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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 3 juin 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 92

Présidence de M. Didier Migaud Président

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, sur la certification des comptes de l’État – exercice 2008 – et sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2008 2

–  Information relative à la Commission 17

M. le président Didier Migaud. Nous sommes très heureux d’accueillir une nouvelle fois M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, accompagné de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre et de plusieurs autres magistrats.

La mission d’assistance au Gouvernement et au Parlement qui a été confiée à la Cour des comptes par la LOLF, mission de certification des comptes de l’exercice clos et d’analyse des résultats et de la gestion budgétaire de l’État sous l’angle de la performance, est désormais affirmée par la Constitution pour ce qui est du contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que de l’évaluation des politiques publiques. Ce contrôle et cette analyse s’exercent sur la base des comptes des administrations publiques, qui doivent être réguliers et sincères. Ce sera l’objet de notre réunion aujourd’hui, sachant que nous vous entendrons aussi dans trois semaines sur le rapport de la Cour destiné à éclairer le débat d’orientation budgétaire.

C’est la troisième année que les comptes font l’objet d’une telle certification. La certification des comptes de 2006 avait été assortie par la Cour de treize réserves substantielles et la suivante de douze réserves, dont neuf substantielles. Pour 2008, si certaines observations de la Cour ont été suivies d’effets, de nouvelles réserves sont apparues, dont une relative à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. La Cour observe que les critères permettant de reclasser la CADES comme participation contrôlée sont réunis et qu’il conviendrait donc de mettre fin à l’ambiguïté grâce à laquelle elle est placée en dehors des périmètres de combinaison du régime général et de contrôle de l’État. C’est un sujet lourd, qui dépasse le strict cadre du référentiel comptable pour soulever le problème du déficit des comptes sociaux et de la dette qui ne cesse d’augmenter, même si la loi organique de 2005 oblige l’État à assortir tout transfert de dette à la CADES de ressources supplémentaires. Nous aimerions vous entendre aussi sur le sujet connexe du dispositif de financement des découverts de la sécurité sociale, qui s’avère à bout de souffle.

Par ailleurs, certaines réserves substantielles de l'année dernière sont réitérées, qui ont trait notamment aux systèmes d'information de l'État et aux opérateurs – deux sujets qui préoccupent particulièrement notre Commission. La question des opérateurs est liée à une difficulté majeure dans la bonne mise en œuvre de la LOLF : le positionnement des responsables de programmes. La Cour relève que ceux-ci ont une prise insuffisante sur les opérateurs qui contribuent aux actions de certains programmes et une maîtrise réduite des dépenses fiscales rattachées, ce qui ôte beaucoup de sens à l’affirmation de leur importance.

Votre préoccupation concernant le volet « performance » de la LOLF est aussi partagée par l'ensemble de la Commission. Après trois ans d'acclimatation à ce type de gestion, le temps est venu de dresser un premier bilan sur la performance et sur les instruments de mesure dont dispose le Parlement pour en juger. Depuis plusieurs mois, ainsi que le rapporteur général Gilles Carrez et moi-même l’avions suggéré, les rapporteurs spéciaux rencontrent les responsables de programmes, qui sont leurs interlocuteurs naturels, pour un examen systématique de ces questions, en liaison avec les magistrats de la Cour des comptes. Notre mission d'information sur la mise en œuvre de la LOLF, qui comprend un représentant de chaque groupe politique, a travaillé sur le même thème, en s’attachant en particulier à suivre la diffusion de la culture de performance entre administrations centrales et services déconcentrés. L’ensemble de ces travaux implique les deux tiers des membres de la Commission et un rapport préalable au débat d’orientation budgétaire sera diffusé à la fin du mois. Cela devrait être l’occasion d’un échange approfondi entre la Cour des comptes et notre Commission. Nous considérons que les marges de progression en matière de performance sont encore considérables. La révision générale des politiques publiques, la RGPP a été un rendez-vous manqué. Les parlementaires n’y ont pas été suffisamment associés. Mais mieux vaut tard que jamais ! En se fondant sur l’idée que la RGPP est consubstantielle à la LOLF, il faut veiller à l’efficacité de l’action publique, analyser les rapports coût-efficacité, s’attacher au contrôle budgétaire et de la performance. Dans ces domaines, le rôle de la Cour des comptes est tout à fait essentiel pour le Parlement.

La dégradation des comptes publics est une autre des préoccupations de la Commission. Il est dans votre rôle institutionnel d’attirer notre attention sur ces difficultés et de faire des propositions pour y remédier. La dégradation des comptes publics n’est pas seulement le résultat de la crise : elle est due aussi à un manque de performance et à certains choix. Les dépenses fiscales en particulier, qui se montent à 70 milliards, soit plus de 20 % de nos dépenses, continuent d’augmenter alors même que les dépenses budgétaires sont selon vous mieux maîtrisées. Surtout, elles ne sont pas évaluées et leur pertinence n’est jamais démontrée – la question se posera à propos de la réduction du taux de TVA pour la restauration.

Merci encore, donc, pour votre présence, pour la qualité de nos relations et pour votre disponibilité et celle des magistrats à chaque fois que nous les sollicitons. La Cour des comptes a même accepté d’adapter ses méthodes de travail pour mieux prendre en compte la notion de temps si chère à la Commission des finances ! Nous vous écouterons avec autant d’attention que d’intérêt.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. J’ai l’honneur de vous présenter deux documents : l’acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2008, annexé au projet de loi de règlement, et le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour 2008. Ces documents, prévus par l’article 58 de la LOLF, seront complétés avant le débat d’orientation budgétaire par notre rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui évoquera les problèmes de la révision générale des politiques publiques ou de la dette sociale, qui préoccupent votre Commission.

Tous ces travaux s’inscrivent dans le cadre de l’article 47-2 nouveau de la Constitution, lequel complète la définition de la mission d’assistance de la Cour auprès du Parlement. Si la certification a été rendue publique lundi dernier, puisque l’acte devait être annexé au projet de loi de règlement pour son examen par le Conseil d’État, vous êtes les premiers destinataires du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État. Enfin, et pour répondre à une demande de la Commission, les notes d’exécution budgétaire par mission et les notes d’analyse par programme sont cette année pour la première fois annexées au rapport sur les résultats. J’espère qu’elles seront utiles, notamment aux rapporteurs spéciaux.

Sur le fond, je me dois d’abord de vous faire part des préoccupations de la Cour s’agissant des conditions d’application de la LOLF.

Force est de reconnaître qu’après trois années de pleine application, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le big bang budgétaire et comptable n'a pas eu lieu.

Pour ce qui est de la réforme comptable, ce n’est pas à vous, qui en êtes à l’origine et qui avez voté le nouvel article 47-2 de la Constitution, que je vais démontrer l’intérêt pour l'État de disposer, comme les entreprises, d'une véritable comptabilité patrimoniale et de comptes réguliers, sincères et fidèles. Des comptes fiables constituent un outil de gestion indispensable pour l'administration, de même qu’un préalable à l’analyse des coûts des politiques publiques, et donc à une véritable mesure des performances. Il n’y a pas de mesure de la performance sans analyse des coûts, ni d'analyse des coûts sans comptabilité générale.

Des comptes fiables sont aussi la condition d'une analyse économique approfondie – en particulier quant à la soutenabilité des finances publiques. Il faudra bien finir par tirer des enseignements opérationnels de concepts tels que la « situation nette », qui mesure l'écart entre les actifs et les passifs, ou les « engagements hors bilan » susceptibles de se transformer en passifs, comme les banques l'ont appris à leurs dépens avec la crise des prêts hypothécaires à risques. Certes, ces enseignements ne seront pas les mêmes que pour une entreprise : l’État n’a pas – pas encore ! – à réfléchir à sa continuité d'exploitation. Je suis toutefois convaincu de leur utilité, autant pour les parlementaires et les gestionnaires que pour les citoyens.

La nouvelle comptabilité est aussi un vecteur d'informations indispensable pour vous permettre de débattre des projets de loi de règlement ou des orientations budgétaires. Elle constitue en quelque sorte un indicateur avancé des charges que l'État aura à assumer dans les années suivantes. Elle est donc le tableau de bord de l'ensemble des acteurs de la gestion publique. La vraie difficulté est que la plupart d’entre eux ne se sont pas approprié ces nouvelles informations. Comment y seraient-ils d’ailleurs incités alors que le Gouvernement ne fait aucun lien entre la réforme comptable et la révision générale des politiques publiques ? C'est là notre principale préoccupation.

Cette remarque concerne tout autant la réforme budgétaire. Un effort très important a été consenti pour répartir tout le budget de l'État dans des missions et des programmes dotés d'objectifs et d'indicateurs. Des responsables de programmes ont été désignés, disposant en principe d'une plus grande liberté d'utilisation des crédits. Mais, pour user d'un euphémisme, ces nouveaux outils ne sont pas utilisés autant qu'ils pourraient l’être. En bref, l'ensemble de l'administration « pédale », mais dans le vide. Les responsables de programme pourtant au cœur du nouveau système peinent pour la plupart à s'imposer, faute de définition précise de leurs missions et de leurs prérogatives, par rapport notamment aux ordonnateurs. On nous a annoncé des gestionnaires dotés de super-pouvoirs pour améliorer les performances publiques, mais force est de reconnaître que, bien souvent, le responsable de programme n'est responsable de presque rien, concurrencé qu'il est par le directeur du personnel, le directeur financier et le secrétaire général de son ministère.

Parallèlement, la programmation, la gestion et le suivi des crédits sont encore partiellement effectués selon les anciennes modalités. La fongibilité des crédits, notamment, est encore peu utilisée. Des mesures récentes comme la construction de perspectives budgétaires pluriannuelles ont certes permis des progrès, mais on est encore loin du compte en matière de remontée d'informations, d’utilisation des indicateurs ou d'adaptation des moyens aux résultats. Les indicateurs n'ont pas trouvé leur place dans le débat public. Pour résumer, sur cinquante-deux missions, rares sont celles pour lesquelles des progrès sont dus à l'application de la LOLF.

Il va de soi que nous approuvons sans retenue la démarche engagée avec la LOLF. Ce qui nous préoccupe, ce sont ses modalités d'application. Cette réforme mobilise une immense énergie sans produire les fruits attendus. Ce ne sont pas quelques modifications à la LOLF, même si elles sont opportunes, qui y changeront quelque chose. Seule une impulsion politique forte pourra déboucher sur sa pleine utilisation et venir à bout des résistances de tous ordres. L'enjeu est de taille car la LOLF est bel et bien la clé de voûte de la réforme de l'État.

J’en viens maintenant à l’acte de certification.

Nous avons formulé cette année encore douze réserves, dont neuf qualifiées de substantielles. En certifiant les comptes malgré tout, la Cour a voulu, comme les deux années passées, adopter une démarche constructive, comme le rapporteur général l’avait souhaité pour 2006 et 2007. Il ne s'agit pas pour nous de clouer l’État au pilori, mais de l'accompagner dans une indispensable démarche de modernisation. Je suis profondément convaincu que c’est une bonne approche. La preuve en est les progrès qui ont été constatés par rapport à 2007. Les deux réserves que nous avons levées ont marqué deux succès, deux progrès significatifs – que nous n’avons pas obtenus sans peine. La première concernait la valeur patrimoniale du compte des procédures publiques de soutien à l'exportation gérées par la COFACE, estimée à 8,9 milliards, et de la section des fonds d'épargne qui est retenue pour sa valeur à fin 2007, soit 7,6 milliards et qui s'ajoute au coût d'acquisition de la participation de l'État dans la Caisse des dépôts et consignations. Cette inclusion a été acquise de haute lutte. La seconde réserve touchait aux provisions pour risques.

Nous pouvons nous féliciter d'autres progrès, dans la réserve sur les produits régaliens par exemple, le désaccord sur les déficits fiscaux reportables en avant ayant été réglé, ou encore sur les immobilisations incorporelles spécifiques. Au total, la Cour a formulé 283 observations et obtenu des corrections et des ajustements significatifs dans les comptes, pour un montant de 9 milliards d’euros au compte de résultat, de 27 milliards au bilan et de 33 milliards en engagements hors bilan.

Certaines avancées obtenues en 2008 illustrent bien les avantages de la comptabilité générale. La diffusion progressive d'une culture de maîtrise des risques au sein de l'État en est une. Il peut ainsi mieux recenser les litiges et risques divers auxquels il est exposé et leurs conséquences financières. La plus grande transparence de l'information en annexe en est une autre. Est précisé par exemple le stock des déficits fiscaux qui viendront s'imputer sur les futures recettes d'impôt, lequel s'établit aujourd'hui à plus de 245 milliards d’euros. La part devant réduire les recettes à venir est estimée à près de 35 milliards d’euros pour l'impôt sur les sociétés et à 1 milliard d’euros pour l'impôt sur le revenu. On voit donc que c’est un moyen de prévision important. Enfin, de nouveaux actifs sont inscrits au bilan de l’État, tels que les licences UMTS et GSM, pour plus de 4 milliards d’euros, les droits d'émission de gaz à effet de serre alloués aux entreprises polluantes, pour 14 milliards, ou encore une trentaine d'opérations d'armement dont la valorisation a pu être fiabilisée, comme l'avion de transport A400M. L'ensemble de ces éléments donne à l'État des moyens pour « mieux gérer ».

Mais d'importantes difficultés demeurent. L'une des principales concerne la Caisse d'amortissement de la dette sociale. La Cour considère en effet que cette entité est contrôlée par l'État, qui en assume in fine les risques et la responsabilité. Son reclassement en entité contrôlée grèverait la situation nette de l'État de 80 milliards d’euros, voire davantage au vu des déficits qui sont annoncés pour les organismes de sécurité sociale en 2009.

Par ailleurs, plusieurs chantiers accusent des retards dont la Cour ne peut s'accommoder. C’est par exemple le cas du patrimoine immobilier. Cela fait maintenant bon nombre d'années que l'État doit dresser un inventaire fiable de ses biens immobiliers, et l’on attend toujours. J'ai récemment entendu d'importants responsables du ministère du budget affirmer qu’une politique immobilière efficace peut très bien se passer d'un inventaire comptable à jour. Laissez-moi en douter. D’ailleurs, le Gouvernement a annoncé vouloir allouer 12 mètres carrés à chaque poste de travail. Il sera sans doute difficile de faire respecter cette norme sans un inventaire exhaustif du parc immobilier !

Un autre de ces chantiers concerne les opérateurs, ces entités chargées d'un service public qui ont la personnalité juridique, mais qui sont placées sous le contrôle de l'État. Elles figurent dans ses comptes pour plus de 55 milliards d’euros. Leur recensement n'est toujours pas fiable et leurs comptes, qui sont de qualité médiocre, ne sont pas produits dans les délais impartis. Fin 2008, plusieurs d’entre eux, comme le Centre des monuments nationaux ou l'Opéra de Paris, n'inscrivaient pas à leur bilan certains monuments historiques ou des œuvres d’art qu’ils contrôlent, alors même que ces biens justifient leur existence !

L’année 2009, quatrième exercice à être soumis à certification, sera donc critique. Nous sommes tout à fait disposés à rester compréhensifs au sujet des réserves qui ne peuvent être levées à brève échéance. Nous regrettons entre autres les nombreux retards accumulés sur la question des systèmes d'information, qui ne sont pas adaptés aux nouvelles normes comptables, mais

nous avons conscience de la difficulté du processus et acceptons de rester patients. En revanche, sur d’autres chantiers, des retards ont été pris alors que les progrès étaient à portée de main. C’est le cas pour les comptes de trésorerie, le patrimoine immobilier, les produits régaliens, les passifs d'intervention, les inventaires d'actifs et de passifs des ministères civils. Si rien n’est fait, nous devrons finir par en tirer les conséquences, à moins d’ôter toute signification à l’acte de certification.

J’en arrive au rapport sur les résultats et la gestion budgétaire, qui réunit trois approches : l’une, traditionnelle, de contrôle de l'exécution budgétaire, une autre, plus nouvelle, d'analyse croisée des résultats en comptabilité budgétaire et en comptabilité patrimoniale, des résultats qui se complètent et donnent une vision plus précise de la situation, et la dernière centrée sur l'analyse des nouveaux dispositifs LOLF.

Ce rapport vous est présenté alors que l’on sait déjà que l’exercice 2009 connaîtra un déficit sans précédent, en tout cas dans l’histoire moderne et en temps de paix. L’année 2008 s'est déjà achevée sur une très forte dégradation : le déficit budgétaire de l'État s'établit à 56,3 milliards d’euros, en augmentation de près de 47 % par rapport à 2007. Cette somme représente un quart des recettes annuelles de l'État ! Le travail de la Cour a été d'analyser ce résultat et, s’il est un message qu’elle veut faire passer, c’est bien que la crise n'a eu qu’une faible part dans la dégradation du déficit. C’est dire que ce rapport révèle des tendances de fond que la conjoncture ne doit pas conduire à négliger.

Comme les années précédentes, le résultat affiché dans le projet de loi de règlement ne prend pas certaines dépenses et dettes pourtant exigibles en compte. C’est le cas de 5,9 milliards d’euros qui auraient dû juridiquement être payés en 2008 mais qui ne l'ont pas été, dont 3,6 de dettes à l'égard de la sécurité sociale et 1,95 au titre des programmes d'armement, et aussi de 953 millions de dépenses de primes d'épargne logement payées en dehors du budget de l'État au moyen d'avances rémunérées consenties par le Crédit foncier. Le montant total de ces sommes atteint 7 milliards d’euros.

La Cour ne se prononce pas sur la sincérité du résultat affiché dans le projet de loi de règlement mais donne, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, son appréciation sur l'exactitude des comptes. Toutefois, le nouvel article 47-2 de la Constitution dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères » et qu’« ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Cette nouvelle disposition s'applique-t-elle seulement à la comptabilité patrimoniale ou aussi aux résultats budgétaires et, si oui, dans quelles conditions ? Il ne nous appartient pas de répondre à cette question, mais elle se pose assurément. En attendant, nous ne reprenons donc aucun chiffre alternatif quant au déficit. Nous nous contentons de vous donner les informations nécessaires pour mieux comprendre ce que recouvre le résultat affiché. D’ailleurs, si certains errements, bien connus de la Cour, sont relevés, comme la sous-budgétisation, les reports de charges ou les compensations entre recettes et dépenses, ils ne semblent pas être plus importants que les années précédentes.

Cette année, la véritable difficulté vient du caractère structurel, et pas seulement conjoncturel, de la dégradation du résultat. Deux tendances de fond se conjuguent : une diminution des recettes nettes, fiscales et non fiscales, qui n'est imputable que très partiellement à la crise, et un défaut de maîtrise de la croissance des dépenses, qui ne doit rien aux mesures du plan de relance.

Pour ce qui est des recettes, ce sont tant les recettes fiscales que les recettes non fiscales, liées notamment aux cessions d'actifs immobiliers et de participations dans des entreprises, qui diminuent. Les recettes fiscales nettes diminuent pour la troisième année consécutive. Elles ont baissé de 2,5 % par rapport à 2007. Cela est dû d’abord au transfert de recettes vers d'autres administrations, pour 6,1 milliards d’euros – dont 1,3 pour les collectivités territoriales et 4,3 pour les organismes de sécurité sociale. Si les transferts aux collectivités territoriales sont liés à des transferts de compétences, qui allègent d'autant les dépenses de l'État, les transferts en faveur de la sécurité sociale compensent des moins-values de recettes dues aux exonérations de cotisations sociales décidées par l'État, notamment dans la loi TEPA. Il s'agit donc d'un coût sans contrepartie pour l'État. La baisse des recettes fiscales est aussi due aux allégements d'impôts, qui ont coûté 7,8 milliards d’euros en 2008. Les seules dispositions fiscales de la loi TEPA, distinctes des celles concernant les cotisations sociales, ont notamment coûté 3,2 milliards d’euros à l'État.

La crise a certes aggravé la situation, mais nous estimons son impact sur les recettes inférieur à 4 milliards d’euros. Ainsi, alors que les prévisions de recettes du Gouvernement se montaient à 283 milliards pour 2008, les recettes nettes n'ont atteint que 260 milliards. Cet écart de 23 milliards d’euros a plusieurs explications incontestables : des surestimations dans la prévision pour 5 milliards d’euros, l'effet des nouveaux allégements d'impôts pour 7,8 milliards d’euros, les transferts de recettes aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale pour 6,1 milliards d’euros. Ne restent que 4 milliards d’euros dont on peut penser qu'ils sont dus à la crise.

Parallèlement, les dépenses ont continué de croître : l'ensemble des dépenses nettes a augmenté en valeur de 2,8 %. Si l'on se réfère à la norme de progression figurant dans la loi de finances initiale, bien qu’elle ne corresponde qu'à une partie de ces dépenses, l'accroissement des dépenses aurait dû être de 0,3 % en volume et de 1,9 en valeur. Le dépassement n’est que la conséquence d'une inflation plus importante que prévu. Toutefois, la Cour observe que des dépenses ont été irrégulièrement payées en dehors du budget de l'État : une partie des primes d'épargne logement, payées au moyen d'avances rémunérées du Crédit foncier de France, pour 953 millions d’euros, et une partie des sommes dues à la sécurité sociale, qui a fait l'objet d'une compensation de recettes et de dépenses, pour 753 millions. Si l'on intègre ces sommes dans les dépenses relevant de la norme, l'augmentation des dépenses a été en fait de 3,4 %.

Par ailleurs, cette norme ne couvre pas toutes les dépenses, et notamment pas celles qui transitent par des comptes spéciaux ou en opérations de trésorerie. Si son périmètre a bien été élargi en 2008 dans le sens que nous souhaitions, des progrès sont encore possibles.

Enfin, la norme ne couvre pas les dépenses fiscales, qui de leur côté ont augmenté de 7 % et dépassent les 73 milliards d’euros. Le rapport de votre Commission a déjà mis en exergue les dangers liés à la très forte augmentation de ces dépenses, qui représentent l’équivalent de 27 % des dépenses budgétaires. Il a aussi permis des avancées que nous saluons, notamment une meilleure information dans les projets et les rapports annuels de performance, la création d'un objectif annuel de dépenses fiscales ou l'obligation de gager toute nouvelle dépense fiscale. Mais le chemin qui reste à faire pour une meilleure maîtrise et une meilleure évaluation de ces dépenses est encore bien long.

En matière de dépenses aussi, l'impact de la crise est resté très limité. Le plan de relance pèsera surtout sur l’exercice 2009 et le plan de soutien aux banques, consistant essentiellement en un dispositif de garantie, n'a pas induit de déboursement de la part de l'État, hormis une prise de participation de 1 milliard d’euros pour le sauvetage du groupe Dexia, elle-même partiellement remboursée avant la fin de l'année. Le plan de financement de l'économie n'a pas non plus eu d'effet en 2008.

La comptabilité patrimoniale permet de préciser ce diagnostic, et contribue d’ailleurs à l’assombrir. L'évolution du bilan fait notamment apparaître un net alourdissement de la dette, notamment financière, qui dépasse pour la première fois les 1 000 milliards d’euros fin 2008, soit une augmentation de plus de 10 %. La situation nette, c'est-à-dire la différence entre les actifs et les passifs, se dégrade également, même s'il faut rester prudent à ce stade puisque tous les actifs ne sont pas encore recensés. Le résultat comptable révèle également une importante dégradation, de 131 % en deux ans. Le solde net des opérations de l'exercice s'établit à moins 73 milliards.

Ce résultat traduit en premier lieu la progression des charges de l'État, avec des charges d'intervention qui ont augmenté de 20 %, des charges financières de 16,2 % et des charges de fonctionnement de 6,1 %. Encore un indicateur avancé des dépenses à venir…

Songez à ce que serait la comptabilité des entreprises si elles ne raisonnaient que sur la base des budgets de leurs divisions ou de leurs filiales ! La force de la comptabilité générale est de relier des actifs à des produits et des passifs à des charges, et de surveiller de près les engagements hors bilan.

Quand votre Commission demande la constitution d’une provision budgétaire sur les obligations indexées, le producteur des comptes passe une écriture dans un compte de bilan. Quand la LOLF exige un suivi des charges et ressources de trésorerie, ce sont des comptes de comptabilité générale qui sont touchés. Alors, pourquoi ne pas sauter le pas ? Pourquoi ne pas raisonner sur la base des grands agrégats de la comptabilité générale ? Pourquoi ne pas faire de l'annexe le vecteur de l'analyse de la soutenabilité budgétaire, comme le font les États-Unis depuis de nombreuses années ?

Dans le secteur privé, l'annexe constitue une partie essentielle des états financiers, que les commissaires aux comptes scrutent avec encore plus d'attention du fait de la crise. Cette annexe comporte des informations essentielles, certaines d'ailleurs ajoutées à la demande de la Cour, comme celles qui décrivent l'ensemble des conséquences financières de la crise. Pour ce qui est, par exemple, des garanties octroyées aux établissements de crédit, ainsi qu’à Dexia et à sa filiale américaine FSA en particulier, la Cour a insisté pour que l'annexe ne se contente pas de mentionner les 22 milliards d’euros de garanties effectivement débloquées, mais qu’elle détaille aussi le plafond autorisé par les lois de finances, soit près de 60 milliards d’euros.

Voilà qui illustre l'apport de la nouvelle comptabilité à l'analyse des engagements de l'État. Et l’information sur les engagements de retraite a aussi été enrichie à la suite d'un audit approfondi de la Cour : figurent à la fois les engagements bruts correspondant à tous les droits acquis au 31 décembre 2008 par tous les fonctionnaires en activité ou retraités ou leurs ayants cause, soit 1 057 milliards d’euros, mais aussi le besoin de financement actualisé pour la fonction publique d'État, les régimes spéciaux subventionnés et les ouvriers d'État, soit 549 milliards d’euros à l’horizon 2050.

La comptabilité générale permet ainsi de mieux cerner l'ensemble des risques et des engagements de l'État, bien au-delà des apparences, parfois trompeuses. Quel peut être le rôle de la Cour dans ce contexte ? Je pense qu'il est de contribuer à une certaine lucidité, sans s’enfermer dans la déploration. Les finances de l'État ne sont pas simplement en crise : elles souffrent d'une maladie chronique, et il faut attaquer le mal à la racine. Il est pour cela absolument essentiel de lutter contre le déficit structurel. L'État aborde la crise avec un déficit structurel de 3,5 %, qui ne lui laisse aucune marge de manœuvre. Pour reconstituer ces marges, il faut d’abord mettre un coup d'arrêt à la baisse des recettes. Quant aux dépenses, la norme de la croissance zéro en volume ne sera évidemment pas suffisante pour relever le défi. Il faudra engager des réformes structurelles bien plus importantes, et peut-être faire des choix parmi les politiques publiques. Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques dira la même chose pour l’ensemble des administrations mais, pour l’instant, il est important de mettre en évidence la part de l'effort qui revient à l'État sans faire porter la responsabilité de l'ensemble du problème sur la sécurité sociale et les collectivités territoriales.

Il est aussi indispensable de reconnaître que la LOLF permet de grands progrès. On peut même dire que les mauvaises pratiques sont des perpétuations de l'ancien système, et les bonnes un premier acquis de la nouvelle gestion publique. Mais cet acquis reste insuffisant. Il est urgent de le consolider. La crise ne doit surtout pas être le prétexte à un relâchement de l'effort. Malraux l’a dit : on ne va pas au bord du Rubicon pour y pêcher à la ligne ! Alors que la France traverse l'une des plus graves récessions de son histoire, il est primordial que les acteurs s'approprient les nouveaux outils qui sont à leur disposition. Il faut donc un sursaut rapide dans la mise en œuvre de la réforme budgétaire et comptable engagée avec la LOLF. Si nous voulons préserver la crédibilité de la signature de la France, il y a urgence.

Je me tiens à votre disposition, avec M. Babusiaux, président de la formation interchambres, MM.  Alventosa et Lefas, conseillers-maîtres, M. Belluteau, conseiller référendaire, et M. Blondel, auditeur, pour répondre à vos questions.

M. le président Didier Migaud. Merci pour ce rapport, toujours aussi intéressant et aussi dense.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La gestion budgétaire de 2008 confirme la maladie chronique qui touche nos finances publiques depuis trente ans. La crise aura certes eu un impact, mais qui reste limité – il sera de toute façon bien supérieur en 2009. Toutefois, pour ce qui est des dépenses, je serai moins sévère que vous. Si elles ont augmenté de 3,4 % au lieu de 2,8, il me semble que l’explication tient à deux facteurs.

Il s’agit d’abord de l’avalanche de clôtures de plans d’épargne logement qui a eu lieu cette année en raison d’une réforme voulue par nos collègues sénateurs. L’État, face à ce phénomène subit et massif, a dû demander au Crédit foncier de payer les primes correspondantes. Or le chiffre de 953 millions d’euros que vous avez évoqué est un cumul : le seul flux de 2008 se monte plutôt à 300 millions d’euros. Nous avons par ailleurs déjà inscrit en loi de finances rectificative fin 2008 un début de financement de ces primes.

Il s’agit ensuite du fait que l’État a apuré une partie de sa dette vis-à-vis de la sécurité sociale en lui affectant directement un trop perçu par l’ACOSS au titre de la taxe sur les véhicules de société, qui se monte à 753 millions d’euros. La taxe sur les véhicules a été transférée à la sécurité sociale pour financer l’exonération des heures supplémentaires de la loi TEPA.

Pour le reste, et vous le reconnaissez vous-même, des progrès substantiels ont été effectués en 2008 en matière de maîtrise de la dépense, notamment avec l’intégration, dans le périmètre de la norme, des prélèvements sur recettes. L’augmentation des dépenses est certes supérieure à ce qui était prévu, mais le différentiel s’explique par les 2,5 milliards d’euros qu’il a fallu provisionner et inscrire en dépense budgétaire au titre de la partie des prêts de l’État à long terme, qui est indexée sur l’inflation.

En revanche, je partage votre sévérité sur le volet recettes. Néanmoins, comment la Cour parvient-elle à faire la part entre l’impact de la crise – moins 4 milliards d’euros – et la surestimation des recettes ? L’exercice me paraît difficile.

Par ailleurs, vous soulignez à juste titre qu’une bonne partie de la baisse des recettes est liée à des mesures nouvelles de fiscalité ou à la compensation d’exonérations de charges sociales, bien plus qu’à la crise. Or nous allons devoir faire face, en 2009, et surtout en 2010, à la baisse de la TVA sur la restauration et à la réforme de la taxe professionnelle, qui vont se traduire par un abandon de recettes de plus de 10 milliards d’euros. Comment concilier le creusement accéléré et historique des déficits avec la poursuite de baisses d’impôts substantielles ?

Au-delà des progrès significatifs réalisés en matière de dépense fiscale, où le Gouvernement nous a largement suivis, les règles de gouvernance, comme le gage des recettes et les études d’évaluation préalables, risquent de ne pas suffire. La Cour a-t-elle des propositions à nous faire ?

Notre souci n’est pas tant la maîtrise de la dépense, pour laquelle les règles sont claires, que celle de la recette, notamment fiscale.

M. le président Didier Migaud. Je partage totalement l’analyse du rapporteur général sur la dépense fiscale. Est-il possible de faire la distinction entre ce qui relève de la dépense liée à de nouvelles réductions d’impôt ou à de nouvelles exonérations et la transformation de la dépense budgétaire en dépense fiscale ? Si l’on transforme de la dépense budgétaire en dépense fiscale, tout notre effort de maîtrise de la dépense budgétaire n’aura pas de sens.

M. le rapporteur général. La Commission des finances partage la préoccupation de la Cour des comptes selon laquelle il faut protéger les recettes en période difficile.

Comment pourrions-nous renforcer le rôle des responsables de programme ? Vous préconisez une circulaire interministérielle pour préciser ce rôle, dans le domaine de la dépense fiscale, de la gestion de personnel, des programmes de soutien, mais aussi vis-à-vis des opérateurs. La commission des Finances a l’intention de multiplier les auditions directes. Mais avez-vous des suggestions particulières que nous pourrions reprendre dans le cadre du débat d’orientation budgétaire ?

S’agissant de la certification des comptes, vous estimez, pour la première fois, qu’il faut intégrer la CADES dans le périmètre de l’État. Ce changement n’est-il pas inspiré par le sentiment que la dégradation des déficits sociaux exigerait un traitement plus approprié de la part de l’État ? Comment voyez-vous l’avenir de la CADES ?

Ce troisième exercice montre que la certification a été l’occasion de mettre en place un accompagnement très constructif de la Cour. Les réserves émises à propos de l’engagement de l’État au titre de la COFACE, des fonds d’épargne, de l’insuffisance des provisions pour risque ont été levées. Cet esprit de coopération doit se poursuivre même si des questions restent en suspens. Quel délai donnez-vous à l’État pour régler les questions qui n’ont toujours pas trouvé de solution ?

Par ailleurs, vous avez suggéré de supprimer la période complémentaire. Est-il vraiment possible de le faire sachant que la loi de finances rectificative est votée juste avant Noël et promulguée le 30 ou le 31 décembre ?

Quelles sont, hormis celle concernant la CADES, les réserves dont l’impact sur le compte de résultat de l’État est le plus fort ?

M. Philippe Séguin. S’agissant de l’importante question des délais, il arrivera un moment où l’accompagnement de la Cour risque de susciter des questions de la part de ce qu’il est convenu d’appeler la communauté financière. Ma réponse est : aucun délai pour ce qui peut être réglé immédiatement et ce pour quoi nous avons une argumentation solide. Il n’est pas possible de surseoir pendant encore deux ou trois ans. Sinon, nous ferons comme pour la sécurité sociale : nous refuserons de certifier. Il y va de l’intérêt même de la crédibilité de l’acte de certification. Nous avons d’ailleurs rappelé notre position en exergue du rapport sur la certification.

En ce qui concerne la CADES, nous considérons qu’il s’agit de corriger une erreur. En 2006, à la demande du directeur du budget, la CADES a été classée en participation non contrôlée, afin de distinguer la dette sociale de celle de l’État et d’inciter ainsi au redressement des comptes du régime général. Dans son sillage, plusieurs entités de sécurité sociale ont fait l’objet du même classement. À nos yeux, une telle position n’est pas défendable parce qu’on voit mal vers qui d’autre que l’État ces organismes pourraient se tourner. La crise a conduit la Cour à se montrer particulièrement exigeante, mais la CADES n’est pas la seule en cause. Le transfert de 26,9 milliards d’euros de dette en 2008 a conduit à mettre en œuvre le mécanisme de protection de ressources fiscales affectées défini par l’ordonnance de 1996 et la perspective d’un allongement de la durée d’amortissement lié à la baisse de la CSG et de la CRDS qui la financent conduira l’État à intervenir de nouveau à l’avenir. C’était pour nous une raison majeure de nous y intéresser.

En ce qui concerne l’impact budgétaire des réserves, il est très variable. Certaines, comme celle sur le système d’information comptable, n’ont pas d’incidence. Celle sur les opérateurs n’est pas chiffrable. Les réserves relatives à la CADES et aux concessions de service public sont potentiellement les plus lourdes, entre 100 et 200 milliards d’euros. La seconde doit être abordée au comité de normalisation de 2009 car l’administration est désormais d’avis de comptabiliser les concessions à l’actif du bilan. Sept réserves – les n°s 4, 5, 6, 7, 8 et 11 – représentent un total de 10 milliards d’euros.

La question la plus délicate que vous m’avez posée concerne les effets de la poursuite des allégements de recettes. En jargon financier, je dirai qu’ils sont « difficilement soutenables ». On pourra certes, une fois qu’on aura fait la part entre la dépense fiscale qui relève de l’exonération et celle qui aurait pu prendre la forme de subvention, discuter de la maîtrise de la dépense, mais il n’en reste pas moins que, même s’ils sont atteints, les objectifs fixés ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.

La période complémentaire répondait jusqu’ici à un double besoin : d’une part, procéder à des écritures de régularisation comptables – mais cela ne justifierait pas une période aussi longue, de près de trois semaines –; d’autre part, et c’est la seule raison qui tienne, permettre au Gouvernement de dépenser des crédits ouverts dans la loi de finances rectificative de fin d’année. La Cour, avant d’arriver à cette conclusion, a beaucoup réfléchi à la question.

En premier lieu, renvoyer l’ouverture de crédits supplémentaires à une loi de finances votée dans les tout derniers mois de l’année ne nous paraît pas une pratique inéluctable. En effet, les ouvertures de crédit en loi de finances rectificative correspondent le plus souvent à des besoins connus très tôt dans l’année et, dans de nombreux cas, elles sont dues à une sous-évaluation tout à fait consciente des dotations dans la loi de finances initiale. De surcroît, l’analyse des dernières exécutions budgétaires montre que toutes les ouvertures tardives de crédit contribuent à augmenter les reports de charges sur l’exercice suivant.

En second lieu, un aménagement des calendriers respectifs de discussion et de vote de la LFR de fin d’année et de la loi de finances initiale clarifierait la répartition aujourd'hui aléatoire des ouvertures de crédit dans l’un ou l’autre des deux textes. La LFR pourrait très bien être déposée plus tôt.

En troisième lieu, si la suppression de la période complémentaire suppose la mise en place d’un système d’information budgétaire et comptable performant, à l’inverse, son maintien sera difficilement compatible avec le système d’information Chorus qui est en cours d’expérimentation. Une réflexion sur ce point gagnerait donc à être conduite.

M. le président Didier Migaud. Si l’on s’engageait dans plus de pluriannualité, le collectif de fin d’année deviendrait inutile. Nous avions envisagé sa suppression avec Alain Lambert.

M. Philippe Séguin. Nous aurions dû ajouter cette quatrième raison.

Les responsables de programme, dont s’inquiète M. le rapporteur général, sont en théorie la clef de voûte du dispositif. Mais ils ne disposent que d’une information restreinte, voire inexistante, sur les dépenses fiscales et les opérateurs, et n’ont aucune prérogative qui leur permette de se situer clairement entre le ministre et son cabinet, d’un côté, et le secrétaire général et les directions, d’autre part. Une circulaire ne suffirait pas, je vous le concède bien volontiers, à donner aux responsables de programme le rôle que leur confie la LOLF. Mais ce serait un premier pas. En tout état de cause, rien ne se fera sans volontarisme sur le plan interministériel. La commission des Finances est la seule à pouvoir convaincre le Gouvernement.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes. M. le rapporteur général s’est interrogé, au-delà de la dépense fiscale, sur la persistance d’une évolution problématique des dépenses.

Premièrement, en ce qui concerne la norme de dépense, le Gouvernement a explicitement considéré que la base retenue, c'est-à-dire les dépenses effectives dans le champ de la norme en 2007, soit 270,6 milliards, ne devait pas progresser de plus de 1,9 %, c'est-à-dire de 5,5 milliards.

M. le rapporteur général. Avec une estimation de l’inflation à 1,9 % !

M. Chrisitan Babusiaux. Le Gouvernement reconnaît un dépassement de 2 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,5 milliards au total. Une bonne part correspond en effet à l’indexation d’une fraction des emprunts, mais cela ne change rien puisque le Gouvernement a utilisé la réserve de précaution qui avait été votée. C’est la première fois que la norme de dépense est dépassée.

Deuxièmement, le Gouvernement a dépensé non seulement 7,5 milliards d’euros de plus que prévu, mais il a aussi fait dépenser par le Crédit Foncier 953 millions d’euros et évité de comptabiliser, grâce à une opération de compensation de dépenses et de recettes, 753 millions d’euros de dépenses. M. le rapporteur général fait valoir, s’agissant de la première dépense, qu’il s’agit d’un stock, et non d’un flux. Toutefois, nous partons des chiffres fixés par le Gouvernement lui-même et, dès lors qu’une dette est exigible, il convient de la payer. Si le Gouvernement avait retenu une autre définition de la norme, le résultat n’aurait pas été différent et la dépense aurait, de toute façon, augmenté sensiblement.

Enfin, les charges retracées en comptabilité générale ont augmenté plus vite que les dépenses parce que certaines dépenses exposées en 2008 ne seront réglées qu’en 2009.

La question de la maîtrise de la dépense se pose donc bien, indépendamment de l’évolution de la recette, quels qu’aient été les efforts du Gouvernement.

M. Michel Bouvard. Il faut saluer la qualité du travail accompli chaque année par la Cour des comptes. Des améliorations ont été enregistrées dans le cadre de la procédure de certification même si des marges de progression subsistent.

La baisse, pour la troisième année consécutive, de la recette fiscale est préoccupante. Elle est passée de 3 % du PIB en 2003 à 3,8 % en 2008, c'est-à-dire de 50 milliards à 73 milliards d’euros. Le plus inquiétant, c’est qu’elle reste en grande partie mal connue, qu’il s’agisse de son montant ou de son efficacité. Il faudrait que les recommandations de la Cour soient suivies. La mise sous plafond de la dépense fiscale doit pouvoir s’apprécier dans le cadre pluriannuel. Comment pourrait-elle être régulée ?

Quant aux opérateurs, selon le rapport de certification, 37 % d’entre eux n’ont pas produit leurs comptes dans les délais, 9 % seulement ont achevé des travaux de fiabilisation des comptes et 356 n’ont pas encore clos la phase initiale de recensement de l’immobilier. Le ministre du budget lui-même avait évoqué de possibles sanctions. Où en est-on ? Par ailleurs, comment peut-on stabiliser la liste des opérateurs ? Enfin, que pensez-vous de leur endettement ? Les agences de l’eau notamment souscrivent des emprunts auprès de la Caisse des dépôts en gageant le remboursement sur le fait qu’elles auront moins de subventions à distribuer quand les mises aux normes auront été effectuées. Mais cela revient quasiment à nantir leurs recettes futures.

Le rôle des responsables de programme doit être impérativement conforté. La mission d’information relative à la mise en œuvre de la LOLF aura l’occasion de revenir dans son rapport sur la fongibilité et les perspectives ouvertes par la pluriannualité budgétaire. Et nous partageons les remarques de la Cour sur les systèmes d’information.

Je terminerai en remerciant le Premier président de la Cour et le président Babusiaux d’avoir permis de clore le dossier des fonds d’épargne.

M. Jérôme Cahuzac. Je m’associe aux commentaires élogieux sur le travail de la Cour, qui nous a apporté une aide considérable.

Tout d’abord, s’agissant de la dépense, 3,5 milliards d’euros de plus, c’est relativement peu. La dépense a été moins mal tenue que les recettes, qui ne l’ont pas été du tout.

La loi de finances rectificative d’octobre a prévu une augmentation des recettes fiscales brutes de 2,5 milliards d’euros. Une telle évolution était-elle crédible même à l’époque ? Même question pour la prime pour l’emploi, qui était budgétée pour 2008 à 3,1 milliards d’euros alors qu’elle avait coûté 4 milliards en 2007. Même question aussi pour la suppression de la taxation des plus-values à long terme.

En ce qui concerne la liquidation du stock de primes de plans d’épargne logement, quand on budgète pour l’année n  + 1 le passif de l’année n, il y a fort à parier que les prévisions seront dépassées. Il s’agit, encore une fois, d’une sous-évaluation patente si bien que les comptes publics font apparaître un besoin supplémentaire de 1 milliard d’euros chaque année.

Quel est le solde primaire en 2008, qui était, je le rappelle, positif en 2007 ? S’il est négatif, cela signifie que les charges de la dette et une partie des charges courantes sont financées par la dette.

Pourriez-vous rappeler quelle était en 2008 la dette de l’État envers la sécurité sociale ?

En anticipant sur l’exercice 2009, le déficit attendu est de l’ordre de 110-115 milliards d’euros. Hors prélèvements sur recettes, le budget est de 240 milliards. Confirmez-vous que, en 2009, pour 2 euros dépensés par l’État, 1 devra être emprunté ?

M. Philippe Vigier. Je souligne moi aussi la qualité de votre travail, la pertinence de votre analyse et la présentation sans détour que vous en avez faite.

Il y a deux objectifs essentiels : la préservation des recettes et une meilleure gestion des dépenses. Vous écrivez que « les audits internes sont embryonnaires, éclatés, insuffisamment développés ». Ne pensez-vous pas que, en période de crise, il faille aller chercher les marges de manœuvre, quitte à faire appel à des audits externes et à remettre des préconisations beaucoup plus virulentes, de façon à avancer substantiellement ?

Les opérateurs, à propos desquels je suis d’accord avec Michel Bouvard, ne se livrent-ils pas à un blocage systématique ? Il ne faut pas oublier que les sommes en cause, 55 milliards d’euros, sont considérables.

Quelles sont, Monsieur le Premier président, vos appréciations sur la revue générale des politiques publiques, la RGPP ? À quelle échéance pourra-t-on en attendre des résultats substantiels ?

Que recommandez-vous face au déficit abyssal de la CADES ?

Dans la perspective de la baisse de la TVA dans la restauration et la réforme de la taxe professionnelle, seriez-vous prêt à proposer des mesures exceptionnelles pour préserver les recettes ?

M. Jean-Michel Fourgous. Votre présentation en termes d’actif-passif me convient bien, à moi qui viens du privé. Pourquoi n’arrive-t-on pas à obtenir des études d’impact sur les mesures fiscales ? Ne pourrait-on pas avoir, comme vous l’avez fait sur les revenus du patrimoine, une analyse de la mesure ISF-PME qui génère des rentrées fiscales et sociales ? On n’arrive pas à se soucier de l’impact des mesures prises sur la croissance, qui reste tout de même l’objectif final. La France ne s’en sortira que par une hypercroissance, ce qui suppose des mesures fiscales d’une autre ampleur.

Monsieur le Premier président, je vous renvoie à vos dernières déclarations ici même lorsque vous avez dit que l’augmentation sensible et continue des prélèvements sur le patrimoine de 1997 à 2007 était préoccupante. N’en déplaise aux ultras de l’impôt, un alourdissement de la fiscalité risquerait d’aggraver l’évasion fiscale. Il faudrait aussi une étude d’impact du changement de la fiscalité. La croissance des prélèvements rendra inefficace toute politique volontariste d’orientation de l’épargne, qui est pourtant une des conditions de la sortie de crise. En m’appuyant sur le rapport de la Cour, je rappelle qu’en dix ans, les revenus du patrimoine n’ont augmenté que de 47 % quand l’impôt, lui, a doublé. Pourriez-vous expliquer le danger qu’il y aurait à instituer de nouveaux prélèvements dans le pays qui détient le record dans ce domaine ?

M. Pierre-Alain Muet. J’ai moi aussi trouvé le rapport de la Cour fort intéressant.

Nous sommes passés d’un déficit de 41,3 milliards en 2007 à 73,1 milliards en 2008. Sur les 31 milliards d’euros de différence, 4 milliards sont dus à la conjoncture. Autrement dit, l’augmentation du déficit structurel a été de 27 milliards d’euros. Une augmentation de cette importance est le résultat de mesures qui traduisent l’absence de maîtrise des dépenses prises au sens large.

Par ailleurs, il faut changer de norme de dépense. Celle qui prévaut actuellement passe sous silence la dépense fiscale. La dérive – 2 milliards d’euros de plus sur 5,5 prévus – observable n’est que le résultat de l’inflation. En réalité, c’est du côté des recettes nettes que provient le dérapage. Ne pas tenir compte de la dépense fiscale fausse la réalité. La norme « zéro volume » a été respectée et la baisse des recettes pourrait passer à tort comme la conséquence de la conjoncture. Les recettes brutes ont augmenté de 4,4 milliards d’euros, mais les recettes nettes ont diminué de 6,7 milliards d’euros à cause de mesures fiscales supplémentaires représentant 11 milliards d’euros. Si le Gouvernement voulait maîtriser le déficit tout en laissant jouer les stabilisateurs automatiques, la norme de dépense devrait inclure la dépense fiscale. Elle retracerait mieux la réalité de la politique économique.

M. Philippe Séguin. Je remercie chacun des orateurs de leurs appréciations.

Monsieur Bouvard, il faut un dispositif de suivi et d’évaluation systématique des dépenses fiscales existantes. Les bonnes résolutions sur les flux ne sont pas suffisantes puisqu’on ne dénombre pas moins de 486 dispositifs ! Cela donne une idée du travail qui attend ceux qui seront chargés de l’évaluation. Ensuite, il faut mettre le responsable de programme « dans le coup » car, pour l’instant, il ne voit rien. Par ailleurs, il convient de bien distinguer la dépense fiscale techniquement légitime de celle qui constitue une simple facilité qui a pour effet, ou pour objet, de réduire les dépenses affichées. Cela existe et c’est inacceptable. Il faudrait enfin faire preuve d’une plus grande sélectivité et réserver le mécanisme aux interventions dont il est établi qu’elles ne peuvent absolument pas relever du droit commun que constitue le crédit budgétaire.

Pour répondre à la préoccupation de M. Fourgous, je dirai que si l’on veut éviter d’avoir à augmenter les prélèvements plus tard, il importe d’être d’autant plus attentif à conforter et à sécuriser la recette potentielle existante, ainsi qu’à respecter le plafond de dépense.

M. Michel Bouvard. Ne faut-il pas, avec la pluriannualité, mettre la dépense fiscale sous plafond ?

M. Philippe Séguin. Il m’est difficile de vous répondre.

S’agissant des opérateurs, les menaces de s’en prendre à la rémunération des dirigeants en cas d’avancement insuffisant du recensement du parc immobilier ont eu des effets limités, mais le principe a été posé, et il est le bienvenu. La liste des opérateurs est incomplète, mais elle comprend également des organismes qui ne devraient pas être considérés comme tels. La clarification est impérative : nous approfondirons le sujet dans notre rapport sur les finances publiques.

Je remercie M. Cahuzac, qui m’a posé une question délicate sur la crédibilité de l’inscription en loi de finances rectificative de 2,5 milliards d’euros de recettes fiscales brutes supplémentaires. À vrai dire, l’opération nous paraît peu crédible. Quant aux sous-budgétisations en 2009 qu’il a évoquées, nos estimations sont encore très partielles. Les charges reportées de 2008 à 2009 sont évaluées à 5,9 milliards d’euros – dont 3,6 milliards au titre de la dette envers la sécurité sociale – alors qu’aucun crédit n’a été ouvert pour les couvrir dans la loi de finances initiale. Ces charges correspondent à sous-évaluation des sommes dues par l’État aux régimes de sécurité sociale, à une insuffisance classique de la dotation au fonds de garantie des calamités agricoles et aux crédits au titre de la prime de Noël des bénéficiaires du RMI, ainsi que des OPEX. Le financement des primes d’épargne logement est évalué à 1 milliard d’euros. Divers postes de dépenses sont également concernés : les demandeurs d’asile, les versements aux personnes handicapées et la rémunération des prestations effectuées pour le compte de l’État par la Banque de France.

Le solde primaire est négatif de 12,5 milliards d’euros.

Quant à votre dernière question, Monsieur Cahuzac, je me permets de vous inviter à lire le rapport sur les finances publiques que nous vous transmettrons le plus vite possible.

Monsieur Vigier, pour nous, la sécurisation, voire la reconquête de la recette potentielle sont les premières des priorités. Nous aurons l’occasion de reparler de la RGPP. Les efforts qui ont été ou sont en passe d’être consentis méritent d’être salués, mais une chose est de fixer un objectif, de décrire une procédure, une autre est de se battre pour s’y tenir. Pour autant, les chiffres sont clairs, à l’échéance de 2012, il ne faut pas s’attendre à ce que les résultats soient à la hauteur des nécessités avérées. Nous l’avions écrit dès avant la crise.

Monsieur Fourgous, les études d’impact sont un des enjeux de la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle, qui confie au Parlement une mission d’évaluation et désigne la Cour pour l’assister. J’aurai sans doute l’occasion de revenir devant vous pour vous exposer les mesures que nous avons prises pour ce qui concerne non seulement les méthodes de travail, mais aussi l’organisation de la juridiction, afin de répondre aux besoins. Actuellement, nous sommes dans l’incapacité de vous répondre dans les temps – il nous faut entre deux et trois ans du fait des superpositions de procédures – pour tout ce qui touche aux collectivités territoriales. Nous sommes donc en train de revoir notre organisation sur le territoire, les rapports entre les chambres, l’organisation même de la Cour, pour nous adapter à nos missions nouvelles. L’enjeu est considérable et il faut absolument pouvoir évaluer les effets des dépenses fiscales, notamment en termes d’emplois. Pour l’instant, personne ne le sait. L’évaluation est désormais prévue dans la Constitution et il faudra bien en tirer les conséquences.

Quant aux avantages d’une fiscalité stable, personne ne les conteste.

Je remercierai également M. Muet. Que ce soit clair, le déficit à prendre en considération, c’est le résultat budgétaire. Le résultat comptable a une autre utilité. La différence peut susciter des questions, mais l’ésotérisme qui entoure la comptabilité patrimoniale, à laquelle nous commençons à peine à nous habituer, est sans doute à l’origine de quelques malentendus. Ce qu’il a dit sur la norme « zéro volume » me donne l’occasion de rappeler que, selon nous, elle est insuffisante pour nous remettre « dans les clous », même si elle réclame de très gros efforts.

M. le président Didier Migaud. L’évaluation, c’est bien, mais encore faudrait-il pouvoir tenir compte des évaluations existantes ! Je me souviens d’un rapport très intéressant de la Cour des comptes sur les emplois à domicile qui montre qu’au-delà d’une certaine somme, l’efficacité de la mesure fiscale par rapport à l’objectif affiché est contestable.

M. Philippe Séguin. Je rappelle qu’il y a eu aussi une approche d’évaluation des dépenses des collectivités territoriales en faveur du développement économique.

M. le président Didier Migaud. Selon nos estimations, les dépenses d’investissement de ce type vont augmenter de 50 %.

Monsieur le Premier président, nous vous remercions et nous vous disons à bientôt.

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Information relative à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de :

MM. Didier Migaud, Gilles Carrez, Jérôme Chartier, Michel Bouvard, Louis Giscard d’Estaing, Dominique Baert et Jérôme Cahuzac comme candidats titulaires ;

Mme Marie-Anne Montchamp, MM.François Scellier, Richard Dell’agnola, Jean Launay, Jean-Pierre Balligand et Charles de Courson, comme candidats suppléants ;

Pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires (n° 1619) (M. Gilles Carrez, Rapporteur).

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