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Mardi 7 février 2012

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Daniel Goldberg Président

– Audition de M. Denis Huneau, directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

Commission d’enquête relative aux modalités, au financement et à l’impact sur l’environnement du projet de rénovation
du réseau express régional d’Île-de-France

M. le président Daniel Goldberg.  Nous entendons M. Denis Huneau, qui dirige l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), une structure qui est, en France, la détentrice de la réglementation relative aux matériels et à la circulation et qui en contrôle, à ce titre, l'application.

Au cours de votre carrière, M. Huneau, vous avez représenté notre pays au sein de l'Agence ferroviaire européenne, plus connue sous son acronyme anglais, ERA. Ce point est important : l'essentiel de la réglementation ferroviaire résulte désormais de directives européennes. Vous connaissez aussi la procédure des commissions d'enquête : vous avez été auditionné, il y a moins d'un an, par la commission relative aux matériels ferroviaires dont nos collègues Alain Bocquet et Yanick Paternotte étaient respectivement président et rapporteur.

Une de nos préoccupations, monsieur le directeur général, est de mieux comprendre les conséquences des différences entre les procédures d'exploitation et les cadres réglementaires mis en œuvre par la SNCF et la RATP, alors qu'elles assurent une co-exploitation des lignes A et B du RER.

La commission a, jusqu'ici, été destinataire de promesses d'une progression rapide vers une totale interopérabilité et une gestion unifiée de ces deux lignes, lesquelles commenceraient par l'institution de postes de commandement unifiés entre les deux opérateurs – sans oublier Réseau ferré de France (RFF). Mais est-il envisageable d'aller plus loin vers une unification des procédures, voire une meilleure harmonisation, alors que la RATP est propriétaire de la partie du réseau qu'elle exploite et que la SNCF opère sur un réseau ouvert à des circulations autres que celle des RER ? L'EPSF a-t-il déjà été amené à réfléchir à ce problème complexe ? Vous paraît-il possible de dépasser des blocages réglementaires qui freinent et même perturbent la fluidité de l'exploitation ? Disposez-vous d'exemples concernant d'autres grands réseaux urbains et périurbains dont il pourrait être judicieux de s'inspirer, notamment dans le domaine de la réglementation des circulations ?

Que doit-on attendre du nouveau système d'exploitation du Transilien, le NExT, pour l'exploitation du RER ? Ne concernera-t-il que la ligne E, prolongée à l'Ouest par Eole ? Ce travail de modernisation des procédures a-t-il recherché, à un quelconque moment, une certaine compatibilité, un rapprochement, avec le système SACEM propre à la RATP ?

Pouvez-nous nous donner des éclaircissements sur des évolutions dont la commission juge essentiel de comprendre les conséquences ? Notre préoccupation majeure est de savoir ce qu’elles peuvent apporter à la sécurité de l'usager, à son confort quotidien et à la régularité du service. Par ailleurs quel est le rôle de RFF dans ces évolutions de procédures ? Quelles relations RFF entretient-il avec l'EPSF sur de tels sujets ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Denis Huneau prête serment.

M. Denis Huneau, directeur général de l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). L'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) exerce, pour le compte du ministère chargé des transports, les fonctions dévolues à l'autorité nationale de sécurité ferroviaire au sens de la directive 2004/49/CE concernant la sécurité des chemins de fer communautaires.

Sa création, en 2006, a répondu à la nécessité, pour l'État, de disposer, dès lors que les réseaux ferroviaires étaient ouverts à la concurrence, d'un organisme réunissant les compétences nécessaires en matière de sécurité ferroviaire, de façon à en assurer le contrôle, tout en étant indépendant des opérateurs.

L'EPSF n’écrit pas la réglementation. Celle-ci reste de la responsabilité de l’État. Par ailleurs, ce que la culture commune de la SNCF et de la RATP appelle réglementation n’est pas ce qui est dénommé comme tel en droit. Pour les cheminots et les agents de la RATP, le terme de « réglementation » désigne les dispositions mises en œuvre par leur entreprise pour respecter les règles juridiques. Il ne s’agit pas forcément de ces règles elles-mêmes. Le travail de l’EPSF, c’est d’abord de délivrer les autorisations nécessaires à la sécurité, nous sommes en quelque sorte « le Service des Mines » du chemin de fer, et de s’assurer, au moyen d’audits et de contrôles, que leurs dispositions sont respectées, et cela en garantissant une égalité de traitement aux opérateurs. Ces autorisations concernent la mise en service des matériels roulants et les infrastructures majeures ainsi que leurs modifications les plus notables. Nous accordons aussi aux entreprises ferroviaires les certificats de sécurité qui leur sont nécessaires pour exploiter des services de transports en toute sécurité. Une entreprise ferroviaire ne peut accéder au réseau d’un gestionnaire d'infrastructure que si elle dispose du certificat de sécurité requis.

Nous contrôlons également ce que fait le gestionnaire d’infrastructure. Nous vérifions ainsi que RFF entretient ou fait entretenir les installations dans des conditions qui garantissent le niveau de sécurité exigé.

La sanction la plus forte dont nous disposons est le retrait des autorisations. Nous pouvons cependant aussi limiter, pendant un temps donné, le nombre de trains passant sur une voie ou encore leur vitesse. Après analyse, nous avons retiré l’autorisation de circulation de wagons dont un modèle – assez ancien – avait été impliqué dans un accident. Nos agents sont assermentés.

Le champ d'intervention de l'EPSF couvre le réseau ferré national (RFN) et la partie française de la section internationale Perpignan-Figueras. Il pourrait évoluer : selon la loi, les compétences de l'EPSF peuvent être étendues, par décret, à d'autres réseaux présentant des caractéristiques d'exploitation comparables.

L’EPSF a aussi une mission d’immatriculation des véhicules ferroviaires : il donne une sorte de « carte grise » aux wagons et locomotives. Depuis 2011, nous délivrons les licences – autrement dit, « les permis de conduire » – désormais exigées par la réglementation pour les nouveaux conducteurs. Aujourd’hui, seuls sont concernés les conducteurs récents circulant sur le réseau international. À partir de 2013, les nouveaux conducteurs, et, à partir de 2018, tous les conducteurs, seront astreints à posséder cette licence.

L'EPSF est un établissement public administratif (EPA), autorisé à recruter des personnels de droit privé. Le pouvoir de délivrance et de retrait des autorisations est attribué à son directeur général, sous une légère tutelle du ministère chargé des transports. Le ministre ne peut en effet que demander la confirmation écrite d’une décision : il n’a pas le pouvoir d’exiger sa modification ou son retrait.

L’autonomie financière de l’EPSF est garantie par la perception d’un « droit de sécurité », qui représente un pourcentage du montant des péages versés à RFF par les entreprises ferroviaires. Le montant de ce droit, versé sans passage par le budget de l’État, était en 2011 de 16,9 millions d’euros.

L'EPSF dispose d'une centaine de salariés, basés à Amiens. Une quarantaine d’entre eux sont habilités à réaliser des inspections.

Autorité de sécurité pour le réseau ferré national, l’EPSF n’intervient directement que sur les parties du RER qui en relèvent.

Pour moi, en pratique, ce qui définit une ligne de RER, c’est qu’elle traverse Paris. C’est le cas des lignes des RER A, B, C et D. Ce devrait finir par l’être pour la ligne E. C’est cette caractéristique qui distingue les lignes de RER des trains de banlieue traditionnels – désormais dénommés aujourd’hui Transiliens.

La conception des RER est celle de lignes qui se concentrent en un tronçon commun central. Cette caractéristique peut rendre assez difficile l’exploitation desdites lignes : celles de la ligne C du RER peuvent atteindre, de bout en bout, quelque 200 kilomètres. Cela dit le champ de notre intervention, c’est la sécurité. Or, les difficultés d’exploitation ne concernent pas forcément celle-ci ; elles ne sont pas anti-sécuritaires par nature.

Le champ juridique de notre compétence nous amène à intervenir sur la totalité des lignes C, D et E ainsi que sur les secteurs Ouest du RER A et Nord du RER B.

Cela dit, dès qu’un matériel exploité par la RATP circule sur la partie des lignes qui relèvent de notre compétence, il doit être autorisé par nous. Nous vérifions alors sa compatibilité avec les systèmes de sécurité que nous contrôlons. Nous avons ainsi autorisé, le 20 octobre 2011, le modèle MI09.

Nous avons aussi vérifié les systèmes d’habilitation des conducteurs de la RATP qui circulent sur la ligne B. Nous nous sommes assurés qu’ils disposent en permanence de compétences équivalentes à celles des conducteurs circulant sur le réseau ferré national.

Si nous avons entendu parler du projet NExT, nous ne sommes saisis aujourd’hui que d’un projet de première étape de dossier de sécurité. Il est en effet assez logique qu’un demandeur ne nous présente son projet qu’une fois qu’il sait qu’il disposera du financement nécessaire pour le mener à bien

En droit communautaire, la définition de l’interopérabilité est presque inverse de celle que nous sommes chargés de vérifier. L’interopérabilité au sens communautaire consiste à permettre aux trains qui viennent de l’étranger de rouler de manière aisée sur les voies françaises. Les lignes à grande vitesse les plus récemment construites en France sont réputées interopérables ; aujourd’hui, alors que l’environnement technique y change du tout au tout, un train ne s’arrête pas à la frontière franco-belge.

Le premier niveau d’interopérabilité consiste à conserver le même conducteur du début à la fin du parcours, et de n’en changer qu’au terminus ou au moment de sa pause. Si ce niveau d’interopérabilité peut créer des difficultés d’organisation, il n’en pose pas en matière de sécurité : ainsi, les conducteurs du Tram Train de Mulhouse sont formés pour conduire sur la section ferroviaire.

Ensuite vient ce qu’on appelait autrefois le mouvement des trains. Aujourd’hui, les aiguillages d’une ligne peuvent très bien être gérés successivement par des aiguilleurs de la RATP puis de RFF. Nous vérifierons cependant le niveau de sécurité offert ; que deux aiguilleurs situés côte à côte ne se parlent pas peut aboutir à une très mauvaise régulation.

Le projet de PC unique du RER B – qui sera géré par quelques dizaines de personnes – nous est présenté dans la mesure où il modifie l’organisation de la régulation, et donc de la commande des aiguillages. Il a pour objectif de constituer une sorte d’unité de pilotage et de régulation de la ligne. Le point le plus sensible est non pas la création de l’unité technique de pilotage, mais l’élaboration de la stratégie qu’il sera demandée à ses personnels d’appliquer en cas d’incident – c’est leur raison d’être.

Au-delà de sa section centrale, le mode d’exploitation du RER est très proche de celui du chemin de fer. Ainsi, la circulation de trains de fret à Maisons-Laffitte implique une infrastructure partagée, et donc une gestion différente de celle d’une infrastructure dédiée. Or la culture de la RATP est à la base une culture de métro. Mais le métro, c’est presque un train électrique ! La commande des trains s’y fait depuis un pupitre. Au contraire, le chemin de fer traditionnel est composé de trains conduits par des conducteurs qui doivent respecter une signalisation. Le regroupement de ces deux mondes peut poser des difficultés. On le voit en gare de Nanterre Préfecture, où ils se retrouvent. Et il s’agit non pas seulement de différences culturelles mais de modes d’exploitation différents entre deux mondes ferroviaires qui ont chacun leur légitimité. Or, la règle communautaire prévoit l’ouverture à la concurrence de voies de la ligne A du RER, et donc le passage de trains de fret sur ces voies, considérées comme faisant partie du réseau ferré national (RFN).

NExT est la mise en œuvre de l’idée de RFF et de la SNCF de constituer un mode de gestion proche de celui du RER, autrement dit de créer une exploitation dédiée, de type « métro ». Un tel mode d’exploitation est plus performant que le standard communautaire. En effet, l’interopérabilité au sens communautaire – autrement dit l’accueil de locomotives et de trains provenant d’un peu partout en Europe – conduit, en termes de débit, à de moins bonnes performances que la constitution de systèmes dédiés. NExT aboutit à refuser l’ouverture de la section centrale de la ligne E du RER aux transits autres que ceux du RER. La seule différence par rapport aux RER actuels est que son exploitation – ce projet devrait voir le jour en 2020 – ne sera pas effectuée sous le système SACEM, développé dans les années 1980. J’ai aussi entendu dire que ce nouveau système devrait par la suite être transposé à la ligne B du RER. C’est RFF qui installera les installations au sol et qui sera gestionnaire du trafic au quotidien.

M. Pierre Morange, rapporteur. Monsieur le directeur général, avez-vous procédé à une évaluation des gains de temps éventuellement dus à la standardisation des procédures entre les différentes autorités, notamment la SNCF et la RATP ?

Avez-vous pu évaluer le coût de la sécurité ? Comment peut-on d’ailleurs le déterminer alors que, comme vient de nous le rappeler la Cour des comptes, la lisibilité des comptes des opérateurs est insuffisante ?

La réglementation nationale vous confère un pouvoir de délivrance, mais aussi de suspension et de retrait des agréments. Le fret fait-il partie de votre domaine d’intervention ? Quelles actions de suspension et de retrait avez-vous déjà conduites ? Combien de décisions de ce type avez-vous pris ? Ces décisions ont-elles une incidence sur la régularité des rames de RER ?

Les attributions de licences pour les nouveaux conducteurs concernent-elles aussi bien les conducteurs de la SNCF que ceux de la RATP ?

La centaine de salariés de l’institution que vous dirigez suffit-elle pour couvrir un champ de compétence aussi vaste que le vôtre ? Arrivez-vous à assumer l’ensemble des missions qui vous sont confiées ?

Quelle forme de contrôle exercez-vous sur la RATP ? Quelle est l’étendue de vos compétences sur les lignes A et B du RER, dont l’une des caractéristiques est une gestion bicéphale de la RATP et de la SNCF ?

Enfin, j’ai compris que vous ne connaissiez pas très bien le système NExT. Au regard de l’ampleur de vos compétences en matière de sécurité, ne faudrait-il pas s’interroger sur votre nécessaire inscription ou association à l’ensemble des études « amont » ?

M. Arnaud Richard. Monsieur le directeur général, les institutions homologues de la vôtre dans les autres pays européens sont-elles organisées de la même manière ? Leur champ de compétences est-il aussi vaste ?

Sous-traitez-vous une partie des autorisations et inspections que vous avez à mener ? Ne disposer que d’une centaine de personnes pour traiter le champ de compétence qui est le vôtre doit être une difficulté.

Quels sont les éléments qui vous amènent à décider d’une inspection ?

Nous avons bien compris, lors de notre visite sur la ligne B du RER, la différence entre réglementation et règles de l’entreprise. Les réglementations que s’imposent les entreprises seraient-elles, pour des raisons de sûreté, bien plus exigeantes que les obligations posées par la réglementation publique ?

Enfin, nous avons pu constater qu’il fallait parfois jusqu’à trois ou quatre heures pour résoudre les situations dites « d’incident voyageur ». Êtes-vous dotés d’un pouvoir pour réduire les contraintes imposées à celles et ceux qui opèrent sur les voies de RFF ?

M. le président Daniel Goldberg. Vous n’êtes en charge que du réseau ferré national (RFN). Quel organisme effectue l’équivalent de votre travail sur la partie du réseau du RER exploité pat la seule RATP ?

Comment qualifieriez-vous la qualité du réseau du RER pour laquelle il vous revient de donner des agréments ?

Vous qualifiez les conducteurs de la RATP qui doivent travailler sur le réseau ferré national, autrement dit la partie du RER exploitée par la SNCF. La réciproque est-elle vraie ? Autrement dit, comment et par qui sont qualifiés les agents de la SNCF qui roulent sur la partie des voies du RER exploitées par la RATP ? À quelles obligations spécifiques les agents de la RATP qui roulent sur le réseau ferré national et les agents de la SNCF qui roulent sur le réseau de la RATP doivent-ils satisfaire ?

Enfin, nous avez-vous dit, le réseau ferré national accueille d’autres circulations que celle du RER. Dans ces conditions, est-il possible de mettre en place un opérateur unique – du type RATP – sur des lignes qui ne seraient pas dédiées à la seule circulation du RER, comme tel est le cas pour la partie Nord de la ligne B et la partie Ouest de la ligne A ? La réglementation le permettrait-elle ?

M. Denis Huneau. Aujourd’hui, le monopole de la SNCF sur le réseau ferré national (RFN) empêche juridiquement de constituer un opérateur unique. En revanche, en cas de suppression de ce monopole, les règles communautaires n’imposent aucun obstacle à la constitution d’un tel opérateur. Celui-ci devrait simplement s’astreindre à demander ses sillons, comme les autres. Je précise au passage que, les sillons de la partie Nord de la ligne B du RER relevant de la SNCF, lorsqu’un RER de cette ligne B est conduit par un conducteur de la RATP, il est – c’est une fiction juridique – considéré comme relevant de la responsabilité finale de la SNCF.

L’EPSF a d’abord été créé pour gérer le fret. C’est le fret qui a été ouvert à la concurrence. Aujourd’hui, sur 22 entreprises ferroviaires en France, 2 seulement exploitent des lignes de voyageurs, la SNCF et le groupe Télio, qui a repris des trains de nuit internationaux. Le transport national de voyageurs n’est pas ouvert à la concurrence en France. Notre travail de contrôle porte donc essentiellement sur les entreprises de transport de fret, et notamment celles qui ont été créées ex nihilo.

Nous n’avons pas pris de mesures de suspension ou de retrait sur le RER. Nous prenons en réalité très peu de mesures de ce type. Nous identifions les difficultés lors des audits ou des inspections. Nous signalons alors l’écart, et laissons un certain temps à l’entreprise pour le régler. Nous n’avons jamais été amenés à constater un dépassement du délai fixé. Nous n’avons donc jamais été amenés à interdire la circulation d’un train.

Nos moyens ne nous permettent pas d’effectuer nous-mêmes l’inspection d’un pont ou d’un tunnel. Nous inspectons, notamment par sondages documentaires, les personnels et les entreprises qui les surveillent. Nous irons plus facilement sur le terrain dans des structures à risques, comme des gares de triage.

La licence ferroviaire est en réalité un permis de conduire communautaire. Elle vaut donc pour le réseau ferroviaire. En revanche, à la RATP le régime est celui d’une habilitation interne ; la RATP habilite ses propres conducteurs.

Le contrôle de la partie du RER qui ne relève pas du RFN est effectué sous la responsabilité du préfet de région, lequel s’appuie sur le Service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG), service à compétence nationale. Si les procédures qui sont appliquées par ce service ne sont pas tout à fait identiques aux nôtres, leurs grandes étapes sont les mêmes ; elles découlent de la même loi ! Il est impossible d’ouvrir une ligne de RER, ni d’y introduire de modifications substantielles ou de nouveaux matériels sans autorisation. Nous travaillons du reste en liaison : nous ne dupliquons pas les crash test que nous organisons, par exemple.

Les grands pays sont pourvus d’autorités qui ressemblent à la nôtre. Elles ont elles aussi été créées en application de la directive de 2004. Les Britanniques ont adapté à la suite de celle-ci un service, l’ORROffice of rail regulation –, qu’ils avaient créé en 1940. Ce service comporte 130 agents. L’Allemagne dispose d’un service dénommé EBAEisenbahn-Bundesamt  – qui comporte environ 700 personnes chargées de la sécurité, et 300 autres pour gérer les autres dossiers.

M. Arnaud Richard. Pourquoi l’EPSF est-il un établissement public, et non pas une autorité administrative indépendante ?

M. Denis Huneau. Cela procède du choix opéré par le législateur en 2006. La logique initiale était de savoir si l’EPSF devait être un service de l’État ou non – en 1920 l’Office de contrôle des chemins de fer de l’État, indépendant des compagnies, comportait 700 agents. Il a été décidé de séparer l’EPSF de l’État de façon à pouvoir recruter des cheminots et à assurer son autonomie budgétaire. Par ailleurs, si nous exerçons des fonctions régaliennes, nous sommes dans une fonction de police et non d’arbitrage.

Disposons-nous de moyens et d’un personnel suffisant ? Le Parlement vote chaque année un plafond d’emplois de l’EPSF. Avec 102 emplois, il me paraît un peu juste, ce n’est là qu’un avis personnel. De plus, ce plafond devrait disparaître en 2013. Pour autant, les agents de notre homologue britannique sont au nombre de 130, pour un trafic équivalent au trafic français mais un réseau deux fois moins étendu que le nôtre. Cette situation nous amène aujourd’hui à n’effectuer que peu de contrôles. Nous ne procédons chaque année qu’à une centaine d’inspections ou d’audits.

Comment les déclenchons nous ? D’abord, nous effectuons un suivi très fin des incidents, même lorsqu’ils sont mineurs et n’engagent pas la sécurité. Les opérateurs ont l’obligation légale de nous les déclarer. Nous analysons environ 2 000 incidents par an. Ensuite, nous programmons de façon systématique des audits. Nous allons par exemple vérifier auprès d’une société qui dispose d’un certificat de sécurité comment elle gère ses conducteurs sur cinq ans.

Nous enquêtons aussi sur des difficultés spécifiques qui nous ont été signalées.

Il nous arrive également de conduire une enquête après un incident significatif.

Ainsi, nous menons selon les cas des actions programmées, systématiques et réactives pour prévenir des risques que nous sentons émerger.

En tant que contrôleurs de sécurité, nous ne sommes pas associés aux grandes décisions des opérateurs. Ceux-ci conçoivent et développent leurs projets comme bon leur semble. En revanche, nous exigeons dans la conception et la mise en œuvre le respect de certaines règles et le non dépassement d’un nombre donné de défaillances. Ainsi, si nous constatons qu’un niveau de sécurité est insuffisant, nous allons exiger la prise de mesures correctives : ajout d’un équipement, fermeture d’une ligne, ralentissement de la vitesse… Mais il ne nous revient pas de décider de la solution. Cela dit, la principale difficulté du RER, ce n’est pas la sécurité ; c’est son exceptionnel niveau de charge !

M. le président Daniel Goldberg. Monsieur le directeur général, merci pour votre intervention et vos réponses à nos questions.

L’audition s’achève à vingt heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

Réunion du mardi 7 février 2012 à 19 h 30

Présents. - M. Daniel Goldberg, M. Didier Gonzales, M. Pierre Morange, M. Arnaud Richard

Excusés. - M. Yanick Paternotte, M. Axel Poniatowski, M. François Pupponi