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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 17 juin 2009

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 97

Présidence de M. Didier Migaud Président

–  Audition de M. Georges-François Hirsch, directeur de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, responsable de programme, sur la politique du spectacle vivant en 2008 et le bilan des entretiens de Valois

M. le président Didier Migaud. Dans le cadre de notre mission de contrôle budgétaire, parallèlement à nos travaux désormais classiques et à ceux qui ont été engagés par nos rapporteurs spéciaux pour suivre la performance après trois ans de mise en œuvre de la LOLF, nous avons souhaité débattre avec des responsables de programme.

Nous accueillons ce matin M. Georges-François Hirsch, responsable du programme Création de la mission Culture. Il s’agit en particulier d’évoquer les relations qu’entretient l’État avec les nombreuses institutions culturelles qu’il subventionne. Notre commission est très attentive au suivi des opérateurs, et en particulier à la mise en œuvre des contrats d’objectifs et de moyens, qui assurent une prévisibilité dans les relations financières et permettent un contrôle a posteriori.

Par ailleurs, s’agissant des politiques de création culturelle, le Gouvernement a engagé, au cours de l’année 2008, les Entretiens de Valois, dont vous pourrez peut-être, monsieur le directeur, nous livrer certains enseignements.

M. Richard Dell’Agnola, Rapporteur spécial. En dehors des débats que nous avons déjà eus sur l’appréciation de la performance culturelle, nous souhaiterons aujourd’hui savoir quelles ont été les questions abordées au cours des Entretiens de Valois consacrés au spectacle vivant et qui, à l’issue de la première des deux phases, ont donné lieu à la publication d’un rapport à la fin de 2008. Quelles sont les questions abordées dans la seconde phase et quels seront les prolongements d’une telle innovation ?

Quels sont les objectifs des nouveaux contrats que le ministère est en train d’élaborer avec les centres dramatiques et chorégraphiques nationaux ?

Vous souhaitez instituer des conférences du spectacle vivant en région. Quelle en sera la teneur ? Dans quelle mesure l’État peut-il s’engager sur des cadrages financiers pluriannuels ?

Comment inciter les institutions culturelles à mutualiser leurs moyens ?

En ce qui concerne l’intermittence, des réformes sont-elles en cours ? Quelle est la position des syndicats représentatifs ? Comment imaginez-vous mettre en œuvre les avancées éventuelles ? Et dans quelles conditions de dialogue ?

Parallèlement, la réforme de l’administration centrale est engagée. Quels en sont les grands axes et quelles seront les modifications qui seront apportées à l’architecture budgétaire de la mission Culture ?

S’agissant plus particulièrement du programme Création, comment apprécier l’évolution de la performance entre 2006 et 2008 ? Les résultats sont-ils conformes aux prévisions ? Ce programme se prête-t-il à la mesure de la performance ? L’expérience vous a-t-elle conduit à élaborer des indicateurs nouveaux, ou bien a-t-il suffi d’aménager ceux qui existaient ? Tout le spectre de votre activité est-il couvert ?

Pourriez-vous nous rendre compte de l’exécution budgétaire du programme Création en 2008 ? Je relève que la Cour des comptes a recommandé à plusieurs reprises de rattacher à ce programme la réduction d’impôt consentie au titre du mécénat de droit commun, pour donner une plus grande clarté aux indicateurs.

Enfin, votre programme a-t-il bénéficié du plan de relance ? Si oui, comment les crédits correspondants ont-ils été utilisés ?

M. Georges-François Hirsch, directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles. Les Entretiens de Valois correspondent à une démarche nouvelle engagée par la ministre de la Culture et de la communication. Mettre autour d’une même table l’État, les collectivités et les professionnels constitue une petite révolution car personne n’avait organisé ce type de dialogue jusque-là. Un dialogue régulier devrait conduire à un consensus aussi large que possible autour des réformes du spectacle vivant, lesquelles sont nécessaires. La première phase a débouché sur un rapport remis à la ministre au mois de janvier dernier, et la deuxième, qui prendra fin le 30 juin – même si le dialogue se poursuit –, est destinée à mettre au clair les réformes préalablement décidées. Elles sont de deux ordres : technique et politique.

Ces dernières années, le dialogue entre les différents acteurs de la politique de la culture a été quelque peu malmené dans la mesure où le lien entre l’État et les collectivités s’était distendu et où les professionnels, campant sur une position d’affrontement, se bornaient à réclamer de l’argent sans accepter de contrepartie en échange. Nous avons voulu faire changer cet état d’esprit et, désormais, les choses sont en bonne voie. Les associations représentatives des collectivités territoriales sont restées du début à la fin et les organisations syndicales ont globalement participé aux Entretiens, si bien que le rapport reflète les discussions que nous avons eues tous ensemble.

La ministre a retenu plusieurs axes : premièrement, une clarification de l’action de l’État à travers ses financements et ses réseaux ; deuxièmement, la refondation du partenariat entre l’État et les collectivités territoriales ; troisièmement, une meilleure circulation des artistes et des productions à l’étranger.

Le premier axe nous a conduits à reprendre la totalité des textes qui fondent les rapports entre l’État et les professionnels, c'est-à-dire les cahiers des charges de tous les labels, toutes les conventions entre l’État et les institutions culturelles, ainsi que les contrats de décentralisation avec les centres dramatiques nationaux. Nous avons créé des contrats de performance et adressé systématiquement une lettre de mission aux présidents d’établissements publics. Nous nous sommes donc efforcés de clarifier le plus possible le dialogue et de l’accompagner d’engagements réciproques entre l’État, les professionnels et les collectivités. Ce gros travail de réécriture mené par la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles en coopération avec les professionnels et les collectivités territoriales dans le cadre de la seconde phase des Entretiens de Valois, laquelle s’est terminée hier matin, a abouti à des textes qui font consensus, pour le moment du moins. En septembre, nous commencerons à mettre en œuvre tous ces nouveaux textes. Seront également clarifiés les rapports entre les DRAC, d’une part, et les compagnies et les ensembles indépendants, d’autre part, rapports qui ne faisaient pas toujours l’objet de conventions. Le but de l’État est de mieux soutenir la création et les compagnies émergentes. Cette batterie de textes donnera des orientations claires, assorties d’indicateurs, qui devront être respectées. Si elles ne l’étaient pas, la part variable des subventions pourrait être revue à la baisse. De la sorte, chacun saura où il va.

Depuis des années, de jeunes artistes ne peuvent plus exprimer leurs projets faute de soutien ou de lieu adaptés. Nous avons voulu clarifier les choses et nous allons rappeler l’obligation de solidarité interprofessionnelle entre les réseaux labellisés et les compagnies émergentes qui n’étaient pas toujours accueillies avec enthousiasme. Tous ces talents nouveaux seront d’ailleurs d’autant mieux reçus qu’un cadre financier et artistique plus propice leur sera offert par des organisations solides.

On produit beaucoup en France, mais on diffuse peu. Du fait de cette dissymétrie, un spectacle ne fait l’objet en moyenne que de 2,5 représentations par an. C’est très peu, et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’assortir le financement de l’État de l’obligation de mieux produire et coproduire pour mieux diffuser. Parmi les contre-exemples, je pense à ces deux maisons d’opéra séparées de 400 kilomètres qui, le même week-end, ont joué chacune leur version de La Dame de pique, coûtant chacune 500 000 euros. Inversement, douze maisons d’opéra se sont alliées pour monter Le Voyage à Reims de Rossini qui mobilise un grand nombre de chanteurs, et avec, qui plus est, un objectif de formation professionnelle. Ce spectacle permettra à de jeunes artistes de participer à soixante-quinze représentations, qui seront données dans toute l’Europe. Une telle démarche libère des marges de manœuvre puisque l’amortissement du spectacle est mieux réparti, et sa diffusion mieux assurée, non seulement en France, mais aussi à l’étranger.

La France a une politique active à l’international, mais celle-ci mérite d’être accentuée. Les opérateurs français savent mal comment monter un dossier européen, pour une raison triviale : rares sont encore ceux qui parlent anglais. De plus, les procédures européennes sont complexes. Hormis le festival d’Avignon et le festival d’Aix-en-Provence qui le font déjà, il est indispensable que tous les opérateurs puissent produire et coproduire avec des théâtres étrangers.

Quand nous aurons mis en place tous ces cahiers des charges, ces conventions, ces contrats d’objectifs et de moyens, ces lettres de mission, nous serons très attentifs à l’exécution des obligations qu’ils retracent et nous constaterons chaque année les performances par évaluation ou inspection. Faire entrer de telles pratiques dans les habitudes d’artistes qui, s’agissant de la performance, ne sont pas toujours sur notre longueur d’onde, ne sera pas chose facile. Mais, grâce au dialogue qui s’est créé, des évolutions se produisent et la crise va nous y aider en imposant à nos professions de nouveaux modèles économiques.

Avec les collectivités territoriales – j’en arrive au deuxième axe –, l’idée était de mieux dialoguer et nous avons reçu de leur part un accueil et une écoute attentifs. L’État sera non plus prescripteur, mais partenaire. Il s’agit d’une évolution très importante dans la mesure où, en matière de politique culturelle, ce sont les collectivités qui prendront le pas. Dans cet esprit, nous avons engagé la discussion et j’ai visité toutes les grandes régions pour expliquer aux élus notre démarche, sans rencontrer d’hostilité. Nous allons instituer les conférences du spectacle vivant qui deviendront, au niveau de la région, un lieu de dialogue où, aux côtés des professionnels, se retrouveront l’État et les collectivités pour arrêter ensemble les orientations politiques, lesquelles pourront être très différentes d’une région à l’autre. Parallèlement, le conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel sera réactivé.

Ces deux instances serviront à l’État et aux collectivités pour fixer les priorités de la politique culturelle des trois années à venir, conformément à la pluriannualité budgétaire. Une fois les grands axes décidés, les professionnels nourriront le dialogue en proposant leurs projets, même si ce sont in fine les collectivités et l’État qui tranchent. La décision devrait être contractualisée dans un document signé par les deux parties, qui précisera qui fait quoi, de façon à éviter les tensions. L’État et les collectivités signeront ensuite avec les institutions culturelles régionales toute une série de documents établissant clairement les droits et les obligations des uns et des autres. Ces documents serviront de référence, notamment en cas de difficulté d’exécution.

Nous avons essayé de mettre l’accent sur l’importance de discuter des projets le plus en amont possible, afin que l’on ne soit pas contraint de décider sous la pression des événements. Nous sommes convenus de nous caler sur une échéance triennale glissante, cohérente avec la programmation budgétaire. Il arrive souvent que l’État et les collectivités payent des « ardoises » imprévues. Nous voulons éviter de tels dérapages par un suivi plus clair des projets sur le plan budgétaire, économique et artistique, au moyen de tableaux de bord. D’aucuns nous accuseront de « flicage », mais il est normal que ceux qui financent la politique culturelle puissent savoir où ils en sont. Loin de « tacler » les institutions, la tutelle veut les aider le mieux possible en suivant les projets au plus près. Un dialogue permanent devrait éviter les catastrophes budgétaires. Tel était l’objectif de la seconde phase des Entretiens de Valois, rendu nécessaire par les perspectives budgétaires du ministère de la culture.

L’hypothèse de départ est une stabilisation des budgets, stabilisation qui sous-entend celle du périmètre des interventions du ministère, et du nombre de ses bénéficiaires. Il nous faudra dès lors plus de cohérence pour mieux soutenir les artistes que nous défendons, ce qui implique des rapports plus intimes et mieux articulés avec eux. Ces exigences entraînent une évolution de la politique culturelle, que la ministre a souhaité voir passer d’une ouverture tous azimuts à une plus grande sélectivité. Le dialogue doit servir à arrêter les choix avec les professionnels. Ils doivent prendre leur part de responsabilité même s’ils n’ont que peu de goût pour la sélection, qu’ils font mine de prendre pour de la censure. Nous aurions même dû prendre ce virage bien plus tôt.

Cette stratégie devra être assumée, y compris sur le plan politique, pour pouvoir imposer nos choix. Elle ne doit pas apparaître comme un repoussoir car il est souhaitable d’avoir une politique claire, lisible par tous. Or le public est souvent désorienté par la complexité des structures qui s’empilent les unes sur les autres. Cela suppose, messieurs les députés, de résister aux pressions. Si nous voulons une politique courageuse, articulée, ambitieuse, l’État et les collectivités devront faire preuve d’un grand volontarisme.

M. le Rapporteur spécial. Quels sont les grands axes de la réforme de l’administration centrale qui lui permettront de s’adapter au principe de stabilité des budgets et du périmètre d’intervention ? Quelle sera l’architecture globale de la mission ?

M. le président Didier Migaud. Comment réagissez-vous aux observations de la Cour des comptes à ce sujet ?

M. Marcel Rogemont. Le président a parlé de contrats d’objectifs et de moyens ; vous avez répondu en évoquant les contrats de performance. Mais ce n’est pas la même chose ! Contrôler les institutions culturelles sur une base pluriannuelle est un principe intéressant, mais l’État souscrira-t-il, pour sa part, des engagements fermes sur la même durée ?

Vous avez admis que la part variable des subventions puisse diminuer. Faut-il comprendre que la part fixe pourrait augmenter ? Pourtant, vous envisagez apparemment à la fois des économies sur les charges fixes et une diminution de la part variable des budgets des structures subventionnées. Comment vont-elles pouvoir vivre ? Placer, comme vous le faites, l’ordre de marche des théâtres au cœur de votre politique soulève de graves questions. Comment faire la part entre l’ordre de marche et la création ?

En somme, j’aurais souhaité que vous soyez plus complet sur les liens financiers entre l’État et les institutions culturelles.

M. Georges-François Hirsch. Il va de soi, s’agissant des contrats d’objectifs et de moyens, que nos engagements courront sur trois ans, sous réserve que le budget soit voté par le Parlement. Cela entraînera des obligations pour toutes les parties, qui seront fixées dans un document contractualisé.

J’ai envisagé une diminution globale de la part variable des subventions, mais elle n’aura rien de systématique. Les professionnels ont droit à l’erreur, comme tout le monde, mais chacun doit être responsable, surtout dans la période actuelle. Le responsable d’une institution culturelle doit être un manager. Autrement dit, un projet artistique doit être considéré comme un projet d’entreprise et, même si les artistes sont des artistes, ils doivent pouvoir être entourés. Comme les jeunes compagnies n’en ont pas les moyens, nous allons créer en région, pour soutenir leurs projets, des bureaux qui mutualiseront les moyens techniques et administratifs. De la sorte, la profession sera mieux organisée. Il est également envisagé de créer un label d’entreprise rendant éligible aux fonds publics.

Vous le voyez, loin de nous l’idée de mettre aux jeunes artistes la tête sous l’eau ! Mais répondre de l’utilisation des fonds publics est indispensable, même si cela ne fait pas plaisir.

L’ordre de marche est une notion importante, et il arrive qu’il réserve des surprises et que l’on déniche des marges de manœuvre insoupçonnées. Là encore, il n’est pas question de « fliquer » les artistes, mais il faut retenir une définition commune à tous les établissements.

Je souhaite trouver avec les professionnels des marges de manœuvre pour pouvoir financer le plus grand nombre possible de spectacles, notamment par le biais des coproductions et des subventions européennes. Les Français sont de mauvais lobbyistes, mais nous devons mobiliser des fonds européens.

Donner une dimension internationale à notre politique culturelle – c’est son troisième axe – permettrait, d’une part, de dégager des moyens et, d’autre part, de mieux faire connaître la création française. Je me suis récemment rendu à la plus grande foire internationale d’art contemporain à Bâle et je n’y ai rencontré qu’un seul artiste français, Othoniel. C’est à la fois anormal et scandaleux. Nous allons donc créer des bureaux export de la culture, à l’image de ceux qui existent pour promouvoir à l’étranger les musiques actuelles et qui sont financés conjointement par le ministère des Affaires étrangères, par celui de la Culture et par les professionnels. L’idée consiste à en doubler le nombre et à étendre leur compétence au théâtre, à la danse et aux arts plastiques. Nos conseillers seraient alors nos têtes de réseau à l’étranger, en commençant en priorité par l’Union européenne, vis-à-vis de laquelle ils constitueraient en quelque sorte une interface technique pour monter les dossiers. Le pendant en France serait la création de pôles européens de production. Ces pôles regrouperont des opérateurs pouvant au choix travailler seuls ou à plusieurs pour monter des projets communs, voire interdisciplinaires. Les pôles envisagés sont le festival d’Avignon pour le théâtre, le festival d’Aix pour la musique, et les Rencontres d’Arles pour la photographie. Il est indispensable que nos artistes circulent davantage, qu’ils soient mieux connus à l’étranger, d’autant que nous accueillons de nombreux artistes étrangers en France.

En ce qui concerne les subventions de l’État, nous ne souhaitons pas réduire la part fixe, mais nous tiendrons compte des indicateurs prévus par les contrats et de la capacité à tenir ses engagements pour déterminer la part variable, quitte à l’ajuster à la baisse.

M. Jean-Yves Cousin. Vous avez évoqué la rédaction de nouveaux cahiers des charges pour obtenir un label. Qu’en sera-t-il pour les centres dramatiques nationaux (CDN) et les centres dramatiques régionaux (CDR), qui sont, au total, une quarantaine ? Est-il prévu de les évaluer ?

M. Georges-François Hirsch. Les CDN posent plusieurs problèmes. Tout d’abord, leur statut juridique est inadapté. Ce sont des SARL dont les gérants sont les artistes. Ce n’est pas satisfaisant car, quand ils partent, ils n’ont plus de statut social. Pour y remédier, nous allons allonger la durée du premier mandat des gérants, laquelle sera portée à cinq ans. La ministre en a accepté le principe dans la mesure où trois années ne suffisent pas pour concrétiser un projet d’envergure, a fortiori pour l’évaluer. Le mandat suivant sera ramené à trois ans, et il sera renouvelable au moins une fois. Ma première idée était de ne pas laisser quelqu’un à la tête d’un établissement plus de dix ou onze ans – soit une fois cinq ans, puis deux fois trois ans – mais les artistes ne la partagent pas. Nous nous en tiendrons donc à une simple recommandation.

Ensuite, lorsque les directeurs quitteront leur poste, ils seront l’année suivante artistes associés pour leur laisser le temps de se retourner et de se reconvertir, et le CDN produira leur premier spectacle. Puis ce sera l’État qui prendra le relais en aidant ces artistes pendant trois ans, pour un montant plafonné à 150 000 euros, à charge pour eux de trouver d’autres financements auprès des collectivités.

Puisque nous parlons de périmètre stabilisé, le ministère n’envisage pas d’accorder de nouveau label ; il devrait donc y avoir approximativement autant d’entrées que de sorties. Les DRAC auront la charge de faire remonter les possibilités de mutualisation entre les institutions culturelles que l’État subventionne et qui pourraient porter des projets communs tout en conservant leur identité propre. Il n’est pas question de supprimer des scènes nationales du jour au lendemain, sans dialoguer avec les collectivités et les élus. Si tout se passe bien, nous mutualiserons progressivement certains établissements, au moins leurs fonctions transverses. Je pense à un rapprochement entre Belfort et Montbéliard, entre les deux orchestres domiciliés à Nice, ou à un regroupement des orchestres parisiens et du chœur Accentus.

En ce qui concerne les CDR, ils ne devraient pas connaître d’évolution notable. Leur nombre ne devrait pas augmenter. Peut-être y aura-t-il des rapprochements au niveau régional, voire interrégional, autour de l’enseignement, dans les pôles d’excellence.

L’intermittence reste un sujet d’actualité, même si un calme apparent règne depuis un an ou un an et demi. La ministre semble avoir trouvé la bonne voie avec les Entretiens de Valois, mais le feu couve toujours. L’État n’a pas à intervenir dans le dialogue entre les partenaires sociaux : il cherche seulement à améliorer le système. Le problème vient de ce que tout le monde peut devenir intermittent du spectacle. Dans un premier temps, le ministère de la Culture a souhaité faire réécrire toutes les conventions collectives, qui ne sont maintenant plus que huit, dont six ont d’ores et déjà été signées. Les règles du jeu sont plus claires.

Il faut aussi professionnaliser la profession et faire admettre l’idée d’une évaluation des candidats par les professionnels en place. On peut ainsi imaginer que des institutions reconnues qui accueillent de jeunes artistes dans le cadre d’une résidence puissent, au terme du séjour des intéressés, donner leur avis, qui serait alors un critère de reconnaissance de l’éligibilité aux annexes 8 ou 10 de la convention collective. Mais cela suppose une évolution en profondeur des mentalités.

Il convient ensuite de réfléchir au périmètre des annexes 8 et 10. L’annexe 8 concerne les techniciens. À l’heure actuelle, un peintre en bâtiment, pour peu qu’il peigne un stand à la foire de Paris, peut devenir intermittent du spectacle par le biais de la convention collective de l’événementiel. Je pense à titre personnel que nous avons commis une erreur en rendant les prestataires de services éligibles à l’intermittence. Il faut donc revoir les annexes 8 et 10, en particulier prévoir un passage plus fluide entre l’annexe 8 et l’annexe 4 applicable à l’intérim, en créant des passerelles dans les deux sens selon des critères précis.

Une convention nouvelle, une entrée dans le régime soumis à des professionnels et des critères techniques précis permettraient de réduire sensiblement le déficit du régime des annexes 8 et 10. Il s’agit d’un sujet extrêmement délicat qui ne peut se régler rapidement. C’est pourquoi j’ai proposé au Conseil national des professionnels du spectacle de créer un groupe de travail sur l’évolution des annexes 8 et 10.

M. le Rapporteur spécial. Je vous remercie de votre réponse circonstanciée et des pistes que vous dégagez concernant un sujet complexe.

Pour en revenir à la performance, existe-t-il des écarts entre les prévisions et les réalisations ? Comment jugez-vous les outils mis à votre disposition ?

M. Marcel Rogemont. Les deux tiers des indicateurs de performance sont en progression ou stables. Quand allez-vous mettre en place un observatoire du spectacle vivant qui fournisse des données stables et fiables ? Il y va de l’évaluation de la politique suivie !

Je suis également préoccupé par l’aggravation des disparités entre Paris et la province. Vous nous avez dit qu’aucune structure nouvelle ne verrait le jour. Ce n’est pourtant pas le cas avec la création de la Philharmonie de Paris. Si les moyens restent stables, qui en fera les frais ? Des institutions parisiennes, ou bien provinciales ? À un moment où le nombre de compagnies se tasse et où la subvention par compagnie diminue, on s’interroge beaucoup sur les nouveaux entrants. Comment sera « digérée » la création de la Philharmonie de Paris ?

Mme Françoise de Panafieu. J’ai été sensible à votre insistance à internationaliser notre politique culturelle car nous sommes en effet trop absents des scènes internationales. Nous aurions tout à gagner à une internationalisation, sur le plan tant local que national. Cela étant, les tournées internationales se prévoient de trois à quatre ans à l’avance, d’où la nécessité absolue de pérenniser les financements si l’on veut monter de tels projets. J’ai vu à la Scala de Milan Le Voyage à Reims, et j’ai mesuré l’importance de participer à de telles opérations.

Le théâtre de Chaillot a été reconverti en lieu chorégraphique. Quelle sera la politique de la danse en 2009 et 2010 ?

Par ailleurs, comptez-vous continuer à ouvrir des lieux d’excellence en région ?

Pourriez-vous aussi nous expliquer comment sera financé le grand auditorium de la Villette ?

M. Laurent Hénart. Quelle sera la politique du ministère en matière de label ? Quelle position ont prise les associations d’élus, notamment dans les régions dont les CPER comportent un volet culturel, c'est-à-dire une sur trois ?

M. Georges-François Hirsch. Pour ce qui est de l’observatoire, ce ne sont pas les indicateurs qui manquent, à tel point que leur abondance finit par nuire à leur cohérence. Les Entretiens de Valois ont prévu la création d’un observatoire national, que la ministre a avalisée. Nous avons dans un premier temps mis en place une plate-forme technique qui regroupe toutes les informations sur le spectacle vivant, et les synthétisera en une vingtaine d’indicateurs performants qui seront mis à la disposition de tous. Depuis quelques mois, nous avons avancé.

Quant aux disparités entre Paris et la province, je ne suis pas sûr qu’elles soient aussi évidentes que vous le dites. D’abord, c’est un sujet auquel nous sommes très attentifs. Les crédits déconcentrés en faveur du spectacle vivant sont de 340 millions d’euros, soit l’équivalent des crédits centraux. Vous voyez dans la création de la Philharmonie de Paris une entorse au principe du périmètre constant. Certes, la Philharmonie de Paris sera un établissement public de l’État, qui devra faire en sorte que son financement n’obère pas le budget du ministère de la Culture au détriment d’autres interventions. Vous y voyez un projet dispendieux…

M. Marcel Rogemont. Je me demande si un tel projet est opportun quand il n’y a plus d’argent !

M. Georges-François Hirsch. …au point de demander sa suppression par voie d’amendement. La Philharmonie est indispensable car elle sera le fleuron de la France sur la scène musicale internationale. Nous avons longtemps réfléchi au lieu de son implantation, et le site de la Villette a été choisi parce qu’il y avait de la place, et que nous envisagions un regroupement sur ce site des établissements publics qui seront réorganisés autour d’un pôle scientifique, d’un pôle musical et d’un pôle culturel avec la grande Halle de la Villette. La Philharmonie ne sera pas une salle de plus : ce sera une salle unique. Jean Nouvel a conçu un vrai projet culturel, artistique et social. Aucune salle en France ne pourra s’y comparer, à part peut-être celle de Dijon. Le projet pluridisciplinaire reste à inventer et il faut des infrastructures pour l’accueillir. La politique musicale à Paris est floue ; il convient de la préciser. Christophe Girard a réagi en dénonçant derrière les efforts de rapprochement le désengagement de l’État. Mais il est indispensable de discuter avec la Ville de Paris pour mutualiser, harmoniser nos interventions et dépenser les deniers publics de manière plus cohérente. Cette salle nouvelle, unique, structurera la vie musicale et la politique musicale à Paris. Ce sera un projet exemplaire mené à parts égales avec la Ville de Paris, et c’est une première. La région participera également à hauteur de 20 millions d’euros. Je reconnais qu’un auditorium de plus n’aurait pas été nécessaire. Cela étant, la nouvelle salle sera un prototype, donc difficile à réaliser.

Quant à la salle Pleyel, l’État l’a rachetée ; sinon, il aurait dû verser 1,5 million d’euros de loyer annuel à son propriétaire pendant cinquante ans. L’opération présente un double avantage : financier, d’abord, puisque les échéances de l’emprunt contracté seront adossées aux loyers des bureaux de l’immeuble, et artistique, ensuite, en nous donnant une meilleure maîtrise de la programmation. Il s’agit donc d’une démarche intelligente. Le financement sera, dans le cadre d’un contrat global, couvert par un emprunt d’un montant de 115 millions, pour la partie souscrite par l’État.

M. le Rapporteur spécial. Ne s’agit-il pas d’un partenariat public-privé ?

M. Georges-François Hirsch. Formellement oui, mais il s’agit en réalité d’un contrat global, qui sera moins onéreux.

L’accueil de la danse à Chaillot – auquel le lieu n’est pas totalement dédié – par Dominique Hervieu est une grande réussite. En procédant à un rapprochement avec le Centre national de la danse, nous avons créé un pôle fort qui permettra des échanges et de nombreuses tournées. L’idée n’a pas été facile à faire passer, mais elle est efficace.

La politique de la danse est, comme les CDN, à une période charnière où une nouvelle génération va prendre les commandes, ce qui se traduira par une évolution des styles et des langages chorégraphiques. Il faut de nouvelles têtes – d’ailleurs, un chorégraphe hip-hop a été nommé à La Rochelle – bien que le message ne soit pas toujours facile à faire passer auprès de ceux qui sont en place. Mais Chéreau serait-il ce qu’il est devenu s’il n’avait pas pris la direction du Théâtre des Amandiers à vingt-sept ans ? Nous sommes aussi en train de renouveler les directeurs de plusieurs centres de diffusion chorégraphique, lesquels devront accueillir davantage d’artistes émergents.

Enfin, les CCN et toutes les organisations qui gravitent autour de la danse devront travailler ensemble et envisager des coproductions pour éviter un émiettement des productions qui sont, par voie de conséquence, à peine représentées. Il importe de préparer les conditions de la coopération, en lieu et place de la concurrence permanente.

M. Marcel Rogemont. Comment le projet de réduction des commissions consultatives régionales sera-t-il mené ?

M. Georges-François Hirsch. Les commissions consultatives régionales seront réduites, dans le droit fil des Entretiens de Valois, et RGPP oblige. Nous avons en même temps maintenu l’essentiel. Cela étant, il est nécessaire de remédier au peu de mobilité des personnels. Certains conseillers des DRAC sont en place depuis vingt-cinq ans. Comment peuvent-ils disposer du recul nécessaire ? C’est pourquoi il faudra sans doute changer la composition des commissions et d’autres instances pour laisser place aux experts, avec, pour corollaire, une responsabilité accrue des professionnels. C’est là un nouveau chantier.

Enfin, le programme Création a bénéficié du plan de relance à hauteur de 9 millions d’euros. Notre politique d’investissement était trop laxiste et, à force d’accepter les projets au fil de l’eau, on finissait par dire oui à tout. Ce n’est plus possible. C’est pourquoi j’ai demandé aux DRAC de faire remonter tous les projets d’investissement afin d’améliorer notre visibilité en amont. Les crédits obtenus ont financé des travaux en Île-de-France, mais pas seulement : cinq ou six autres régions ont été concernées. Il s’agit surtout de travaux indispensables de mise aux normes de sécurité. Nous arrivons à un moment où de nombreux établissements, qui ont vu le jour il y a une quarantaine d’années, ont besoin d’être rénovés, à Caen et à Nanterre, notamment Il va falloir les recenser et planifier.

Le plan de relance a permis de répondre à des urgences ponctuelles et de satisfaire des besoins non récurrents.

M. le président Didier Migaud. Monsieur le directeur, nous vous remercions.

——fpfp——