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Mardi 5 avril 2011

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Alain Bocquet Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d'Île-de-France, accompagnée de Mme Véronique Hamayon-Tardé, secrétaire générale, et M. Thierry Guimbaud, directeur de l'exploitation

Commission d’enquête
sur la situation de l’industrie ferroviaire française : production de matériels
roulants « voyageurs » et fret

La séance est ouverte à dix-huit heures.

M. le président Alain Bocquet. La commission d’enquête reçoit, à présent, Mme Sophie Mougard, directrice générale du STIF, le Syndicat des Transports d’Île-de-France, accompagnée de deux de ses proches collaborateurs. Soyez les bienvenus, Mesdames, Monsieur.

Ingénieure des Ponts et Chaussées, Mme Mougard a fait sa carrière au sein de ce qui était alors le ministère de l'équipement et des transports, notamment à la direction départementale de l’équipement (DDE) du Val-d'Oise et ensuite à Aéroports de Paris. Puis, elle a été conseillère technique auprès de M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, et postérieurement à la tête des services de la région Île-de-France, avant de diriger le STIF, depuis 2006.

Établissement public administratif, le STIF est l'émanation de la région, de la Ville de Paris et des départements d'Île-de-France. Son conseil d'administration est présidé par M. Jean-Paul Huchon, président de la région.

En tant qu'institution organisatrice des transports publics franciliens, le STIF a été créé par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains – la loi plus communément dénommée « SRU ». Il a remplacé le Syndicat des transports parisiens (STP) et a donc 10 ans d'existence. À ce titre, madame la directrice générale, nous vous demanderons de bien vouloir dresser un bilan rapide de son activité, en soulignant les grandes évolutions, notamment budgétaires.

Notre commission souhaite obtenir les informations les plus précises possibles sur les investissements du STIF et sur les choix de matériels roulants. Comme je l'ai précisé en préalable à toutes nos auditions, la commission d'enquête n'a aucune visée « accusatrice » ou « inquisitoriale ». Elle n’ambitionne que de faire le point sur la filière ferroviaire française – son savoir-faire, ses débouchés et les emplois qu'elle représente.

Je rappelle qu'en application de la réglementation européenne, le STIF est devenu propriétaire, depuis la fin de l'année 2009, des matériels roulants mis en œuvre par la RATP, comme vient de nous le confirmer son président, M. Pierre Mongin.

Des événements récents ont mis en lumière la sur-utilisation du réseau francilien et le vieillissement de certains matériels, très sollicités. Quelles mesures le STIF a-t-il mis en œuvre pour freiner cette spirale de la dégradation du service ? Quel est l'état de son dialogue avec RFF ? Quel est le rôle des comités de ligne ?

Il existe aussi au sein du STIF un Comité des partenaires du transport public – le CPTP. Cette instance, peu connue du public car la presse n'en parle guère, est néanmoins présidée par un représentant des usagers. Elle rassemble les acteurs économiques et les partenaires sociaux. Son rôle n'est certes que consultatif, mais il porte sur l'offre et la qualité du service : pouvez-vous nous en dire plus, par exemple, sur son action, la fréquence de ses réunions et la nature de ses débats ?

Surtout, certaines suggestions de ce comité ne pourraient-elles pas être intégrées dans les cahiers des charges relatifs au choix des matériels, même si le STIF est, à vrai dire, en « deuxième ligne » après la RATP ou la SNCF pour ce type de décision ? Ne pourrait-on pas également établir un dialogue entre une telle instance et les constructeurs, quitte à ce que ceux-ci viennent « plancher » devant elle dans le but de parfaire certaines solutions techniques ou pratiques ?

Après vous avoir écoutée pour un bref exposé liminaire, M. Yanick Paternotte, notre rapporteur, puis nos autres collègues vous interrogeront. Je ne doute pas que le rapporteur, élu du Val d'Oise, vous posera des questions plus précises – que ce soit dans l'optique du Grand Paris ou sur des problèmes à plus court terme. Je le sais attaché autant que moi à la qualité du transport public et aux droits des usagers.

Mme Sophie Mougard prête serment.

Mme Sophie Mougard, directrice générale du syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). Le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) a, parmi les autorités organisatrices des transports, un caractère spécifique, car il regroupe l'ensemble des responsabilités qui, ailleurs en France, relèvent des différents niveaux de collectivités : il est ainsi compétent au niveau régional, avec la nouvelle automotrice – dite « NAT » ou Transilien –, équivalent des trains express régionaux (TER). Il est également compétent au niveau interurbain, qui relève ordinairement des départements, et au niveau urbain, qui est habituellement à la charge des collectivités locales, communautés d'agglomérations ou villes. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles on trouve dans son conseil d'administration l'ensemble des représentants de ces différents niveaux de collectivités : sur 29 administrateurs, 15 représentent la région, 5 la Ville de Paris, un administrateur représente chacun des autres départements de l'Île de France. Ensuite, un autre administrateur – M. Yves Albarello –y représente les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris- Île-de-France siège également au conseil. Avec la loi de décentralisation d’août 2004, l'État, qui était jusqu'alors majoritairement représenté à ce conseil et le présidait d’ailleurs, en la personne du préfet de région, a décentralisé la compétence en matière de transports aux collectivités locales, et en particulier à la région. C'est ainsi que M. Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional, préside le conseil d'administration du STIF.

En entrant en fonction, en 2006, le nouveau conseil d'administration a fait diverses constatations.

Tout d'abord, le réseau est particulièrement chargé, avec une croissance de 25 % du trafic au cours des dix dernières années, et il a souffert d’une insuffisance d'investissements. Cela est particulièrement vrai du réseau ferroviaire, pour ce qui concerne tant les infrastructures que les matériels roulants. Dès le mois de mai 2006, a été engagé un vaste programme de rénovation de ces matériels couplé à l'acquisition de matériels neufs, et cofinancé par le STIF et la SNCF, cette dernière étant maître d'ouvrage tandis que le STIF apporte des subventions, aux termes de conventions. L’opérateur s'engage à améliorer la qualité de service, notamment la régularité. Les acquisitions portent, avec un programme de l'ordre de 2 milliards d'euros, sur 172 rames de trains Francilien, dont la réalisation est conduite par Bombardier avec la participation d’Alstom. Est également prévue l’acquisition de 24 automotrices à grande capacité, en profitant de la dernière tranche d'un programme d'acquisition lancé par les régions – compétentes en la matière depuis bien plus longtemps que l’Île-de-France. Nous procédons également à la rénovation de différents matériels, notamment des Z2N, qui circulent sur le réseau du RER C et du RER D, pour près de 390 millions d’euros. En complément à ce programme important est également engagée la rénovation des MI 79 du RER B.

Afin d’améliorer tant la capacité que la régularité des RER, nous devons assumer à la fois des investissements d’infrastructures, avec 250 millions d’euros de travaux en cours sur le réseau nord du RER B, des investissements sur le matériel roulant, que je viens d’évoquer, et une réflexion sur la grille de circulation afin de mieux adapter la desserte à l’évolution des territoires desservis et d’améliorer la « robustesse de la grille ». Il fallait en effet, sur la proposition de la SNCF, fiabiliser la desserte du RER B Nord, en passant de l’hétérogénéité des circulations à une exploitation plus proche de celle du métro, qui sera plus adaptée aux déplacements et plus fiable et assurera des liaisons omnibus. Ce schéma directeur du RER B, qui représente environ 500 millions d’euros, a été engagé aussi, avec les opérateurs, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), sur les autres RER – les lignes C, D et, plus récemment, A.

Le STIF intervient à la fois au titre de l’investissement – pour lequel il peut, comme les collectivités locales, recourir à l’emprunt – et du fonctionnement, sur la base de contrats passés avec la RATP et la SNCF. La rémunération globale qu’apporte le STIF à chaque opérateur comporte des contributions distinctes. L’une d’entre elles, dite « C2 », couvre les charges d’amortissement et les charges financières engagées par les opérateurs pour les investissements restant à leur charge après les subventions apportées par le STIF. Avec ces deux modalités, le STIF prend donc en charge, dans les faits, 100 % de la charge des investissements des opérateurs.

Nous avons été amenés à soutenir la RATP pour améliorer les capacités du matériel roulant du RER A. Le président Mongin a proposé de remplacer les matériels les moins capacitifs – les MI 24, qui circulent sur le RER A – par des matériels à deux niveaux inspirés du MI2N qui circule aujourd’hui sur ce même réseau. Sur la base du prix de 10 millions d’euros par rame, initialement annoncé par la RATP, le conseil d’administration du STIF a décidé d’apporter une subvention de 50 % pour procéder à cette acquisition. À l’issue de la négociation avec Alstom, initialement attributaire et constructeur du matériel à deux niveaux qui circule actuellement, le coût de la rame est désormais de l’ordre de 15 millions d’euros, soit bien plus que le prix évoqué en premier lieu – c’est la raison pour laquelle, comme vous l’aura sans doute indiqué le président Mongin, le financement apporté par le STIF, bien qu’inchangé, ne représente plus que 30 % de l’acquisition.

Saisi le 9 février dernier, le conseil d’administration du STIF a décidé d'accompagner un important programme engagé par la RATP de renouvellement des rames de métro, en finançant à hauteur de 50 % le déploiement sur la ligne 9 des rames MF 01 déjà en service sur la ligne 2 et en cours de déploiement sur la ligne 5.

La RATP a en outre engagé, après consultation, des commandes de matériel roulant de type tramway pour équiper, au-delà du T3, les T5, T6, T7 et T8, qui sont également en construction en Île-de-France et seront mis en service dans les trois prochaines années. Le budget est de l’ordre de 400 millions d’euros et le Conseil s’est engagé envers la RATP à prendre en charge les annuités que celle-ci aura à financer, sous la forme d’un crédit-bail.

Le programme de rénovation de 66 rames MF 77 qui circulent sur la ligne 13, pour lequel un marché a été signé avec Ansaldo Breda, a connu des difficultés illustrant l’importance que revêt la fiabilisation des opérations, car les fournisseurs sont parfois sujets à des défaillances pour le respect des plannings. Après avoir engagé des programmes très importants de rénovation des matériels, nous souhaitons pouvoir utiliser ces derniers dans la durée et, lorsqu’ils sont assez robustes, disposer de programmes de rénovation qui les fiabilisent tout en offrant aux voyageurs une modernisation et un meilleur confort.

Nous avons, en second lieu, engagé un plan de modernisation pour les transports, porté par le président Huchon et auquel ont été associés l’ensemble des opérateurs, notamment les départements, afin de mobiliser 19 milliards d’euros dans les 15 prochaines années. Cela permettrait à la fois de moderniser l’existant et de développer de nouvelles infrastructures, comme les tangentielles et la rocade métro, projets qui, tout en maillant le réseau existant, contribueront à en réduire sa saturation et à offrir des alternatives aux voyageurs, donc à conférer une meilleure fiabilité à l’ensemble.

Une convention – la première de ce genre – a été conclue en 2008 avec RFF, aux termes de laquelle le STIF a obtenu que le produit des péages que lui verse le STIF via la SNCF soit utilisé en Île-de-France, où les besoins sont considérables. M. Hubert du Mesnil, président de RFF, a confirmé cet engagement devant le conseil du STIF lors de son audition à la fin de l’année 2010. La convention doit également permettre d'augmenter de près de 50 % sur les quatre exercices 2008-2011, par rapport aux quatre précédents, le montant des investissements consacrés à la « fiabilisation » du réseau. Des comités de pilotage se réunissent régulièrement et RFF a engagé des études de criticité pour identifier les points de vulnérabilité de l'infrastructure et permettre de mieux cibler les investissements à réaliser, que ce soit pour mieux garantir l'alimentation électrique, renouveler les rails ou moderniser la signalisation. La signature de cette convention témoigne de la reconnaissance par RFF que le réseau d’un aussi vaste territoire que l'Île-de-France ne se satisfaisait pas d'un référentiel de maintenance standard. De fait, compte tenu de la fréquentation – 1 million de voyageurs empruntent chaque jour le RER A, plus de 200 jours par an, et 1,4 million de voyageurs circulent quotidiennement sur le RER B et le RER D entre les stations Châtelet et Gare du Nord – le moindre incident provoque, en cascade, des conséquences qui pénalisent lourdement les voyageurs. Tout le travail engagé par RFF sur la sollicitation du STIF vise donc à adapter le référentiel de maintenance pour fiabiliser l’infrastructure.

Enfin, le STIF a voulu miser sur l’intermodalité et la complémentarité des modes, notamment, pour améliorer la situation en grande couronne, en développant rapidement une offre de bus. Entre 2006 et 2009, les collectivités membres du STIF, qui financent celui-ci, ont permis, par un accroissement de 450 millions d'euros de leur contribution – passée de 680 millions à plus d’1,1 milliard d’euros – de développer l’offre, et cela non seulement en grande couronne, mais également en petite couronne et même dans Paris. Lorsque la capacité de l'infrastructure le permettait, nous avons augmenté l'offre sur certaines lignes de métro et sur les lignes ferroviaires de différents réseaux, afin de mieux répondre à la demande, notamment aux heures creuses, en soirée et en week-end, des périodes où l'offre de services devait effectivement être améliorée.

J'en viens à votre deuxième question. La décentralisation du STIF a donné une légitimité aux comités de ligne, notamment du fait de la présence d’élus de ces comités au conseil d’administration du STIF. Ces élus ont très vite souhaité que le STIF soit à l'écoute des voyageurs et traduise bien leurs exigences auprès des opérateurs. C'est ainsi qu'a été mise en place une commission de démocratisation, qui se réunit régulièrement et examine la façon dont le STIF travaille sur différents dossiers, qu’il s’agisse de projets d’infrastructures qui donnent lieu à des débats publics et à des concertations, ou de la prise en compte des préoccupations des usagers dans les contrats conclus avec la RATP et la SNCF.

Les comités de ligne, présidés par un élu administrateur du STIF, réunissent l’ensemble des élus locaux concernés par la ligne, les associations d’usagers – régionales, nationales ou locales – et les opérateurs pour examiner les conditions de transport sur la base d’indicateurs de service et de régularité. Lorsque les mesures prises n’atteignent pas les objectifs fixés par le STIF, nous interrogeons les opérateurs, donnons de l’information sur l’avancement des dossiers et recueillons les avis sur les mesures prévues à moyen et long terme. Le fonctionnement de ces comités suppose un lourd travail de préparation car nous souhaitons être à même de fournir les informations demandées pour les 14 lignes de métro et 44 sous réseaux « SNCF-RFF ».

La loi a prévu qu’un comité consultatif, le Comité des partenaires du transport public, examine l’activité de l’autorité organisatrice et rende un avis sur ce point. Le comité se réunit avant chaque conseil d’administration et je lui présente l’ensemble des délibérations qui seront soumises à celui-ci. Au-delà des projets d’investissement, régulièrement évoqués, le Comité débat du budget et des hausses tarifaires – à propos desquelles les positions des représentants des associations de consommateurs, des élus et des organisations patronales ou syndicales sont assez tranchées. Un représentant du Comité siège au Conseil avec voix consultative et exprime un avis sur chacune des délibérations. Ce représentant fait état, le cas échéant, des divergences qui se sont exprimées entre les opinions des diverses composantes du Comité.

Pour ce qui est d’associer les usagers à la définition des caractéristiques du matériel roulant, je rappelle que, lorsque la SNCF a engagé le travail sur le Francilien, le président Huchon – qui, avant la décentralisation, siégeait au conseil du STIF parmi les cinq administrateurs représentant la région – a voulu s’impliquer fortement sur les question relatives à ce « matériel du futur ». Les équipes du Conseil régional et du STIF ont travaillé avec la SNCF en vue d’identifier les caractéristiques fonctionnelles du matériel roulant. Ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une délibération du conseil d’administration du STIF et, pour la première fois, une maquette à l’échelle 1 a été commandée par la région à la SNCF afin de permettre de recueillir l’avis d’usagers – avec toutes les précautions liées à la confidentialité d’un matériel élaboré dans le cadre d’un appel d’offres. De même, lorsque la SNCF a engagé avec le STIF la rénovation du matériel roulant qui circule sur le RER C, une consultation a été menée auprès des usagers sur les éléments de confort des trains, comme le revêtement des sièges ou l’éclairage.

Durant la construction du Francilien, le président Huchon a invité les représentants du CPTP à visiter l’usine de Crespin, ce qui a sans doute aussi facilité des échanges entre ces représentants et les constructeurs. Il importe cependant de veiller à ce que la SNCF et la RATP conservent pleinement leur responsabilité de maîtres d’ouvrage, seuls à même, du fait de leur expérience et de la compétence de leur service du matériel, d’analyser les questions liées aux choix technologiques, au premier rang desquelles la fiabilité du matériel. L’objectif est de réduire la part que représente le matériel dans les motifs de l’irrégularité, généralement de l’ordre de 20 %.

Enfin, le STIF renégocie actuellement les contrats conclus avec la SNCF et la RATP. Les derniers, signés au début de 2008, ont permis aux autorités organisatrices de formuler des exigences supplémentaires à l’adresse des opérateurs. Ainsi, alors que la génération précédente de contrats globalisait le suivi de la régularité sur l’ensemble du réseau de métro – de telle sorte que la bonne régularité d’une ligne compensait la moins bonne régularité d’une autre –, les contrats de 2008 ont introduit un suivi par ligne et, plus récemment, au terme d’une négociation assez longue avec la RATP, un suivi « à l’heure de pointe » a également été institué afin de parfaire le dispositif.

M. Yanick Paternotte, rapporteur. Bien qu’élu francilien du Val-d’Oise, comme l’a rappelé M. le président Bocquet, je resterai dans mon rôle de rapporteur, d’autant plus que j’ai eu l’occasion d’évoquer, ce matin même, avec Mme Mougard des sujets locaux.

Le plan pour 2016-2035, qui prévoit notamment la rénovation de 753 rames de RER et l’acquisition de 172 rames de Transilien, est-il gérable ? Le STIF pourra-t-il assurer le contrôle des sous-traitants ou devra-t-il déléguer leur suivi à un bureau spécialisé voire aux opérateurs – ce qui pourrait se traduire par une certaine déresponsabilisation ?

Par ailleurs, la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires dite « ORTF », dont j’ai été le rapporteur, a transféré au STIF la propriété du matériel pour ce qui concerne la RATP. Le problème reste toutefois posé concernant la SNCF, ce qui est particulièrement important au moment où tout reste à faire pour l’ouverture à des TER la concurrence. Avec 50 % de subventions d’investissement et 50 % de subventions indirectes de fonctionnement, le STIF paie tout : ne serait-il pas logique qu’il soit aussi le propriétaire de rames qu’il finance à 100 % ? Cela permettrait de préfigurer une mise en concurrence de la qualité de service, comme le démontre du reste le plan de mobilisation.

En troisième lieu, le STIF ne devrait-il pas peser davantage sur le choix du matériel qu’il finance ? Le président de la SNCF, M. Pepy, que nous avons récemment auditionné, s’interrogeait sur certains des aspects négatifs de la technicité. Ainsi, il nous a expliqué que les puces électroniques désormais utilisées pour commander les portes des « commodités » ne résistent pas aux vibrations du ballast : peut-être que le bon vieux loquet d’autrefois n’était-il pas une si mauvaise solution en termes d’efficacité ? Plus généralement, l’arbitrage sur les questions de technicité doit-il revenir à l’exploitant ou à l’autorité organisatrice ? Une réflexion ne pourrait-elle pas être menée en ce sens d’ici 2035 ?

Enfin, le STIF ne devrait-il pas développer une expertise en interne pour éviter de se voir imposer par les prescripteurs les seuls choix disponibles sur le marché ?

Mme Sophie Mougard. Comme vous l’avez rappelé, des investissements considérables seront en effet nécessaires tant pour le ferroviaire que pour le métro. Le périmètre est déjà de plus de 4 milliards d’euros, dont 50 % sont pris en charge par le STIF et engagés au titre des investissements. Ces investissements devraient faire une vraie différence pour le voyageur. Ainsi, pour le ferroviaire, ne devrait plus circuler à l’horizon 2016 que du matériel neuf ou récemment rénové. Nous avons engagé avec la SNCF et RFF un schéma directeur du matériel roulant, en vue d’éclairer les perspectives pluriannuelles et de disposer d'une visibilité globale sur l'ensemble du parc. Nous avons rencontré certaines réticences de la part de la RATP, mais la loi « ORTF » conduit cette dernière à reconnaître qu’il faut introduire une nouvelle gouvernance des investissements dans le matériel roulant afin de laisser place à un partenariat entre l'autorité organisatrice et la RATP. Sans doute serons-nous ainsi amenés à travailler, dans les mois qui viennent, à un schéma directeur du matériel du métro pour éclairer le conseil d’administration du STIF sur les besoins en la matière.

L’importance des besoins – de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros au moins d’ici 2025 – est l’une des raisons pour lesquelles, lors du débat sur le Grand Paris, la région, les départements et l'ensemble des administrateurs du STIF ont indiqué que des ressources supplémentaires étaient nécessaires, supposant notamment une augmentation du versement transport. Je rappelle, en effet, que les dépenses de fonctionnement du système de transports en Île-de-France, de l'ordre de 7,8 milliards d'euros par an, reposent sur trois ressources : un peu plus de 3 milliards de recettes proviennent des usagers, 3 milliards du versement transport et le reste des collectivités. L’ampleur des besoins conduira donc à mobiliser l'ensemble des contributeurs : le contribuable local sans aucun doute, l'usager selon les discussions – assez complexes – sur les hausses tarifaires, et le secteur économique, qui bénéficie évidemment des améliorations du transport public. Il importe donc à l'autorité organisatrice de trouver un financement durable, notamment pour assurer la couverture de l'investissement qui lui incombera. Cela est d'autant plus vrai que, jusqu'à présent et au titre du plan de mobilisation, ce sont les collectivités qui ont pris en charge directement les investissements d’infrastructures, notamment pour les infrastructures nouvelles. A cet égard, les débats publics ont permis de voir se manifester le souci que le STIF, qui devra assurer le service sur les infrastructures mises en place au titre de Grand Paris, ne récupère pas aussi la dette souscrite par la Société du Grand Paris (SGP) pour assurer cet investissement de 22 milliards d’euros. L’équation, déjà difficile à résoudre pour le seul matériel roulant et la mise en accessibilité du réseau conformément à la loi de 2005 – pour laquelle le STIF s’est engagé à hauteur de 50 % d’un programme de 1,4 milliard d’euros –, serait tout à fait insoluble.

M. le rapporteur. Je n’ai pas compris qu’il soit question de vous transférer la dette, mais plutôt de construire un réseau que vous aurez à exploiter.

Mme Sophie Mougard. La question est de savoir quelle sera la redevance d’usage de ce réseau. Je ne doute pas que le Parlement sera très vigilant en la matière.

M. le rapporteur. Si le tarif est trop élevé, il n’y aura pas de passagers : en cette affaire, tout le monde est raisonnable.

Mme Sophie Mougard. Je le souhaite.

Pour ce qui est de la loi « ORTF », le décret d’application qui nous intéresse vient d’être publié le 25 mars dernier, de telle sorte que nous n’en avons pas encore tiré tous les éléments pertinents pour ce qui concerne la RATP. Cette dernière a un travail à accomplir pour définir ses tâches de gestionnaire d’infrastructures et d’opérateur de transport et nous n’avons pas encore défini la gouvernance du matériel roulant.

La situation est quelque peu différente en Île-de-France de ce qu'elle est ailleurs, où l’autorité organisatrice est généralement propriétaire des infrastructures et souvent – mais pas toujours – du matériel roulant. Selon la durée de la délégation de service public (DSP) qu'elle octroie, elle peut mettre en charge l'opérateur afin d’amortir l’investissement et, le moment venu, ouvrir les DSP à la concurrence.

M. le rapporteur. Ce débat a déjà eu lieu à l’Assemblée, où il a été porté par Mme Annick Lepetit et par moi-même.

Mme Sophie Mougard. Nous verrons à l’usage comment mettre en œuvre cette organisation. Le STIF a développé des premiers éléments d’expertise en pilotant la réalisation de ce schéma directeur « matériel roulant » avec la SNCF, mais il conviendra d’accroître encore cette expertise.

L’exploitant n’est pas seul à décider, même si nous avons à cœur de lui faire assumer pleinement sa responsabilité de maître d’ouvrage – c’est en effet l’exploitant qui contractualise, et ce sont les commissions des marchés de la RATP et de la SNCF qui font les choix, sans ingérence. L’autorité organisatrice a néanmoins su, comme dans les régions, peser de diverses manières sur ces choix. Elle est ainsi intervenue dans la définition du cahier des charges fonctionnel pour exprimer ses attentes vis-à-vis de l'opérateur, s’agissant notamment du matériel souhaité ou des nuisances sonores. Nous veillons également à favoriser une standardisation éprouvée, notamment sur de longues séries. Enfin, dans le respect des responsabilités de chacun, et notamment de la SNCF, nous n'avons pas été totalement exclus du choix qui a été fait et l'analyse multicritères menée par la commission des marchés a permis de retenir une offre, au terme d'un processus respectueux des textes nationaux et européens. Il en va de même pour les programmes engagés récemment par la SNCF, qui y a également associé l'ensemble des régions.

La question de la propriété ne me semble pas faire actuellement débat avec la SNCF. Sans me prononcer sur la mise en concurrence, je peux au moins observer que sur la tangentielle Nord, où un financement à 100 % par le STIF est envisagé, cette question pourrait être posée si son conseil d’administration en décidait ainsi. Elle l’a été par d'autres régions dans des cas de figure assez divers et certaines de ces régions sont désormais propriétaires du matériel. Il n’y a donc pas de tabou.

Les matériels, de plus en plus complexes, répondent à des besoins. C'est le cas notamment de la vidéosurveillance ou de l’information des voyageurs en temps réel, ainsi que des comble-lacunes qui facilitent l’accessibilité. Les constructeurs, en lien avec les opérateurs, n’en doivent pas moins s’attacher à gagner en fiabilité sur ces matériels. Il y a là encore beaucoup à faire, comme l’ont montré récemment les difficultés rencontrées par le Francilien.

M. le président Alain Bocquet. Madame la directrice générale, je vous remercie.

L’audition est levée à dix-huit heures cinquante.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur la situation de l'industrie ferroviaire française : production de matériels roulants "voyageurs" et fret

Réunion du mardi 5 avril 2011 à 18 h 00

Présents. - M. Alain Bocquet, M. Maxime Bono, M. Alain Cacheux, M. Paul Durieu, M. Jean Grellier, M. Michel Hunault, Mme Marie-Lou Marcel, M. Yanick Paternotte

Excusé. - M. Jean Proriol