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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 20 mai 2009

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 90

Présidence de M. Didier Migaud Président

–  Examen de la proposition de loi tendant à promouvoir une autre répartition des richesses (n° 1620) (M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur) 2

–  Information relative à la Commission 12

M. le président Didier Migaud. L’ordre du jour appelle l’examen, sur le rapport de M. Jean-Pierre Brard, de la proposition de loi tendant à promouvoir une autre répartition des richesses, inscrite à l’ordre du jour de la séance publique le jeudi 28 mai.

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur. L’INSEE a publié, le 6 mai dernier, son édition 2009 du rapport « Les revenus et le patrimoine des ménages ». Cette étude, qui s’appuie sur les résultats d’une enquête sur les revenus de 2006, fait apparaître que le niveau de vie médian en France se situe à 17 600 euros, soit 1 470 euros mensuels.

Le Président de la République a souhaité ouvrir un débat sur un « nouveau partage » des bénéfices mais tout le monde conviendra que ses propositions en la matière n’ont pas été très précises. La présente proposition de loi a pour but de l’aider et je ne doute pas que M. Frédéric Lefebvre sera sensible au fait que je cite une de ses propositions de loi dans mon rapport.

La proposition de loi vise à promouvoir une autre répartition des richesses. Elle se fixe comme objectif premier de réintroduire un minimum d’équité dans notre système fiscal, notamment en supprimant le « bouclier fiscal » et en modifiant les barèmes, voire les tranches, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt de solidarité sur la fortune – vieux débat entre nous – ; elle contient des dispositions pour lutter contre les activités dans certains paradis fiscaux – sujet qui semblerait consensuel si l’on en croit les propos du Président de la République – ; elle vise également à limiter la rémunération des dirigeants d’entreprise en supprimant l’instrument financier que constituent les stock-options, en imposant au taux de 95 % les avantages divers du type « parachutes dorés », en plafonnant les rémunérations annuelles des dirigeants à vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée, en permettant que les éléments de rémunération versés aux dirigeants soient discutés dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires et en limitant à deux, au lieu de cinq actuellement, le nombre de conseils d’administration dans lesquels une personne peut siéger. Je fais remarquer que ce n’est pas moi qui ai la paternité de la suggestion de plafonner les avantages à 95 % : c’est le Premier ministre lui-même qui a proposé une taxation « confiscatoire ».

Enfin, la proposition de loi a pour objectif d’inciter le Gouvernement à une réflexion sur une nouvelle architecture du financement de l’économie dont notre pays a aujourd’hui besoin et dans laquelle la collectivité publique doit jouer un rôle actif.

Ces mesures sont loin d’être idéologiques : elles sont, au contraire, ancrées dans le réel. Et ce réel, celui que la majorité des Français vit aujourd’hui, est bien celui d’une dérive reposant sur trois éléments : la profonde dégradation des comptes publics – ce n’est pas Éric Woerth qui dira le contraire –, l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines – M. Philippe Séguin ne le contestera pas – et l’organisation systématique d’une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l’exercice d’un travail – ce n’est pas Christine Lagarde qui me contredira.

Je ne m’attarderai pas sur la profonde dégradation des comptes publics : les membres de la commission des Finances sont tous parfaitement informés à cet égard.

Selon la prévision du Gouvernement dans le dernier collectif budgétaire, en attendant bien sûr le suivant, le déficit de l’État s’établirait à près de 104 milliards d’euros, ce qui montre la grave détérioration des comptes publics.

À la fin de l’année 2009, l’encours de la dette négociable de l’État pourrait être très proche de 1 100 milliards d’euros, soit une augmentation supérieure à 4 points de PIB.

J’appelle l’attention de mes collègues de l’UMP sur le fait que, quand ils parlent de la dette que nous ferions porter sur la tête de nos enfants, ils oublient les actifs. En réalité, la différence entre actifs et passifs est positive. Comparée à celle des autres pays européens et, en particulier, à celle de l’Allemagne, la situation de la France est nettement meilleure.

Dans ces conditions, et en tenant compte des déficits croissants des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale, après avoir réévalué à 67,3 % le niveau d’endettement public prévu pour 2008, le Gouvernement table sur une augmentation de la dette de 6,6 points de PIB en 2009, soit un ordre de grandeur comparable à celui observé entre 1992 et 1993. À 73,9 % du PIB à la fin de cette année, la dette publique aura ainsi augmenté par rapport à la fin de 2007 de 10 points de PIB.

Selon les dernières prévisions gouvernementales, le ratio d’endettement public continuerait à progresser jusqu’en 2011, atteignant alors 78,3 % du PIB. Mais vous connaissez le degré de fiabilité de telles prévisions.

Il n’est pas dans mon propos de contester les chiffres donnés par le Gouvernement et encore moins – même si nous ne serons jamais d’accord sur les origines de celle-ci – de nier les conséquences de la crise, en termes tant de diminution des recettes liée à la contraction de l’activité économique, que de dépenses imposées par la relance, même si je juge totalement déséquilibrée la voie retenue par le Gouvernement, qui s’attache plus à relancer unilatéralement l’investissement – ce qu’il faut faire – qu’à relancer la consommation – ce qu’il ne fait pas, en particulier pour les ménages les plus démunis. Des études menées sur le RSA montrent que le bonus escompté à l’arrivée est fort modeste.

Il est à noter que, devant cette dégradation des finances publiques, la majorité actuelle ne souligne que la nécessité de maintenir la maîtrise de la dépense pour limiter le glissement des déficits, sauf à rendre particulièrement périlleux le rétablissement des finances publiques.

Je tiens à vous proposer une autre voie de réflexion qui, aux yeux de nombre d’entre vous, aura le mérite d’être complètement nouvelle. Si nos collègues de l’UMP étaient objectifs, ils seraient obligés de reconnaître que leur politique a échoué et qu’il est temps d’en choisir une autre, qui prenne en compte l’accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine.

Comme les années qui précédèrent la crise de 1929, la dernière décennie a connu une explosion des inégalités. Alors que la part des 0,1 % des ménages les plus riches en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis représentait, dans les années 1920, entre 6 et 9 % du revenu national, elle en représentait moins de 2 % dans les années 1970.

On a observé, dans les années 1980-1990, dans les pays anglo-saxons d’abord, et en Europe continentale ensuite, un accroissement des inégalités. Une étude sur les très hauts revenus en France entre 1998 et 2006 confirme cette évolution, qui est aussi celle retenue par le Conseil des prélèvements obligatoires : elle montre une stagnation des revenus de 90 % des ménages modestes entre 2002 et 2006 alors que la progression des revenus des ménages les plus favorisés augmentait d’autant plus qu’elle était élevée à l’origine, pour atteindre jusqu’à 42,6 % pour les 0,01 % de ménages les plus favorisés.

La comparaison avec la crise de 1929 n’est pas le fruit du hasard et devrait faire réfléchir nos collègues les plus téméraires dans la persistance à soutenir la politique catastrophique du Gouvernement.

La hausse des très hauts revenus en France s’explique par deux facteurs principaux : l’augmentation des revenus des capitaux mobiliers, d’une part, et un taux de croissance très important des revenus du travail les plus élevés d’autre part.

Par ailleurs, différentes études confirment la très forte augmentation des rémunérations des dirigeants d’entreprise depuis quelques années. De grandes tendances se dégagent, dont on retiendra, d’une part, l’explosion des revenus des équipes dirigeantes des sociétés du CAC 40 – selon les évaluations de Proxinvest, la rémunération moyenne des équipes dirigeantes du CAC 40 est passée d’environ 800 000 euros en 1998 à plus de 2 millions d’euros en 2007, soit une hausse de 150 % – et, d’autre part, la part prépondérante, soit 50 %, prise par les options sur actions ou les attributions d’actions gratuites dans ces revenus.

La France se distingue des autres pays européens par la part très importante des stock-options dans la structure des rémunérations des dirigeants de sociétés cotées.

Le constat que dresse le rapport Cotis tient, par ailleurs, en quelques points essentiels : la stabilité, sur longue période, de la part des salaires dans la valeur ajoutée ; une progression des salaires nets « extrêmement faible » depuis vingt ans en raison d’une croissance insuffisante, du choix d’une protection sociale de haut niveau coûteuse et de la montée de l’emploi précaire ; une forte accélération des très hauts salaires. M. Cotis reprend à son compte les conclusions de l’économiste Camille Landais, qui a écrit : « Ceci a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l’échelle et fortement distancé par l’extrémité haute de cette même échelle. » Cette remarque est à mettre en rapport avec la discussion que nous avons eue hier dans l’hémicycle concernant les hauts revenus des banquiers. J’ai été effaré – un certain nombre de mes collègues de l’UMP ont dû l’être aussi – par la facilité gouvernementale à justifier la progression des salaires des dirigeants d’entreprise face à la « stabilité », pour ne pas dire plus, des revenus des familles. Il n’est pas possible que des élus ne soient pas sensibles à l’impact que, dans leurs circonscriptions, cette situation a sur l’opinion des électeurs.

À l’explosion de ces inégalités de rémunération correspondent des inégalités de patrimoine.

Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires présenté par Philippe Séguin montre que le patrimoine net des Français a fortement progressé entre 1997 et 2007 : sa valeur réelle a crû de 7,6 % par an, contre 2,3 % par an seulement pendant la période 1987-1997. Il s’élève aujourd’hui à près de 9 400 milliards d’euros, soit plus de 380 000 euros par ménage.

Le Conseil des prélèvements obligatoires souligne que la répartition des patrimoines semble encore plus inégale que celle des revenus. Fin 2003, 10 % des ménages possédaient un patrimoine brut inférieur à 900 euros. Pour les 10 % les plus riches, il était en revanche supérieur à 380 000 euros, soit environ 400 fois plus élevé. Le patrimoine est fortement concentré. Fin 2003, les 10 % de ménages les plus riches possédaient près de la moitié du patrimoine brut des ménages et les 1 % les plus riches en possédaient 13 %.

Malgré la dégradation des finances publiques et la montée des inégalités, la majorité n’a eu de cesse depuis 2002 d’organiser une fiscalité favorisant la détention du capital au détriment de la valeur du travail.

Au désormais trop célèbre slogan : « Travailler plus pour gagner plus », se substitue une réalité autrement plus dangereuse : « Détenir plus pour contribuer moins ».

Toute énumération courant le risque d’être incomplète, je rappellerai la philosophie profonde des mesures mises en place par la majorité depuis quelques années.

La réforme la plus emblématique de la majorité depuis 2002 est, à n’en point douter, celle du renforcement du « bouclier fiscal ». Si nos concitoyens ne sont pas en mesure d’en détailler le contenu, ils ont très bien compris – ce qui est le but même de la pédagogie politique – qu’il sert les plus riches.

Le « bouclier fiscal » favorise la détention du capital. Comme il n’y a pas de journaliste dans la salle, vous n’êtes pas obligés de contester mon propos et, si vous êtes objectifs, vous ne pouvez qu’y adhérer. Comme vous le savez, 82 % des redevables de l’ISF qui actionnent le « bouclier fiscal » ont un patrimoine supérieur à 2,4 millions d’euros. Ce qu’il faut regarder, ce n’est pas le nombre global de bénéficiaires du dispositif mais la part et le patrimoine de ceux qui en bénéficient le plus.

La réforme des droits de succession favorise, de son côté, la transmission du capital.

La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat n’a pas seulement renforcé dangereusement le « bouclier fiscal » : elle a aussi prévu un allégement particulièrement important des droits de succession.

L’impôt sur les mutations à titre gratuit, rendu progressif sous la IIIe République par la loi du 25 février 1901, a pour objet d’imposer les héritages, considérés comme une prime toujours grandissante aux mains de ceux qui n’ont pas travaillé à les constituer.

La réforme opérée sur ce point par la loi du 21 août 2007 organise en conséquence un nouvel équilibre entre taxation et transmission, puisqu’elle organise notamment le relèvement des abattements au profit des enfants de 50 000 à 150 000 euros, l’abattement global de 50 000 euros étant supprimé.

Profonde dégradation des comptes publics, accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines, organisation systématique d’une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l’exercice d’un travail, c’est à cette triple dérive que notre proposition de loi tente de mettre fin. Sachant par expérience qu’il faut prêcher longtemps avant d’être entendu, je connais déjà le sort que vous allez lui réserver. Mais elle s’inscrit dans la pédagogie politique : l’essentiel est de présenter des propositions claires à nos concitoyens. En les rejetant, vous contribuerez à la clarification du débat politique.

M. le président Didier Migaud. Si, comme on le dit, la pédagogie est l’art de la répétition, nous devons reconnaître en vous un grand pédagogue.

Nous allons maintenant examiner les articles de la proposition de loi.

Titre premier : mesures de justice fiscale

Article 1er : Abrogation du bouclier fiscal

La Commission est saisie de l’amendement CF 1 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 1er.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Personne ne sera étonné que je demande la suppression de la suppression du « bouclier fiscal ».

L’article 1er du code général des impôts dispose que l’impôt ne peut être ni confiscatoire ni spoliateur. On ne peut pas supprimer ce principe. Quant à sa déclinaison, c’est un sujet dont nous aurons certainement à parler dans les prochains mois.

M. le rapporteur. En ne parlant que de l’article 1er du code général des impôts, M. le rapporteur général crée une ambiguïté. Dans l’amendement CF 1, je demande l’abrogation de l’ensemble du « bouclier fiscal ». Ce dernier n’existait pas auparavant et vous avez soutenu des gouvernements qui ont très bien vécu sans lui. Notre proposition n’est pas iconoclaste : elle vise simplement à réintroduire plus de justice fiscale.

M. le rapporteur général. Je vais résumer la discussion que nous avons déjà eue sur le récent rapport de M. Pierre-Alain Muet.

Le « bouclier fiscal » existe à cause de l’ISF. Lorsque, après avoir été supprimé en 1986, l’impôt sur les grandes fortunes a été rétabli sous forme d’ISF en 1988, il a été immédiatement accompagné d’une disposition protectrice – qui s’est appelée « plafonnement » et dont le principe est le même que celui du « bouclier » – pour que cet impôt ne soit pas spoliateur : cette disposition consistait à faire en sorte qu’un contribuable ne puisse pas payer, sous forme d’ISF, d’une part, d’impôt sur le revenu, d’autre part – et, un an plus tard, de CSG – plus de 70 % de son revenu. Je suis personnellement opposé à l’inclusion de la CSG dans le dispositif. Mais c’est un autre sujet dont nous débattrons ultérieurement. Pour le reste, nous n’avons fait que reprendre une disposition mise en place par la majorité socialiste de l’époque pour appliquer un principe auquel le président de la commission des finances ne peut que souscrire.

M. le président Didier Migaud. N’est-il pas contradictoire de rendre ainsi hommage à la gauche tout en l’accusant de vouloir un impôt confiscatoire ? Cela étant, le plafonnement mis en place par la gauche et le « bouclier fiscal » sont de natures différentes, notamment en raison de la définition du revenu imposable.

M. le rapporteur général. Certains fiscalistes sont d’accord pour supprimer à la fois l’ISF et le « bouclier fiscal », qui sont tous deux des spécificités françaises. Le manque à gagner serait compensé par une augmentation de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu et un aménagement de la fiscalité du patrimoine en suivant les pistes indiquées par le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Il n’y aurait que des avantages à mener ensemble, en dehors de toute polémique, une réflexion sur la modernisation de notre fiscalité en s’inspirant de ce qui existe ailleurs en Europe.

M. le président Didier Migaud. Lier la suppression du « bouclier fiscal » à celle de l’ISF est contestable. Dire que l’impôt sur la fortune n’existe pas ailleurs, c’est à la fois vrai et faux. Ainsi, les États-Unis pratiquent une imposition locale lourde. En tout cas, il y a sûrement une réflexion à conduire en commission des Finances sur ce que doit être la fiscalité du patrimoine.

M. René Couanau. Les lignes finiront forcément par bouger : opposer aujourd’hui un veto de principe serait vain. J’espère que la prochaine loi de finances sera l’occasion d’ouvrir un débat approfondi.

L’un des grands torts du « bouclier fiscal », c’est son nom. L’avoir présenté comme un but de la démocratie dont l’une des conquêtes a précisément été l’impôt contributif a été une première erreur. La seconde a consisté à confondre l’impôt sur le patrimoine et celui sur le revenu. Les circonstances ayant changé, il faut revoir une position qu’on a eu le tort d’affirmer trop solennellement dans le code général des impôts.

M. Thierry Carcenac. Certes, l’impôt calculé en fonction des capacités contributives des citoyens sert à faire fonctionner l’État, mais il a aussi un rôle redistributif auquel les taxes sur le foncier bâti, l’ISF ou les droits de succession participent. Le souci de justice fiscale conduit à les réformer. Le « bouclier fiscal » pose le problème de la définition du revenu imposable proprement dit. L’examen d’une centaine de cas concrets suffirait à montrer qu’il bénéficie à des personnes ne payant que l’ISF.

M. Jean-Pierre Gorges. Le « bouclier fiscal » et l’ISF sont étroitement liés. La gauche attend que nous bougions sur l’ISF pour en faire une exploitation politique. Je m’interroge sur l’impact qu’aura la crise sur le nombre de déclarations et leur fiabilité, notamment en termes d’estimation des valeurs immobilières. Le vrai problème, c’est la TVA. À quoi rime de tenter de grappiller quatre sous grâce à l’impôt sur le revenu alors que fleurissent les propositions pour appliquer le taux réduit, à la restauration par exemple ? Les solutions envisagées ne sont pas à la hauteur de la situation.

M. le président Didier Migaud. Le débat sur l’ISF est en effet inévitable, ne serait-ce que parce que les valeurs immobilières et mobilières ont baissé.

M. le rapporteur. Nous aurons au moins gagné d’en discuter, et sur un ton propice à une « refondation » – selon le propre terme du Président de la République – de la fiscalité, qui est un pilier du contrat social. Nous pouvons obtenir une forte adhésion si le système fiscal est transparent et juste, et s’il finance des politiques que les gens comprennent. La suppression du « bouclier fiscal » créerait les conditions de l’indispensable renouvellement du contrat social.

Quant à copier ce qui se fait à l’étranger, encore faudrait-il comparer ce qui est comparable. Le mimétisme ne fait jamais une politique, sauf pour les invertébrés. Puisque nous en sommes aux références paradoxales, je vous renvoie à la politique d’Alain Juppé sur l’ISF, qui a plafonné le plafonnement, beaucoup plus radicale que celles des socialistes.

Il faut refondre notre fiscalité, l’IRPP comme l’ISF, et protéger les petits contribuables, ce que nos collègues de l’UMP et le Gouvernement savent pertinemment – ne dénoncent-ils pas la situation injuste dans laquelle se trouve le malheureux petit propriétaire de l’île de Ré ?

Les débats fiscaux, tel celui lancé par Joseph Caillaux, sont toujours un moment fort de la vie démocratique et je suis d’accord pour ne pas dissocier l’ISF des autres impôts. Vous n’avez qu’à vous servir de votre droit d’amendement à bon escient même si nous ne serons jamais d’accord sur la position du curseur. L’impact de la crise de l’immobilier sera d’autant plus fort à cause de l’abattement de 30 % sur la résidence principale, qui est illégitime parce qu’il est proportionnel. L’IRPP, qui représente moins de 20 % des recettes fiscales du pays, est devenu injuste.

M. Jean-Michel Fourgous. Avec notre collègue Olivier Dassault, je viens de faire le tour du monde pour rencontrer les capitalistes : ceux qui ont de l’argent. Certains fonds pèsent jusqu’à 850 milliards de dollars. Ce sont eux qui ont le plus perdu car la crise a frappé de plein fouet le « haut du panier ».

Nous sommes les meilleurs clients des fonds souverains. La France ne peut donc pas être ultra-déficitaire et tenir un discours contre le capital. Il faut choisir !

Aujourd’hui, la matière première dont on a le plus besoin, ce n’est plus le pétrole, c’est le capital. Il fait la richesse d’un pays puisque le rendement des capitaux investis est supérieur au taux de croissance. Nos PME étant sous-capitalisées par rapport à leurs concurrentes, la casse continuera même si la crise se termine. Il y a 300 milliards d’euros dehors à cause de choix fiscaux auxquels vous avez participé, ainsi que M. Juppé, que par ailleurs j’admire beaucoup. Mais plafonner le plafonnement en pleine guerre mondiale économique a fait fuir de notre pays 100 milliards d’euros, dont on aurait pourtant bien besoin.

À quoi repère-t-on les incompétents dans les conseils d’administration ? À ce qu’ils parlent idéologie ou morale. La guerre est aujourd’hui économique. Et l’enjeu, c’est d’attirer les talents et les capitaux. Un point, c’est tout !

La Commission adopte l’amendement CF 1. En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement CF 13 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

Article 2 : Modification du barème de l’impôt sur le revenu

La Commission examine l’amendement CF 2 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 2.

M. Marc Le Fur. L’amendement tend à supprimer l’article qui prévoit la création de cinq tranches supplémentaires d’imposition des revenus et le relèvement des taux.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Faire rimer morale et incompétence ne manque pas de sel dans votre bouche, monsieur Fourgous, vous qui soutenez un Président qui veut moraliser la vie financière. Je reconnais que nous avons besoin du capital comme levier. La science économique n’est pas de l’idéologie. Après avoir rencontré le « haut du panier », venez donc visiter le bas dans le quartier du Bel-Air à Montreuil, dont vous êtes natif, et où je vous prédis un franc succès !

La Commission adopte l’amendement CF 2. En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement CF 14 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

Article 3 : Majoration de l’impôt sur la fortune

La Commission est saisie de l’amendement CF 3 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 3.

M. Marc Le Fur. Nous sommes contre l’article 3 qui vise à relever les taux de chacune des tranches de l’ISF, y compris les plus basses.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement CF 3. En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Titre II : lutte contre les paradis fiscaux

Article 4 : Interdiction pour certaines sociétés d’exercer dans les paradis fiscaux

La Commission est saisie de l’amendement CF 4 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 4.

M. Marc Le Fur. Nous sommes contre l’article 4, qui prévoit d’interdire aux établissements de crédit, aux sociétés cotées soutenues par le Fonds stratégique d’investissement, le « FSI », et aux entreprises de la filière automobile aidées par l’État d’exercer des activités dans les paradis fiscaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable, et je mets en garde mes collègues de l’UMP contre le coût politique de leur amendement.

La Commission adopte l’amendement CF 4. En conséquence, l’article 4 est supprimé.

Titre III : rémunération des dirigeants d’entreprises

Article 5 : Suppression des stock-options

La Commission est saisie de l’amendement CF 5 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 5.

M. Marc Le Fur. Nous proposons de supprimer l’article 5, qui vise à interdire l’attribution de stock-options.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement CF 5. En conséquence, l’article 5 est supprimé et l’amendement CF 11 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

Article 6 : Taxation des rémunérations différées des dirigeants liées à la cessation de leurs fonctions

La Commission est saisie de l’amendement CF 6 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 6.

M. Marc Le Fur. L’article 6 prévoit de taxer à 95 % les rémunérations différées des dirigeants. L’amendement tend à le supprimer.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il s’agit pourtant de la mise en oeuvre d’une proposition du Premier ministre.

La Commission adopte l’amendement CF 6. En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Article 7 : Négociation annuelle obligatoire

La Commission est saisie de l’amendement CF 7 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 7.

M. Marc Le Fur. Nous proposons de supprimer l’article de la proposition de loi qui soumet l’ensemble des rémunérations des dirigeants à l’obligation de négociation entre partenaires sociaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable. J’admire le sens du dialogue à l’UMP !

La Commission adopte l’amendement CF 7. En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Article 8 : Plafonnement des rémunérations

La Commission est saisie de l’amendement CF 8 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 8.

M. Marc Le Fur. Il s’agit de supprimer l’article 8, qui prévoit de plafonner la rémunération des dirigeants à vingt fois le salaire minimal de l’entreprise.

M. le rapporteur. En rédigeant l’article 8, nous avons pourtant été moins loin qu’Angela Merkel. Avis défavorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement CF 8. En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Article 9 : Limitation du nombre de mandats d’administrateurs de sociétés pouvant être détenus par une personne physique

La Commission est saisie de l’amendement CF 9 de M. Gilles Carrez, tendant à supprimer l’article 9.

M. Marc Le Fur. Nous proposons de supprimer l’article 9, qui limite à deux le nombre des conseils d’administration dans lesquels une même personne peut siéger.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement CF 9. En conséquence, l’article 9 est supprimé et l’amendement CF 12 de M. Jean-Pierre Brard n’a plus d’objet.

titre IV : CRÉATION D’UN PÔLE FINANCIER PUBLIC

Article 10 : Rapport sur la constitution d’un pôle public national du crédit

La Commission est saisie d’un amendement CF 10 de M. Gilles Carrez, visant à supprimer l’article 10.

M. Marc Le Fur. L’amendement tend à supprimer l’article 10, qui prévoit que le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement sur les conditions de la mise en place d’un pôle public national du crédit chargé d’accorder des prêts bonifiés aux entreprises.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement CF 10. En conséquence, l’article 10 est supprimé.

M. le président Didier Migaud. La suppression de l’ensemble des articles vaut rejet du texte. En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de la proposition de loi.

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Information relative à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de M. Hervé Mariton, Rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à l’organisation et la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (n° 1507).

——fpfp——