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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mardi 14 octobre 2008

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Examen du projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie (n° 1156) (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)

La Commission examine le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie (n°1156), sur le rapport de M. Gilles Carrez, rapporteur général.

M. le président Didier Migaud. Nous sommes saisis, en urgence, d’un projet de loi de finances rectificative un peu particulier, puisqu’il s’intitule « pour le financement de l’économie ». Si le texte fait rapidement le point sur l’évolution économique et budgétaire et propose en conséquence des ajustements quant à l’équilibre général du budget, il a pour objet principal de proposer des mesures de garantie au secteur financier pour faire face à la crise internationale et à l’urgence à laquelle nous sommes confrontés. En nous présentant ce projet, le Gouvernement répond à l’exigence imposée par la LOLF selon laquelle la garantie de l’Etat ne peut être octroyée que par une loi de finances.

Le débat portera donc essentiellement sur l’article 6, où figurent les mesures de garantie qui sont en quelque sorte l’application, au niveau national, des décisions prises au cours des réunions du G7 et de l’Eurogroupe il y a quelques jours. Elles consistent à refinancer les activités des établissements de crédit par deux moyens : l’apport direct de liquidités par une société de refinancement, et la garantie apportée par l’État aux prêts interbancaires. Elles consistent aussi à apporter la garantie de l’État aux financements levés par une société dont l’État serait l’unique actionnaire et qui entrerait dans le capital d’un organisme financier.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Conformément à la LOLF, les mesures qui nous sont présentées doivent s’inscrire dans un projet de loi de finances. Le texte comprend donc deux parties distinctes : les cinq premiers articles qui actualisent les prévisions budgétaires, et l’article 6, véhicule des mesures qui tendent à réintroduire des liquidités sur les marchés, notamment bancaires, par la garantie de l’État.

L’article 1er tend à ratifier deux décrets relatifs à la rémunération de services rendus par l’État.

L’article 2 ne fait qu’inscrire dans la loi les prévisions révisées pour 2008 présentées dans le projet de loi de finances pour 2009. Je souligne que le tableau général d’équilibre du budget qu’il nous est proposé d’adopter reprend exactement les prévisions exposées par le ministre du budget il y trois semaines. Il y figure donc une moins-value de 5 milliards de recettes fiscales nettes – qui s’explique par différents facteurs, comme la baisse de près de 3 milliards du produit de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés ; l’augmentation de 4 milliards de la charge de la dette – accroissement dû au fait que 20 % de la dette en OAT sont indexés sur l’inflation ; des mouvements, en plus ou en moins, sur les comptes spéciaux par rapport à la loi de finances initiale. Il en résulte que le déficit, prévu à hauteur de 41,7 milliards dans la loi de finances initiale, est estimé maintenant à 49,4 milliards.

L’article 3 tend à ouvrir des crédits supplémentaires au budget général, notamment pour couvrir l’augmentation du coût de la dette, d’une part pour la mission « Remboursements et dégrèvements », d’autre part pour le programme « Charge de la dette » de la mission « Engagements financiers de l’État ».

L’article 4 prévoit des annulations de crédits sur les comptes spéciaux, notamment pour tirer les conséquences du report à 2009 d’un prêt consenti à la Côte d’ivoire. Il en résulte une économie temporaire de 0,5 milliard.

L’article 5 propose de ratifier le décret d’avance du 27 juin 2008. Les ouvertures de crédits concernent les aides aux pêcheurs, les mesures en faveur de l’hébergement d’urgence et les moyens en personnel pour le secrétariat d’État chargé du « Grand Paris ». Un autre décret d’avance est en préparation, qui n’entre pas dans ce cadre.

Je le répète, les chiffres énoncés dans le texte reprennent strictement ceux qui nous ont été présentés fin septembre par le ministre de l’économie et le ministre du budget.

M. le président Didier Migaud. Mais ils peuvent ne pas être ceux du prochain collectif, car il n’est pas impossible…

M. le rapporteur général. … que les recettes dépassent ce qui est prévu ?

M. le président Didier Migaud. Je vois là une nouvelle preuve, monsieur le rapporteur général, que vous êtes un optimiste,

M. Jérôme Cahuzac. Littéralement euphorique !

M. le président Didier Migaud. …mais il se peut que le produit de l’impôt que les sociétés ne corresponde pas exactement à ce que l’on attendait.

M. Charles de Courson. Y aura t’il un collectif budgétaire de fin d’année ?

M. le rapporteur général. Oui. Il faudra ratifier le décret d’avance actuellement en préparation. Je peux vous dire qu’il contiendra des dispositions relatives à la fraude fiscale.

M. Charles de Courson. Une loi de finances n’était pas nécessaire pour voter l’article 6.

M. Michel Bouvard. Si, puisqu’il prévoit une garantie de l’État.

M. le rapporteur général. La loi organique relative aux lois de finances impose dans ce cas l’autorisation du Parlement à travers une loi de finances.

M. François Goulard. Les ajustements des dépenses et des recettes pour 2008 n’auraient-ils pas varié depuis trois semaines ?

M. le rapporteur général. Il y aura un vrai collectif en fin d’année!

M. le président Didier Migaud. Il faut dire à la décharge du Gouvernement que cela représente un travail considérable.

M. le rapporteur général. L’article 6 met en place trois dispositifs.

Il crée d’abord une société de refinancement chargée de lever des fonds sur les marchés financiers via l’émission d’obligations garanties par l’État à hauteur 320 milliards d’euros. Le produit de ces émissions obligataires lui permettra de prêter aux banques sur la base de conventions entre l’État et ces établissements. Bien entendu, ces prêts seront rémunérés. Les actifs de ces banques serviront de contreparties aux prêts consentis par cette société de refinancement, dans une mesure plus large que dans le dispositif actuel de refinancement des établissements bancaires par les banques centrales. Ainsi, en France, la banque centrale n’accepte comme collatéraux les prêts aux collectivités locales et les prêts aux entreprises que pour une certaine proportion. De plus, conformément à une demande des banques, soucieuses de visibilité en ce qui concerne leur refinancement, la durée des prêts consentis aux établissements pourra être de cinq ans, au lieu de six mois s’agissant du refinancement par la banque centrale.

Nos interrogations portent surtout sur le fonctionnement de cette société de refinancement, le texte ne faisant que prévoir des statuts agréés par le ministère de l’économie et la présence d’un commissaire au Gouvernement avec droit de veto. Lors de la réunion qui a eu lieu hier soir sous l’égide de M. le Premier ministre et en présence de Mme Lagarde, nous avons souligné la nécessité d’une forte représentation de l’État : celui-ci pourrait être représenté au conseil d’administration de la nouvelle société.

Il faut également éviter que les fonds levés ne soient considérés comme de la dette selon les critères de Maastricht, ce qui est un risque si l’État est majoritaire dans cette société. Même si les fonds levés n’atteignaient que quelques dizaines de milliards, cela poserait un problème.

En outre, cette structure, qui permet de reconstituer une sorte de marché interbancaire, n’a d’intérêt que si les banques sont associées à sa gestion, contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni – la Barclays, qui a pourtant des problèmes, a refusé de se retrouver dans la même situation que la RBS. De surcroît, nous demandons la création d’une minorité de blocage au bénéfice de l’État.

Mais ces précisions n’ont pas forcément à être inscrites dès maintenant dans le texte. Il convient de plus d’être indulgent, ce texte ayant été rédigé dans l’urgence.

Le deuxième aspect est la création d’une structure qui permettra, comme la première, de lever des financements, avec la garantie de l’État, mais pour prendre des participations en fonds propres ou quasi-fonds propres.

De fait, il convient de pouvoir intervenir en fonds propres dans des cas tels que celui de Dexia. Surtout, étant donné que certains pays, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne, sont montés fortement au capital de certaines grandes banques, le taux de fonds propres des banques françaises risque d’être, même s’il satisfait aux règles de Bâle, inférieur à celui d’autres établissements concurrents – 8 % contre 10 ou 11 %. Ces interventions pourraient prendre la forme de prêts subordonnés ou des formules de quasi-fonds propres plutôt que celle d’un noyau dur de fonds propres.

Le texte prévoit en outre que « la garantie de l’État peut être accordée aux financements levés par une société dont l’État est l’unique actionnaire, ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres réglementaires ». Cette mesure est assortie d’un sous-plafond de 40 milliards d’euros.

Les mesures concernant Dexia ont été annoncées la semaine dernière par le Premier ministre. Outre la recapitalisation de Dexia, se pose le problème de la garantie qui pourrait être apportée à d’autres refinancements. Je précise à cet égard que la formule adoptée par la France, dans laquelle les fonds seront levés, avec la garantie de l’État, par une structure qui les prêtera en refinancement aux banques, est préférable à la garantie directe des refinancements bancaires qu’ont choisie d’autres États. Nous pouvons ainsi espérer que, le refinancement par cette société étant plus coûteux, les banques n’y recourront qu’en tant que de besoin et utiliseront les moyens normaux – les banques centrales, puis le crédit interbancaire – dès que la confiance sera revenue. La sortie d’un tel dispositif est plus facile que celle d’un dispositif où l’État garantit la totalité des refinancements.

Pour Dexia, la garantie directe de l’État au refinancement est appréciée jusqu’au 31 octobre 2009 et serait de l’ordre de 50 à 55 milliards d’euros. Ce montant est inclus dans l’enveloppe de 320 milliards d’euros.

Le texte prévoit une évaluation périodique de ces mesures, avec un rapport trimestriel au Parlement. Les parlementaires doivent être étroitement associés à ce mécanisme, mais plutôt dans le cadre d’un comité de suivi qu’au sein du conseil d’administration, dont le travail très technique n’est pas le leur – ainsi, le conseil d’administration va examiner la qualité des différents actifs apportés par les banques en contrepartie des refinancements. Nous devrons en revanche veiller à la transparence du dispositif et à l’équité de l’accès à ces refinancements – ce qui ne signifie pas pour autant que les banques doivent toutes avoir les mêmes conditions de refinancement, car ce n’était pas le cas avant la crise. La difficulté est notamment de recréer un marché lié à la qualité des actifs apportés en garantie.

M. le président Didier Migaud. Chers collègues, si certaines précisions sont nécessaires de la part de la ministre de l’économie et des finances, je vous suggère de ne pas déposer d’amendements sur ce texte. Le rapporteur général et moi-même devrons assurer le suivi de ce dispositif et vous en rendre compte périodiquement.

M. Jérôme Cahuzac. Dans l’article 6, on peut penser que le montant de 320 milliards d’euros correspondant à la première société est un plafond qui ne sera pas nécessairement atteint si, comme il le semble, le plan proposé est bien calibré et si la confiance se rétablit entre les établissements bancaires. Il ne s’agit donc pour l’État, j’y insiste, d’émettre du papier qu’en tant que de besoin et après appréciation de ces besoins.

Pour ce qui est de la deuxième société, la présence de l’État et du Parlement doit être forte. Le rôle du Parlement doit être de contrôle.

M. le rapporteur général. Je rappelle que cette seconde société, qui interviendrait en capital, a l’État pour actionnaire unique.

M. Jérôme Cahuzac. Je suppose en outre que certains de ces dispositifs pourraient, le cas échéant, être amendés ou précisés lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009.

M. le rapporteur général. Tout à fait.

M. Charles de Courson. Je tiens tout d’abord à féliciter le Gouvernement de ne pas avoir procédé comme l’ont fait les États-Unis avec le plan Paulson, car la création d’une structure de cantonnement avec des actifs illiquides oblige à provisionner dans le monde entier, ce qui n’est pas sans risques.

M. le président Didier Migaud. Ce n’est pas exact, car des ajustements ont été apportés à ce plan.

M. Charles de Courson. Sur le fond, je poserai six questions.

Quel est, tout d’abord, le régime juridique des deux sociétés qui vont être créées ? La question est claire pour la société de prises de participation, qui est publique à 100 % – et qui n’est peut-être nécessaire, d’ailleurs, qu’à cause des critères maastrichtiens, car l’État pourrait participer directement. Pour la comptabilité nationale, cette société sera-t-elle considérée comme une société quasi-société, ou SQS, ou comme faisant partie du secteur public, ce qui aurait une incidence sur les critères maastrichtiens de la dette ?

J’observe que la deuxième société, qui bénéficiera de la garantie de l’État n’existe pas encore, ce qui doit inviter à la prudence. Cette société ne serait pas publique – la majorité des capitaux seraient privés –, mais des pouvoirs particuliers sont prévus.

M. le rapporteur général. Il n’est pas question de mettre en place une structure de défaisance comparable à celle que crée le plan Paulson. En contrepartie des refinancements, les banques apporteront des garanties constituées par leurs meilleurs actifs. D’autre part, le transfert de propriété de ces actifs n’interviendrait que s’il fallait faire jouer la garantie.

Par ailleurs, la société de prise de participation de l’État, qui a déjà été utilisée pour Dexia, est constituée sous forme de société commerciale pour des raisons de souplesse mais n’a comme unique actionnaire que l’État. La société de refinancement, elle, devrait être une société de droit commercial et, pour des raisons de comptabilité maastrichtienne, sans participation majoritaire de l’État.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas très clair. Il faudrait préciser quelle est la société dont l’État est unique actionnaire.

Ensuite, ne serait-il pas préférable d’ériger trois plafonds, au lieu d’un seul de 360 milliards : l’un de 265 milliards pour la société de refinancement, un autre de 55 milliards pour Dexia et le dernier de 40 milliards pour la SPPE ? En l’état actuel en effet, ces crédits sont fongibles alors qu’il s’agit de trois garanties de nature différente. Par ailleurs, peut-on savoir comment ces plafonds ont été déterminés ? Ne correspondent-ils pas plus à un pourcentage de notre PIB qu’à des montants réels ?

M. le rapporteur général. Ils correspondent aux besoins de refinancement des banques à un horizon de deux ans – sauf pour Dexia. Mais il est vrai que le pourcentage par rapport au PIB est grosso modo le même parmi les pays européens, puisque nos banques, engluées dans la même crise, ont des besoins de refinancement semblables. Par ailleurs, instaurer un unique plafond de 360 milliards a paru préférable non seulement pour des raisons politiques, mais parce que chaque composante n’est pas vraiment fixée. Les crédits consacrés à Dexia, par exemple, pourraient être moins importants que prévu. On a taillé large, pour ne pas avoir à y revenir et pour se donner de la souplesse entre les trois composantes.

J’ajoute, à propos du refinancement, que l’État aura aussi la faculté d’apporter sa garantie directement, sans passer par la société de refinancement. Cette solution, préférée par certains pays, me paraît toutefois moins bonne parce qu’il est plus difficile d’en sortir et qu’elle ne s’insère pas bien dans le dispositif de refinancement « normal », qui doit rester prioritaire, de la Banque centrale européenne et du crédit interbancaire.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement peut passer par un autre biais que la société de refinancement ?

M. le rapporteur général. Selon l’article 6, « le ministre chargé de l’économie peut exceptionnellement décider, notamment en cas d’urgence, d’apporter la garantie de l’État, à titre onéreux, aux titres émis par les établissements de crédit, à condition que l’État bénéficie de sûretés conférant une garantie équivalente à celle dont bénéficie la société de refinancement ». Mais ce système est moins bien balisé que celui de la société de refinancement, qui permet d’identifier clairement les actifs qui sont apportés en garantie.

M. Jérôme Chartier. Un refinancement, c’est payant : il y a une rémunération de la mise à disposition des fonds. Mais à quelle hauteur ? Si la commission est élevée, elle aura un effet dissuasif.

M. le rapporteur général. Notre but est d’augmenter les liquidités. La commission ne doit donc pas être telle que le système ne soit pas utilisé, mais elle doit être au moins égale au coût de la ressource sur le marché financier. Il ne s’agit pas de faire des cadeaux aux banques.

M. Daniel Garrigue. La Banque centrale européenne ne peut intervenir que pour certaines catégories de titres. Le dispositif mis en place permet-il de prendre en compte les autres catégories ? Y a-t-il une réflexion sur une évolution du rôle de la BCE ?

M. le rapporteur général. Le Gouverneur de la Banque centrale, M. Christian Noyer, a indiqué qu’il est en train de réfléchir à un élargissement de la définition des actifs que la Banque centrale peut accepter et à un allongement des durées.

M. le président Didier Migaud. Elle va sans doute atteindre plus systématiquement les six mois, mais, à plus long terme, ce sont les sociétés de refinancement qui doivent prendre le relais.

M. Charles de Courson. Autre question : quelle incidence aura le dispositif sur le marché de l’épargne ? Supposons qu’on atteigne le plafond prévu et qu’on lève 130 milliards par an pendant deux ans : le marché de l’épargne intérieure n’étant pas extensible, cela risque de créer de fortes tensions.

M. François Goulard. Vous présupposez que l’intégralité des refinancements soient adossés à des obligations. Techniquement, c’est à peu près impossible car les obligations sont des produits à horizon long alors que les refinancements seront plutôt courts. Mais surtout, est-on sûr que la nouvelle société va gérer son risque de manière totalement prudentielle en ayant un excédent de ressources stables ? Car elle pourrait agir plutôt comme une banque, en assurant une partie de ses ressources par des emprunts à court terme qui lui permettraient non seulement de s’ajuster plus facilement, mais aussi de procéder à une transformation – puisqu’elle bénéficie de la garantie de l’État. Quid du management de cette société entre l’actif et le passif ?

M. le rapporteur général. Je ne peux pas répondre à cette question, mais je préfère la deuxième approche.

M. Charles de Courson. L’article 6 semble donner à l’État une garantie de « super premier rang ». Comment peut-on créer une garantie rétroactive sur des titres antérieurs ?

M. François Goulard. La cession de créances est le fondement du droit bancaire.

M. le rapporteur général. Il est prévu que les établissements passent une convention avec l’État, qui fixe les contreparties accordées en termes de garanties et qui précise leurs engagements quant à des règles éthiques conformes à l’intérêt général.

Je pense que cette convention contiendra également des précisions supplémentaires sur les actifs. Nous avons demandé hier soir à être associés à son élaboration.

M. François Goulard. Si la société a la qualité d’établissement de crédit, la question du transfert de créances et de la garantie n’en est pas une car on est dans le droit commun du fonctionnement des établissements financiers : quand on titrise ou quand on fait de l’escompte, on transfère des droits à un autre établissement. La vraie question, c’est celle de la qualité des créances mobilisées. Ce dernier terme est d’ailleurs assez imprécis  car il est normalement employé au sujet de la mobilisation auprès d’une banque centrale ; il n’a pas de définition juridique concernant un agent de droit commun tel que cette société. On peut néanmoins penser qu’il faut l’entendre dans le même sens.

Prenons le cas des créances hypothécaires, comme les subprimes : le seul problème, c’est que la valeur des biens immobiliers a été surestimée par rapport au marché du moment. En conséquence, les hypothèques sont une fausse garantie.

Quant au verdict des agences de notation, auquel il est fait référence à l’alinéa 14 de l’article 6, la crise actuelle a bien montré qu’il ne pouvait pas être considéré comme parole d’évangile. Et la cotation Banque de France peut être beaucoup plus exigeante. Je crains donc qu’on fasse prendre à l’établissement des risques non négligeables.

M. le rapporteur général. C’est pourquoi l’on a besoin de la garantie de l’État.

M. François Goulard. L’État garantit alors l’activité bancaire.

M. le rapporteur général. Il ne s’agit pas pour autant d’actifs « pourris ». Les crédits hypothécaires en France ne sont pas des subprimes

M. le président Didier Migaud. Je ne crois pas qu’on puisse comparer les pratiques bancaires américaines et françaises en matière de prêts immobiliers.

M. Charles de Courson. Si j’ai bien compris, il y aura une convention entre la société de refinancement et la banque.

M. le rapporteur général. Non, directement entre l’État et la banque.

M. François Goulard. C’est curieux…

M. Charles de Courson. S’il y avait une convention entre la société et la banque, il n’y aurait pas besoin de l’alinéa 9. Mais si ce n’est pas le cas, comment les choses vont-elles se passer ?

M. le rapporteur général. L’objectif est de laisser le marché se reconstituer petit à petit. La société de refinancement va apprécier la qualité des différentes catégories d’actifs qui lui sont apportés, transformer le produit de ses émissions d’obligations en refinancement, ajuster les problèmes de durée. Par ailleurs, un cadre fixé par une convention entre les banques et l’État aboutira à des règles générales. Actuellement, pour le financement au jour le jour, il n’existe pas de convention.

M. François Goulard. Si, la convention de place, signée établissement par établissement avec la banque centrale.

M. le rapporteur général. Certes, mais ce type de convention ne contient pas de clauses interdisant le rachat d’actions par l’entreprise elle-même ou le financement de parachutes dorés…

M. François Goulard. Bien sûr.

M. le rapporteur général. La convention avec l’État apportera des garanties quant à la bonne utilisation des fonds, au bénéfice de l’économie.

M. François Goulard. En tant que contrôleurs de l’action de l’État et de l’utilisation des deniers publics, nous devons veiller à ce que deux risques importants soient évités. Le premier porte sur les garanties des créances mobilisées : il faudra que la société de refinancement – qui aujourd’hui n’existe pas – s’organise pour pouvoir examiner sérieusement ces créances. En second lieu, il faudra qu’elle soit très regardante sur la qualité des établissements financiers qui ont accès à ce refinancement.

M. le rapporteur général. Je suis tout à fait d’accord.

M. Hervé Mariton. Pour pouvoir faire cela, il faudra une entité de taille assez considérable. Nous sommes en fait en train de décrire un objet dont l’une des vertus est d’élargir le champ d’intervention de la banque centrale. Une partie des compétences qu’on lui demande de développer existe aujourd’hui, mais au sein de la Banque de France. Se pose dès lors un problème de partage entre les deux.

Par ailleurs, quid de la garantie interbancaire ?

M. le rapporteur général. Elle figure au B du II de l’article 6.

M. François Goulard. Par rapport au système britannique, nous avons ceinture et bretelles, c’est-à-dire un double mécanisme de sécurité : à la possibilité d’une garantie directe des échanges entre les établissements de crédit sur le marché interbancaire – à titre exceptionnel, en cas d’urgence –, s’ajoute un dispositif permanent qui complète les mobilisations traditionnelles auprès de la banque centrale, tout en ayant des effets économiques très différents. Ainsi, quand il y a mobilisation auprès de la banque centrale, on peut considérer qu’il y a création monétaire, sans ponction sur l’épargne ; en revanche, avec la société de refinancement, on prend des financements d’un côté pour les affecter de l’autre. Il y a là un vrai problème de politique monétaire.

Mme Marie-Anne Montchamp. Il faudra transcrire les règles d’application de la convention, à la fois auprès d’une autorité telle que la Commission bancaire et dans les mécanismes de contrôle interne des banques. Je m’interroge sur la manière dont on veillera au respect de l’engagement moral que constitue cette convention.

M. le rapporteur général. L’alinéa 17 de l’article 6 place la société de refinancement sous le contrôle de la Commission bancaire. Par ailleurs, la convention fixera des règles quant à l’utilisation des fonds et au comportement des dirigeants.

M. François Goulard. Le seul moyen de faire fonctionner une telle société sera d’établir une convention avec la Banque de France. C’est la seule structure française qui dispose aujourd’hui des compétences nécessaires, même si ses équipes sont moins étoffées qu’autrefois, du fait de la création de la Banque centrale européenne.

Sur le fond, il existe deux possibilités d’intervention : soit la solution britannique, qui repose sur l’octroi d’une garantie maximale pour une durée limitée ; soit le mécanisme français, beaucoup plus pérenne et donc plus interventionniste. Il me semble qu’il y a aujourd’hui une volonté du Gouvernement français d’intervenir de façon durable dans le fonctionnement des marchés interbancaires.

M. Richard Dell’Agnola. Ma question porte sur le respect des critères de Maastricht. Il existe, certes, un plafond, dont on peut espérer qu’il ne sera pas atteint, mais il y a aussi la possibilité d’une plus grande coordination européenne : on pourrait envisager que d’autres États participent à ces mécanismes, et que la France fasse de même chez nos voisins.

M. le rapporteur général. Dans la situation actuelle, nous sommes bien obligés de consentir quelques entorses aux règles communautaires, notamment en matière d’aides directes d’État.

Il n’y a pas création de dette quand l’État apporte une garantie ; en revanche, lorsqu’il intervient directement en prenant des participations, comme c’est le cas en Grande-Bretagne, il peut avoir besoin de s’endetter. Cette dette doit naturellement être prise en compte au sens maastrichtien du terme.

Toutefois, il y a dette et dette : une dette assortie de contreparties consistant en des actifs bien identifiés n’est pas de même nature qu’une dette budgétaire, dont une large part aurait servi à payer des dépenses de personnel. Il faudra probablement prendre en considération la qualité de la dette.

M. Gérard Bapt. Comme le rapporteur général l’a indiqué, l’objectif n’est pas de faire des cadeaux aux banquiers, mais de sauver le système bancaire. Or les établissements qui bénéficieront de la garantie de l’État bénéficieront aussi d’une amélioration de leur notation financière. C’est donc un cadeau qui leur est fait !

M. François Goulard. La garantie de l’État augmentera seulement leur possibilité de consentir des crédits, mais elle n’améliorera pas leur notation.

M. le rapporteur général. J’ajoute que la garantie de l’État ne porte pas sur les engagements propres des banques, mais sur les émissions de la société que nous allons créer.

M. Charles de Courson. Le montant des garanties est extrêmement important, puisqu’il représente à peu près les dépenses brutes annuelles de l’État. Mais quid du contrôle parlementaire ? Il est prévu qu’un rapport soit remis tous les trimestres, mais cela me semble un peu léger.

Il faut distinguer trois cas.

S’agissant de la garantie à Dexia, nous pourrons auditionner les responsables sans qu’il soit besoin d’un texte. Encore faudra-t-il faire preuve de constance dans notre volonté de contrôle.

La question posée par la société de refinancement est plus délicate, car il s’agira vraisemblablement d’une société de droit privé, dans laquelle l’État aura une participation. Dans ces conditions, ne pourrions-nous pas constituer un groupe de suivi ad hoc, au sein duquel tous les groupes politiques seraient représentés, et qui pourrait être créé en commun avec le Sénat ?

Il faut aussi s’interroger sur le contrôle que nous exercerons sur la société de participations publiques.

Ce qui nous est proposé dans le texte étant un peu maigre, nous devons prendre des initiatives pour exercer effectivement le contrôle parlementaire que nous devons à nos mandants.

M. le rapporteur général. Nous pourrons en effet réfléchir à un renforcement du contrôle parlementaire, notamment par l’intermédiaire d’un comité de suivi.

M. Charles de Courson. La société de refinancement devant être de droit privé, je demande si notre rapporteur spécial pourra y exercer des contrôles. Le texte prévoit l’existence d’un commissaire du Gouvernement, mais je n’ai pas l’impression que l’on ait songé au Parlement.

M. le président Didier Migaud. À partir du moment où l’État apporte sa caution, il me semble que le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux pourront exercer leurs pouvoirs de contrôle.

M. Charles de Courson. Au risque de vous contredire, je rappelle que l’on peut seulement demander un compte d’emploi quand l’État accorde sa garantie. La Cour des comptes s’est déjà heurtée à ce type de problème.

M. le président Didier Migaud. Je rappelle que ce dispositif figure dans une loi de finances et que la LOLF évoque ce type de situation. Il me semble donc que nous avons les moyens d’agir sans disposition législative supplémentaire. Plus que les textes, c’est la volonté d’aller jusqu’au bout du contrôle qui importe. Tout dépend du dialogue qui s’instaure.

M. François Goulard. Souvenons-nous tout de même du précédent de la Banque de France : il a fallu beaucoup de temps à la Cour des comptes pour exercer un minimum de contrôle. Nous avons besoin de garantir notre capacité d’action.

M. le rapporteur général. Je propose que nous en débattions cet après-midi.

M. le président Didier Migaud. Il faudra veiller à ne pas donner l’impression que les textes en vigueur limitent nos facultés de contrôle. Faisons attention. Tant que nous n’avons pas exercé un contrôle, il est impossible d’en connaître les limites.

M. Charles de Courson. La société de participation ne pose pas de difficulté particulière, puisqu’elle sera publique. La société de refinancement sera en revanche de droit privé, et le groupe Dexia est soumis au droit belge, avec une participation minoritaire de la France.

J’aimerais par ailleurs savoir si la société de participations pourra apporter une dotation à la société de refinancement pour le compte de l’État. En effet, le texte ne lui interdit pas de s’endetter.

M. le rapporteur général. Si nous créons deux sociétés, c’est qu’il y a deux missions distinctes.

M. Charles de Courson. J’aimerais toutefois savoir d’où les capitaux viendront. L’État les apportera-t-il au titre du budget, ou bien à partir de la société de participation ?

M. le rapporteur général. La société de refinancement lèvera des fonds sur les marchés avec la garantie de l’État, comme le fera également la société de participation.

M. Charles de Courson. Mais quid du capital ?

M. le rapporteur général. Il y aura une dotation de l’État à partir du compte de participation.

M. Charles de Courson. Notre rapporteur général pourrait-il nous en dire davantage à propos des conséquences sur les critères maastrichtiens, en particulier sur celui relatif à l’endettement ?

M. le rapporteur général. Dès lors que l’État est minoritaire dans le capital de la société commerciale, la mobilisation des fonds garantis ne devrait pas être comptabilisée dans la dette maastrichtienne.

M. Charles de Courson. Est-ce confirmé par une lettre de la Commission européenne ?

M. le rapporteur général. Bien sûr que non ! Tous ces sujets sont à l’ordre du jour des discussions entre la Commission européenne et les États membres. Ce qui est certain, c’est que nous aggraverions notre cas si l’État était majoritaire dans la société.

M. Louis Giscard d’Estaing. Cette société sera-t-elle dotée de capitaux propres importants ? Quels autres investisseurs participeront au tour de table ?

M. le rapporteur général. Cette société sera un organisme de place. Son capital pourra être très faible. L’ensemble des banques participeront au tour de table, vraisemblablement au prorata de leur bilan.

M. Daniel Garrigue. La Commission européenne a défini les assouplissements aux règles de concurrence susceptibles d’être admis. Cette société de refinancement s’inscrivant dans la durée, sera-elle eurocompatible ?

M. le rapporteur général. Je pense que la question sera inscrite à l’ordre du jour du prochain Conseil européen, qui se tiendra les 15 et 16 octobre. Le Président de la République devra aborder cette question – de même que celles relatives aux critères maastrichtiens et aux règles de concurrence – avec ses homologues et trouver un accord avec la Commission européenne.

M. Gérard Bapt. Si les plafonds sont atteints un jour, l’ensemble des contribuables seront concernés. Les États ont-ils pris des engagements en matière de transparence ? Une fois l’incendie principal éteint, les établissements financiers seront-ils tenus d’annoncer une mauvaise nouvelle dès qu’ils en auront connaissance, sans attendre que leurs pertes s’accumulent ?

En ce qui concerne l’attitude et la rémunération des dirigeants de ces établissements, Mme Lagarde a recommandé de suivre les règles de bonne conduite édictées par le MEDEF. Est-ce suffisant ? Quelques jours après avoir été sauvées, deux institutions, l’une aux États-Unis et l’autre en Belgique, ont fait scandale en invitant des dirigeants ou des courtiers dans des palaces somptueux.

M. le président Didier Migaud. Dexia n’est pas exemplaire non plus !

M. Gérard Bapt. Pour sa part, Gordon Brown a déclaré qu’il pèserait sur la politique de rémunération des établissements britanniques concernés ainsi que sur les dividendes que ceux-ci distribueront.

M. le rapporteur général. L’article 6 répond directement à votre préoccupation en son alinéa 3 : la convention avec l’État précisera « les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l’intérêt général ». J’attire votre attention sur le fait qu’il s’agit d’une innovation législative.

Tous les dirigeants européens sont parfaitement conscients qu’il faudra introduire de nouvelles règles. À cet égard, le Président de la République, au nom de l’Europe, est déterminé à porter des propositions face aux États-Unis ; je pense d’ailleurs que ses collègues le mandateront pour rencontrer le président américain. J’ajoute que le FMI, qui se conduit, surtout aujourd’hui, par obligation, en agent de police chargé de vérifier la solvabilité des États, doit revenir à sa mission initiale, fixée à la suite des accords de Bretton Woods, consistant à mettre en place une régulation financière internationale. Cela nécessitera de sortir du dialogue entre États-Unis–Europe et d’élargir considérablement le cercle, notamment à la Chine, à l’Inde et au Moyen-Orient.

M. Charles de Courson. À propos des accords de Bretton Woods, j’ai lu beaucoup de contrevérités. Il s’agissait uniquement de recréer, après-guerre, un système de parité monétaire. Ces accords ne portaient absolument pas sur la régulation bancaire.

M. le rapporteur général. À l’époque, la première des régulations consistait à rétablir les parités.

M. Richard Dell’agnola. Charles de Courson a raison. Il n’en demeure pas moins qu’une réflexion sur les parités monétaires, une sorte de nouveau Bretton Woods, ne serait pas inutile. En effet, le plan Paulson ne sera sans doute pas payé par les contribuables américains, mais par le déficit public. Par conséquent, si nous n’y prenons garde, le dollar glissera sans doute de nouveau et l’euro s’appréciera.

M. le président Didier Migaud. C’est tout à fait juste.

Mes chers collègues, le rapport vous sera remis en séance publique.

J’invite maintenant la Commission à se prononcer sur les articles du projet de loi de finances rectificative.

pREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

Article premier : Ratification de décrets relatifs à la rémunération de services rendus par l’État :

La Commission adopte l’article 1er sans modification.

Article 2 et état A : Équilibre général du budget :

La Commission adopte l’article 2 et l’état A sans modification.

La Commission adopte ensuite l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative sans modification.

Seconde PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2008

CRÉDITS DES MISSIONS

Article 3 et état B : Budget général : ouverture de crédits supplémentaires :

La Commission adopte l’article 3 et l’état B sans modification.

Article 4 et état C : Comptes spéciaux : annulation de crédits :

La Commission adopte l’article 4 et l’état C sans modification.

TITRE II

RATIFICATION D’UN DÉCRET D’AVANCE

Article 5 : Ratification du décret du 27 juin 2008 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance :

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS PERMANENTES

Article 6 : Garanties apportées au secteur financier :

M. Charles de Courson ayant retiré un amendement prévoyant que la convention entre l’État et les établissements de crédit bénéficiaires du refinancement précise les contreparties offertes aux PME, la commission adopte, sans modification, l’article 6 et l’ensemble du projet de loi.

Enfin, elle adopte l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie sans modification.

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