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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mardi 24 mars 2009

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 73

Présidence de M. Didier Migaud Président

– Examen d’un rapport d’information sur le financement en fonds propres des PME (M. Nicolas Forissier, rapporteur) 2

– Informations relatives à la Commission 6

La commission des Finances, de l’économie générale et du Plan procède, en application de l’article 145 du Règlement, à l’examen du rapport de la mission d’information sur le financement en fonds propres des PME, composée de MM. François de Rugy, Président, Nicolas Forissier, Rapporteur, Dominique Baert et Philippe Vigier.

M. Nicolas Forissier, Rapporteur. En apparence, la situation de la France serait satisfaisante. La progression de la création d’entreprise a été forte au cours de l’année 2007, avec la création de 250 000 petites et moyennes entreprises (PME), et davantage encore en 2008, année pour laquelle 325 000 créations de sociétés sont recensées. Cet essor récent est à mettre en relation avec les politiques menées au cours des dernières années, et en particulier des lois « Jacob » et « Dutreil ». Cependant, la comparaison avec nos partenaires européens, l’Allemagne en premier lieu, montre que nos PME souffrent d’un taux de mortalité très élevé, de l’ordre de 50 % dans les deux premières années, et ont beaucoup de difficultés à se développer. Nous avons un réel problème de financement de la petite entreprise. De ce fait, l’économie française ne peut s’appuyer, comme les économies allemande ou italienne, sur un tissu de grandes PME assez nombreuses, capables de s’ouvrir au marché international. Il en résulte pour notre pays une création d’emploi insuffisante et un manque de dynamisme sur les marchés extérieurs ; et aussi probablement le moindre développement de l’innovation, laquelle est souvent le fait des très jeunes entreprises.

Le rapport de la Mission d’information effectue une analyse aussi large que possible de la situation et présente 42 propositions pour l’améliorer, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité. Au cours des nombreuses auditions auxquelles la Mission a procédé, beaucoup de propositions nous ont été faites notamment par des représentants des PME, des acteurs du capital investissement et des investisseurs providentiels. Malgré cela, la Mission a préféré présenter des propositions d’équilibre, consistant davantage à simplifier, à améliorer les dispositifs existants, parfois de manière technique, qu’à proposer des réformes en profondeur.

Si de manière générale le financement du capital risque est difficile, il existe un vrai « trou » du financement au niveau de l’amorçage, du démarrage ou de l’expansion des entreprises : il est beaucoup plus difficile de trouver 300 000 euros en phase d’amorçage d’une petite PME que 10 millions d’euros en capital développement pour une PME déjà développée et solide. De nouvelles incitations sont donc nécessaires tant en direction des investisseurs institutionnels, des investisseurs privés, que des acteurs du capital investissement, afin qu’ils s’intéressent davantage au segment de l’amorçage.

Les réformes de la fiscalité applicable aux entreprises devront être poursuivies, fondées sur une rigoureuse comparaison avec les systèmes fiscaux en vigueur dans les principaux pays industrialisés, et en particulier nos partenaires européens.

Le système français de financement des entreprises serait satisfaisant s’il n’était très complexe, avec une profusion de dispositifs qui devraient être harmonisés et simplifiés. Le législateur doit refuser à l’avenir une telle prolifération de règles et de dispositifs. Le rapport de la Mission pourrait utilement inspirer une nouvelle loi de modernisation de l’économie (née d’un projet ou d’une proposition de loi), afin de parfaire et clarifier les mécanismes qui déterminent l’environnement des entreprises. Mais ce serait pour ne plus y revenir ensuite, et assurer aux acteurs économiques une sécurité juridique, fiscale et sociale  de plusieurs années, attendue par nos entreprises.

Je l’ai dit, le premier obstacle important auquel se heurtent les entreprises est l’amorçage, c'est-à-dire le développement de l’entreprise dans ses cinq premières années. Dans ce domaine où il faut trouver des mécanismes novateurs, la Mission propose de favoriser l’investissement des sociétés de capital risque dans les PME en prenant en charge par le biais de subventions les coûts de transaction liés à l’investissement. Elle propose également d’instituer un dispositif fiscal incitatif inspiré du crédit d’impôt recherche (CIR), permettant à l’entreprise de déduire une partie de l’aide à l’amorçage qu’elle aurait apportée à une PME par une souscription directe au capital de celle-ci. Serait encouragé le recours aux cadres des grands groupes pour accompagner la création ou le développement d’une très jeune entreprise, ou plus généralement d’une PME. Cette mise à disposition pourrait être prise en compte dans le calcul du crédit d’impôt. Il importe de faciliter aussi la reprise par l’entrepreneur des parts détenues par l’investisseur providentiel lorsque celui-ci souhaite se désengager. Pour cela, il faut autoriser la déduction des intérêts des emprunts contractés par l’entrepreneur en vue du rachat des parts détenues par cet investisseur ; il faut aussi instaurer l’obligation aux investisseurs providentiels de proposer d’abord à l’entrepreneur le rachat des actions dont ils souhaitent se défaire.

La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a mis à la charge des entreprises qui suppriment des emplois une contribution obligatoire en faveur de la création d’emplois de compensation dans la région touchée par les licenciements. L’expérience montre que les possibilités ouvertes à l’entreprise sont limitées et que le mécanisme prévu est réducteur, au détriment de l’économie des territoires et de l’emploi. C’est pourquoi la Mission a estimé qu’il fallait réformer les modalités de cette contribution obligatoire en ouvrant deux possibilités à l’entreprise ou au groupe qui licencie : soit le versement d’une contribution à une agence de développement local selon le système actuel, soit l’intervention de manière directe dans le développement économique du territoire, en recapitalisant une PME dont les produits ou les services peuvent être utiles à l’activité ou à la stratégie de développement de l’entreprise ou groupe qui procède aux licenciements.

Une mesure pourrait constituer un effet de levier très important en faveur du maintien et du développement des PME : la constitution, sous l’égide de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), et en s’appuyant sur le réseau des chambres de commerce et d’industrie par exemple, d’un fichier des entreprises « partenariables », dans l’objectif de favoriser la constitution d’entreprises à capitaux mixtes (joint venture) entre des PME françaises et des entreprises étrangères. Celles-ci sont désireuses de trouver un partenaire proche de leur métier plutôt que de réaliser une « implantation sèche » beaucoup plus difficile.

De même, pour faciliter la reprise et la transmission, il est nécessaire de développer, sous l’égide d’Oséo, une bourse centralisée de repreneurs potentiels d’entreprises, tout en préservant la confidentialité des informations. La base de données pourrait comporter deux parties : la première recensant les entreprises à la recherche d’un partenaire, la seconde recensant les investisseurs potentiels. De même, il faut créer un médiateur de la transmission dans chaque département.

La Mission présente ensuite différentes mesures fiscales telles que :

– aligner le régime d’exonération de l’impôt sur les sociétés des entreprises créées en vue de reprendre une entreprise industrielle en difficulté sur le régime d’exonération applicable aux entreprises nouvelles ;

– instituer une réserve spéciale d’autofinancement pour les entreprises individuelles afin de les aider à renforcer leurs fonds propres ;

– clarifier la règle de réemploi des fonds des holdings : porter à un an le délai de réinvestissement ; faire porter l’obligation de réinvestissement sur le montant initial de l’investissement ou sur le prix de cession s’il est inférieur ;

– dans un but d’harmonisation et de simplification, abaisser, pour les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), le seuil d’investissement dans les entreprises de moins de cinq ans au niveau requis pour les fonds d’investissement de proximité (FPI), soit 30 %, pour bénéficier de l’avantage en impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;

– reconduire pour dix ans « l’avantage Madelin » dans ses deux versions, version traditionnelle et version PME, au-delà de la date du 31 décembre 2010 ;

– permettre aux personnes morales, en pratique aux sociétés de gestion d’investisseurs providentiels de créer une holding ISF, et ouvrir à ces sociétés la possibilité d’être mandataire social ;

– améliorer la fiscalité des plus-values applicable aux sociétés holdings pour l’aligner sur le régime qui prévaut pour les fonds communs de placement ou la rapprocher de ce régime.

Plusieurs propositions concernent le secteur bancaire, notamment l’instauration d’un délai maximal de 30 jours pour la notification par la banque de la réponse à une demande de crédit. Cependant la Mission aborde aussi les systèmes alternatifs créés pour pallier l’absence de soutien des banques à certaines entreprises. Elle demande que soit davantage ouvert l’accès au prêt à la création d’entreprise, et que soit multiplié par deux le montant des prêts de proximité, des prêts d’honneur et du cautionnement mutuel, ainsi que des avances remboursables.

Pour terminer, concernant l’environnement des PME, la Mission demande d’instituer enfin par voie législative, une fois pour toutes, un portail d’accès unique, avec des accès au niveau des départements, pour le conseil à la création, au développement et au financement des entreprises. La loi doit, pour ce faire, associer Oséo, l’Agence pour la création d’entreprise (APCE) et les chambres consulaires – chambres de commerce et d’industrie et chambre de métiers et de l’artisanat – dans la création de ce portail d’accès unique, en mentionnant l’apport des réseaux d’experts de la Banque de France et celui des organismes de gestion agréés (OGA). Il est en effet urgent de mettre fin à la profusion de structures et d’initiatives qui forment un maquis dans lequel le chef d’entreprise se perd.

Enfin, il faut accomplir un réel effort budgétaire, décisif pour soutenir les opérations de prospection à l’exportation des PME et pour développer la présence française sur tous les marchés. Ainsi, les entreprises de nos concurrents européens voient souvent prendre en charge très largement leurs dépenses de prospection et de présence sur les foires et salons étrangers. De même, le choix, retenu par les services du commerce extérieur français, de privilégier des pays cibles est dicté par le manque de moyens et peu pertinent. Alors que des moyens considérables ont pu être mobilisés pour les banques, le Gouvernement doit parvenir à doter l’appui à la présence française sur les marchés extérieurs de 200 millions d’euros supplémentaires.

Le président Didier Migaud. Je remercie Nicolas Forissier, Rapporteur de la Mission d’information, pour cette présentation synthétique, fruit d’un important travail personnel et collectif ayant donné lieu à de nombreuses auditions. Je vais donner la parole à Messieurs Dominique Baert et Philippe Vigier, autres membres de la mission.

M. Dominique Baert. Je salue l’opiniâtreté de notre Rapporteur compte tenu de la complexité de la tâche consistant à dégager des propositions utiles et significatives, alors que la législation évolue continuellement. Je rejoins son diagnostic, mais je voudrais souligner les points suivants. Tout d’abord, il me paraît utile d’insister sur la nécessité de faire émerger une culture favorable à la création d’entreprises dans notre pays et de favoriser le capital amorçage afin d’engager un cheminement vertueux permettant à une très petite entreprise (TPE) de devenir une entreprise de taille moyenne. De plus, je dénonce la profusion des dispositifs fiscaux destinés à améliorer le financement en fonds propres des PME. Je suis favorable en effet à une simplification globale de l’ensemble de ces dispositifs.

Enfin, la fiscalité n’était pas la seule préoccupation de la mission. Aussi dois-je rappeler que nous avons eu un débat très intéressant sur la modernisation du système de notation pratiqué par la Banque de France, s’agissant tout particulièrement des jeunes entreprises. Je soutiens donc la proposition n° 32 figurant dans notre rapport, consistant à adapter ce système de notation à la situation particulière des jeunes entreprises. Par ailleurs, il me paraît important d’offrir une deuxième chance aux entreprises ayant rencontré des difficultés et je souhaite proposer à la mission une évolution du droit bancaire en ce sens. Dernier point, je souhaite relever l’intérêt de la proposition n° 34 consistant à requérir des banques une réponse à une demande de crédit d’une PME dans un délai de 30 jours au maximum. Cette proposition traduirait en effet un certain respect des banques envers leurs clientes, les PME, sans les laisser dans l’ignorance de faire droit ou non à leur demande.

M. Philippe Vigier. Je remercie également notre Rapporteur et souhaite insister sur trois propositions importantes. D’abord, la culture d’entreprise doit être développée en France ; c’est une exigence absolue qu’il convient de faire grandir car elle participe à la compétitivité de notre pays. Ensuite, j’insiste sur l’utilité de la proposition n° 15 consistant à créer, sous l’égide d’Oséo, une bourse centralisée de repreneurs potentiels d’entreprises tout en assurant la confidentialité des informations. En effet, l’asymétrie d’information entre les vendeurs et les repreneurs est telle que de nombreuses jeunes entreprises disparaissent faute d’avoir eu connaissance de repreneurs potentiels. Enfin, il convient d’améliorer les dispositifs en vigueur pour renforcer la capacité d’exportation de nos PME. Il me semble qu’en s’appuyant sur l’évaluation définitive des dispositifs existants, une deuxième loi de modernisation de l’économie serait bienvenue pour mettre en œuvre les propositions précédemment évoquées.

M. Nicolas Forissier. Je me retrouve totalement dans les propos de mes collègues de la mission et je souhaite que ce rapport, qui sera transmis au Gouvernement, puisse servir de base pour instaurer un cadre juridique et fiscal simplifié et stabilisé pour nos entreprises. Ce serait une belle contribution de notre Commission. Je partage entièrement l’idée que le droit à une deuxième chance est un sujet qui mérite d’être développé dans notre rapport. Je précise enfin que l’adaptation de la notation, par la Banque de France, des jeunes entreprises françaises consiste notamment à tenir compte de la tendance de développement de ces entreprises, sans s’en tenir uniquement à une notation fondée sur le premier ou les deux premiers bilans d’une entreprise. En effet, une mauvaise notation au départ handicape énormément les jeunes entreprises. Il convient d’y remédier.

La Commission approuve la publication du rapport d’information sur le financement en fonds propres des PME.

Le président Didier Migaud. Je vous propose que ce rapport soit transmis à Madame Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi, afin de recueillir les intentions du Gouvernement sur les suites à lui donner. Il en est ainsi décidé.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de :

– M. Philippe Vigier, Rapporteur spécial sur le programme Sécurité alimentaire de la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ;

– M. Georges Tron, Rapporteur spécial sur la mission Provisions, en sus du programme Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines ;

– M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial sur les crédits des Politiques de la recherche de la mission Recherche et enseignement supérieur.

——fpfp——