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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mardi 7 octobre 2008

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Communication des rapporteurs d’information sur les relations financières entre l’État et les collectivités locales (MM. Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur, Rapporteurs) 2

Examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 (n° 1127) :

– Examen des crédits de la mission Écologie, développement et aménagement durables : Transports aériens et météorologie et vote sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens (M. Charles de Courson, Rapporteur spécial) 13

– Information relative à la Commission 17

La Commission a d’abord entendu une communication sur les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, présentée par MM. Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur, Rapporteurs d’information.

Le Président Didier Migaud. Nos Rapporteurs d’information, désignés en juin dernier, ont souhaité, sans attendre la remise de leur rapport écrit, présenter une communication orale à titre de rapport d’étape, à la veille du débat sur le projet de loi de finances.

M. Jean-Pierre Balligand. Nous avons en effet souhaité soumettre à la commission des Finances un premier état de notre réflexion sur ces relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. Notre premier constat est le suivant : si rien ne bouge, les finances des collectivités territoriales seront rapidement étranglées parce que l’État lui-même ne pourra pas les préserver.

Il nous a semblé indispensable, avant que s’ouvre le débat budgétaire, de vous faire partager les conclusions préliminaires communes à vos deux Rapporteurs d’information. Il nous paraît important, en effet, puisque le projet de loi de finances pour 2009 ouvre un vaste chantier de réforme des dotations des collectivités territoriales, que la commission des Finances aborde ce débat forte de plusieurs convictions communes sur ce que doit être l’avenir de leurs relations financières avec l’État.

Je vous propose tout d’abord de partir du constat que le financement actuel des collectivités a définitivement atteint ses limites, afin de vous proposer ensuite des axes de travail s’agissant de la refonte de la fiscalité locale. Marc Laffineur vous exposera ensuite des principes méritant d’être défendus dès cet automne s’agissant des dotations versées par l’État aux collectivités locales.

La critique inlassable des finances locales, de leur injustice, de leur insuffisance et de leur coût insupportable pour l’État, est devenue un lieu commun. Au cours de la dernière décennie, de nombreuses publications ont alerté les pouvoirs publics sur la dégradation des relations financières entre l’État et les collectivités. Mais nous n’en sommes plus là. Je vais vous présenter quelques exemples marquants, qui permettent de comprendre que la situation est d’ores et déjà inacceptable tant pour l’État que pour les collectivités territoriales :

– en 2005, l’État a acquitté un tiers du produit de taxe professionnelle voté par les collectivités locales ;

– en 2007, les contribuables directs locaux – y compris les entreprises – n’ont financé que 26 % des budgets des collectivités, les autres recettes provenant, directement ou non, du contribuable national ;

– les taux de la fiscalité directe locale ont augmenté en moyenne de 15 % en dix ans ;

– en dix ans également, les recettes des collectivités locales ont crû de 57 %, mais, en leur sein, les concours de l’État ont, eux, progressé de 142 % ;

– depuis 2004, hors dégrèvements, les concours de l’État ont augmenté en moyenne de 5,7 % par an, soit environ 3 milliards d'euros de moindres recettes de l‘État chaque année.

Pour notre part, nous résumons les nombreuses critiques sur ces relations financières en deux points.

Premièrement, l’État est trop intervenu dans les finances locales depuis 1990. Il a remplacé progressivement des recettes fiscales par des dotations de compensation. Il a allégé le poids de la fiscalité locale en se substituant au contribuable local. Enfin, il a « gonflé » le volume des budgets locaux par d’importants transferts de charges, accompagnés de transferts de ressources comparables, mais sur lesquelles les collectivités ne disposent d’aucun pouvoir.

Deuxièmement, de leur côté, les collectivités territoriales se sont satisfaites d’une situation d’irresponsabilité croissante, leur évitant d’assumer pleinement une croissance massive de leurs dépenses depuis 1990 – + 229 %, soit 13 % par an, que n’expliquent pas seulement les nouvelles compétences transférées – et des hausses continues du poids de la fiscalité locale.

Cette spirale atténue la responsabilité financière des collectivités territoriales et les place en situation de dépendance vis-à-vis des recettes en provenance de l’État, en dépit de leur autonomie financière de principe. C’est justement cette dépendance qui finalement conduit le cercle vicieux à s’interrompre aujourd’hui, car l’État n’a plus les moyens de l’entretenir. Les collectivités sont dorénavant confrontées à un risque de grande précarité financière. Anticipant ce risque depuis plusieurs mois, les trois grandes associations d’élus locaux avaient d’ailleurs signé une plateforme commune de propositions, notamment pour réformer la fiscalité locale.

Cette réforme ne peut plus être reportée, elle doit être conduite au plus tard en 2009.

Assurément, il est plus aisé de repousser la question de la réforme fiscale locale que d’y répondre, notamment parce que cette question est d’abord subordonnée à l’évolution des collectivités elles-mêmes, de leurs compétences et de leurs statuts qui fait aujourd’hui véritablement débat. Pour autant, bien que le projet de loi de finances pour 2009 ne propose aucune mesure de réforme de la fiscalité locale, fût-elle préparatoire, nous estimons que ce sujet ne peut plus être reporté. C’est d’abord une nécessité politique, exprimée par toutes les associations d’élus locaux que nous avons entendues. Mais c’est également une réalité pragmatique, dès lors que l’État est amené à réduire ses concours. Ainsi, en 2007, 33 milliards d'euros de concours financiers de l’État visaient à compenser soit une charge transférée, soit une recette amputée. Si ces compensations venaient à diminuer, les collectivités locales devront pouvoir disposer de véritables ressources fiscales.

Le principe de la réforme étant établi, nous avons cherché à en déterminer les postulats.

En premier lieu, s’il est envisageable de confier aux collectivités locales des marges budgétaires ou fiscales importantes, c’est à la condition qu’elles soient pleinement comptables de leurs politiques devant les contribuables et les électeurs. C’est donc prioritairement la responsabilité fiscale qu’il faut restaurer. Cela passe, selon nous, par le choix d’une spécialisation des impôts locaux par niveau de collectivités. Il n’est plus envisageable que deux ou trois assemblées délibérantes, toutes élues au suffrage universel, puissent voter des taux différents mais applicables à une même assiette, elle-même totalement ou partiellement exonérée par l’État !

Une collectivité, un taux, une assiette : voici le principe que nous souhaitons voir prioritairement respecté dans la préparation de la réforme fiscale locale. Ce principe suppose, nous en avons conscience, de priver l’État de la possibilité d’intervenir sur le taux ou sur l’assiette.

En deuxième lieu, nous voulons dire qu’à somme nulle pour tout le monde, il n’y aura pas de réforme possible. Au contraire, la réforme fiscale locale demandera une audace particulière. Les simulations conduites notamment par le Conseil économique et social en 2006 ont montré qu’à vouloir garantir à la fois le produit de chaque collectivité, celui de chaque échelon de collectivités, l’impôt de chaque catégorie de contribuables mais également les équilibres géographiques, aucune réforme n’est vraiment possible. Afin d’atteindre la spécialisation fiscale souhaitée, il sera donc inévitable d’accepter des transferts, à la fois de richesse fiscale entre collectivités et de poids de la fiscalité entre contribuables. Nous ne considérons pas cela comme un obstacle majeur, dans la mesure où ces types d’effets peuvent être corrigés ou lissés dans le temps.

Enfin, le corollaire de cette spécialisation réside dans une correction des inégalités territoriales qui soit aussi financée par l’impôt local. Même si les transferts sont lissés dans le temps, la réforme de la fiscalité locale accentuera vraisemblablement les inégalités de potentiel fiscal entre les collectivités locales. Or, la péréquation ne peut demeurer l’apanage de l’État, sous peine de promouvoir une France à deux visages : des collectivités riches et pleinement autonomes, des collectivités pauvres sous perfusion de l’État. Nous considérons, au contraire, que la réforme de la fiscalité locale doit prévoir qu’une fraction forfaitaire des produits des impôts locaux serve à financer la péréquation des ressources locales. Un tel mécanisme corrigerait les inégalités, tout en respectant l’autonomie financière de chaque collectivité.

Une fois ces postulats posés, plusieurs principes directeurs de la réforme nous paraissent pouvoir faire l’objet d’un consensus.

En premier lieu, la taxe professionnelle est aujourd’hui un impôt critiqué par tous, bénéficiaires comme contribuables. Tout a déjà été dit sur cet impôt qui frappe les investissements productifs et qui épargne davantage les secteurs à forte valeur ajoutée. Les réformes successives de cette taxe sont pour beaucoup dans la place qu’occupe l’État dans les recettes locales. Notre point de vue commun est que la taxe professionnelle sous sa forme historique a vécu. Conçue initialement sur une triple assiette – salaires, valeur des immeubles, valeur des équipements –, elle est aujourd’hui soit un impôt sur les investissements – 80 % des bases taxées en 2006 –, soit de facto une taxe sur la valeur ajoutée – pour les entreprises payant une cotisation soit minimale, soit plafonnée. Par conséquent, il faut écarter toute nouvelle réforme visant à substituer des dotations à un produit de taxe professionnelle. Il faudrait lui préférer la suppression de cet impôt et son remplacement par une nouvelle taxation des entreprises au profit des collectivités locales, assise sur le résultat ou sur la valeur ajoutée et « localisée » par des éléments physiques.

En second lieu, la révision des valeurs locatives servant de base foncière à la fiscalité locale ne peut plus rester un « serpent de mer ». Annoncée comme le premier pas vers une réforme de la fiscalité locale, cette mesure est absente du projet de loi de finances. Or, sans une réévaluation préalable des assiettes foncières, comment se projeter dans une nouvelle architecture de la fiscalité locale ? Et sans une mesure votée avant le 31 décembre 2008, aucune révision n’aura lieu en 2009, de sorte que la réforme de la fiscalité locale pourrait bien attendre la fin de cette législature ! Au contraire, nous souhaitons l’adoption, dès cet automne, d’une mesure qui imposerait en 2009 une révision de grande ampleur des assiettes foncières de la fiscalité locale actuelle. Notre point de vue est qu’il faut écarter, d’une part, l’idée d’une révision dite « au fil de l’eau », au gré des mutations, qui figerait une part importante du foncier français, et, d’autre part, l’idée de retenir comme assiette la valeur vénale des biens, dont l’instabilité serait dangereuse pour les budgets locaux. Il faut donc s’en tenir à des valeurs locatives révisées, mais provoquer cette révision dès 2009, quitte à l’accompagner d’une certaine souplesse. Ainsi, la révision pourrait ne pas produire d’effets immédiats sur les impositions, mais servir uniquement de base dans le cadre de la future réforme. Nous pourrions également envisager que les effets de hausse ou de baisse résultant de la révision soient lissés dans le temps.

Enfin, bien que notre mission ne dispose pas encore des simulations et du recul nécessaires pour bâtir complètement une nouvelle architecture fiscale, nous proposons une piste de réflexion.

L’échelon communal et intercommunal doit conserver des impositions pesant à la fois sur les ménages et sur les entreprises, afin de ne pas rompre le cordon fiscal entre les collectivités et le développement économique de leur territoire, dont chacun sait qu’il s’accompagne aussi parfois de désagréments et de contraintes. Concentrer sur cet échelon les impôts fonciers, y compris ceux des entreprises, pourrait constituer une solution. Ce « bloc communal » disposerait ainsi d’un lien fiscal avec les entreprises.

L’échelon départemental doit disposer d’une fiscalité directe en lien avec les compétences sociales que l’État lui a confiées. Il faut rechercher dans cette voie la possibilité que les départements lèvent un impôt additionnel sur le revenu des ménages.

L’échelon régional doit, quant à lui, disposer d’une imposition intelligente sur le tissu économique. Celle-ci pourrait être assise sur le résultat ou la valeur ajoutée.

Je rappelle, en contrepoint de ce projet d’architecture, que, dans notre esprit, ce schéma devrait impérativement s’accompagner, pour chaque échelon et pour chaque impôt, d’un mécanisme autofinancé de péréquation.

M. Marc Laffineur. Comme Jean-Pierre Balligand l’a annoncé, je vais évoquer notre analyse du rôle de l’État tel qu’il devrait se traduire dans la loi de finances pour 2009. Chacun a conscience de la situation des finances publiques de la France. Au-delà de l’analyse des causes, il faut regarder avec lucidité les moyens dont l’État dispose pour contribuer au financement des collectivités locales.

Notre point de vue commun est que l’État n’a pas pour vocation de majorer forfaitairement et automatiquement chaque année les sommes versées au cours de l’année précédente. Pas plus n’a-t-il intérêt à freiner forfaitairement chacune des dotations aux collectivités territoriales. Au contraire, il nous semble que le rôle du Parlement consiste à définir des objectifs prioritaires sur lesquels l’État devra concentrer les marges de manœuvre dont il dispose. Deux objectifs stratégiques nous semblent ainsi mériter une sorte de « discrimination positive » au sein des concours de l’État. D’une part, le soutien de l’investissement public local est une impérieuse nécessité, car les collectivités locales assumaient 87 % de l’investissement public civil en 2006, et 12 % du total de la formation brute de capital fixe en France. D’autre part, je rappelle que la péréquation est un objectif de valeur constitutionnelle, inscrit au dernier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution. Cette péréquation « verticale », c'est-à-dire financée par l’État, sera toujours indispensable tant les inégalités de nos territoires ne sont pas seulement fiscales.

Ces deux objectifs ne sont pas nouveaux, ils sont déjà poursuivis depuis plusieurs années. Mais, en dépit des efforts fournis, nous avons constaté que seulement 20 % des concours financiers de l’État servent ces deux objectifs (11 % pour le soutien à l’investissement et 9 % pour la péréquation) ! C’est à dire que 80 % des dotations ne financent pas activement une politique, mais servent à reconduire ou à indexer passivement des montants historiques. Notre conviction est donc qu’avec des moyens contraints, il importe moins de limiter tous les concours de l’État que de financer activement ces priorités, quitte à ce que d’autres concours moins stratégiques aient à en pâtir.

S’agissant du soutien à l’investissement des collectivités, il faut rappeler que l’État s’est massivement désengagé de la formation brute de capital fixe en France. Il s’agit là d’une tendance structurelle, mais c’est également le fruit de la décentralisation d’infrastructures très importantes. La liste est longue, en effet, des équipements d’intérêt général aujourd’hui à la charge des collectivités locales : bâtiments scolaires, routes, lignes ferroviaires, aérodromes, ports, etc. Ce constat explique notamment pourquoi l’État doit conserver un rôle fondamental d’encouragement et de soutien aux investissements des collectivités locales. Les gouvernements successifs en ont d’ailleurs eu conscience, en bâtissant régulièrement avec les collectivités des plans d’équipements concertés dans certains secteurs. Parmi les exemples récents, la couverture du territoire en téléphonie mobile illustre bien combien les collectivités prennent en charge les dépenses d’infrastructures d’aménagement du territoire. Nous nous sommes demandés par conséquent si le montant total de 7,4 milliards d'euros d’aides à l’investissement local en 2008 (sur 55,2 milliards d'euros du total des concours) constitue un soutien suffisant, et s’il est convenablement utilisé par l’État. Notre réponse à cette double question est négative.

Nous considérons que dans un contexte budgétaire contraint, l’État devrait veiller à favoriser les concours à l’investissement des collectivités locales plutôt que les autres dotations. Nous estimons également que ces concours pourraient être mieux orientés, soit vers des besoins structurels exprimés par les collectivités, soit vers des collectivités locales ne disposant pas de moyens suffisants pour faire face à leurs besoins d’équipements.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2009 propose d’inclure dans un même périmètre normé à 2 % tous les concours de l’État, y compris ceux destinés à l’investissement, parmi lesquels le FCTVA. Nous ne trancherons pas le débat historique sur la nature de ce Fonds, mais nous souhaitons proposer quelques constats, comme bases communes d’une réflexion. Premièrement, l’augmentation du Fonds en 2009 représente exactement, à elle seule, 60 % de l’augmentation totale des dotations. Elle conduit, dans le projet de loi de finances, à un gel ou un recul de tous les autres concours (sauf la DGF), y compris les autres concours à l’investissement. Deuxièmement, il n’est pas davantage contestable que les sommes inscrites au Fonds bénéficient, par définition, prioritairement aux collectivités locales disposant des moyens d’investir beaucoup. Troisièmement, nous constatons aussi que les sommes du Fonds contribuent à financer tous les équipements locaux, même les moins structurants, pourvu qu’ils intègrent le patrimoine des collectivités. Notre avis est donc que si le FCTVA devait connaître une modification, celle-ci ne devrait pas entraîner une diminution de son concours mais devrait renforcer l’effort de péréquation en orientant ses moyens vers des investissements structurants.

Quant à la péréquation, je note qu’au fond, par sa valeur constitutionnelle, c’est le seul objectif qui s’impose au Parlement en matière de finances locales. Pourtant, il ne mobilisait en 2007 que 5,9 milliards d'euros, soit à peine 16 % de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et 9 % du total des concours. Cette insuffisance est un héritage de l’histoire, qui a vu l’État substituer des dotations à des recettes fiscales, et de ce fait s’engager à garantir dans le temps les compensations qu’il a octroyées. Mais ni le Parlement, ni les collectivités locales ne peuvent se contenter de dépenser ou de percevoir des crédits justifiés uniquement par le passé. Cette démarche, d’ailleurs, craque aujourd’hui sous les contraintes, car les compensations soi-disant « durables », négociées il y a plusieurs années, ne résistent plus aujourd’hui à la dégradation importante de nos comptes publics. C’est pourquoi, dans un contexte où la fiscalité directe locale fournirait aux collectivités les moyens suffisants pour faire face à leurs charges, nous considérons que la DGF devrait progressivement se reconcentrer sur un objectif volontariste de péréquation, davantage que sur la reconduction d’acquis financiers historiques.

Je voudrais rappeler à la Commission que la répartition d’une dotation dite « à enveloppe fermée », telle que la DGF, s’apparente au partage d’un gâteau : tout euro versé en héritage du passé manque par ailleurs au financement de la péréquation. Or, nous avons dénombré, sur la seule DGF des communes, pas moins de 15 dispositifs visant à maintenir des minima de dotations à des communes qui n’y étaient plus éligibles (DSU, DNP, DSR, complément de garantie, etc.). Au total, ces dispositifs « bloquent » près de 10 milliards d'euros, soit 43 % de la DGF des communes, sur des critères qui ne sont ni objectifs ni favorables à la péréquation. C’est pourquoi nous proposons qu’en parallèle à la réforme de la fiscalité, une vraie révision de la DGF soit accomplie le cas échéant par la commission des Finances, dans un double but. Premièrement, il est nécessaire que le Parlement remette en cause aujourd’hui la pertinence de la myriade d’objectifs qu’il a assignés au fil du temps à cette dotation globale, au profit de l’objectif d’intérêt général qu’est la péréquation. Il faut par exemple s’interroger avec courage aujourd’hui sur la justification du maintien des conditions très avantageuses de progression de la DGF des intercommunalités. Deuxièmement, le Parlement doit aussi commencer à évaluer l’efficacité réelle des dispositifs qu’il a mis en œuvre au travers de ce concours depuis sa création.

Enfin, puisqu’il semble acquis que le FCTVA absorbera en 2009 l’essentiel de la progression des concours financiers, nous observons que le projet de loi de finances garantit à la DGF une croissance égale à la norme de dépense, c'est-à-dire 2 %. Au regard de l’objectif fondamental que poursuit ce concours, il n’y a guère à se féliciter de cette augmentation minimale, qui imposera au Parlement de revoir les règles appliquées par le Comité des finances locales pour la répartir. Toutefois, nous constatons également que le projet de loi de finances propose dans ce contexte, à l’article 67, que la souplesse de répartition soit obtenue en minorant certaines parts « fossiles » (garanties historiques) ou en freinant la progression de parts devenues moins stratégiques (par exemple, la bonification de DGF des communautés urbaines). Cette démarche permettra au CFL de protéger la progression des dotations péréquatrices (notamment DSU et DSR) malgré une faible indexation de la DGF, et nous semble tirer le meilleur parti du contexte budgétaire difficile.

Au total, chers collègues, vous constaterez avec nous que, sur ce sujet difficile, des convergences importantes sont possibles, au sein du Parlement, mais également avec les représentants des collectivités locales qui partagent nombre de nos propositions. Les relations financières entre l’État et les collectivités locales sont assurément marquées par des vieilles habitudes et des rancœurs tenaces, qui ne sont pas toutes injustifiées. Cependant, le moment est sans doute venu pour notre Commission de s’élever au-dessus de ces héritages et de faire valoir des propositions de modernisation qui pourraient recueillir un consensus relativement large. Le rapport que nous vous soumettrons au premier trimestre de 2009 pourrait permettre à la Commission d’adopter une position commune sur ce sujet et de jouer son rôle dans les inévitables réformes à venir.

Le Président Didier Migaud. Merci à nos collègues pour la qualité de leur travail et l’audace de leurs propositions. Je pense qu’il nous faudra des simulations avant de faire des propositions définitives…

M. Jean-Pierre Balligand. C’est exactement la raison pour laquelle nous vous présentons un rapport d’étape. Nous voulons recueillir l’avis de la Commission avant de poursuivre notre travail et d’arrêter des propositions.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Je veux féliciter nos deux collègues pour leur rapport incisif et concis. Je partage leur diagnostic et une bonne partie des propositions. La réforme de la taxe professionnelle va nous obliger à « bouger ». La suppression de cette taxe doit être compensée par des éléments de fiscalité locale et non par des dotations de l’État. Il nous faut donc innover par rapport à la politique menée jusqu’ici : tout le processus de réforme de la fiscalité locale est aujourd’hui à bout de souffle. Il nous faut réformer les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales sur le fondement du principe que nous avons inscrit dans la Constitution en 2003 : l’autonomie des collectivités.

Je pense que les « quatre vieilles » ne sont pas en elles-mêmes de mauvais impôts. Une taxe n’est pas dépassée du seul fait qu’elle serait ancienne, et nous savons ici qu’un vieil impôt est souvent un bon impôt, car il peut être bien accepté. Toutefois, une simplification de la fiscalité locale s’impose. Ceci renvoie à la question de la répartition des compétences entre les communes, les départements et les régions.

Au rebours de certains clichés, les départements conserveront des compétences nobles, comme l’action sociale ou la voierie, et il me semble que l’attribution d’un impôt assis sur le revenu, articulé sur la CSG ou l’impôt sur le revenu, a beaucoup de sens. Les régions doivent pouvoir lever un impôt intelligent sur les entreprises. Les propositions en faveur de la mise en place d’un impôt portant soit sur les résultats des entreprises, soit sur la valeur ajoutée – je pense à l’exemple de l’IRAP italien – doivent donc être étudiées de près.

Par ailleurs, une idée extrêmement forte de ce rapport d’étape est de prévoir la mise en place de dispositifs de péréquation consubstantiels à la réforme de la fiscalité locale. J’adhère totalement à cette idée.

Il me semble en revanche que, sur les dotations, vous n’avez pas évoqué un point important : celui de la disparité entre communes par rapport aux charges auxquelles elles doivent faire face. Je pense que le point d’entrée privilégié de toute réforme en la matière doit être la disparité à l’échelon communal du point de vue des ressources. Je rappelle que les deux communes qui, par habitant, bénéficient le plus de la DGF sont Vichy et Lourdes, sans que leurs ressources propres soient spécialement faibles, mais pour des raisons historiques. Il me paraît également important, pour une meilleure acceptabilité de la réforme, de mettre en place des mécanismes transitoires de lissage dans le temps.

Vous tenez des propos courageux s’agissant de la suppression du FCTVA, qui profite d’abord aux communes qui investissent. Or, beaucoup de communes n’ont pas les moyens d’investir. La question fondamentale est donc de savoir comment concilier un soutien à l’investissement local en laissant une certaine liberté de choix aux communes, tout en ménageant la péréquation sur le plan national. Il importe de trouver une formule qui responsabilise les collectivités territoriales : lorsqu’elles votent un impôt, elles doivent en assumer la responsabilité, sans pouvoir s’en décharger sur un tiers, l’État. Derrière toutes vos propositions, il me semble que la réforme envisagée est quasiment d’ordre révolutionnaire !

M. René Couanau. J’avoue ne pas partager l’enthousiasme du Rapporteur général, même si je félicite aussi nos deux collègues.

Mon sentiment est plutôt la perplexité. Il y a, dans vos propositions, une logique financière et une logique de rationalisation, mais il manque une logique de développement du territoire. Avant toute réforme de la fiscalité locale, il faut mener une réflexion préalable sur la répartition des compétences entre les collectivités locales. Le principe ne doit pas être : une collectivité – un impôt – une assiette, mais une collectivité – une compétence – un impôt ! Il n’y aurait pas de sport ou de culture en France si les collectivités locales n’investissaient pas dans ces secteurs. Or, l’enchevêtrement des compétences est ahurissant : il faut clarifier les compétences avant de s’engager dans une réforme de la fiscalité locale.

En outre, je trouve votre approche singulièrement technocratique, pour des membres de la commission des Finances... Je conteste l’adhésion globale à la démarche de révision générale des politiques publiques. En effet, cette démarche me paraît précipitée s’agissant des deux objectifs visés : qu’est-ce que l’investissement structurant ? Est-ce que les collectivités continueront d’exister ?

Par ailleurs, une difficulté est en germe dans la spécialisation de l’impôt que vous préconisez. Si l’impôt local est spécialisé, comment justifier la péréquation au niveau national ? Celle-ci sera peu ou prou à la charge du contribuable national. Je considère aussi que la proposition de lancer une nouvelle évaluation des valeurs locatives dès 2009 n’est pas soutenable techniquement alors qu’elle est dangereuse politiquement.

J’attendais également un débat sur la DSU. La réforme de la DSU envisagée par le gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2009 aboutit à la diminution de cette dotation de 50 % d’une année sur l’autre pour les communes concernées : ce n’est plus du lissage ! Cette réforme mettrait en péril la politique de logement social mise en œuvre par les communes au cours des dernières années. C’est un manque de respect à l’égard des collectivités. J’irai même plus loin : la logique de développement des territoires de la Nation a disparu au profit d’une logique technocratique qui mène à des dérives graves.

M. Michel Bouvard. Je partage ce qui vient d’être dit. Le système est à bout de souffle et il convient de le simplifier. Une telle clarification est essentielle pour le contribuable. Au surplus, la mise en parallèle des compétences et des recettes serait propre à redonner leur autonomie aux collectivités territoriales.

Il semble difficile de se prononcer à ce jour sur le contenu d’une telle réforme, puisqu’on ignore encore comment va évoluer le schéma institutionnel région–département. Il serait cependant heureux de procéder à l’adaptation des ressources à la faveur de la redéfinition de cette architecture institutionnelle.

Néanmoins le parallélisme des compétences et des ressources pourrait générer de sérieuses difficultés, notamment à l’échelon départemental. Il signerait la seconde mort du département ! En effet, les départements étant « spécialisés » dans les politiques sociales, ils se verraient privés de toute ressource à caractère économique, c’est–à–dire des ressources les plus dynamiques. Or ceci pourrait handicaper un certain nombre de départements qui font face à des charges exorbitantes, notamment en matière d’investissements. Il s’agirait donc d’analyser les différentiels de charges d’un département à un autre, en particulier en ce qui concerne les ouvrages d’art et les infrastructures, et faire figurer cette variable en tête des critères de péréquation.

La vraie question est institutionnelle : que va–t–on faire des départements demain ? Si tant est qu’ils sont appelés à disparaître, vont-ils se dissoudre dans les régions ou s’engager dans un processus de fusion ?

J’estime cependant qu’on ne peut continuer à repousser le règlement du problème des relations entre l’État et les collectivités territoriales, d’autant que les limites budgétaires de l’État sont atteintes. Il faut avoir le courage d’aller au bout de la démarche.

M. Alain Cacheux. Je salue le caractère novateur des propositions exprimées par nos collègues et leur calendrier ambitieux. Cela fait trente ans que l’on parle de cette réforme. Le diagnostic est incontestable.

Cependant je souhaiterais faire part d’une observation. Je constate que beaucoup d’agglomérations sont passées sous le régime de la taxe professionnelle unique en 2002. Or au cours de ces dernières années, on s’aperçoit que la taxe d’habitation est sensiblement plus dynamique que la taxe professionnelle. Je reste persuadé que le processus d’« agglomérisation » du pays, si j’ose dire, est loin d’être achevé. Le renforcement des agglomérations, permis par la « loi Chevènement » et ses incitations financières, est bénéfique. Lorsque l’on pense à la Catalogne, on pense à Barcelone ; lorsque l’on pense à la Lombardie on pense à Milan. En France, ce processus de renforcement est loin d’être terminé, or il est indispensable pour se situer au niveau européen.

M. Thierry Carcenac. Les finances ne sont que la résultante de ce que l’on souhaite faire. Il faut partir des dépenses et se poser la question suivante : que veut–on pour nos concitoyens ? Or les situations sont totalement différentes selon les territoires. Il faut donc adapter la fiscalité selon les choix politiques envisagés.

Si l’on constate une augmentation des dépenses des collectivités territoriales, c’est que des transferts ont été opérés et que les territoires agissent davantage que l’État lui–même antérieurement à ces transferts, du fait des fortes attentes de nos concitoyens. Je prendrai pour exemple la mise en œuvre du RSA : le suivi des bénéficiaires va entraîner des dépenses nouvelles, bien plus élevées que celles liées au RMI. Les collectivités territoriales sont donc bien obligées d’engager des dépenses supplémentaires pour honorer les missions nouvelles dont elles sont investies.

Quant aux recettes, je constate que l’enceinte de dialogue devrait être la Conférence nationale des exécutifs. Or il n’y a en réalité aucune concertation en son sein : elle ne se réunit que pour entendre des annonces gouvernementales. Il faut une vraie Conférence nationale des exécutifs, et non un ersatz comme c’est actuellement le cas.

Je souhaiterais également aborder la question de la fiscalité, des compensations et des dotations. Je rappelle que le poids de la fiscalité a tendance à se réduire. Or, je mets en garde nos rapporteurs. Si l’on attribue un seul impôt par niveau de collectivité, on risque d’aggraver les risques de gestion du fait des fluctuations de la situation économique. Il faut faire très attention. Je ne crois pas qu’attribuer une seule ressource par niveau de collectivité soit une bonne solution.

M. Jean–Pierre Balligand. Ce n’est pas ce que l’on propose.

M. Thierry Carcenac. Je le sais. Je voudrais aussi parler du soutien à l’investissement. Je pense qu’un tel soutien est essentiel, surtout dans la situation actuelle. En effet le FCTVA permettait aux collectivités de récupérer environ 15 % des sommes investies, et ce quels que soient leur niveau et leur taille.

Quant à la péréquation, j’estime qu’il faut en faire mais qu’il faut en avoir les moyens. Au niveau départemental, sur 41 milliards d’euros de DGF, seulement 1 milliard d’euros est consacré à la péréquation et il se voit réparti entre cent départements qui tous en bénéficient. Cela ne veut plus rien dire !

En somme, il faut aller beaucoup plus loin que la réforme de l’enveloppe normée qui figure dans le projet de loi de finances. Mais il serait dangereux d’attribuer une seule ressource par niveau de collectivités, car en cas de problème économique les risques de gestion se verraient démultipliés. Et s’il s’agit de ne confier que des dépenses sociales au département, autant créer une agence !

M. Michel Bouvard. En effet. Nous rejoindrions le système allemand du Kreis, simple circonscription dotée de quelques compétences en matière sociale !

M. Charles de Courson. Je pense qu’il faut affirmer plus clairement le fondement philosophique qui anime ce rapport. On peut, en effet, soit s’inspirer d’Alexis de Tocqueville qui fait de la responsabilité des élus locaux devant leurs électeurs le fondement de la démocratie locale, soit de Mme Margaret Thatcher, qui avait pour objectif de contenir la dépense publique locale en accordant des dotations budgétaires aux collectivités territoriales et en donnant le minimum de marges de manœuvre à des élus locaux considérés comme dépensiers. Or, de nombreuses réformes adoptées depuis vingt ans, comme par exemple la suppression de la part « salaire » de la taxe professionnelle, s’inspirent implicitement de cette philosophie thatchérienne et ont conduit à limiter l’autonomie financière des collectivités territoriales. Il faut à présent proposer des réformes qui s’inscrivent résolument dans la philosophie de Tocqueville.

Par ailleurs, la réflexion sur les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales doit impérativement prendre en compte la problématique des structures et des compétences. À ce titre, je suis favorable à ce que les structures intercommunales soient érigées en communes de droit commun, les communes actuelles devenant des sections avec un consul local. On ne prélèverait pas l’impôt au niveau de l’intercommunalité. Une telle réforme a été réalisée dans l’ensemble des pays européens et cette idée commence à faire son chemin parmi nos élus, comme je le constate dans mon département. Il sera intéressant de consulter les débats de 1913 relatifs à la création de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement avait alors fait la promesse de réformer les impôts locaux. Cette réforme n’est toujours pas intervenue car beaucoup pensent qu’il n’est plus possible de transférer un nouvel impôt. Or un tel transfert est encore possible, à condition que cet impôt soit assis sur le revenu. Le transfert de la contribution sociale généralisée, qui concerne 80 % des ménages, est la solution la plus pertinente. En contrepartie, les dotations de l’État aux collectivités territoriales seraient baissées. Celles-ci représentent en effet 97 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2009, soit 55 milliards d’euros de dotations budgétaires et de prélèvements sur recettes, 22 milliards d’euros pour les dégrèvements et 20 milliards d’euros pour la fiscalité transférée. Un impôt sur la valeur ajoutée pourrait aussi remplacer la taxe professionnelle. Cependant, des collègues allemands qui ont tenté de mettre en œuvre cette réforme ont rencontré de grandes difficultés.

M. Marc Laffineur. Je travaille actuellement dans le cadre de la commission chargée des affaires européennes sur une étude comparative de la fiscalité locale dans les différents pays de l’Union européenne, pour analyser les solutions pratiquées par nos voisins.

M. Charles de Courson. Je rappelle qu’en 1996, un consensus s’était fait au comité des finances locales sur un projet de révision des bases cadastrales. Il comprenait de nombreux mécanismes d’écrêtement et étalait la réforme dans le temps. Un texte consensuel est prêt, il est temps maintenant de mettre en œuvre cette réforme. Si on met en place un système de spécialisation des impôts et qu’on transfère une fraction de contribution sociale généralisée, il est très simple de mettre en place un système de péréquation. S’agissant de la réforme du FCTVA, il faut être attentif au fait que les collectivités qui investissent sont souvent celles qui ont le plus de moyens. En outre, il ne faut pas remettre en cause l’accord obtenu à Bruxelles.

M. Marc Laffineur. Je pense qu’il est indispensable de mettre en place un système de péréquation sur les droits de mutation, tant les différences entre les départements sont importantes. Un système simple pourrait consister à verser une fraction des surplus de recettes d’un département, à un fonds de péréquation.

M. Michel Diefenbacher. Je pense qu’il faut bien cibler les objectifs de la mission d’information. Les principes d’autonomie et de responsabilité des élus locaux ont été rappelés. Néanmoins, il faut aussi être attentif à la modération des dépenses publiques. Or, on ne peut prendre en compte cette problématique sans traiter la question des compétences et des structures. La péréquation, qui est un sujet central du rapport, doit être développée de façon ambitieuse. Le fondement de la péréquation est la solidarité nationale. Je ne suis pas sûr que son renforcement à l’aide d’impôts locaux soit la technique la plus conforme à cet objectif de solidarité nationale. Par ailleurs, la création d’un impôt additionnel aux revenus n’est pas conforme au principe de spécialisation et prend à contre-pied les réformes récentes qui ont conduit à la modération des impôts sur le revenu. Enfin, s’il faut effectivement encourager l’investissement local, il convient de conserver des dispositifs de contrôle pour éviter les investissements dispendieux.

Le Président Didier Migaud. Je constate que nous sommes unanimes sur le fait que le statu quo est impossible et que nous sommes à un tournant dans les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Il est donc nécessaire aujourd’hui d’anticiper, de proposer des réformes structurelles parfois contraignantes pour les élus et de dépasser pour cela les clivages partisans. Certes, la commission des Finances traite avant tout de l’aspect financier des relations entre l’État et les collectivités territoriales, mais elle ne peut traiter cette question sans aborder le sujet de la clarification des structures et des compétences. Une mission de la commission des Lois travaille actuellement sur ce sujet.

Nous devons proposer un nouvel impôt pour remplacer la taxe professionnelle, à l’aide de simulations réalisées par la direction générale des Collectivités locales et par le ministère des Finances. Les propositions de la mission concernant le foncier industriel et la valeur ajoutée constituent une piste intéressante. La poursuite des réformes « au fil de l’eau » n’est plus possible. Il faut innover et proposer des solutions audacieuses même si elles peuvent être contraignantes, par exemple en matière d’organisation territoriale. Certaines propositions de la mission pourraient ultimement faire l’objet d’amendements au projet de loi de finances pour 2009. Je souhaite par ailleurs que la mission continue ses travaux au cours de l’année 2009.

M. Jean-Pierre Balligand. J’estime que la réforme de l’organisation territoriale doit mettre fin à la clause générale de compétence des collectivités territoriales. Il est d’une complexité extrême de permettre à toute collectivité d’intervenir dans tous les domaines. Seule la commune doit garder une compétence générale.

La situation financière de certains conseils généraux est préoccupante, particulièrement dans des départements de taille moyenne entre 200 000 et 500 000 habitants à l’horizon 2011. La mission n’a pas traité de la question des structures et des compétences car la commission des Lois est sur le point de rendre son rapport sur ce sujet. Si le département reste un élément clé de l’organisation territoriale, il faudra lui transférer une recette dynamique. Les propositions de la mission visent à donner une grille de lecture d’une réforme de la fiscalité locale. Au niveau communal, pourraient être maintenus les principaux impôts locaux. Le département et la région se verraient transférer des recettes dynamiques comme un impôt sur le revenu. Le transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers n’apparaît plus aujourd’hui satisfaisant. Le transfert ou la création de nouveaux impôts permettrait de mettre en place des mécanismes correcteurs et des objectifs ambitieux de péréquation. Les très grandes différences de ressources entre les départements ne sont pas acceptables et des mécanismes correcteurs doivent impérativement être instaurés.

M. Marc Laffineur. La mise en place d’un nouveau système de fiscalité locale permettra de proposer des mécanismes de péréquation. S’agissant de la réforme des valeurs locatives, nous ne pensons pas qu’il soit pertinent de réviser la valeur locative au moment de la vente des immeubles, car, dans de nombreuses communes, certains pourraient ne pas faire l’objet d’une mutation pendant une très longue période.

Le projet de budget pour 2009 montre qu’on est arrivé au bout d’une certaine logique. Seules 27 % des ressources des collectivités locales sont fiscales : l’autonomie financière des collectivités territoriales est donc limitée. Les débats sur la dotation de solidarité urbaine montrent qu’on ne peut se borner à apporter des modifications à la marge, mais qu’il faut mener une réforme globale, sur les relations financières, mais aussi sur les compétences et les structures.

Le Président Didier Migaud. Messieurs les Rapporteurs, nous vous remercions d’avoir clarifié les termes du débat.

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Puis, la Commission a commencé l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 et procédé, sur le rapport de M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, à l’examen des crédits du programme Météorologie et du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial. Le champ du rapport spécial que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir a considérablement évolué depuis le vote de la loi de finances initiale pour 2008.

En effet, le programme Transports aériens a été supprimé de la mission Écologie, développement et aménagement durables. Une partie des mesures financées depuis ce programme demeure dans le budget général : les lignes d’aménagement du territoire, les infrastructures aéroportuaires (37,7 millions d'euros), les moyens de fonctionnement de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ou ACNUSA), pour 1,5 million d'euros. L’autre partie des crédits de l’ancien programme Transports aériens est transférée vers le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, notamment les dépenses relatives à la gendarmerie du transport aérien et aux enquêtes conduites en cas d’accidents aériens. Sont enfin transférés vers le budget annexe les crédits des personnels du programme support de la mission Écologie développement et aménagement durables intitulé Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et qui travaillent directement dans le domaine de l’aviation civile.

L’objet de ces différentes mesures de périmètre est de rassembler dans le budget annexe les politiques qui relèvent de ce que l’on pourrait appeler le « cœur de métier » de la direction générale de l’Aviation civile, la DGAC.

Je souscris pleinement à cette démarche. Et j’irai même au-delà : selon moi, la spécificité de la DGAC, à la fois technique, administrative, et financière, pourrait justifier l’évolution de cette direction d’administration centrale vers un statut d’établissement public. Je souhaite inviter le Gouvernement à engager une réflexion à ce sujet. Je déposerai d’ailleurs un amendement tendant à demander au Gouvernement la remise d’un rapport dans la perspective de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Une telle évolution statutaire s’inscrirait dans le cadre communautaire, qui promeut une plus grande coopération entre les services nationaux de navigation aérienne.

L’évolution de la maquette budgétaire explique un peu plus de la moitié de la croissance du volume du budget annexe, qui passe de 1,7 milliard d’euros en 2008 à 1,9 milliard en 2009. Le plan d’investissement triennal de 200 millions d’euros constitue un autre élément d’explication.

Enfin, les besoins en crédits de personnel augmentent de près de 10 %. Si la hausse du taux de cotisation au compte d’affectation spéciale Pensions (51 % en 2009) explique partiellement cette évolution, il faut savoir que la gestion des relations sociales repose à la DGAC sur un dispositif particulier, les protocoles triennaux. La Cour des comptes a eu l’occasion de dénoncer assez sévèrement ce mécanisme dérogatoire et coûteux, dont les mesures catégorielles sont particulièrement favorables à certains corps d’ingénieurs.

Le budget annexe devant être voté en équilibre, ses recettes vont donc augmenter sensiblement. Je rappelle qu’il est financé, pour l’essentiel, par quatre types de recettes : les redevances de navigation aérienne, les redevances de surveillance et de certification, le recours à l’emprunt, et l’affectation d’une partie de la taxe de l’aviation civile – ou TAC.

L’évolution de la TAC est la plus marquante, puisque la part de cette taxe affectée au budget annexe passerait à 82 %, contre environ 53 % en 2008. Le surplus de TAC permettra au budget annexe de financer les quelque 108 millions de dépenses supplémentaires induits par l’évolution de la maquette budgétaire décrite précédemment.

Les dépenses du budget annexe sont ventilées en quatre programmes, ainsi que l’indique la note de présentation qui vous a été distribuée. Je me félicite du transfert vers le programme Formation aéronautique de la quasi-totalité des dépenses de formation de la mission, ce qui, curieusement, n’était pas le cas jusqu’à l’adoption l’année dernière d’un amendement déposé par mes soins.

Le programme Météorologie reste donc le seul programme du budget général dans le champ de mon rapport spécial.

Météo France s’est engagé dans une réforme bienvenue de son organisation territoriale. L’établissement compte aujourd’hui 7 directions interrégionales, 93 centres départementaux et 14 stations spécialisées. Son réseau devrait évoluer vers une quarantaine de sites, sur le principe d’un renforcement de l’échelon zonal (interrégional) et d’une concentration de l’échelon départemental. Les zones météorologiques spécifiques (montagne, outre-mer, Corse) conserveront des implantations dédiées. Je pense toutefois que le calendrier de la réforme, étalé sur plusieurs années, pourrait être accéléré.

Au-delà des questions budgétaires, je souhaiterais me livrer à un rapide tour d’horizon du secteur aérien et aéronautique. Je précise que le secteur aéronautique est l’un des secteurs dans lesquels la France est la plus performante :

– Airbus est co-leader de la production d’avions ;

– SAFRAN, allié à l’Américain General Electric, fait partie des meilleurs motoristes ;

– nous disposons de plateformes aéroportuaires performantes, notamment en région parisienne. Toutefois, notre atout géographique est sous-exploité parce que la France n’a pas su s’adapter au développement des compagnies low cost. Or, d’ici cinq ans, 35 % du trafic européen sera assuré par ces compagnies. Il faut y voir une chance pour nos plateformes aéroportuaires régionales.

Aujourd’hui, la question essentielle est celle de l’impact sur ce secteur du contexte économique défavorable, marqué par l’augmentation du prix du pétrole et le ralentissement qui frappe l’Europe et l’Amérique du Nord. Si le trafic est demeuré dynamique en 2007 (+ 5,3 %), les premiers résultats de l’année 2008 témoignent d’un fléchissement du rythme de croissance. Depuis le début de l’année, 25 compagnies aériennes ont fait faillite. Air France-KLM fait partie de celles qui résistent le mieux aux difficultés, même si la croissance des bénéfices tend à se ralentir.

En ce qui concerne le secteur aéronautique, je m’arrêterai simplement sur EADS. Le groupe a vu ses résultats pénalisés par les difficultés d’Airbus, tenant notamment aux problèmes persistants dans l’industrialisation de l’A380. L’avionneur poursuit donc le développement de son plan de restructuration, baptisé Power Eight.

La Cour des comptes a publié en juillet dernier un rapport public thématique consacré au secteur aéroportuaire. Elle y adresse un certain nombre de critiques à Aéroports de Paris. Je souscris à l’idée selon laquelle ADP bénéficie d’un niveau de redevances aéroportuaires assez favorable. Il faut en revanche relever les efforts de la société en matière de qualité de service. Pour l’heure, ADP poursuit sa croissance en dépit du ralentissement économique.

Plus globalement, la stratégie aéroportuaire française devrait être repensée :

– le réseau territorial est trop éclaté, un certain nombre de structures n’atteignant pas de masse critique ;

– l’implantation des compagnies low cost devrait être encouragée, notamment via la modulation des redevances aéroportuaires en fonction du service effectivement rendu.

Concernant la sûreté aéroportuaire, je souhaite une nouvelle fois appeler votre attention sur le coût excessif (près de 600 millions d’euros prévus en 2008) de mesures dont l’efficacité est très incertaine, pour ne pas dire « dont l’inefficacité est certaine ». J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le prouver.

Je terminerai par les questions environnementales, qui prennent une place croissante dans le secteur aérien, notamment à la suite du Grenelle de l’environnement.

En matière de nuisances sonores, il faut se féliciter de la réforme de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (ou TNSA) ; désormais, son produit permet de couvrir les besoins en travaux d’insonorisation à proximité des aéroports.

En matière de pollution atmosphérique, je souhaite rappeler ici ma préférence pour la mise sous quotas des émissions de dioxyde de carbone. La taxation du kérosène, aujourd’hui exonéré en application de la convention de Chicago du 7 décembre 1944, est parfois présentée comme une alternative. Elle aboutirait à alourdir les charges pesant sur les transporteurs, et in fine sur les passagers ; alors que, je le rappelle, le transport aérien génère seulement 3 % des émissions totales de CO2, ce qui ne saurait toutefois l’exonérer de ses devoirs en matière de sauvegarde de l’environnement.

M. Jean-Louis Dumont. Pourriez-vous revenir sur l’inefficacité des mesures de sûreté, que vous dénoncez ?

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial. J’ai fait faire des tests par des journalistes de l’émission Capital pour évaluer l’efficacité des dispositifs de sûreté dispendieux installés dans les aéroports, depuis les attentats du 11 septembre 2001 notamment. Or, il est apparu que ces dispositifs ne sont pas très fiables. Nous sommes victimes de la logique préventive américaine. Les États-Unis dépensent eux-mêmes quatre milliards de dollars pour la sûreté aéroportuaire.

M. Jean-Louis Dumont. Compte tenu de l’incident récent ayant impliqué l’avion du Premier ministre, qui a été près de croiser la route d’un appareil de tourisme, pourriez-vous nous préciser quel est le degré de risque pour deux avions d’entrer en collision ?

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial. Le risque est très faible car le contrôle aérien repose sur des mécanismes automatiques permettant d’éviter les collisions.

En matière de régulation du trafic, je souhaite attirer votre attention sur la question de l’occupation de l’espace aérien par les militaires pour leurs entraînements dans certaines zones, en particulier dans l’est de la France où les corridors du trafic civil sont en conséquence rétrécis. Je pense qu’il faudrait amener les contrôleurs aériens militaires et civils à travailler de concert pour optimiser l’utilisation de l’espace dans ces zones.

Le Rapporteur spécial a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme Météorologie, sur lesquels la Commission se prononcera le 15 octobre 2008 avec l’ensemble des crédits de la mission Écologie, développement et aménagement durables.

Suivant l’avis du Rapporteur spécial, la Commission a enfin adopté les crédits du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu, en application de l’article 12 de la LOLF, un décret de transfert de 1 500 000 euros en autorisations d’engagement et de 2 000 000 euros en crédits de paiement en provenance du programme n° 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire de la mission Politique des territoires au profit du programme n° 175 Patrimoines de la mission Culture.

Ce décret de transfert consiste à permettre le cofinancement par le fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) du plan de conservation et de mise en valeur du patrimoine antique, dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par la direction régionale des affaires culturelles de la région Provence Alpes Côte d’Azur.

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