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Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1)

Mercredi 5 mai 2010

Séance de 17 heures 25

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Jean-Christophe LAGARDE, Président

– Audition de M. Claude Michellet, directeur de l’Académie de Paris

COMMISSION D’ENQUÊTE
SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE
LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A(H1N1)

Mercredi 5 mai 2010

La séance est ouverte à dix-sept heures vingt-cinq.

(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la Commission d’enquête)

——fpfp——

La Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Claude Michellet, directeur de l’académie de Paris.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous allons entendre M. Claude Michellet, directeur de l’académie de Paris et, à ce titre, adjoint au recteur de cette académie, lequel s’entretient en ce moment même avec le Président de la République.

M. Claude Michellet prête serment.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Traditionnellement, nous proposons à nos invités de faire d’abord un exposé liminaire. Cependant, afin de permettre un débat plus nourri, nous commencerons directement par les questions.

Nous avons constaté à quel point l’incertitude des parents d’élèves était forte sur la façon dont la vaccination allait être organisée dans les écoles et les collèges. Nombre de leurs messages, surprenants, me semblent avoir pour cause une information très tardive, si ce n’est parcimonieuse, de la part de l’éducation nationale. Pourriez-vous, monsieur le directeur, préciser à notre attention les modalités d’information des parents prévues par l’académie de Paris sur les conditions de vaccination de leurs enfants ? J’imagine que des circulaires interministérielles ont également été publiées.

M. Claude Michellet, directeur de l’académie de Paris. S’est d’abord posée pour nous la question de connaître la part des actions qui, dans la campagne de vaccination – je ne parle pas ici des règles de fermeture de classes ou d’établissements –, relevait du niveau académique et du niveau national.

Nous avons dû attendre des informations précises sur la date de démarrage de la campagne et les conditions de sa conduite. Nous avons toujours été soumis à un dilemme : devions-nous prendre l’initiative de lancer des informations, ou au contraire attendre les documents d’information nationaux ? J’ai apporté à la commission d’enquête la totalité des documents d’information qui devaient être communiqués à chaque famille par les établissements – elles le leur ont été en deux jours. Ce sont des documents, des formulaires de vaccination, nationaux. Je dois préciser qu’ils ne concernent que les élèves de collège et de lycée : à Paris – comme sans doute dans l’ensemble du territoire – les élèves des écoles étaient vaccinés dans les centres de vaccination.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Ces documents nous seront utiles.

M. Claude Michellet. Pour vacciner collégiens et lycéens, nous avons constitué vingt-six équipes mobiles, constituées de médecins et d’infirmières scolaires. Ces équipes ont tourné dans l’ensemble des établissements de la capitale ; c’est là qu’elles vaccinaient.

Pour pouvoir nous organiser, il nous fallait connaître le nombre d’élèves à vacciner. Après avoir communiqué les documents d’information aux familles, nous attendions leurs réponses d’acceptation ou de refus de la vaccination. En fonction de celles-ci, nous déterminions le temps que les équipes allaient passer dans les établissements. Nous pouvions alors organiser la succession de leurs visites au sein de ceux-ci.

L’urgence nous a conduits à prendre l’initiative d’élaborer nous-mêmes des documents et à les communiquer aux parents. Trente-six heures après cette opération, nous avons reçu les documents nationaux. Cette situation a entraîné à la fois un brouillage de la communication et, pour les chefs d’établissement, qui devaient faire photocopier la totalité de ces documents en autant d’exemplaires que de familles, un double travail. Nous considérons avoir été insuffisamment informés sur les actions préparées au niveau national.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Par quel moyen ces photocopies étaient adressées aux parents ?

M. Claude Michellet. Elles étaient remises aux élèves.

Mme Marie-Louise Fort. Vous avez donc envoyé aux parents une première série de documents, émanant du rectorat, leur exposant qu’une campagne de vaccination contre la grippe allait être lancée dans les établissements et que leurs enfants ne seraient vaccinés qu’avec leur accord. Ce n’est qu’ensuite que vous avez reçu du ministère les documents nationaux. Les chefs d’établissement ont alors également fait parvenir ceux-ci aux familles.

M. Claude Michellet. Oui.

Mme Marie-Louise Fort. En cas d’hésitation de la famille, les documents que vous aviez élaborés comportaient-ils un numéro de téléphone ? Les établissements étaient-ils tous dotés d’un référent, leur infirmière par exemple ?

M. Claude Michellet. Depuis un certain temps une information indiquant aux parents pour quelles raisons il fallait se faire vacciner, assortie de toutes les informations sur les différents vaccins, figurait sur le site de l’académie.

Cette information a été redoublée par écrit. Les parents devaient répondre à nos envois. Ils pouvaient revenir jusqu’au dernier moment sur leur acceptation ou leur refus de faire vacciner leur enfant.

Chaque établissement affectait un référent aux parents. Celui-ci, qui était souvent l’infirmière, pouvait être aussi le secrétariat du proviseur.

La responsabilité des équipes mobiles de vaccination, composées de médecins et d’infirmiers, relevait du rectorat. Il revenait en revanche aux établissements de fournir le support administratif et l’organisation concrète.

Ces modalités d’organisation étaient valables aussi bien pour les établissements publics que pour les établissements privés.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Par qui étaient formées ces équipes mobiles ? D’où venaient-elles ? Quel était votre rôle ? De quels moyens disposiez-vous ? Assuriez-vous vous-mêmes la tenue des calendriers ? Pouvez-vous aussi nous rappeler les dates de la campagne conduite dans les collèges et lycées de la région parisienne ? Enfin, connaissez vous le taux de pénétration de la vaccination auprès des élèves ? Les courbes dont j’ai pu disposer indiquent que les meilleurs taux de vaccination en France concernent les classes d’âge jeunes.

M. Claude Michellet. À Paris, deux campagnes de vaccination ont été organisées dans les établissements scolaires. La première s’est déroulée du 25 novembre au 18 décembre 2009, c’est-à-dire jusqu’aux vacances de Noël. Elle a été réalisée par les vingt-six équipes mobiles. Seul le second degré était concerné, soit 400 collèges et lycées, 300 dans le secteur public et 100 dans le secteur privé. L’académie de Paris comprend aussi 660 écoles primaires, mais celles-ci n’étaient pas concernées par ce processus.

Lorsque, au mois de janvier, il a fallu relancer la campagne, nous avons choisi d’ouvrir vingt centres permanents où les élèves volontaires se présentaient.

La première campagne a permis quelque 32 000 vaccinations (31 997 exactement). La deuxième n’en a suscité qu’un peu moins de 2 000. Autrement dit, au mois de janvier, nous n’avons reçu quasiment aucune demande.

Les 32 000 vaccinations de la campagne de novembre et décembre font apparaître un taux de vaccination de 17,2 % de la population visée, soit 2 000 élèves par jour ouvrable – je rappelle que le taux national est de 10 %.

Nous avons repéré une réelle différence entre les taux de vaccination selon que les établissements étaient publics ou privés : 15 % environ dans le secteur public, mais plus de 21 % dans le secteur privé.

Nous avons aussi pu constater que nous vaccinions beaucoup plus dans les lycées généraux que dans les lycées technologiques, mais je ne peux malheureusement pas fournir de chiffres précis, la grille de classification des vaccinations effectuées ne permettant pas de faire la part des uns et des autres. Nous avons aussi beaucoup plus vacciné dans l’ouest et le sud que dans le nord et l’est de Paris.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Diriez-vous que le critère de cette différence de taux est celui des catégories socio-professionnelles ?

M. Claude Michellet. Oui. Cette situation n’est pas spécifique à la grippe A(H1N1). Les campagnes de prévention et d’éducation à la santé organisées à l’attention des lycées rencontrent toutes beaucoup plus de succès auprès des catégories socio-professionnelles favorisées qu’auprès de celles qui ne le sont pas. L’information y est-elle mieux reçue ? Ne faut-il pas au contraire constater un déficit de réception de l’information au sein d’autres catégories ? Dans certaines populations du nord de Paris, le taux de vaccination était de l’ordre de 5 %.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Les lycées sont donc à l’unisson de la population : voilà un élément rassurant !

M. Claude Michellet. Je rappelle que nous ne vaccinions qu’après avoir reçu l’aval des parents.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Receviez-vous des réponses négatives ?

M. Claude Michellet. Très peu.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Autrement dit, l’indifférence primait sur le refus.

M. Claude Michellet. Les refus n’étaient en effet pas forcément des refus actifs.

Mme Valérie Fourneyron. Comment le ministère de l’éducation nationale a-t-il été associé à la stratégie vaccinale d’ensemble du Gouvernement et à son évolution ? Quels ont été l’organisation et le mode de fonctionnement du dispositif interministériel ? Comment y avez-vous été associé ? À partir de quand ? Quel était votre interlocuteur au ministère de l’éducation nationale ?

M. Claude Michellet. Nous avons été chargés d’organiser la vaccination des élèves par les médecins et les infirmières scolaires.

M. le rapporteur. Vos équipes étaient donc des équipes internes à l’éducation nationale…

M. Claude Michellet. Tout à fait. Nous avons mobilisé les médecins et les infirmières scolaires. Le volet administratif du dispositif – organisation, rotations, passages des équipes, inscriptions des élèves – était assuré par les personnels administratifs des établissements.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Cette organisation vaut-elle pour l’ensemble de la France ? Paris dispose peut-être de plus de médecins et d’infirmières scolaires que les départements du nord-est de sa petite couronne, par exemple.

M. Claude Michellet. Dans le premier degré, c’est la ville de Paris et non le rectorat qui assure la médecine scolaire. De ce fait, l’académie de Paris dispose de moins de médecins scolaires que d’autres. Ces médecins sont en revanche beaucoup plus faciles à mobiliser. Il est aussi beaucoup plus simple d’organiser les tournées d’une équipe de vaccination entre des établissements relativement importants et très proches les uns des autres.

Si nous avons pu organiser la vaccination avec nos seules forces, nous avons dû en revanche travailler dans le cadre d’un dispositif interministériel pour deux actions.

Il s’est agi, d’abord, avant la période de vaccination, des fermetures de classes et d’établissements. La décision était prise par le préfet sur la base des informations que nous lui communiquions. Après quelques tâtonnements, nous avons mis en place un circuit : organisation de la remontée de l’information, validation de celle-ci par les services médicaux et la direction des affaires sanitaires et sociales, décision du préfet, puis communication de celle-ci au rectorat. Le fonctionnement a été plutôt satisfaisant.

Ensuite, alors que nous avions déjà mis en place notre dispositif de vaccination dans les établissements, nous avons été mobilisés par la préfecture pour fournir des équipes et du personnel aux centres de vaccination du public. À Paris, ces centres ont été installés dans les gymnases. Nous avons été associés aux réunions bi-hebdomadaires, voire quotidiennes, tenues en préfecture, et sollicités pour fournir du personnel aux gymnases transformés en centres de vaccination.

Mme Valérie Fourneyron. Les décisions de tous les préfets n’ont pas été identiques, y compris en matière de fermetures de classes. Comment le pilotage interministériel était-il organisé ?

M. Claude Michellet. Les consignes ministérielles et interministérielles que nous avons reçues correspondaient aux consignes nationales diffusées par les médias : la fermeture à partir d’un certain nombre de cas groupés.

Cela dit, il est vrai que les interprétations ont été différentes en fonction du terrain. Ainsi, à Paris, milieu urbain très dense, nous avons très rapidement – dès le mois de novembre – mis fin aux fermetures de classes.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Une rumeur selon laquelle la vaccination des enfants en milieu scolaire serait devenue obligatoire, avec ou sans l’accord des parents, a circulé sur internet. Interrogé par la principale fédération de parents d’élèves de ma commune, je me suis tourné vers l’inspectrice de l’éducation nationale, puis l’inspecteur d’académie. Il m’a été clairement répondu que tel n’était pas le cas et qu’une demande préalable serait adressée aux parents, et même, en cas de partage de l’autorité parentale, à chacun des deux parents séparés. Comment avez-vous traité ces cas ? Dans l’un des documents que vous m’avez remis, la signature d’un seul des parents partageant l’autorité parentale est demandée. N’est-ce pas cette politique qui a été à l’origine de la rumeur ? J’en suis pour ma part convaincu.

M. Claude Michellet. La consigne nationale n’était pas précise. Nous avons décidé de ne prendre en compte les deux réponses que si l’une d’entre elles était négative. Avec un avis positif et sans avis contraire, nous avons vacciné. Telle a été la consigne diffusée auprès des chefs d’établissement.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous avez disposé exclusivement de vaccins multidoses ?

M. Claude Michellet. Oui.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vos équipes mobiles se déplaçaient d’établissement en établissement sans savoir à l’avance qui souhaitait se faire vacciner ?

M. Claude Michellet. Non. Au vu des réponses, le chef d’établissement établissait la liste des enfants à vacciner et organisait le tour de passage. Les équipes mobiles savaient combien d’enfants devaient être vaccinés dans l’établissement. Il était prévu qu’elles aillent chercher chaque jour dans les centres de vaccination le matériel qui leur était nécessaire. Cette mesure a été source de difficultés : en fait, ce sont les établissements – le plus souvent leurs chefs – qui ont dû effectuer cette tâche. Ils ont dû beaucoup payer de leur personne. Il leur fallait se rendre dans les centres de vaccination, à l’époque très chargés, et patienter parfois une demi-heure, le temps qu’un membre du personnel du centre puisse se dégager pour collecter les doses de vaccin et le matériel nécessaire pour les administrer. Nous avions pourtant longuement plaidé pour la mise en place d’un système de distribution au quotidien des vaccins dans les établissements où des vaccinations devaient avoir lieu.

Une autre difficulté est venue du retour des déchets aux centres. Là encore, ce sont les établissement qui en ont été chargés.

Enfin, au début, le nombre de glacières était insuffisant et les trousses médicales manquaient. Nous ne pouvions que constater une anticipation insuffisante des achats nécessaires.

M. le rapporteur. Votre stratégie a été bonne et votre travail efficace. Que, dans une ville aussi peuplée que Paris, vous ayez pu agir par vous-mêmes donne à réfléchir.

Avez-vous une idée du taux de vaccination des enseignants ? Comment ont-ils réagi ?

M. Claude Michellet. C’est un point négatif. Au moment où les équipes mobiles passaient, certains enseignants étaient tout à fait prêts à se faire vacciner. Malheureusement, ils ne faisaient pas partie des catégories prioritaires. Après plusieurs hésitations, nous nous sommes, un peu à contrecœur, ralliés à cette règle et nous ne les avons pas vaccinés. En tout état de cause, n’étant pas prioritaires, ils n’étaient évidemment pas en possession de bons.

Alors même que nous assurions nous-mêmes la vaccination dans les établissements, nous avons aussi prêté des infirmières scolaires et des personnels administratifs aux douze premiers gymnases ouverts à Paris pour la vaccination de l’ensemble du public. L’État s’étant rapidement rendu compte que ce nombre n’était pas suffisant, il l’a fait passer à vingt-deux. Enfin, le 5 décembre, le rectorat de Paris s’est vu confier par décision du préfet – en application des règles de la solidarité d’État – la gestion de deux de ces gymnases.

Ceux-ci étaient ouverts de huit heures à vingt-deux heures. Si nous avons fourni le personnel administratif de ces deux centres, nous n’avons pas eu à en gérer le personnel médical et infirmier. Nous avons travaillé toutes les vacances scolaires, sauf le jour de Noël. Pour garantir les horaires d’ouverture, le fonctionnement de chaque centre requérait une équipe de trois fois sept personnes, soit vingt et une personnes à mobiliser sept jours sur sept, à l’exception du lundi matin, où les équipes étaient réorganisées. Cette situation a duré jusqu’au moins de janvier.

M. Jean Mallot. À mon sens, la lecture des documents permet de comprendre pourquoi le taux de vaccination est supérieur dans les catégories socio-professionnelles les plus élevées.

Voilà ce qui est offert à la lecture des parents dans une fiche d’information : « Qu’est-ce que le Thiomersal ? Le Thiomersal est un composé qui est utilisé de longue date comme conservateur. […] Le lien entre le Thiomersal et l’hypothétique trouble neurologique n’a pas été confirmé par les nombreuses études  réalisées. »

La fiche médicale individuelle de l’enfant, à remplir par les parents, est également instructive : « A-t-il eu une réaction grave lors d’une vaccination ? » Les parents peuvent en effet se souvenir d’une telle réaction. « A-t-il une allergie aux protéines de l’œuf ou du poulet, à l’ovalbumine ou à certains médicaments ? »

M. le président Jean-Christophe Lagarde. La question de l’allergie à l’ovalbumine était posée dans tous les centres. J’ai moi-même demandé de quoi il s’agissait.

M. Jean Mallot. Mais de nombreuses familles ont dû ne rien comprendre. Il y a là sans doute une leçon à tirer pour l’avenir.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est pas M. Michellet qui est l’auteur de ce questionnaire !

M. Claude Michellet. Lorsque nous vaccinions, le médecin était systématiquement présent et les parents pouvaient accompagner leurs enfants. Comme à l’accoutumée dans ce type de situation, nous avons organisé une aide.

M. Jean Mallot. Par ailleurs, si de nombreux élèves avaient été atteints par la grippe, beaucoup d’établissements auraient dû être fermés. Mais si le lycée est fermé, comment y vacciner les élèves ? De quelle façon l’hypothèse de fermetures en nombre avait-elle été envisagée par le plan ?

M. Claude Michellet. La décision de fermer des classes ou des écoles avait été prise avant le lancement de la campagne de vaccination. De plus, les fermetures ne duraient pas plus d’une semaine. Elles ont été présentées au public comme des barrières contre la propagation de l’épidémie.

Mme Marie-Louise Fort. Disposez-vous de réactions de parents sur le contenu des courriers qui leur ont été envoyés ? Ceux qui ne les auraient pas compris se sont-ils contentés des explications et préconisations diffusées par les médias ?

M. Claude Michellet. À mon sens, les débats et messages diffusés par les médias ont eu beaucoup plus d’impact que ces courriers, qui ont été envoyés pour des raisons d’information mais aussi de précaution : l’éducation nationale se souvient d’épisodes de vaccination dans les écoles plutôt cuisants, et causes de difficultés juridiques, y compris avec les infirmières et les médecins scolaires. Des phénomènes secondaires étant apparus à la suite de campagnes de vaccination contre l’hépatite, des familles étaient allées jusqu’à porter plainte.

Cette constatation mène à la problématique de la réquisition. Les consignes que nous avons reçues étaient contradictoires, notamment pour les infirmières scolaires : celles-ci étaient réquisitionnées, nous a-t-on expliqué, mais seulement si elles étaient volontaires ; la consigne nationale était de passer malgré tout par le volontariat. Or, sur cent cinquante-cinq infirmières, cinq seulement se sont déclarées volontaires pour vacciner. Toutes les autres attendaient la réquisition. Certains syndicats d’infirmiers avaient donné comme mot d’ordre à leurs membres de ne pas ouvrir leur messagerie électronique et de ne pas répondre au téléphone, pour éviter qu’ils ne soient contactés et réquisitionnés.

Ce manque de clarté de la consigne ne permettait pas de déterminer si la vaccination constituait une mission prioritaire emportant réquisition de l’infirmière contactée ou si celle-ci conservait la liberté de déterminer elle-même le degré de priorité relative de ses missions.

Il importe de repenser tous ces éléments pour l’avenir.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous transmettrons ce message.

Je constate moi aussi la difficulté de compréhension des documents. Ils comportent en outre un réel déficit graphique : mis à part le document tiré en couleurs, ils sont assez peu lisibles, même dans leur présentation. Une plaquette assez simple, compréhensible, lisible, un peu plus graphique, distribuée à tous et permettant aux parents de comprendre le sujet aurait pu être élaborée.

La vaccination s’est effectuée du 25 novembre au 18 décembre. À quelle date précise avez vous pu disposer de l’information vous permettant de l’organiser ? Par quel canal cette information est-elle passée : circulaire ministérielle, bulletin officiel de l’éducation nationale, par exemple ?

Tout en étant restés très longtemps dans le flou, nous avez-vous dit, vous étiez prêts lorsque l’information vous a été transmise. Si j’ai bien compris, il y a eu télescopage des dates de mise en œuvre des actions décidées par vous-mêmes – sans doute du fait d’inquiétudes du monde enseignant ou des parents d’élèves – et de réception des instructions nationales.

M. Claude Michellet. Je n’ai pas le souvenir d’une consigne écrite. Le 25 novembre était un mercredi. Le « feu vert » nous a été donné lors d’une conférence téléphonique à la fin de la semaine précédente, le jeudi ou le vendredi. Il faisait suite à la consigne de distribution des bons de vaccination donnée aux caisses primaires d’assurance maladie. Il découlait de l’estimation de la date de réception des bons par les parents. Il avait été prévu que la campagne commencerait à Paris et en région parisienne.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. La campagne publique a été lancée le 12 novembre. Le 25 novembre, l’ensemble des éléments nécessaires à l’organisation de la vaccination était donc disponible depuis suffisamment longtemps. J’ai l’impression qu’il y a eu un manque d’anticipation.

Vous souffriez du flou des instructions données par le ministère de l’éducation nationale, nous avez-vous dit. Mais toutes les informations nécessaires étaient alors disponibles au ministère de la santé. Dès le début du mois d’octobre, il était possible d’établir une communication vers les parents sur la façon dont la vaccination serait proposée à leurs enfants. Ne pas le faire a aggravé le flou et donné des armes aux opposants à la vaccination, qui se sont exprimés sur internet.

M. Claude Michellet. Selon mes souvenirs, la reproduction des documents nationaux a été effectuée le vendredi et le samedi de la semaine précédant celle du 25 novembre.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Aucun point de ces documents ne me semble conditionné par un élément de dernière minute.

Si, pendant l’été, la communication du ministère de l’éducation nationale à l’attention du grand public sur la façon dont seraient prolongés les cours si des établissements devaient fermer en nombre a été abondante et précise, ce ministère n’a pas été en mesure de préciser de façon simple, générale et compréhensible la manière dont la vaccination se déroulerait. Or, si les éléments nécessaires n’étaient pas disponibles en juin, ils l’étaient en septembre.

M. Claude Michellet. De ce fait, nous avons été amenés à envoyer aux chefs d’établissement des documents légèrement différents de ceux qui, finalement, nous ont été transmis. Non seulement cette action a abouti à une multiplication bien inutile des photocopies, mais elle a en plus été source de brouillage.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le directeur, souhaitez-vous ajouter d’autres éléments ?

M. Claude Michellet. Il est toujours désagréable d’être dans l’attente de quelque chose d’imprécis. Nous étions hantés par la crainte, au cas où nous prendrions une initiative, de provoquer un brouillage supplémentaire, cette initiative pouvant être démentie le lendemain.

Dans ce type de situation, la répartition des tâches entre niveaux opérationnels doit être clairement établie et chacun des niveaux doit être autonome dans la gestion des tâches qui lui sont confiées. La répartition des tâches entre niveaux ne doit pas souffrir d’incertitudes ou de doublons. Nous ne savions même pas que des formulaires d’information et des questionnaires étaient en préparation au niveau national !

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Étiez-vous clairement informés sur les conditions de la poursuite de l’enseignement en cas de fermeture d’établissements ? J’ai l’impression que vous étiez dans la même situation que le grand public : alors que votre information sur la gestion de la fermeture des établissements était très solide, vous n’en disposiez d’aucune sur les conditions de vaccination.

M. Claude Michellet. Sans doute. Cela dit, autant, depuis l’épisode de la grippe aviaire, nous avons réfléchi à la gestion de situations fortement dégradées, comportant de nombreuses fermetures d’établissements, autant la réflexion mérite encore d’être développée sur les situations de perturbations ponctuelles, concernant une classe ou une école ici où là.

Enfin, pour le personnel du rectorat, l’expérience de la gestion d’un gymnase a été positive et relativement bien perçue. Ce gymnase vaccinait entre 600 et 700 personnes. Nombre de personnels mobilisés en ont tiré un sentiment de fierté d’accomplir un service public, ce que nous n’imaginions pas au début. Pour chaque journée, y compris pendant les vacances, nous avons trouvé l’effectif nécessaire. De vraies équipes se sont formées.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Monsieur Michellet, nous vous remercions.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.