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Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1)

Mercredi 5 mai 2010

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 24

Présidence de M. Guy LEFRAND, vice-Président, puis de M. Jean-Christophe LAGARDE, Président

– Audition de M. Yves Kerouédan, président, et de M. Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique

COMMISSION D’ENQUÊTE
SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE
LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A(H1N1)

Mercredi 5 mai 2010

La séance est ouverte à dix-neuf heures vingt.

(Présidence de M. Guy Lefrand, vice- président de la commission d’enquête
puis de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la commission d’enquête)

La Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Yves Kerouédan, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, et de M. Emmanuel Déchin, secrétaire général.

M.  Guy Lefrand, vice-président. Nous accueillons M. Yves Kerouédan, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, et M. Emmanuel Déchin, secrétaire général. Merci, messieurs, d’avoir répondu à l’invitation de la commission d’enquête parlementaire sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1).

M. Yves Kerouédan et M. Emmanuel Déchin prêtent serment.

Nous souhaitons examiner avec vous les questions du dosage des vaccins, de la diffusion de ces derniers dans les centres de vaccination et les pharmacies et du conditionnement jugé utile pour les médecins généralistes. Votre avis sur l’organisation de la campagne elle-même nous intéresse aussi bien évidemment.

M. Yves Kerouédan. Les grossistes-répartiteurs sont des entreprises qui distribuent des médicaments : 85 % des médicaments distribués en pharmacie passent par leur circuit qui ravitaille, à partir de cent quatre-vingt dépôts, les 22 500 pharmacies françaises dans un délai moyen de deux heures. Il s’agit d’un métier très réglementé dont les obligations sont définies par les articles R. 5124-2 à R. 5124-59 du code de la santé publique, avec pour contrepartie la possibilité pour les grossistes-répartiteurs de dégager une marge.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Combien existe-t-il d’organismes répartiteurs ?

M. Yves Kérouédan. On dénombre six grossistes-répartiteurs principaux et quinze « short liners » – à opposer aux « full liners ». Officiellement, ces deux dernières catégories n’existent pas en France, mais il faut savoir que certains grossistes-répartiteurs ne détiennent aujourd’hui qu’une partie de la collection des médicaments au lieu d’en détenir la totalité.

M. Emmanuel Déchin. Parmi les obligations des grossistes-répartiteurs, celle de détenir la totalité de la collection des médicaments commercialisés en France, pour une consommation de quinze jours, est relativement contraignante. Les grossistes-répartiteurs adhérant à la chambre syndicale respectent cette obligation. D’autres ont obtenu le statut de grossistes-répartiteurs auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé mais, pour autant, il est de notoriété publique qu’ils ne détiennent pas la totalité de la gamme, loin s’en faut : ce sont ceux-là que nous appelons les « short liners ».

M. Yves Kérouédan. Nous avons joué un tout petit rôle dans la gestion de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Au mois d’avril 2009, nous avons été convoqués au ministère de la santé par Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Le dossier était d’une actualité récente et relativement compliqué – reportez-vous aux reportages télévisés, notamment sur le Mexique –, et l’inquiétude gagnait. Il nous a été demandé si nous étions prêts, en tant que grossistes, à distribuer masques et Tamiflu dans le cadre du « kit de distribution » contre une éventuelle pandémie. Nous avons bien sûr répondu favorablement et commencé à livrer, à partir du 20 juillet 2009, des masques chirurgicaux – 1 300 000 boîtes de 50 unités – à l’ensemble des pharmaciens qui en faisaient la demande.

La base juridique de ces livraisons était double : d’une part, une convention conclue avec l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires et d’autre part, un arrêté du 3 décembre 2009, qui fixait notre rémunération.

Un peu plus tard, il nous a été demandé de distribuer des antiviraux. Nous avons donc livré aux pharmacies 1 075 000 boîtes de dosettes de Tamivir, de Tamiflu et de Relenza, à partir du mois de décembre.

Nous avons été rémunérés pour ces deux opérations.

M. Emmanuel Déchin. Nous avons été effectivement rémunérés sur la base d’une convention signée avec l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, laquelle renvoyait à un arrêté. Cette convention a été conclue assez tôt, dès le mois de septembre, tandis que l’arrêté fixant définitivement le montant de notre rémunération n’a été publié qu’au début du mois de décembre. Nous avons donc connu une petite difficulté s’agissant de notre rémunération pour les livraisons assurées entre les mois de juillet et décembre.

M. Yves Kerouédan. L’administration nous a en effet annoncé qu’il n’était pas sûr que nous soyons rémunérés pour les livraisons effectuées depuis le mois de juillet. Nous avons réagi assez violemment, mais finalement tout cela s’est très bien terminé.

M. Gérard Bapt. Combien cette opération a-t-elle coûté ?

M. Yves Kerouédan. Je crois que cette distribution a coûté 1,2 million d’euros, soit 50 centimes d’euro par unité d’œuvre – le prix d’un timbre-poste.

M. Jean Mallot. J’ai du mal à comprendre pourquoi une telle prestation a donné lieu à une rémunération particulière. En quoi est-elle différente des prestations que vous assurez tous les jours en répartissant les médicaments ?

M. Yves Kérouédan. Habituellement, nous achetons les médicaments et nous réalisons une marge à cette occasion.

M. Emmanuel Déchin. Nous avons en effet oublié de vous préciser qu’il s’agissait en l’occurrence du stock de produits de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, donc de l’État.

M. Yves Kerouédan. D’où un mode de rémunération particulier : au lieu de dégager une marge, nous avons négocié un forfait.

S’agissant des vaccins, de premières hypothèses de travail ont été émises par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires au mois d’août 2009, et l’opération a été lancée au mois de novembre de la même année. Celle-ci consistait à livrer, à partir de 93 centres de distribution, 1 100 centres départementaux de vaccination, puis 430 centres hospitaliers et centres hospitaliers universitaires et, enfin, les 22 300 officines de France.

Cette opération se révéla un peu difficile, en raison d’une certaine versatilité des directives. Notre logistique, qui est importante, suppose de mettre en place des dispositifs fiables et pérennes. Or, selon les jours et les semaines, les informations qui nous étaient données pouvaient diverger.

Nous avons distribué ces vaccins sans problème particulier et avons été rémunérés pour cela. Au total, nous avons distribué 5 millions de doses.

M.  Guy Lefrand, vice-président. Dont combien dans les officines ?

M. Yves Kerouédan. Nous ne disposons pas de chiffres spécifiques, mais il s’agissait de la plus petite partie – la plus grande a été livrée dans les centres de vaccination.

M. le rapporteur. S’agissait-il d’un million de doses environ ?

M. Yves Kerouédan. Je ne suis pas sûr que le nombre de doses ainsi livrées soit aussi important.

Cette distribution de médicaments a été régie par une convention conclue avec l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, en application de l’article 3 du code des marchés publics qui établit une procédure dérogatoire au droit commun. Dans ce cadre, nous avons été rémunérés 850 000 euros. Ainsi, l’ensemble de l’opération, pour les grossistes-répartiteurs, a coûté un peu plus de deux millions d’euros.

Quelles conclusions en tirer ?

Mon grand âge – j’ai soixante-quatre ans – fait que j’ai connu la dernière pandémie de grippe de 1968-1969. Les deux épisodes ont été selon moi différents : en 1968-1969, il s’agissait d’une vraie pandémie, tandis que, cette fois-ci, il ne s’agissait que d’une épidémie « standard ».

M. Gérard Bapt. Permettez-moi de ne pas être d’accord.

M. Yves Kérouédan. Une pandémie, selon moi, atteint plus de 8 à 10 millions de personnes. Or, en 1968-1969, 12 millions de Français avaient été atteints.

M. Gérard Bapt. Je me réfère pour ma part à une définition de la pandémie qui est précise : même si elle peut être évolutive, elle ne correspond pas à la vôtre.

M. Yves Kérouédan. Nous pouvons ne pas être d’accord.

En premier lieu, l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires a accompli un excellent travail. On peut d’ailleurs se féliciter qu’il ait été présent au cours de l’opération ! C’est une structure bien gérée, par un « général » efficace, qui a su faire preuve d’un grand professionnalisme. De même, au sein du ministère de la santé, nous avons bénéficié d’une bonne écoute de la part de la chargée de mission avec laquelle nous sommes en contact régulier.

En deuxième lieu, l’opération a servi pour nous de test en grandeur réelle – même s’il ne s’agissait pas d’une pandémie... Elle a montré que l’on pouvait intervenir avec efficacité et a mis en lumière le fonctionnement de la chaîne de solidarité du médicament qui repose sur les industriels, les grossistes et les pharmaciens.

Quels points pourrait-on améliorer ?

On peut déplorer la difficulté des relations et de l’articulation entre l’échelon national et l’échelon local ou régional. Certaines directions régionales des affaires sanitaires et sociales ont considéré que les directives de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires étaient secondaires et que la « mainmise » régionale était plus importante que l’avis de cet établissement. D’où des différences de points de vue parfois délicates à arbitrer. Le recours aux centres de vaccination nous a conduits à mettre en place des process spécifiques, notamment non informatiques, qui n’étaient pas simples à gérer. Les intermédiaires qui nous ont livrés, en particulier pour les masques, ont sans doute été mal choisis. Enfin, on peut regretter certaines opérations marquées par l’urgence et des changements logistiques trop nombreux.

Si l’on avait constaté des pathologies associées – par exemple des troubles broncho-pulmonaires aigus – comme en 1968-1969, aurions-nous connu, comme à cette époque, une pénurie de médicaments ? La question mérite d’être posée.

M. le rapporteur. Quand avez-vous débuté vos premières négociations avec l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires ?

M. Yves Kerouédan. Aux mois d’avril et mai.

M. le rapporteur. Aviez-vous eu des contacts avec cet établissement ou avec le ministère de la santé lors de la préparation du plan de lutte contre une pandémie grippale de type H5N1 ?

M. Emmanuel Déchin. Nous y avions travaillé très en amont avec la direction générale de la santé, puis avec la direction de la sécurité sociale, en concertation avec nos amis pharmaciens. Mais un désaccord apparut entre les pharmaciens et la direction de la sécurité sociale concernant le niveau de rémunération demandé, et ces discussions furent mises entre parenthèses. Quoi qu’il en soit, depuis le mois de mai 2008, nous n’avions pas, en tant que grossistes-répartiteurs, abordé la question avec les pouvoirs publics.

M. le rapporteur. Mais vous étiez prêts sur un plan technique ?

M. Emmanuel Déchin. Oui, parce que nous avions travaillé à partir de l’hypothèse d’une pandémie grippale de type H5N1.

M. le rapporteur. … qui a été transposée au virus A(H1N1).

M. Emmanuel Déchin. Nous savions en tout cas comment les opérations devaient se dérouler : les officines, que nous approvisionnerions, distribueraient les kits destinés aux patients ; des plates-formes régionales seraient mises en place par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires et approvisionnées par un dépositaire ; nous serions, pour notre part, ravitaillés par un dépositaire.

M. le rapporteur. Combien de temps vous faut-il pour distribuer, à partir des centres, les produits dans l’ensemble de l’hexagone, dès l’instant où vous les réceptionnez ?

M. Yves Kerouédan. Vingt-quatre heures au maximum.

M. Emmanuel Déchin. Tout dépend des conditions dans lesquelles nous recevons le produit. Au début, on nous avait parlé d’un kit destiné aux patients. Nous devions le constituer nous-mêmes, à partir de boîtes de masques et de Tamiflu, avant de le livrer dans chaque officine. Il nous aurait alors fallu un peu plus d’une journée pour accomplir cette opération. Mais en cas de réception d’un produit déjà prêt, vingt-quatre heures auraient suffi pour le livrer dans les 22 600 officines.

M. Yves Kerouédan. Dans le cadre d’un fonctionnement normal, nous livrons une pharmacie dans un délai compris entre deux heures et deux heures et quart à compter de la passation de sa commande.

M. le rapporteur. Combien de temps faut-il aux industriels pour livrer les cent quatre-vingt centres ?

M. Yves Kerouédan. Généralement, nous sommes livrés sous trois ou quatre jours, via les dépositaires. En période difficile, ce délai peut dépasser la semaine.

M. le rapporteur. Qui sont les dépositaires ?

M. Yves Kerouédan. L’industrie pharmaceutique est chargée de la fabrication des produits. Les dépositaires assurent la logistique pour le compte des laboratoires. Les grossistes-répartiteurs livrent les pharmaciens d’officines.

Il existe quelques dépositaires importants, qui stockent et livrent pour le compte des laboratoires. En l’occurrence, les dépositaires assuraient la logistique via les plates-formes des grossistes répartiteurs.

M. le rapporteur. Ainsi, en trois jours, les produits étaient livrés dans les cent quatre-vingt centres. Puis, dans un délai compris entre vingt-quatre et quarante-huit heures, ils étaient livrés dans les 22 600 pharmacies.

M. Emmanuel Déchin. En l’espèce, les masques et le Tamiflu provenaient du stock de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, déposé dans cinq plates-formes régionales.

M. Yves Kerouédan. Les deux dépositaires qui ont livré les masques étaient Geodis et Aexxdis, et celui qui a livré le Tamiflu était Depolabo.

M. Gérard Bapt. Vous avez déclaré que vous aviez distribué 5 millions de doses de vaccins. Or on parle de 6 millions de personnes vaccinées !

M. Emmanuel Déchin. À notre connaissance, 5 millions de doses ont été distribués (1). Nous pourrons vous donner de plus amples détails, dans la mesure où nous avons mis au point avec l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires un système de reporting quotidien.

M. Gérard Bapt. Peut-être ne prenez-vous pas en compte, dans vos calculs, les officines et les dernières livraisons qui y ont été effectuées ?

M. Yves Kerouédan. Si et, de toute façon, la quantité livrée aux officines a été très marginale.

M. Gérard Bapt. Je tiens malgré tout à appeler l’attention de mes collègues : si ce sont bien 5 millions de doses qui ont été distribuées, il y a donc eu des « pertes en ligne », que la ministre de la santé a d’ailleurs évaluées à 10 % – soit une dose perdue pour une boîte de dix.

M. Yves Kerouédan. C’est-à-dire 500 000 doses.

M. Gérard Bapt. Dans le centre de vaccination de ma circonscription, par exemple, le réfrigérateur est un jour tombé en panne. Par recoupement, on peut penser que le taux de vaccination a été en fait inférieur à celui espéré.

Que pensez-vous par ailleurs de la solution qui aurait consisté à distribuer des vaccins non seulement dans les centres, mais aussi dans les officines à destination des médecins généralistes ou des centres médicaux ?

M. Yves Kerouédan. Notre filière de soins – constituée des industriels, grossistes, pharmaciens et médecins – est remarquablement performante. Il eût sans doute été plus efficace de l’utiliser. La difficulté, en l’occurrence, résultait du conditionnement des vaccins en multidoses : un médecin ne dispose pas toujours d’un réfrigérateur adapté ni d’un volume de clientèle suffisant. Mais si l’on devait demain administrer un vaccin monodose, mieux vaudrait passer par cette filière composée des industriels, des grossistes, des pharmaciens et des médecins.

M.  Guy Lefrand, vice-président. Selon vous, si l’on avait fait appel aux médecins libéraux, cela aurait-il compliqué votre tâche et coûté plus cher ?

M. Yves Kerouédan. Si l’on avait suivi la chaîne traditionnelle, nous aurions approvisionné les pharmaciens, chez qui les médecins se seraient eux-mêmes approvisionnés. Mais, je le répète, c’est sans compter avec le conditionnement des vaccins en multidose.

M. Emmanuel Déchin. Notre métier consiste à livrer les officines. Il est donc inutile, dans un tel cas, de mettre en place des moyens dédiés.

M. Guy Lefrand, vice-président. Si ce n’est entre la pharmacie d’officine et le cabinet du médecin.

M. Emmanuel Déchin. Tant que l’on nous demande de livrer l’officine, nous restons dans un schéma classique qui fonctionne très bien, avec des systèmes d’information extrêmement performants. En revanche, s’il nous fallait livrer des médecins généralistes, ce serait une tout autre affaire.

M. Yves Kerouédan. Rien n’empêche de se voir délivrer une prescription, d’aller chez le pharmacien, puis de se faire vacciner après, même si c’est un peu plus compliqué.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous dites que vous avez distribué 5 millions de doses de vaccins. Pouvez-vous nous communiquer un chiffre plus précis afin que nous sachions ce qu’il recouvre ? Dans le centre de vaccination de ma circonscription, toutes les doses de vaccins n’ont pas été utilisées. Cela signifie qu’un certain nombre d’entre elles a dû être récupéré par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires en fin d’opération. Ce nombre de 5 millions de doses correspond-il à celui qui a été consommé ?

M. Emmanuel Déchin. Non, ce sont les doses que nous avons distribuées et livrées.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Comment peut-on avoir vacciné 6 millions de personnes, avec 5 millions de doses ?

M. Yves Kerouédan. Tout ce que je peux répondre, c’est que nous avons facturé 5 millions de doses.

M. le rapporteur. Y compris livraisons aux centres hospitaliers ?

M. Yves Kerouédan. Oui, y compris les quatre cent quarante centres hospitaliers et centres hospitaliers universitaires et les 22 300 pharmacies.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires a-t-il, à votre connaissance, utilisé un autre circuit de distribution ?

M. Emmanuel Déchin. Oui, concernant le personnel hospitalier en début de campagne de vaccination.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. L’établissement a-t-il livré directement les hôpitaux ?

M. Emmanuel Déchin. La vaccination du personnel hospitalier n’est pas passée par nous.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. On connaît le nombre de personnels hospitaliers qui se sont fait vacciner, mais cela n’atteint pas un million.

M. le rapporteur. Il faut peut-être prendre en compte les personnels des ambassades, les Français de l’étranger…

M. Gérard Bapt. 80 000 doses avaient été prévues à cet égard.

M. Yves Kerouédan. Ce sont tout de même 800 000 personnes qui travaillent dans les hôpitaux.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Oui, mais qui ne se sont pas toutes fait vacciner. Dans les hôpitaux, le taux de vaccination variait entre 60 % dans le meilleur des cas, et 20 %.

Nous auditionnerons les caisses primaires d’assurance maladie qui étaient chargées d’envoyer les bons et qui sont donc les seules institutions, à ma connaissance, détenant des éléments d’information concernant la traçabilité de la vaccination, personne par personne.

Reste que nous sommes en train d’essayer d’évaluer l’efficacité d’une campagne de vaccination sans être d’accord sur le nombre de personnes que l’on a vaccinées ! C’est un vrai problème.

M. Jean Mallot. Nous sommes en effet à la recherche de circuits de vaccination parallèles. L’écart entre le nombre de personnes vaccinées et celui des doses livrées est de plus d’un million. Et si l’on tient compte d’un pourcentage de pertes de 10 %, cet écart est d’1,5 million !

M. Yves Kerouédan. Nous ne pouvons que vous communiquer le nombre de doses que nous avons livrées, soit 5 millions.

M. Jean Mallot. C’est un problème, si personne ne peut identifier un autre circuit qui aurait permis d’écouler 1,5 million de doses.

M. Yves Kerouédan. Ce n’est pas parce que les caisses primaires d’assurance maladie ont envoyé des bons qu’il y a eu vaccination…

M. le rapporteur. Dans la chaîne des cent quatre-vingt répartiteurs, tout le monde était-il prêt à se mobiliser en cas de problème ? Avez-vous rencontré des difficultés ?

M. Yves Kerouédan. Au contraire. Dès le mois de mai 2009, nous avons instauré un système d’astreinte le week-end pour pouvoir faire face à toute urgence.

M. Gérard Bapt. Les kits distribués en officine comprenaient-ils des masques, avec le Tamiflu ?

M. Yves Kerouédan. Non, il n’y a pas eu de kits. La distribution a tout d’abord concerné les masques, puis le Tamiflu. Au début, des kits étaient prévus, mais ensuite, on y a renoncé.

M. Emmanuel Déchin. Il était craint que les laboratoires Roche ne soient pas en mesure de répondre aux besoins du marché. En fait, on s’est rendu compte, au début du mois de juillet et jusqu’au mois de décembre, que Roche arrivait à suivre la demande.

M. Gérard Bapt. Des doses de Tamiflu ont donc été livrées aux pharmacies. Il semble que très peu d’entre elles aient été retirées. Que sont-elles devenues ? Les avez-vous retournées à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires ?

M. Emmanuel Déchin. Non.

M. Gérard Bapt. Sont-elles donc toujours chez les pharmaciens ?

M. Emmanuel Déchin. Nous n’avons repris aucune dose de Tamiflu depuis que nous les avons livrées.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous avez expliqué que vous perdriez du temps à regrouper les produits s’ils ne vous étaient pas livrés en kit.

M. Emmanuel Déchin. Nous ne « perdrions » pas de temps. Cela en demanderait simplement un peu plus.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. N’importe quel citoyen français est capable de se rendre dans sa pharmacie pour retirer masques, gants et Tamiflu. Les regrouper dans vos centres et perdre ainsi vingt-quatre ou quarante-huit heures ne me paraît pas présenter d’intérêt.

M. le rapporteur. Les kits ont été imaginés dans le cadre du plan de lutte contre la pandémie grippale H5N1, en cas de confinement à domicile. Des personnes réquisitionnées, qui auraient cependant pu exercer un droit de retrait, auraient livré ces kits à chaque famille. Un système équivalent existe dans les plans canadien, chinois ou britannique.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous parlions tout à l’heure avec votre prédécesseur de « marges de manœuvre ». En fonction de la virulence du virus, il doit être possible de moduler les mesures.

M.  Guy Lefrand, vice-président. Avez-vous repris les doses de vaccin non utilisées ?

M. Emmanuel Déchin. Nous avons récupéré dans les centres de vaccination, à la demande de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, les doses qui n’avaient pas été utilisées. Un tri devait être effectué selon que la chaîne du froid avait été ou non respectée.

M. Jean Mallot. Avez-vous une idée précise de la quantité de doses que vous avez ainsi récupérée ?

M. Emmanuel Déchin. Une partie de ces doses a été détruite et l’autre est revenue à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous n’avez livré que 5 millions de doses. Pouvez-vous nous faire parvenir le nombre de doses que vous avez récupérées ? S’il faut encore soustraire à ces 5 millions celles qui n’ont pas été utilisées…

M. Gérard Bapt. Qui prenait la décision de détruire les vaccins ?

M. Yves Keroudéan. L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires.

M. Emmanuel Déchin. Quand les centres avaient trié les doses, l’établissement se chargeait d’y récupérer les produits thermosensibles qui n’avaient pas été conservés au froid. Nous récupérions dans les centres ceux qui avaient été conservés au froid, parce que nous disposons de caisses isothermiques.

M. Gérard Bapt. Je suis étonné. Si je me souviens bien, c’est le centre de vaccination de ma circonscription qui avait rapatrié les produits non utilisés à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales.

M.  Guy Lefrand, vice-président. Avez-vous été rémunérés pour cette opération de récupération ?

M. Emmanuel Déchin. Nous avons facturé cette prestation 100 000 euros.

Nous communiquerons à votre commission les quantités précises que nous avons récupérées.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous aimerions en effet avoir par écrit les quantités précises de doses de vaccin qui ont été livrées, récupérées et, éventuellement, détruites, si vous en avez connaissance. Nous pourrions aussi nous adresser à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, pour connaître la proportion des pertes.

M.  Guy Lefrand, vice-président. Que nous proposeriez-vous pour améliorer le système, pour la prochaine fois ?

M. Yves Kerouédan. En cas de survenance d’une épidémie telle que celle-ci, le mieux est de passer par le circuit classique : industriels, grossistes, pharmaciens et médecins. En cas de réelle pandémie, des difficultés sont à prévoir : désorganisation importante et dégradation des services proposés, quelles que soient les mesures de sécurité prises en amont. Le meilleur système consisterait à se fier au système de santé français tel qu’il existe.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. En cas de réelle pandémie, pensez-vous que le système traditionnel pourrait « cohabiter » avec un système de crise passant par des centres hiérarchisés et quelque peu « militarisés » ? Cela vous poserait-il des problèmes ?

M. Yves Kerouédan. Non, mais une telle organisation ne serait pas la plus efficace. Le meilleur système est celui qui existe et qui fonctionne bien.

M. Emmanuel Déchin. Le système actuel fonctionne, en outre, sur la base de systèmes d’information qui font moins appel aux ressources humaines que ne le suppose la livraison de 1 100 centres dans toute la France. Quand on passe par l’officine, il suffit que le pharmacien effectue sa commande sur sa console ; elle nous arrive directement, nous la préparons et nous l’envoyons. Avec des centres, le processus est beaucoup plus artisanal. Cela explique peut-être les écarts de nombres que vous avez constatés. Dans l’urgence, il n’y a pas eu de décompte à l’unité près. Par rapport à nos procédures habituelles, nous sommes revenus quelques années en arrière avec des commandes par fax ou par papier.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Dites-vous qu’il serait possible que vous ayez livré six millions de doses et n’en ayez facturé que cinq millions ?

M. Emmanuel Déchin. J’ai parlé de l’unité près et vous me parlez d’un million ! C’est un peu différent. En revanche, ce que j’ai voulu dire, c’est que nous n’avons peut-être pas livré exactement cinq millions de doses, mais un peu plus.

M.  Guy Lefrand, vice-président. Je vous remercie.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.

1 () Par courrier en date du 7 mai 2010, le Président de la chambre syndicale de la répartition pharmaceutique a rectifié les chiffres communiqués lors de l’audition, et a indiqué que le nombre de « 5 millions ne correspond pas aux doses qui ont été livrées, mais à une estimation du nombre de personnes qu’elles ont permis de vacciner au sein des centres de vaccination ». Il n’inclut donc pas les personnels hospitaliers et les Français de l’étranger.