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Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1)

Mercredi 9 juin 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 44

Présidence de M. Jean-Christophe LAGARDE, Président

– Audition de M. Nacer Meddah, ancien préfet de Seine-Saint-Denis

COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE LA CAMPAGNE DE VACCINATION DE LA GRIPPE A(H1N1)

Mercredi 9 juin 2010

(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la commission d’enquête)

La Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend M. Nacer Meddah, préfet de Franche-Comté, ancien préfet de Seine-Saint-Denis.

La séance est ouverte à dix-sept heures dix.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je vous remercie, monsieur le préfet, d’avoir répondu à l’invitation de la commission d’enquête parlementaire sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1). Nous n’ignorons pas que vous n’êtes plus préfet du département de la Seine-Saint-Denis depuis quelques semaines. Néanmoins, vous n’avez pas pu oublier les principales caractéristiques du déroulement de la campagne de vaccination dans ce département et ce sont vos impressions de l’époque qui nous intéressent. La commission d’enquête est en effet très attachée à recueillir des bilans d’expériences locales en contrepoint des descriptions de la stratégie vaccinale nationale qui nous ont été présentées.

M. Nacer Meddah prête serment.

M. Nacer Meddah, préfet de Franche-Comté, ancien préfet de Seine-Saint-Denis. Avant de vous exposer le déroulement de la campagne de vaccination de la grippe A(H1N1) en Seine-Saint-Denis, je voudrais souligner deux éléments propres au département, qui peuvent expliquer la préparation des acteurs de cette campagne à la gestion d’une crise sanitaire.

Premièrement, le département avait déjà dû faire face, quelques mois avant cette campagne, à des alertes sanitaires, notamment à la tuberculose, qui avait sévi à la maison d’arrêt de Villepinte et dans plusieurs établissements scolaires. Le département avait une expérience de gestion des crises sanitaires.

Deuxièmement, les services de l’État, préfecture et direction départementale des affaires sanitaires et sociales au premier chef, étaient sur le pont avant le lancement officiel de la campagne de vaccination, puisqu’ils avaient déjà dû parer au risque d’épidémie de grippe porcine lié au trafic de l’aéroport de Roissy. Dans ce département, la solidarité entre l’État et les collectivités locales et tous les « missionnaires de service public » a permis des prouesses.

La phase de préparation de la campagne s’est déroulée du 21 août au 11 novembre, dans un cadre fixé pour l’essentiel par deux circulaires : une circulaire du 21 août 2009 relative à sa planification logistique, et une circulaire du 28 octobre 2009 qui a fixé les grandes lignes de travail.

La circulaire du 21 août 2009, la plus importante, prévoyait notamment l’installation d’instances spécifiques.

Le comité de pilotage de la campagne, le COPIL, mis en place très rapidement dans le département, réunissait des membres du comité de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins et des transports sanitaires, le CODAMUPS, des représentants des professions paramédicales, des associations intervenant auprès des publics visés, des associations de sécurité civile et les représentants de huit communes représentatives du département. Le COPIL s’est réuni toutes les semaines jusqu’au mois de novembre, la fréquence de ses réunions décroissant à compter de cette date du fait de l’intensification de la campagne.

L’équipe opérationnelle départementale, EOD, formation beaucoup plus restreinte, était chargée de faire des propositions de mise en œuvre des demandes gouvernementales au niveau local. Pilotée par le préfet ou par son directeur de cabinet, elle était composée d’agents de la préfecture, de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, du conseil de l’ordre des médecins, de la Caisse primaire d’assurance maladie, de l’inspection académique, de la direction départementale de la sécurité publique et du conseil général. L’EOD se réunissait toutes les semaines, le plus souvent après que la cellule interministérielle de crise s’était réunie, afin de mettre en musique au plus vite les décisions prises au niveau national.

L’intensification de la campagne a entraîné la création dès la mi-octobre d’une instance encore plus restreinte au sein de l’EOD, un binôme composé du cabinet du préfet et de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, véritable cheville ouvrière de la campagne.

Enfin la cellule de suivi a joué un rôle essentiel dans le règlement des problèmes matériels.

La circulaire d’août prévoyait également l’ouverture de centres de vaccination, et ceux du conseil général se sont très vite avérés inadaptés à une campagne de vaccination de grande ampleur et leur utilisation aurait été contraire à la circulaire. Sur la base de critères de proximité et d’accessibilité fixés par celle-ci, nous avons finalement retenu vingt et un centres de vaccination afin d’assurer le maillage d’un département comptant 1,5 million d’habitants et 40 communes. Ce sont les communes qui mettaient les locaux – essentiellement des gymnases – à notre disposition. Le matériel médical, en particulier les vaccins, était fourni par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’ÉPRUS. En ce qui concerne les autres matériels, ils ont été mis à disposition dans le cadre de quinze conventions établies avec les communes, ou achetés par les collectivités grâce à des avances d’un montant de 8 000 euros consenties par la préfecture, celle-ci ayant toujours veillé à ce que ne soit acheté que ce qui était strictement nécessaire et susceptible d’être recyclé.

Les personnels de ces centres provenaient de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales pour le personnel médical et de la préfecture pour les administratifs. Bien que la circulaire prévoyait l’emploi majoritaire de personnels communaux, nous avons choisi, en parfaite concertation avec les collectivités locales, de mobiliser massivement les services déconcentrés de l’État. Tous les chefs de centre venaient des services déconcentrés, et les équipes étaient constituées majoritairement d’agents de l’État, à côté des personnels communaux. C’est ainsi que les centres ont été rapidement équipés et opérationnels.

La circulaire du 28 octobre constituait en quelque sorte une « fiche technique » très utile pour la gestion quotidienne de ces centres.

Durant toute cette phase de préparation, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les collectivités locales et toutes les professions médicales.

La campagne de vaccination proprement dite s’est déroulée du 12 novembre au 31 janvier. Huit centres étaient ouverts dès le 12 novembre, et tous étaient opérationnels le 16 novembre. Leur amplitude d’ouverture a varié. D’abord ouverts le lundi après-midi et le mardi matin, puis le mercredi après-midi, pour la vaccination des enfants, à partir du 5 décembre, tous les centres sont restés ouverts tous les jours, de huit heures à vingt-deux heures, week-ends compris, pour satisfaire la demande formulée en novembre par le M. Président de la République et exigeant d’intensifier la campagne de vaccination à Paris et dans la petite couronne. Cette intensification a contraint la préfecture à déléguer à chacun des services déconcentrés qui avaient la responsabilité d’un centre la charge d’organiser le planning des personnels de ce centre, en liaison étroite avec la cellule de suivi. Cette cellule de crise créée au sein de la préfecture, composée de personnels de la préfecture, de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et d’un médecin, était chargée, en relation avec chacun des centres, de régler tous les problèmes quotidiens, et faisait chaque soir un point de la situation, ce qui nous permettait de faire remonter jusqu’au ministère toutes nos statistiques et de le tenir informé de tous les incidents. Il a fallu une mobilisation d’une très grande intensité de ces personnels pour faire face aux problèmes récurrents liés à leur nombre insuffisant ou aux difficultés de transport.

En outre, des équipes mobiles de vaccination ont été envoyées dans les établissements scolaires ; elles étaient également chargées dans le département d’organiser des maraudes dans les camps de roms, afin de les diriger vers le centre dédié de Rosny. En dépit d’une mobilisation déjà intense des personnels, l’intensification de la campagne nous a contraints à recourir à des personnels embauchés par la Croix-Rouge dans le cadre de contrats aidés de six mois et mis à la disposition des centres. Tous les personnels, qu’ils soient administratifs ou médicaux, ont fait l’objet de réquisitions collectives, procédure qui permettait une gestion souple et réactive des ressources humaines.

Je tiens à souligner le rôle déterminant de la cellule de suivi. J’ai moi-même visité les vingt et un centres à plusieurs reprises, parfois pendant le week-end, et tous les chefs des services déconcentrés se sont rendus sur le terrain.

À partir de janvier, la campagne s’est ralentie, beaucoup moins de personnes venant se faire vacciner. Il est vrai que la vaccination sur site avait été autorisée : administrations, entreprises publiques, grandes entreprises, puis hôpitaux et cabinets des médecins libéraux pouvaient vacciner. La fermeture des centres a alors été décidée par circulaire interministérielle du 21 janvier 2010, et ceux-ci ont été rendus aux communes le 31 janvier 2010.

Au total, cette campagne de vaccination a permis de vacciner un peu moins de 77 000 habitants de la Seine-Saint-Denis. Les vacations ou les indemnités exceptionnelles de réquisition sont en cours de règlement. Les communes ont déjà bénéficié d’un remboursement forfaitaire de 4 000 euros au titre de la mise à disposition de locaux, et les modalités de remboursement des matériels achetés par elles font l’objet d’un examen au cas par cas. Tout devrait être définitivement liquidé d’ici à la mi-juillet. Le coût de l’équipement et du fonctionnement des centres devrait s’élever finalement à deux millions d’euros, conformément aux prévisions.

Je voudrais en conclusion insister sur trois points.

Je tiens tout d’abord à saluer la mobilisation exceptionnelle des personnels engagés, véritables missionnaires du service public dans le département. Ils ont fait preuve d’une capacité remarquable à se mobiliser en situation de crise, assurant, en dépit de conditions particulièrement difficiles, un fonctionnement optimal des centres de vaccination. J’adresse mes sincères remerciements à tous ceux, nombreux, qui se sont ainsi mobilisés. Agents des services de l’État, agents territoriaux, professionnels de santé se réunissaient quasi quotidiennement. Pendant six mois, une bonne partie des moyens de mon cabinet et de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales s’est consacrée à cette campagne extrêmement lourde, mais conduite de manière remarquable dans ce département.

Deuxièmement, cette campagne de vaccination a présenté à mes yeux le rare mérite de constituer un premier test grandeur nature en matière de gestion de crise sanitaire. Dans notre département, elle nous a permis de démontrer notre capacité d’organiser une telle campagne, avec des partenaires publics, des associations, des entreprises et des professionnels de différents secteurs. Cette expérience exceptionnelle est riche d’enseignements, et il faudra en tirer toutes les leçons.

Je terminerai sur une interrogation. Pourquoi ne sommes-nous pas parvenus à sensibiliser les populations défavorisées des quartiers populaires à la nécessité de la vaccination, en dépit d’une intense campagne de communication par voie d’affichage, d’encarts dans la presse et par l’intermédiaire des associations, campagne encore intensifiée à chaque « changement de braquet » ? En effet, les habitants des quartiers défavorisés du département se sont peu rendus dans les centres de vaccination.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Même si la campagne a bien fonctionné dans votre département, vous avez quand même dû rencontrer quelques difficultés. Vous avez évoqué des problèmes de communication : n’avez-vous pas ressenti des réticences chez les professionnels de santé vis-à-vis de cette campagne ? La coopération avec les autorités de tutelle, ministères de la santé et de l’intérieur, s’est-elle parfaitement bien passée ou le système peut-il être amélioré ? La décision de fermer les centres n’a-t-elle pas été trop rapide ?

M. Nacer Meddah. La mobilisation des professionnels de santé a été exemplaire, surtout au regard du contexte national. Le président du conseil de l’ordre s’est immédiatement impliqué et a participé à toutes les opérations de communication. Est-ce dû à l’habitude de travailler ensemble au sein du CODAMUPS ? Toujours est-il qu’il n’y a pas eu d’opposition de principe des professionnels de santé : même si les débats n’ont pas été absents de nos réunions, ils n’ont pas brouillé le message. Les difficultés, même les plus graves, ont toujours été surmontées parce que tout le monde a joué le jeu.

Je n’ai pas à signaler de difficultés particulières dans nos rapports avec les autorités de tutelle. Nous ne les avons pas rencontrées très souvent, et si les instructions et les circulaires ont été très nombreuses, beaucoup était délégué au niveau départemental, afin qu’il organise au mieux la campagne de vaccination, à charge pour lui d’en rendre compte quotidiennement aux autorités de tutelle. Ainsi, nous avons eu une certaine latitude pour fixer des horaires d’ouverture qui tiennent compte des particularités du département, notamment en matière de sécurité ou de mobilité. Il s’agissait de garantir aux personnels des centres qu’ils pourraient remplir leur mission dans les meilleures conditions.

La fermeture des centres a suscité d’autant moins de difficultés dans le département que le ralentissement de la campagne s’est fait sentir dès la fin de l’année et que les grandes entreprises et les hôpitaux avaient pris le relais pour vacciner une grande partie de ceux qui souhaitaient encore le faire.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi la campagne a-t-elle été particulièrement difficile à mener ? Est-ce sur instruction ministérielle que les gymnases ont été mis à disposition ? Les autres locaux étaient-ils inadaptés à une vaccination de masse ? En ce qui concerne l’amplitude des horaires d’ouverture des centres, la demande, faite au plus haut niveau de l’État, d’une ouverture sept jours sur sept de huit heures à vingt-deux heures, n’était-elle pas totalement excessive ? Combien de personnes ont-elles finalement été réquisitionnées ? Le ministère de l’intérieur était-il votre seul interlocuteur au niveau national ou receviez-vous des instructions d’autres ministères ?

M. Nacer Meddah. Il était particulièrement difficile de conduire, pendant six mois et à effectifs constants, une campagne aussi intense dans un département où la mobilisation des personnels est déjà très élevée en temps normal. Il y a eu des réquisitions mais sur la base du volontariat : la quasi-totalité des personnels se sont impliqués volontairement.

La mise à disposition de gymnases n’était pas un choix des communes : elle répondait au choix fait au niveau national d’une campagne de vaccination massive, pour laquelle les centres départementaux étaient insuffisants. Ces gymnases n’ont parfois été que partiellement utilisés afin de limiter la gêne des communes qui souhaitaient y poursuivre des activités sportives ou festives. Tout cela n’était pas toujours facile à gérer.

En ce qui concerne les horaires d’ouverture des centres, il y a sans doute une réflexion à conduire : on n’aurait pas perdu en efficacité en tenant un plus grand compte des spécificités du territoire. L’ouverture des centres le soir ou le week-end ne se justifiait par exemple pas par une affluence particulière, l’amplitude horaire initiale s’avérant finalement bien suffisante pour accueillir toutes les personnes qui souhaitaient se faire vacciner. Il est vrai que les centres de vaccination n’ont jamais été débordés en Seine-Saint-Denis. Cela soulevait une question récurrente : comment atteindre des populations qui ne vont pas facilement se faire vacciner ?

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Est-ce la préfecture qui a fait ainsi varier les horaires d’ouverture, au grand dam des acteurs de terrain, ou cela a-t-il été décidé au niveau de la zone ou à un niveau plus élevé ?

M. Nacer Meddah. Il nous a fallu adapter en temps réel notre communication à des variations d’horaires décidées au plus haut niveau et coordonnées au niveau de la zone par le préfet de police.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Y compris en ce qui concerne l’ouverture des centres le 24 et le 31 décembre ?

M. Nacer Meddah. Je m’en suis tenu aux instructions.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Avez-vous rencontré des problèmes de logistique pour assurer l’accueil des personnes munies d’un bon de vaccination ? La définition du public qui devait être accueilli, qui n’a cessé de varier – se limitant d’abord à ceux qui étaient munis d’un bon de vaccination pour englober finalement tous ceux qui se présentaient – était-elle le fruit de décisions prises au niveau préfectoral, à celui de la zone, ou d’instructions gouvernementales ?

M. Nacer Meddah. La zone nous a laissé une certaine latitude dans l’établissement des bons, le pragmatisme s’étant imposé d’emblée dans cette affaire. Le suivi, en revanche, devait être sans faille. Nous n’avons jamais rencontré de véritables difficultés d’approvisionnement, et les incidents que nous avons pu connaître n’ont jamais remis en cause notre capacité à vacciner. La forte décrue en fin de campagne nous a permis d’accueillir tous ceux qui souhaitaient se faire vacciner. Dans les périodes d’affluence, en revanche, priorité était donnée aux porteurs de bons, mais cela ne nous a jamais empêchés d’accueillir les autres.

Mme Marie-Louise Fort. Savez-vous pourquoi la campagne n’a pas convaincu les populations les plus défavorisées ? Est-ce à mettre sur le compte d’un excès de communication et de messages télévisuels contradictoires ? Les réseaux médicaux de proximité n’ont-ils pas été insuffisamment sollicités, en Seine-Saint-Denis comme sur l’ensemble du territoire ?

M. Nacer Meddah. Sur ce sujet délicat, ma réflexion n’est pas achevée et je ne suis pas encore capable de vous apporter de réponse définitive. Je ne pense pas qu’elle soit à rechercher dans une intensification de la communication classique dans un domaine qui ne constitue pas une préoccupation essentielle pour ces populations, sauf lorsqu’elles sont gravement malades. Il aurait peut-être fallu chercher à les atteindre au travers des mamans, des écoles, du tissu associatif. Mais nous étions dans l’urgence, mobilisés en priorité par la mise en place et le fonctionnement des centres de vaccination. C’est là un des enseignements de cette campagne : il faudra chercher à l’avenir les voies d’une communication différente, passant par la proximité et la confiance.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Il est vrai que trente-cinq à quarante pour cent de la population de ce département ne consultent qu’aux urgences.

M. Patrice Debray. J’ai été surpris par la façon dont le COPIL, le CODAMUPS et l’EOD se sont effacés au profit d’un binôme cabinet du préfet-direction départementale des affaires sanitaires et sociales, qui a écarté la médecine de ville du processus de vaccination, au détriment de l’efficacité de la campagne. Pour quelle raison ce binôme a-t-il été créé ? Comment les professionnels de santé, l’ordre des médecins notamment, ont-ils réagi face à cette mise à l’écart, souhaitée, il est vrai, par le ministère ?

M. Nacer Meddah. Le binôme ne s’est pas substitué aux instances dont la mise en place était prescrite par la circulaire. La création de cette structure a répondu à une nécessité opérationnelle d’efficacité, mais les autres instances ont continué à se réunir, même si ce n’était plus avec la même fréquence, et ces réunions étaient nourries par les informations recueillies par le binôme.

Mme Catherine Lemorton. La traçabilité du patient a-t-elle été suffisamment assurée vis-à-vis des caisses de sécurité sociale ? Quelle a été votre réaction face à la préconisation, dans la circulaire du 21 août, d’un rythme de vaccination de trente injections par heure par agent vaccinateur ? Pouvez-vous nous dire combien de temps a demandé une prise en charge individuelle, comportant toutes les étapes que la ministre a détaillées devant la commission des affaires sociales ?

M. Nacer Meddah. Je puis vous assurer que nous faisions chaque jour parvenir aux caisses les bons que nous avions été amenés à imprimer. La question de la traçabilité restait néanmoins entière pour certaines populations telles que les roms, qui ne se fixent pas sur un territoire. Le problème se posait surtout dans le cas, initialement envisagé, des doubles vaccinations.

Mme Catherine Lemorton. Et si l’affiliation à une caisse n’était pas prouvée ?

M. Nacer Meddah. La personne était quand même vaccinée et un bon de vaccination était établi.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Les bons étaient envoyés à la caisse primaire d’assurance maladie, à charge pour elle de les répartir entre les différentes caisses compétentes.

Mme Catherine Lemorton. Je pose cette question dans la perspective d’une autre campagne de vaccination : il s’agit de savoir comment identifier les populations effectivement vaccinées. La caisse primaire a-t-elle vraiment été en mesure de vérifier l’affiliation des personnes vaccinées ?

M. Nacer Meddah. Je ne suis pas en mesure de vous le certifier.

M. Patrice Debray. Ayant participé au fonctionnement d’un centre de vaccination, je peux vous dire, madame Catherine Lemorton, que dans le cas que vous évoquez, le personnel recherchait l’affiliation des personnes par voie informatique et la trouvait dans la plupart des cas.

M. Nacer Meddah. Je laisse au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales et aux professionnels de la santé le soin de commenter la pertinence de la prescription de trente injections par heure. Je peux simplement dire que la Seine-Saint-Denis n’a pas connu de cadences infernales en matière d’injection ; au contraire, les personnels étant plutôt désœuvrés à certains moments !

Mme Catherine Lemorton. Qu’un tel rythme de vaccination, unanimement jugé impossible à tenir, soit prescrit par circulaire gouvernementale n’en reste pas moins choquant. Il est vrai que c’était le seul moyen d’atteindre l’objectif de la ministre de la santé d’une double vaccination de 47 millions de personnes.

M. le président Jean-Christophe Lagarde. Je vous remercie, monsieur le préfet, d’avoir participé à cette audition.

L’audition se termine à dix-huit heures quinze.