme une chaîne d’information générale. Ne faudrait-il pas d’abord travailler à une harmonisation des statuts et des métiers avant d’en venir à l’entreprise unique ? Les discussions risquent sinon d’être tendues avec les partenaires sociaux.

France Télévisions doit-elle se démarquer des autres chaînes seulement par la qualité de ses programme ou aussi par leur originalité ?

M. le ministre. Le groupe Radio France est un très bel exemple de réussite dont on pourrait s’inspirer. Fort d’une culture commune de radio de service public, le groupe n’en a pas moins parfaitement préservé l’identité très forte de chacune de ses antennes. France Télévisions pourrait parfaitement fonctionner sur le même modèle. Il faut à la fois affirmer la différence des chaînes publiques par rapport aux chaînes privées et la singularité de chaque chaîne au sein du groupe.

L’opinion perçoit très bien ce que les chaînes publiques apportent de particulier. L’espoir placé dans l’équipe dirigeante actuelle n’altère en rien le jugement positif porté sur l’action de la direction précédente qui s’est attachée à marquer la différence de France Télévisions face au privé. Tout est différent sur les chaînes publiques, y compris les fictions et même les émissions de divertissement. Et il faut s’en féliciter.

Madame Langlade, il faut être prudent dans l’analyse du désarroi des producteurs de documentaires, de leur pessimisme et de leur sentiment d’être mal-aimés. J’en parle d’autant plus facilement que ce sont là des sentiments que j’ai moi-même pu éprouver lorsque je travaillais pour la télévision. L’intérêt de l’audiovisuel public pour le documentaire ne s’est jamais démenti. La frustration récurrente que ressentent les producteurs de ne pas pouvoir produire tous les documentaires qu’ils voudraient sur les chaînes publiques est compréhensible mais elle tient au fait qu’en dépit de l’existence de cinq chaînes, les « tuyaux » ne sont pas extensibles, alors même que le potentiel de production de telles émissions est considérable. La situation s’est néanmoins améliorée avec la direction actuelle qui a mis en place un guichet sur chaque chaîne, permettant un accueil plus personnalisé et attentif, alors que la direction précédente avait voulu mutualiser l’accès de l’offre. Il en était résulté une terrible frustration chez les producteurs. L’orientation prise par la nouvelle direction est la bonne. Chaque chaîne a en effet sa singularité et les producteurs pourront ainsi mieux adapter leur démarche à chacune.

La représentation du handicap à la télévision soulève de multiples problèmes. Il faut se garder d’une représentation folklorisante, pittoresque et sympathique, de certains handicaps. Que Mimie Mathy soit, avec Jamel Debbouze, l’une des stars françaises les plus populaires en dit long sur notre société. Mais la vision que l’on a de Mimie Mathy n’est-elle pas très réductrice ? Jusqu’à maintenant, les chaînes privées représentaient plus largement la diversité que les chaînes publiques. TF1, pour d’impératives raisons de marketing, doit être en prise directe avec les consommateurs. Des émissions sur lesquelles beaucoup ont craché –personnellement je ne crache sur aucune car certaines, décriées et méprisées, n’en sont pas moins intéressantes sur le plan de la grammaire et il n’est pas rare que des producteurs d’émissions culturelles ambitieuses s’inspirent en fait de cette grammaire et de leurs techniques – reflétaient bien toute la diversité de la société française actuelle. C’était le cas notamment, avec des préoccupations certes non étrangères au marketing, de Star Academy. Dans le futur COM de France Télévisions, la diversité sera beaucoup mieux représentée qu’elle ne l’était par le passé, sans dérives toujours possibles liées au marketing. Des efforts seront faits pour mieux représenter le handicap. C’est au travers des fictions surtout que l’on devrait y parvenir. Mais il faut être prudent pour éviter la folklorisation.

La question des langues régionales amène à réfléchir à la situation de France 3, dont l’audience est tombée autour de 10 %. Je ne me résigne pas à ce déclin. France 3 doit retrouver son essence. Au moment où l’on prend conscience du caractère irremplaçable de la presse régionale qui permet à chaque communauté de village, de petite ville ou de ville moyenne, d’être actrice de la vie sociale et de se sentir reconnue comme telle, cela ne peut que légitimer encore le rôle de France 3. Il y a quinze ans, la chaîne avait une véritable politique de production. Dans chaque région étaient produits des documentaires locaux, lesquels constituent d’ailleurs un riche patrimoine conservé à l’Institut national de l’audiovisuel (INA), hélas jamais rediffusé mais dont je ne doute pas qu’il le sera un jour. Cette production locale s’est, hélas, tarie. Elle se réduit aujourd’hui aux émissions d’information et à certaines prestations techniques comme le montage, délocalisées en région. J’insiste fortement auprès des nouveaux dirigeants pour que la production locale de France 3 redémarre. C’est alors qu’on pourra réserver aux langues régionales la place qu’elles méritent. On pense, à tort, que j’y suis hostile. J’en suis au contraire très respectueux – l’ouvrage de Mona Ozouf Composition Française - Retour sur une enfance bretonne est d’ailleurs l’un des mes livres de chevet : tout y est dit sur le sujet. Je pense simplement qu’il faut trouver pour la télévision des modules adaptés. On risque sinon de susciter une indifférence ou un rejet qui serait préjudiciable à ces langues. Mais France 3 Bretagne par exemple pourrait tout à fait diffuser des productions en breton, d’autant qu’il existe maintenant des possibilités de doublage et de sous-titrage automatique. Cela passe par un renforcement des capacités de production autonome de France 3.

La télévision scolaire, c’est internet aujourd’hui. Autant donc que la télévision publique produise des modules pour ce média. Elle en tirera une légitimité supplémentaire et peut-être une de ses ressources futures. Tout est à construire en ce domaine. La télévision publique, qui en a les capacités et les talents, doit s’y atteler vite car d’autres sinon la doubleront.

Pour ce qui est des relations entre France Télévisions et l’AEF, chaque chose en son temps, dirais-je. Nous attendons le rapport de l’Inspection générale des finances sur l’AEF, qui doit dresser un tableau précis de la situation, notamment à France 24. Je ne crois pas nécessaire d’adosser le pôle international de France Télévisions à l’AEF qui, en dépit de la réussite de la réforme, n’a pas encore trouvé son modèle de fonctionnement, comme en témoignent les difficultés rencontrées à France 24.

Monsieur Martin-Lalande, le projet de COM vous sera communiqué début juillet, ce qui vous laissera trois semaines pour l’examiner. Les derniers arbitrages sont en train d’être rendus. Les sommes consacrées à la création devraient passer de 18 % à 20 % du budget global. C’est d’ailleurs une preuve, madame Langlade, que le documentaire n’est pas abandonné.

Si je devais conclure cette audition, je dirais que nous pouvons être fiers de notre service public de télévision qui a une identité forte et fait partie de notre culture commune. Il ne demande qu’à progresser. Il en a les moyens tant il est réactif et compte de talents.

Dans le même temps, il est en danger. D’une part, son public vieillit car nombreux sont ceux qui se tournent vers d’autres médias. Les jeunes par exemple se composent aujourd’hui leur propre chaîne sur leur ordinateur. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils aient définitivement abandonné la télévision. Ils s’en sont éloignés mais elle peut les attirer de nouveau si elle y travaille. Et ce doit être un objectif pour nos chaînes publiques que de ramener les jeunes dans le corps social, dont la télévision constitue l’un des principaux ciments. D’autre part, nous ne pouvons pas encore mesurer toutes les incidences de la révolution numérique. Que se passera-t-il quand on pourra visionner des films, y compris les plus récents, à la demande, à toute heure et sur n’importe quel support ?

J’ai travaillé trente ans à la télévision. Je l’aime. J’y ai parfois ressenti de la frustration et de l’amertume, mais si souvent de l’enthousiasme… Je souhaite vous assurer aujourd’hui qu’en tant que ministre de la culture et de la communication, je m’y consacre de toute mon énergie.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Monsieur le ministre, nous vous remercions. Nous attendons avec impatience de pouvoir examiner le projet de contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

La séance est levée à dix-neuf heures dix.

Présences en réunion

Réunion du mardi 14 juin à 17 heures 30 :

Présents. - M. Eric Berdoati, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Xavier Breton, M. René Couanau, Mme Pascale Crozon, M. Pascal Deguilhem, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jacques Grosperrin, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alain Marc, M. Jean-Philippe Maurer, M. Jean-Luc Pérat, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, M. Paul Salen, Mme Michèle Tabarot, Mme Marie-Hélène Thoraval, M. Jean Ueberschlag

Excusés. - Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, Mme Monique Boulestin, Mme Marie-George Buffet, M. Jean-François Copé, M. Bernard Debré, Mme Jacqueline Farreyrol, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Muriel Marland-Militello, Mme Martine Martinel, M. Michel Pajon, Mme Françoise de Panafieu, M. Daniel Spagnou

Assistait également à la réunion. - M. Patrice Martin-Lalande