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Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1)

Mercredi 26 mai 2010

Séance de 19 heures 15

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Jean-Christophe LAGARDE, Président

– Audition de M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés

COMMISSION D’ENQUÊTE
SUR LA MANIERE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE
LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A(H1N1)

Mercredi 26 mai 2010

La séance est ouverte à dix-neuf heures quinze.

(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la commission d’enquête)

La Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous accueillons M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

M. Frédéric van Roekeghem prête serment.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le directeur général, nous souhaitons examiner avec vous des sujets que nous n’avons guère abordés jusqu’à présent : la diffusion des bons de vaccination, le coût pour les organismes de sécurité sociale de la campagne telle qu’elle a été organisée, le coût qu’aurait eu une campagne de vaccination par les médecins libéraux. Je vous laisse présenter comment la caisse a participé à cette campagne de vaccination.

M. Frédéric van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a été sollicitée par le ministère de la santé le 9 juin 2009, au cours d’une réunion qui s’est tenue sous la responsabilité du cabinet de la ministre. Nous nous sommes mobilisés en premier lieu sur des questions d’organisation : pas seulement l’envoi des bons, mais toute la préparation de l’identification des personnes, sur la base de priorités établies par le ministère.

Le calendrier a été assez serré. Dès le 15 juin, j’ai organisé en interne une réunion de crise pour esquisser des solutions. Le 17 juin au soir, un premier planning établissait les premières propositions sur la base des informations disponibles. Le 19 juin, nous étions sollicités pour examiner les conditions éventuelles de la facturation des vaccins, dans le cadre d’une réflexion sur le financement de l’opération. Pendant le mois de juillet, nous avons élaboré la formule des coupons, qui permettait – à l’instar de ce qui existe pour la grippe saisonnière – de gérer la convocation des personnes en fonction des priorités décidées par le Gouvernement. Dix-huit versions différentes du coupon de vaccination ont été établies ; le 11 août, j’ai demandé à Mme Bachelot-Narquin son arbitrage final, afin que l’opération puisse être lancée.

Nous avons dû prendre certaines décisions relativement tôt. En raison de l’importance de la campagne de vaccination envisagée – potentiellement, un peu plus de 90 millions de coupons, exploitables dans un délai extrêmement court –, nous avons choisi de garder en interne l’extraction des bases de données, pour préserver certains éléments de confidentialité, et d’externaliser l’exploitation et la remontée de l’information, ainsi que l’élaboration d’une base internet permettant d’assurer le suivi et la traçabilité de toutes les opérations.

Nous avons eu besoin que la ministre de la santé nous donne, en raison de l’urgence, l’autorisation formelle de déroger aux règles de mise en concurrence du code des marchés publics. C’est ainsi qu’une lettre du 31 juillet 2009 nous a autorisés à sonder le marché informatique pour obtenir une proposition dans les meilleurs délais. Toutefois, en dépit de l’autorisation qui nous était donnée, nous n’avons pas souhaité rédiger un simple bon de commande ; nous avons passé un marché complet en bonne et due forme, comportant une somme ferme pour l’élaboration de la solution et une part variable, fonction du nombre de coupons réellement exploités.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. À combien ces deux parts se sont-elles élevées ?

M. Frédéric van Roekeghem. La part ferme était de 14,4 millions d’euros toutes taxes comprises. Mais elle comprenait, pour 6,2 millions d’euros, la fourniture de matériels dont la propriété échoit à la caisse et qui seront donc réutilisés dans le cadre de nos opérations courantes. Ainsi, le coût réel lié à la conception, au développement et à l’intégration de la solution, était de 8,2 millions.

La part conditionnelle comportait des unités d’œuvre : unité d’œuvre d’hébergement, d’exploitation, de stockage et d’accès aux données, pour un coût mensuel de 750 000 euros ; unité d’œuvre de numérisation, vidéocodage et stockage des coupons préremplis, dont le prix était dégressif au million de coupons, par tranche de 20 millions –148 000 euros pour la première tranche, 62 000 euros pour la deuxième. De cette façon, nous nous protégions de l’incertitude sur le nombre de coupons exploités.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je récapitule. Tout d’abord, donc, vous avez réalisé en interne l’extraction des fichiers, pour identifier les publics prioritaires par catégorie.

M. Frédéric van Roekeghem. Oui. Nous avons même obtenu du directeur de cabinet de la ministre l’autorisation de coordonner l’opération pour l’ensemble des régimes d’assurance maladie, qui nous ont transmis leurs listes.

Nous avons également conservé en interne l’édition des coupons. Nous avons mis en tension nos centres d’édition de manière à pouvoir, en les passant en « deux fois huit et demi », imprimer plus de deux millions de coupons par jour.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Ensuite, nous dites-vous, vous avez émis un marché, alors que l’on vous avait autorisé à déroger à cette procédure.

M. Frédéric van Roekeghem. On nous a autorisés à déroger à la mise en concurrence prévue par le code des marchés publics, et nous y avons dérogé. Mais nous avons conclu un marché en bonne et due forme, ce qui facilite la réponse à vos questions !

M. le président Jean-Christophe Lagarde. C’est, j’imagine, pour l’envoi des coupons que vous aviez besoin de la solution informatique.

M. Frédéric van Roekeghem. Nous étions capables de procéder à l’envoi, mais non à la récupération des coupons, à leur scannérisation et à l’intégration dans une base de données.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Toutes les tranches de 20 millions étaient-elles conditionnelles ?

M. Frédéric van Roekeghem. Oui.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Finalement, combien y en a-t-il eu ?

M. Frédéric van Roekeghem. Une seule. Le paiement se faisait au million de coupons, selon un tarif dégressif par tranche de 20 millions. Finalement, nous avons payé pour 6 millions de coupons puisqu’il y a eu 5,7 millions de coupons « remontés ».

M. le rapporteur. Il s’agit là, donc, du nombre total de personnes vaccinées.

M. Frédéric van Roekeghem. Tel qu’il ressort de nos bases, oui.

M. le rapporteur. N’y a-t-il pas eu des bons imprimés qui n’ont servi à rien ?

M. Frédéric van Roekeghem. Nous n’avons pas compté le nombre d’impressions, mais le nombre de retours.

Nous avons choisi cette solution pour des raisons de traçabilité des opérations, souhaitée par le ministère, et de pharmacovigilance. À l’époque, on envisageait une vaccination en deux injections, avec la contrainte que la deuxième injection soit identique à la première. Le système retenu permettait d’interroger la base pour connaître la nature de la première injection. Tout cela s’est décidé en juin et juillet. La précaution que nous avons prise a été de prévoir une part variable dans le paiement.

Dans le même temps, le 8 juillet 2009, les ministres nous ont demandé de faire une avance de 879 millions d’euros à l’Établissement public de réponse aux urgences sanitaires.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous avez dit ne pas avoir compté le nombre de bons édités. Cela signifie-t-il qu’aujourd’hui, la caisse ne sait pas combien elle a envoyé de bons ?

M. Frédéric van Roekeghem. Nous avons envoyé très exactement 65 126 387 bons – et nous pouvons vous communiquer les envois journaliers. Mais, sachant que certains pouvaient se perdre et que certaines personnes – une femme enceinte, par exemple –, pouvaient devenir prioritaires, nous avions donné aux centres de vaccination et aux caisses primaires la possibilité d’en émettre.

Nos bons ont été édités selon les priorités ministérielles, puis stockés. Nous avons réservé avec La Poste des lieux de stockage très précis, afin de pouvoir les envoyer, au jour près, au moment où le ministère le déciderait. L’envoi journalier a donc été rythmé par le cabinet du ministre.

Le premier envoi a porté sur 3,4 millions de bons, pour les publics prioritaires. Puis nous avons égrené des envois de l’ordre de 2 millions de bons jusqu’au 15 décembre. À deux reprises, j’ai demandé confirmation du rythme à retenir, pour m’assurer qu’il n’était pas trop important. Le 15 décembre, le ministère nous a demandé de le ralentir. Nous avons alors stoppé la production pendant trois jours, puis nous nous sommes repositionnés sur un rythme de production de 500 000 bons. Il s’agissait de réduire la pression sur les centres de vaccination, notamment à Paris – alors que nous aurions été techniquement capables d’envoyer la totalité des coupons avant Noël.

M. le rapporteur. Parfois, les bons n’arrivaient pas, et nous les imprimions à l’intérieur des centres. Mais de ce fait, lorsqu’ils arrivaient, ils étaient mis à la poubelle. Parfois au contraire, certaines personnes en recevaient deux ou trois. Comment l’expliquez-vous ?

M. Frédéric van Roekeghem. Le choix d’ouvrir aux centres la possibilité d’émettre des bons a été politiquement assumé et relevait du bon sens.

M. le rapporteur. N’aurait-il pas fallu ne faire que cela ?

M. Frédéric van Roekeghem. Les centres n’étaient pas capables d’imprimer 65 millions de bons…

M. le rapporteur. Ils auraient pu les imprimer au fur et à mesure, lorsque les gens venaient.

M. Frédéric van Roekeghem. Le schéma d’organisation de la vaccination, qui avait été élaboré dès le mois de mai, n’était pas celui-là. À l’époque, on considérait que le vaccin serait rare, qu’il faudrait établir un ordre de priorité et convoquer la population dans cet ordre. Ce n’est que dans un deuxième temps que l’on s’est aperçu qu’il fallait un peu plus de souplesse. Mais c’est une autre affaire…

Il reste que, même si nos bases étaient assez précises, il était inévitable que certains cas ne soient pas connus de nous, par exemple celui de la femme enceinte qui n’a pas encore fait sa déclaration de grossesse ; il était donc indispensable de laisser aux centres la possibilité d’agir à la marge.

S’agissant de l’arrivée des bons, le ministère était en relation avec La Poste. Il est clair que si celle-ci semble bien maîtriser l’acheminement des courriers jusqu’au dernier kilomètre, ce dernier kilomètre peut poser problème.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Considérez-vous que La Poste ne sait pas distribuer le courrier jusqu’aux boîtes aux lettres ?

M. Frédéric van Roekeghem. Je n’ai pas dit cela. Je dis en revanche, premièrement, que nous maîtrisions l’envoi de nos bons ; deuxièmement, que nous avons un compteur sur tous les affranchissements ; troisièmement, qu’il n’est pas très simple de « pister » 65 millions d’envois. À la demande du ministère, nous avons fait des enquêtes auprès de centaines d’assurés, pour savoir s’ils avaient reçu ou non les bons qui leur avaient été envoyés. N’oubliez pas qu’à ce moment-là, le climat social à La Poste était un peu difficile dans certains départements ; il faut aussi intégrer ce paramètre. Normalement, le pli arrivait ; mais le temps de délivrance pouvait varier un peu.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Depuis, avez-vous procédé à un audit du suivi des familles ? Selon vous, est-ce que les ordres de priorité fixés par le Gouvernement ont été respectés ?

Dans les bons qui ont été recueillis dans les centres de santé, savez-vous combien avaient été imprimés sur place et combien avaient été envoyés par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ? Dans mon centre de santé, j’ai vu bien plus de bons émis sur place que de bons reçus.

S’agissant enfin de l’acheminement des bons, je peux vous donner l’exemple concret d’une famille de trois enfants, de sept ans, quatre ans et six mois, laquelle avait au moins deux raisons de recevoir des bons pour tout le monde : l’enfant de six mois est allaité par sa mère et le père est asthmatique. Or, les bons ne sont pas arrivés en même temps et c’est la mère et l’enfant allaité qui les ont reçus en dernier. Est-ce que cela vous paraît respecter les ordres de priorité fixés par le Gouvernement ?

M. Frédéric van Roekeghem. Je vous fais une proposition : donnez-nous les numéros d’identification – les NIR – et nous vous dirons à quelle date le courrier était parti.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. L’exemple que je viens de vous donner concerne ma famille, mais j’aimerais savoir si ce genre de difficultés s’est produit souvent.

M. Frédéric van Roekeghem. Nous pensons, en ce qui nous concerne, avoir à peu près maîtrisé les opérations, mais cela peut se vérifier.

Cette question de l’arrivée des bons a été examinée, y compris par le cabinet de la ministre, au moment même de l’opération ; nous avons donc réalisé des sondages. Après une semaine, à Paris 81 % des bons étaient arrivés, dans l’Essonne 100 %, dans les Yvelines 83 % et dans les Hauts-de-Seine 80 %. La situation était assez variable selon les départements.

M. le rapporteur. Avez-vous fait des sondages sur d’autres départements ?

M. Frédéric van Roekeghem. Oui, « à la volée », sur une vingtaine de départements.

Pour évoquer moi aussi mon cas personnel, je peux vous dire que les bons concernant les membres de ma famille sont bien arrivés…

Je souligne que si nous sommes gestionnaires de nos fichiers, nous avons également exploité les fichiers transmis par d’autres régimes, dont nous avons donc été tributaires.

Encore une fois, si vous nous donnez le numéro d’identification d’une personne, nous sommes capables de vous dire et si ce numéro figurait dans les fichiers qui nous ont été transmis et si le courrier est parti de nos centres. La traçabilité est totale.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous retenons votre proposition – car il s’agit aussi de vous aider.

Avez-vous fait des tests, par ailleurs, sur les regroupements familiaux ?

M. Frédéric van Roekeghem. Les regroupements familiaux ont été faits sur la base de la notion d’« ouvreur de droits » ; nous ne pouvons pas connaître, dans nos bases de données, la situation de famille : la seule chose que nous savons, c’est à quel ouvreur de droits l’enfant est rattaché. Nous n’avons pas opéré de rattachement familial sur l’adresse car cela peut poser d’autres problèmes.

M. Michel Lejeune. Je peux témoigner des difficultés rencontrées sur le terrain. Certaines personnes ont reçu plusieurs bons, à un moment où l’on ne parlait pratiquement plus de vaccination. Pour ma part, j’en ai reçu trois.

Ma question porte sur la rémunération des personnels qui vaccinaient. Y avait-il des différences au sein d’une même catégorie professionnelle ? Une infirmière retraitée qui était venue prêter main forte dans un centre m’a dit avoir été payée moitié moins que les infirmières en activité.

M. Frédéric van Roekeghem. C’est le ministère qui a défini les barèmes de rémunération ; nous les avons appliqués. Je peux vous les transmettre.

Si vous avez reçu plusieurs coupons, cela peut être parce que vous n’avez pas été radié d’un régime antérieur.

Quant aux familles, nous ne savions pas les reconstituer ; c’est pourquoi le courrier qui a été envoyé aux parents d’enfants prioritaires incitait la totalité de la famille à se faire vacciner avec lui.

Je ne dis pas que, sur 65 millions d’envois, il n’y ait pas eu des difficultés ponctuelles ; mais je considère que l’incertitude a plutôt concerné le délai de route.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi M. Michel Lejeune a-t-il pu recevoir trois bons ? Au-delà de la question de la traçabilité, un audit de ce qui s’est passé serait nécessaire… Il serait utile, par exemple, que vous nous expliquiez comment vous avez identifié les personnes prioritaires.

M. le rapporteur. Grâce aux bons, vous connaissez les 5,7 millions de personnes qui ont été vaccinées. De mon côté, j’ai vu les tableaux établis par département. Pourrait-on avoir une ventilation par type de population – enfants, personnes enceintes, personnes en affection de longue durée,… – ?

M. Frédéric van Roekeghem. Le suivi de la vaccination est un compromis – qui a donné lieu à un décret ministériel, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – entre la nécessité de faire remonter des informations et les contraintes imposées par la CNIL au titre de la confidentialité des données de santé. La CNIL n’a pas souhaité que les motifs d’envoi des bons soient inscrits dans notre base de données. Dès lors, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et l’Institut de veille sanitaire nous ont demandé de reconstituer les tableaux qui vous intéressent, mais ces reconstitutions ne peuvent se faire que par croisement de nos fichiers, en interne, avec les bases vaccinales.

M. le rapporteur. Ce sont des données très importantes quant à l’immunisation de ces populations pour l’avenir.

M. Frédéric van Roekeghem. En effet. Le travail est donc en cours, en liaison avec l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et l’Institut de veille sanitaire. Nous retraitons de façon anonymisée nos bases d’information et les bases vaccinales, pour faire les croisements nécessaires.

Nous sommes intervenus, en deuxième lieu, dans le financement de l’opération. Le ministère nous a demandé, le 8 juillet 2009, de faire des avances à l’Établissement public de réponse aux urgences sanitaires pour assurer, dans l’attente de l’inscription des crédits d’État nécessaires, la couverture de l’acquisition des vaccins. J’en ai bien sûr informé notre conseil et j’ai répondu à cette demande par une lettre du 10 juillet, constatant que le ministère avait pris plusieurs engagements : principe du financement à parité entre l’État et l’assurance maladie – qui a été respecté ; versement d’intérêts financiers jusqu’à l’ouverture des crédits d’État ; enfin, dans l’attente d’une autorisation de mise sur le marché déclenchant des conditions de taxe sur la valeur ajoutée plus intéressantes, hypothèse de taxe sur la valeur ajoutée à 19,6 %. Les versements réels à l’Établissement public de réponse aux urgences sanitaires, qui a restreint sa demande, ont finalement été inférieurs à ce qui avait été prévu.

Le 15 décembre 2009, à l’occasion d’une discussion avec le directeur de cabinet de la ministre, j’ai appuyé la demande de renégociation des contrats des laboratoires pharmaceutiques, laquelle a été suivie d’une décision gouvernementale. J’ai mentionné cette demande en réunion des directeurs du ministère de la santé.

Le 29 janvier 2010, j’ai proposé au Gouvernement de suspendre les versements à l’Établissement public de réponse aux urgences sanitaires et demandé certaines instructions comptables pour le bouclage de nos comptes. Le 5 mars 2010, Mme Roselyne Bachelot-Narquin et M. Éric Woerth nous ont répondu que le principe d’un reversement de l’Établissement public de réponse aux urgences sanitaires à l’assurance maladie, d’au moins une centaine de millions d’euros, et dont le montant serait défini après renégociation des contrats, serait acté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, au titre de l’année 2010.

L’assurance maladie est par ailleurs intervenue par la mise à disposition des personnels, tant administratifs que médicaux, en appui de l’organisation préfectorale. À la fin du mois de décembre, nous avions près de 800 personnes – dont, bien sûr, des médecins conseil – réquisitionnées dans les centres. De plus, l’assurance maladie a participé aux comités de pilotage départementaux mis en place par les préfets, notamment pour relayer l’information auprès de la population.

Bien sûr, nous avons participé à l’édition des bons de vaccination. Environ 250 000 bons ont été édités par les caisses primaires. Au total, 2 693 000 bons ont été édités par le biais du web service que nous avions mis en place. Outre les caisses primaires, les centres de vaccination et les hôpitaux étaient autorisés à en éditer. Cette édition s’est faite de façon sécurisée : dans le cadre d’un avenant au premier marché, nous avons respecté la préconisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’utiliser un système de codage.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Autrement dit, le nombre de bons utilisés – c’est-à-dire de personnes vaccinées – se partage quasiment par moitiés entre bons reçus à domicile et bons édités sur place.

M. Gérard Bapt. Ma première question concerne la grippe saisonnière. Sur les 10 millions d’assurés à qui vous envoyez un bon de vaccination, combien se font vacciner ?

M. Frédéric van Roekeghem. Environ 6 millions, soit 60 %.

M. Gérard Bapt. S’agissant des bons de vaccination contre la grippe A(H1N1), vous serait-il possible de nous communiquer la courbe des envois, par exemple semaine par semaine ?

M. Frédéric van Roekeghem. Bien sûr.

M. Gérard Bapt. Des personnes pouvaient être en situation de risque sans être en affection de longue durée. A-t-on demandé aux médecins généralistes de les signaler, afin qu’elles soient classées dans les publics prioritaires ?

M. Frédéric van Roekeghem. C’est une question qu’il faut poser au ministère de la santé. À la mi-août, on s’est demandé s’il fallait ouvrir la base vaccinale et permettre aux professionnels libéraux d’émettre des bons de vaccination. Je crois que cette éventualité a été écartée pour des raisons pratiques.

M. Gérard Bapt. Certes, mais on aurait pu néanmoins faire appel aux médecins généralistes pour classer dans les publics prioritaires les adolescents, les femmes enceintes, les personnes atteintes d’une maladie respiratoire ou d’obésité.

M. Frédéric van Roekeghem. Cela ne relevait pas de notre compétence.

Les envois ont visé, par ordre de priorité, d’abord l’entourage des enfants de moins de six mois, les personnes en affection de longue durée et celles atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ; ensuite, les femmes enceintes et les enfants de six à vingt-quatre mois sans facteur de risque ; puis les collégiens et lycéens. Les départements d’outre-mer ont fait l’objet d’un traitement particulier. Et pour des raisons d’organisation, ce sont les régions qui, à la demande du ministère, ont géré le rythme d’envoi vers les lycéens.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Le ministère de l’éducation nationale ?

M. Frédéric van Roekeghem. Notre interlocuteur était le ministère de la santé.

M. Gérard Bapt. À l’avenir, il me semble qu’il serait bon de faire appel aux généralistes pour identifier les personnes à risques.

Ma dernière question concerne les laboratoires pharmaceutiques auxquels on avait commandé des vaccins. Lorsqu’on a su que l’on allait passer à une seule injection, n’a-t-on pas pensé à négocier avec eux ? Il aurait été plus facile de le faire à ce moment-là, quand ils n’avaient pas encore produit tous les vaccins !

M. Frédéric van Roekeghem. J’ai évoqué ce sujet avec le directeur de cabinet de la ministre le 15 décembre. Mais il faut se souvenir que la question du passage à une seule injection a entraîné bien des débats, notamment au niveau européen.

M. Gérard Bapt. Aux États-Unis, cela s’est fait beaucoup plus tôt.

M. Frédéric van Roekeghem. Oui, mais les droits américains n’étaient pas applicables à l’Europe ; l’élément déclencheur a été l’autorisation de mise sur le marché européenne. Je ne sais plus exactement à quelle date la décision a été prise.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. De mémoire, elle a été prise courant octobre.

M. Gérard Bapt. Vous avez évoqué la question le 15 décembre, dites-vous, mais les laboratoires ont néanmoins été mis au pied du mur le 4 janvier…

M. Frédéric van Roekeghem. La période comprise entre ces deux dates est relativement courte. Elle a pu être mise à profit pour vérifier si le Gouvernement ne risquait pas d’engager inconsidérément les finances publiques.

M. Gérard Bapt. Une proposition de négociation n’engage pas les finances publiques… Il s’agissait d’explorer les moyens de diminuer la commande. Pour sa part, Sanofi-Pasteur a proposé de lui-même de diminuer de neuf millions de doses la commande qui lui avait été faite…

M. Frédéric van Roekeghem. Même si la décision était acquise dans son principe, il n’en fallait pas moins prendre certaines précautions. Il aurait pu être dangereux pour les finances publiques de négocier sans avoir évalué les risques juridiques et sans s’être assuré, notamment, de la protection apportée par le code des marchés publics en cas de résiliation unilatérale.

M. Gérard Bapt. La vérification juridique était simple : il fallait consulter la jurisprudence, comme je l’ai fait...

M. Frédéric van Roekeghem. Prendre le temps d’une bonne analyse juridique me paraît nécessaire pour engager ce type de négociation.

M. Gérard Bapt. Avec Sanofi, le compromis a été trouvé très facilement en décembre. Mais on ne l’a pas dit ; cela a été découvert après le 4 janvier.

M. Frédéric van Roekeghem. Il me semble que l’annonce de Sanofi est postérieure à la date que je vous donne. Il faudrait le vérifier.

M. Jean-Louis Touraine. Vous avez dit qu’il y avait eu 5,7 millions de doses de vaccin appliquées, pour 94 millions de doses prévues. Il y a bien sûr de multiples raisons à cet immense écart : le passage au vaccin monodose, les problèmes d’organisation, le manque d’adhésion de la population, le fait que la pandémie ait été moins grave que prévu. À quel moment avez-vous perçu qu’il allait falloir réviser très drastiquement à la baisse les prévisions initiales ?

M. Frédéric van Roekeghem. Il ne s’agissait pas d’une opération courante, comme la vaccination contre la grippe saisonnière, pour laquelle la perception du risque par la population est stable et l’organisation – avec un vaccin monodose – rodée. L’opération, de grande ampleur, n’était pas simple à mener, et le nombre de personnes qui seraient à vacciner dépendait largement de la perception du risque : comme le montrent bien les sondages, les Français sont peu réceptifs à la demande de vaccination si le risque leur semble faible, mais ils peuvent changer d’attitude très rapidement si ce risque leur paraît augmenter.

En ce qui nous concerne, nous avons considéré dès le mois de juillet qu’il y avait une incertitude. À la différence du Gouvernement, nous n’étions pas responsables de la politique vaccinale, mais d’une partie de sa mise en œuvre ; la question n’était pas pour nous de savoir si la totalité de la population devait être vaccinée et dans quel ordre, mais d’être capables de tenir nos engagements vis-à-vis du ministère, au coût le plus raisonnable possible pour la collectivité. Si nous avons négocié les achats de coupons au million, c’est bien parce que nous ne savions pas combien de personnes seraient finalement vaccinées. À l’époque, j’estimais qu’il y en aurait entre 10 et 40 millions.

M. Jean-Louis Touraine. Même vacciner 40 millions de personnes ne justifiait pas l’achat de 94 millions de doses.

M. Frédéric van Roekeghem. On pensait à ce moment-là que deux injections seraient nécessaires. Cela fait 80 millions de doses, auxquelles il n’était pas déraisonnable d’ajouter une marge.

Si le virus avait muté et si l’on avait constaté une létalité beaucoup plus importante, la population aurait totalement changé d’attitude.

Il apparaît donc clairement que, selon que le risque est perçu comme grave ou non et selon que le vaccin est rare ou disponible, l’organisation vaccinale peut beaucoup varier. Dans le cas d’un virus létal et d’un vaccin rare, une organisation sécurisée permettant de maîtriser l’offre vaccinale est incontournable. Lorsque le virus est assez courant et le vaccin disponible, une vaccination déconcentrée est sans doute la plus efficace et la moins coûteuse.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Le problème est que l’on ne peut pas connaître à temps le degré de létalité du virus. Dès lors, il paraît hautement souhaitable que tous ceux qui interviennent dans la chaîne puissent tenir compte de l’incertitude, et donc soient capables de souplesse.

M. le rapporteur. Je voudrais rappeler que chaque pays devait donner 10 % des vaccins qu’il avait commandés à l’Organisation mondiale de la santé pour d’autres pays. Sur 94 millions de doses, il en restait donc un peu plus de 84 millions, soit de quoi vacciner 40 millions de Français. Les Anglais en ont commandé 135 millions, les Américains 350 millions. Par ailleurs, ce n’est que le 30 novembre qu’on a décidé de n’injecter qu’une seule dose, alors que les commandes avaient été passées en avril-mai.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Le 4 janvier, la ministre a annoncé que l’on pourrait aller se faire vacciner chez les médecins libéraux. Dans les jours suivants, nous avons appris que la tarification de cette vaccination avoisinerait 6 euros. Pourriez-vous nous dire combien de vaccinations ont été réalisées au tarif de 6 euros, et combien à 22 euros, soit au prix d’une consultation normale ? Bien entendu, je ne vous demande pas de répondre immédiatement, mais je souhaiterais une réponse écrite. Si je vous pose la question, c’est que je doute que beaucoup de médecins et de patients aient contribué à cet effort d’économie au bénéfice de votre caisse.

M. Gérard Bapt. Des virus circulent sans arrêt, les grippes saisonnières peuvent faire des milliers de morts, mais il n’est jamais arrivé qu’un virus mute pendant une pandémie. Quant à la population, son sentiment sur la dangerosité d’un virus dépend de l’information qu’elle reçoit : si on lui fait peur, elle a peur. À La Gloria, personne n’est mort de la grippe porcine ; et le premier cas de personne infectée au Mexique par le virus HlN1 est un enfant non seulement qui va très bien, mais qui a sa statue sur la place du village, auquel il a donné une renommée mondiale !

Alors qu’on explique depuis des années aux personnes de plus de 65 ans et à celles qui sont en affection de longue durée qu’elles doivent se faire vacciner contre la grippe saisonnière, leur taux de vaccination, nous avez-vous dit, ne dépasse pas 60 %. Dès lors, était-il plausible d’arriver, pour la grippe A(H1N1), à un taux de vaccination de la population générale de 75 % ?

M. Frédéric van Roekeghem. Ce taux de 60 % est une moyenne, pour les 10 millions de personnes que nous invitons à se faire vacciner contre la grippe ; mais il y a des variations selon les catégories. Pour les personnes de plus de 65 ans, le taux est de 69 %.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Mais vous ne savez pas recouper la population qui se fait habituellement vacciner contre la grippe saisonnière et celle qui s’est fait vacciner contre la grippe A(H1N1).

M. Frédéric van Roekeghem. Nous allons le faire.

M. Gérard Bapt. On sait que la vaccination contre la grippe saisonnière est d’autant moins efficace que le patient est plus âgé. Ne faudrait-il pas vacciner plus systématiquement contre le pneumocoque ?

M. Frédéric van Roekeghem. La direction générale de la santé a donné des instructions pour accroître, notamment dans le cadre de la prévention grippale, la vaccination des personnes à risque contre le pneumocoque. Nous avons envoyé un message en ce sens à l’ensemble des médecins généralistes. La direction générale de la santé nous a également demandé d’accélérer la vaccination contre la grippe saisonnière, ce que nous avons fait, afin de pouvoir organiser la deuxième vaccination.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Par quel moyen avez-vous envoyé ce message aux médecins ?

M. Frédéric van Roekeghem. Par la Lettre d’information aux médecins, me semble-t-il.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Considérez-vous que votre fichier est fiable ?

M. Frédéric van Roekeghem. A priori, oui.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Fiable aussi sur les centres de santé ?

M. Frédéric van Roekeghem. Avant de vous répondre, je préfère vérifier.

En ce qui concerne l’identification des médecins salariés, le RPPS – répertoire partagé des professionnels de santé – est en cours d’élaboration au ministère.

Quant aux professionnels libéraux, nous les connaissons assez bien, et nous pouvons les contacter soit par voie postale, soit par courriel lorsqu’ils ont choisi de nous communiquer leur adresse, notamment pour recevoir sous forme dématérialisée la Lettre aux médecins.

Si ma mémoire est bonne, non seulement nous avons traité dans la Lettre la question de la vaccination contre le méningocoque, mais nous y avons joint la lettre de la direction générale de la santé qui enjoignait les professionnels de monter en puissance sur cette vaccination. Il me semble que cela a été suivi d’effet.

M. le rapporteur. Comme vous le savez, on parle d’un vaccin trivalent. La caisse nationale le prendra-t-elle en charge, et pour quelles populations ?

M. Frédéric van Roekeghem. C’est une décision ministérielle.

Les questions portent non seulement sur le remboursement par l’assurance maladie, mais aussi sur le prix. Le prix du vaccin le plus vendu contre la grippe saisonnière, en intégrant la marge des pharmaciens, est de 4,11 euros. Il serait souhaitable de s’approcher de cette norme.

Dès lors que le virus est connu, que les laboratoires peuvent anticiper leur production, il est possible de revenir à un dispositif traditionnel, dont l’efficacité peut être accrue par le fait que les infirmières ont maintenant l’autorisation vacciner.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Quelle traçabilité peut-on assurer ? Les personnes à risque qui recevront un bon feront sans doute partie des 5,7 millions de personnes qui se sont déjà fait vacciner contre la grippe A(H1N1).

M. Frédéric van Roekeghem. Pour la grippe saisonnière, nous suivons la délivrance individuelle du vaccin par les pharmaciens : nous envoyons les bons et, dans nos systèmes d’information, nous suivons la remontée de la facturation du pharmacien. Nous sommes donc capables de dire que nous avons envoyé 10 millions de bons et que 6 millions de personnes se sont fait délivrer le vaccin – monodose – par le pharmacien. Si, pour la grippe A(H1N1), nous avons été amenés à externaliser une partie du traitement des données, c’est que, en deux mois, nous n’étions pas capables de l’assurer pour 94 millions de coupons, faute de disposer des scanners haute performance nécessaires. Dans le cas d’une vaccination courante, nous pouvons suivre directement la vaccination, non pas en scannant les coupons papier, mais grâce à la facturation dématérialisée.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Nous vous remercions.

La séance est levée à vingt heures quarante.