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M. le président Didier Migaud. Nous accueillons Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi ainsi que M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, à propos de la réforme de la taxe professionnelle. Nous entrons donc, dès notre réunion de rentrée, dans le vif du sujet. Sujet sur laquelle notre Commission également a beaucoup travaillé puisque Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur ont mené une mission d’information à laquelle Gilles Carrez et moi-même nous sommes associés. Ils ont bénéficié de la part des services de Mme la ministre, des simulations qu’ils souhaitaient avoir pour tester leurs hypothèses, quelque peu différentes du premier scénario qui nous avait été transmis sur les conséquences de la réforme pour les entreprises. Mais les simulations concernant les collectivités territoriales présentent des insuffisances. Au final, l’architecture de la réforme qui devrait nous être présentée en première partie du projet de loi de finances pour 2010 pourrait être proche de ce que proposait la Commission. Il subsiste toutefois des interrogations de fond ou des questions plus techniques, que nous vous poserons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, après vous avoir entendus.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi. C’est pour moi un plaisir de faire ma rentrée parlementaire parmi vous. Comme vous l’avez souligné, nous nous sommes fixé comme ligne de conduite de travailler le plus étroitement possible avec la Commission.
La raison d’être de la réforme, il faut le rappeler, est la suppression de la taxe professionnelle qui est un impôt inefficace puisque fondé sur les équipements et biens productifs des entreprises, c'est-à-dire sur les investissements qu’elles font pour créer de la valeur et dont nous avons le plus grand besoin. Le moment est d’ailleurs tout à fait approprié dans la mesure où la réforme procurera aux entreprises un gain de trésorerie au moment où elles en auront le plus besoin avec la fin du déstockage. Il s’agit donc de supprimer un impôt imbécile – osons le mot –, qui fait l’unanimité contre lui car il incite à la délocalisation et entrave la compétitivité. Une réforme en profondeur s’imposait. Au-delà, nous avons l’ambition de réviser la fiscalité locale, conformément à la demande de nombreux élus, en saisissant l’occasion de cette réforme pour la simplifier dans le respect du principe d’autonomie financière des collectivités locales par une spécialisation de l’impôt, de sorte que le contribuable s’y retrouve.
Nous avons travaillé en fonction de deux principes : l’autonomie financière des collectivités et le lien entre territoire et entreprise en substituant la valeur ajoutée, dont la définition a été revue, à la base actuelle équipements et biens mobiliers. La contribution économique territoriale, ce sera le nom de cet impôt, marchera sur deux jambes : l’une, foncière, qui est conservée ; la seconde sera la valeur ajoutée définie par référence à des principes juridiques et comptables de façon à l’adapter aux différents secteurs d’activité, notamment au secteur financier.
Je remercie tous ceux qui ont longuement travaillé en concertation avec nous, en particulier Didier Migaud, Gilles Carrez, Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand. Le projet auquel nous avons abouti pousse la convergence de vues le plus loin possible depuis la première phase de la concertation fin mars, dans le cadre du comité présidé par Édouard Balladur. Le nouveau schéma qui date du 8 juillet dernier conserve le principe du découplage, renonce à l’augmentation du foncier et se révèle avantageux pour toutes les catégories d’entreprises. Il a été soumis aux associations d’élus et aux représentants des entreprises. Pendant l’été, nous avons continué à travailler à l’élaboration du projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres le 30 septembre. Autrement dit, les arbitrages définitifs n’ont pas encore été rendus et il reste quelques marges de manœuvre.
Les principales orientations sont au nombre de quatre.
Premièrement, la taxe professionnelle sur les investissements productifs sera supprimée dès le 1er janvier 2010, avec pour corollaires une diminution des ressources des collectivités locales de 22 milliards d’euros, hors financement des chambres de commerce et d’industrie, et une augmentation de 15 milliards de celles de l’État qui était devenu au fil des ans le plus gros payeur de taxe professionnelle par le biais des multiples dégrèvements, soit un solde net négatif de l’ordre de 8 milliards d’euros pour les finances publiques.
Deuxièmement, la taxe disparaît au profit de la contribution économique territoriale assise sur le foncier et la valeur ajoutée. Pour des raisons tenant à la structure du CGI, deux dénominations spécifiques sont nécessaires selon les éléments d’assiette : la cotisation locale d’activité et la cotisation complémentaire. Les équipements et biens mobiliers seront sortis de l’assiette. La part foncière n’augmentera pas, je m’y suis engagée ; elle diminuera même de 15 % pour les établissements industriels que la réforme a pour but de soutenir et elle sera découplée de la cotisation complémentaire qui deviendra progressive.
Troisièmement, les ressources des collectivités territoriales demeureront inchangées par une compensation qui comprendra deux volets : d’une part, un transfert d’impôts aujourd'hui perçus par l’État – la cotisation complémentaire, fonction de la valeur ajoutée, les frais d’assiette et de recouvrement des impôts locaux, la totalité de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, de la taxe sur les surfaces commerciales et une part des droits de mutation – ; d’autre part, une augmentation des dotations budgétaires dans des proportions très inférieures à la limite permise par le principe d’autonomie financière des collectivités et la mise en place de fonds de compensation.
Quatrièmement, nous proposerons en même temps que la contribution économique territoriale soit l’occasion d’une spécialisation des impôts locaux et d’une rationalisation de la fiscalité locale. Les dégrèvements législatifs disparaîtront presque entièrement, ce qui rapprochera les entreprises des collectivités locales et mettra fin à une anomalie dénoncée par tous : l’État cessera d’être le plus gros contribuable local. La partie foncière reviendra aux communes et aux intercommunalités et la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée se répartira entre le niveau départemental et le niveau régional. À l’heure actuelle, la taxe professionnelle est ventilée entre six bénéficiaires : les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les chambres consulaires et l’État.
Nous proposons que les « quatre vieilles » soient dorénavant affectées au premier échelon territorial qui bénéficierait donc d’une certaine flexibilité des taux. La cotisation complémentaire serait dévolue aux départements et aux régions. Par construction, la cotisation assise sur la valeur ajoutée est dynamique et propice à la démocratie locale dans la mesure où elle améliore la lisibilité de l’impôt et du rôle de chaque niveau de collectivité. Sur cette ventilation, il n’existe pas d’accord général, chacun voulant récupérer une partie soit de la cotisation complémentaire, soit de la part foncière, au risque de reconstituer le millefeuille. Cela dit, nous sommes ouverts à vos propositions.
L’effet immédiat pour les entreprises correspondra à un allégement de 4 à 5 milliards d’euros, net d’impôt sur les sociétés, ce qui est une somme considérable, de nature à relancer les investissements privés. Pour les « super-gagnants », c'est-à-dire les entreprises avec une grosse emprise foncière et/ou des équipements lourds, le gain est estimé à 1,5 milliard d’euros. Mais, dans la mesure où elles ne risquent pas la délocalisation, une réintégration de leur gain dans les finances publiques doit être envisagée.
Les simulations montrent que tous les secteurs de l’économie devraient profiter de la suppression de la taxe professionnelle mais ceux à forte intensité de main-d’œuvre, comme le gardiennage, la maintenance ou l’intérim, eux, risquent d’être les perdants dans certains cas particuliers. Il faudra donc envisager des dispositifs pour ne pas décourager l’emploi.
La charge pesant sur la valeur ajoutée, c'est-à-dire la cotisation complémentaire, augmentera en valeur relative, mais diminuera en valeur absolue puisqu’elle devrait rapporter 12,1 milliards d’euros, contre 14,7 milliards aujourd'hui. Les mécanismes actuels de plancher et de plafond à 3,5 % de la valeur ajoutée contribuent de fait à réintégrer les salaires dans la base. Au final, il y aura plutôt moins de taxe assise sur les salaires demain. La direction générale du Trésor et de la politique économique a fait une étude d’impact dont il ressort que, à un horizon de dix ans, la diminution de la taxation devrait se traduire par un gain de 0,7 point de PIB, soit une création nette de richesse de 14 milliards d’euros et la création de 85 000 emplois supplémentaires. La mise en place de la réforme en 2010 devrait donner une bouffée d’air considérable aux entreprises.
En ce qui concerne les collectivités, une année de transition est nécessaire pour revoir la machinerie fiscale et mettre en place les fonds de compensation et de péréquation – un par niveau de collectivité –, si bien que c’est en 2011 que la réforme sera appliquée pour la première fois. L’année 2010 devrait se dérouler dans la sérénité puisqu’il n’y aura pas de changement dans les budgets locaux, l’État servant, dans l’intervalle, de chambre de compensation.
En conclusion, la réforme qui vous est soumise présente l’avantage de respecter le cahier des charges : disparition d’un impôt sur les investissements tout en préservant l’autonomie fiscale des collectivités et sans toucher à leurs ressources puisqu’une compensation intégrale est prévue. Les entreprises bénéficieront de garanties fortes et d’un allégement fiscal de 5 milliards d’euros dans la mesure où 1,5 milliard devrait être prélevé sur les super-gagnants et des mesures prises en faveur des perdants.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’Intérieur et aux collectivités territoriales. C’est avec émotion que je retrouve la commission des Finances où j’ai eu l’honneur de siéger pendant trois législatures.
Cette réforme respecte de façon scrupuleuse les garanties données par le Gouvernement : la perte de ressource des collectivités sera intégralement compensée.
M. Jérôme Cahuzac. On connaît la chanson !
M. le secrétaire d’État. La compensation sera assurée, essentiellement par des ressources fiscales, dans le respect du principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales. Le lien entre activité économique et territoire est maintenu, c’est fondamental. Les collectivités locales continueront de percevoir la cotisation locale d’activité qui correspond à la fraction de la contribution assise sur le foncier. La contribution complémentaire sera plafonnée à 1,5 % de la valeur ajoutée. Des taxes sectorielles seront prélevées sur les super-gagnants, qui seront aussi la contrepartie des nuisances à l’environnement causées par certains équipements. Enfin, nous progressons dans la spécialisation de l’impôt local puisque chacun des deux volets de la contribution ira à deux niveaux de collectivité au plus.
Cette clarification ira de pair avec celle des compétences qui sera proposée par Brice Hortefeux dans le projet de réforme des collectivités territoriales, qui a aussi enregistré des progrès considérables grâce à l’intense concertation lancée par Christine Lagarde, à laquelle le ministère de l’Intérieur a été pleinement associé. Ainsi, pour compenser les pertes de ressources, le projet initial prévoyait des dotations à hauteur de 6 milliards d’euros. Ce montant a été considérablement réduit au profit des ressources fiscales. Les associations d’élus ont également critiqué la nature des impôts transférés et le Gouvernement a revu sa copie. Il n’y aura pas de transfert de la TIPP et l’État a décidé de réduire substantiellement ses frais d’assiette et de collecte, de plus de 2 milliards d’euros, ce qui améliorera mécaniquement le rendement des impôts locaux. Nous avons enfin accédé à une demande essentielle des collectivités en acceptant le découplage de la cotisation locale d’activité et de la contribution complémentaire. Elle deviendra une ressource majeure des départements et des régions. Les communes souhaiteraient profiter de cette contribution complémentaire. En ce qui concerne les régions qui ont aussi des revendications, le débat parlementaire sera également l’occasion de rouvrir la discussion.
À l’issue de la concertation, le projet de loi va être transmis au Conseil d’État. Il est vraisemblablement perfectible mais il est équilibré au regard des contraintes auquel il est soumis – allégement du fardeau fiscal des entreprises, compensation intégrale pour les collectivités, maintien du lien entre l’entreprise et son lieu d’implantation. Et cet équilibre mérite d’être préservé.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avant de faire l’inventaire des questions que nous nous posons sur ce texte qui nous a été communiqué dans le courant du mois d’août, je tiens à rappeler à quel point cette réforme est attendue par tous, depuis la suppression de la part salariale annoncée par Dominique Strauss-Kahn, qui ne constituait que le prélude à la suppression de la part des équipements et biens mobiliers. L’architecture générale correspond aux grandes orientations que nous avons définies ensemble dans le cadre d’un travail d’une qualité exceptionnelle, conduit par Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur. Je souhaite que la coopération avec le Gouvernement se poursuive car la réforme qui s’engage est d’une complexité sans égal. Avec ses 160 pages, le texte est aussi touffu qu’une loi de finances et des dizaines de milliards d’euros sont en jeu. Le fil de la taxe professionnelle tire toute la pelote de nos finances locales.
Face à une réforme aussi gigantesque, les délais sont les plus courts que notre assemblée ait jamais connus. Qui plus est, vous venez, madame la ministre, de nous annoncer que sa présentation en conseil des ministres était repoussée au 30 septembre. Nous avons besoin de trois types de données le plus rapidement possible. Premièrement, des données globales pour savoir quel sera le coût de cette réforme en régime de croisière. Comment l’État va-t-il supporter ce manque à gagner ? Et quel sera l’impact sur la trésorerie en 2010 ? Deuxièmement, s’agissant des contribuables, quelles sont les évolutions à attendre selon les secteurs, la nature des entreprises, notamment pour cibler les perdantes, celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 500 000 euros et 50 millions d’euros, qui seront éligibles à la fois à la CLA et à la contribution complémentaire ? Troisièmement, nous avons besoin de simulations précises pour les collectivités territoriales. Or nous n’en avons aucune. Quel sera l’impact pour les régions, les départements ? Et il nous faut des chiffres au sein de chaque catégorie en fonction d’échantillons représentatifs. Ainsi, les intercommunalités très riches en taxe professionnelle devraient voir leurs recettes fondre des quatre-cinquièmes, mais récupérer de l’impôt sur les ménages, à condition toutefois qu’elles n’aient pas beaucoup de logements sociaux. Les communes sans taxe professionnelle mais avec des valeurs locatives élevées devraient, elles, être écrêtées. Comme l’ajustement se fera par le biais budgétaire, les fonds d’ajustement, l’impact risque d’être considérable. Certaines situations vont changer du tout au tout et nous ne pouvons nous satisfaire de projections macroéconomiques.
Vous l’avez dit, madame la ministre, il faut à tout prix préserver le lien entre fiscalité et territoire. Or nous avons découvert un point que nous n’avions pas compris. La contribution complémentaire devrait relever d’un taux national, 1,5 point de valeur ajoutée. Nous pensions qu’elle serait calculée entreprise par entreprise au plan national et qu’il y aurait une redistribution aux collectivités dans lesquelles sont implantés les établissements en fonction de critères objectifs tels que la surface ou les effectifs. Or c’est le schéma de la TIPP qui a été retenu avec une nationalisation de l’assiette, au risque de distendre le lien entre fiscalité et territoire. Le Gouvernement se préoccupe légitimement de péréquation, mais la dynamique du mécanisme qu’il a retenu devrait être à terme très favorable à l’Ile-de-France. Nous allons donc vous proposer une approche entreprise par entreprise, mais avec des mécanismes de péréquation qui devront être prévus dans la loi.
Il y a la question du barème de la contribution complémentaire, linéaire ou progressif de 0,5 point à 500 000 euros de chiffre d’affaires à 1,5 point au-delà de 50 millions. Nous voudrions des précisions, en particulier sur la consolidation car, depuis dix ans, la cotisation minimale a donné lieu à des stratégies de contournement.
Dans le texte, on maintient telles quelles les exonérations. Est-ce compatible avec la baisse des recettes ? Le maire de Montrouge, où sont présentes de nombreuses mutuelles qui sont exonérées, m’a interrogé. Les intercommunalités des grandes villes bénéficieront-elles d’une partie de la contribution complémentaire ?
Nous nous interrogeons également sur les garanties individuelles de ressources. Au départ, la compensation se fera à l’euro près, mais ensuite ? Est-ce qu’on récompensera ceux qui auront fortement augmenté leur taux ? Vous avez introduit, comme la mission d’information le proposait, un plafond par rapport à la valeur ajoutée, qui est lié au découplage que vous avez accepté, et qui doit servir à rassurer les entreprises.
À qui reviendront les droits de mutation à titre onéreux – les DMTO – puisqu’il est question de les supprimer au niveau communal qui est pourtant compétent en matière d’urbanisme ?
Le mécanisme des fonds départementaux de taxe professionnelle est très bien vécu et il faut continuer à les doter. Il est même nécessaire de prévoir une dynamique d’alimentation.
Pouvez-vous également nous en dire plus sur les taxes sectorielles qui vont frapper les antennes relais, les centraux téléphoniques, les pylônes,… ?
Nous considérons également que, face aux chambres consulaires, les collectivités doivent prendre le pas. Il faut aller jusqu’au bout de la réforme qui va dans le sens de l’autonomie financière et fiscale et reconstituer en priorité la matière fiscale des collectivités.
Enfin, en vrac, va-t-on réformer les valeurs locatives, parce qu’il faudrait en effet alléger les valeurs locatives industrielles ? Que va devenir la taxe professionnelle de France Télécom et des établissements exceptionnels ? Et la taxe spécifique d’équipement de l’Ile-de-France, dont on aurait bien besoin pour financer les transports du grand Paris ?
Par ailleurs, quelle sera la liaison entre les abattements de taxe d’habitation au niveau communal et au niveau départemental qui ne sera plus alimenté ? Avec la suppression du foncier bâti, les régions n’auront plus aucune liberté de fixation des taux. Est-ce souhaitable ?
Les coups de fil affluent de toute la France pour exposer autant de cas particuliers. On le sait, le diable est dans les détails. Or ils pullulent dans cette réforme. Qui plus est, le laps de temps qui nous est laissé est très court. Et même si les sénateurs ont plus de temps que nous, nous voulons faire un travail précis. Il vous faut donc mettre à notre disposition des éléments d’information.
M. le président Didier Migaud. Notre rapporteur général a bien identifié les questions essentielles. J’insiste sur le coût de la réforme, en particulier pour le budget de l’État ? Comment sera-t-elle financée ? Vous affirmez vouloir assurer le lien entre fiscalité et territoire qui est essentiel. Nous craignons une petite incompréhension entre vos services, madame la ministre, et la commission des Finances pour qui il est indispensable de développer, dans le cadre de la fiscalité locale, les mécanismes de péréquation, mais pas forcément dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle : l’intitulé de la « contribution économique territoriale » doit se justifier.
Nos échanges ont été très fructueux à partir des simulations détaillées fournies pour les entreprises. Il est impératif de faire le même exercice pour les collectivités territoriales. Or les données par catégories de collectivités et pour des échantillons précis manquent. Les interrogations demeurent en ce qui concerne les intercommunalités. Pour le moment, vous avez dit qu’elles ne seraient pas bénéficiaires de la CET. Pourtant, il serait cohérent qu’elles la perçoivent, compte tenu de leur compétence dans le développement économique. De la décision d’appliquer la réforme pour les collectivités en 2011, doit-on déduire que nous aurons davantage de temps pour comprendre et étudier la réforme ?
M. Marc Laffineur. L’essentiel des questions a déjà été balayé. Je me félicite de cette réforme qui offre aux collectivités territoriales l’occasion de retrouver une base de ressources dynamique. C’est un argument qu’il faut mettre en avant, surtout en période difficile.
Je me permets d’insister : il est indispensable que la valeur ajoutée des groupes soit calculée au niveau national, puis répartie selon la surface et les effectifs. Sinon, plus personne n’aura intérêt à investir dans la création de zones industrielles. L’idée qui est derrière la version actuelle serait de faire une péréquation plus importante. Avec des fonds de compensation, on peut conjuguer incitation et péréquation.
Demeure également le problème des communautés de communes, qui veulent leur part de la contribution complémentaire, et des régions qui perdent la faculté de voter un taux. On veut simplifier, mais on pourrait peut-être échanger le foncier bâti contre une partie de la valeur ajoutée, même si l’on reviendrait alors sur le principe de la clarification. La question mérite d’être posée.
Priver les communes des DMTO serait une erreur. Ce ne sont que des bruits, mais ils ont laissé des traces écrites ! Il faudrait un fonds de péréquation. Un délai supplémentaire d’un an pour les collectivités locales est indispensable compte tenu du nombre de cas particuliers, car il faut du cousu main.
En ce qui concerne les taxes sectorielles et les barèmes, nous voulons aussi des simulations car la réforme doit coûter le moins cher possible à l’État. Il n’y a pas de raison d’alléger la pression sur les entreprises qui ne risquent pas d’être délocalisées.
M. Jean-Pierre Balligand. Le travail accompli par le ministère nous donne une base sérieuse de discussion mais un certain nombre de questions demeurent en suspens.
En premier lieu, il convient que nous sachions dans quelle proportion le dispositif proposé accroîtra la charge de l'État. Parce que l'état de nos finances publiques l'exige, Jean-Pierre Laffineur et moi-même avons cherché à réduire la part que l'État paie dans le dispositif de la taxe professionnelle. Nous craignons par ailleurs que le recours de plus en plus fréquent à des dotations de l'État en lieu et place d'impositions directes ne conduise d’ici quelques années à une véritable catastrophe, en particulier parce que, dès que l'on sera sorti de la crise, Bruxelles demandera des ajustements budgétaires qui ne pourront porter que sur les budgets sociaux ou sur les dotations aux collectivités. Nous avons donc cherché à éviter un mécanisme de dotations systématiques.
Pour cela, alors que, dans le dispositif actuel, la cotisation minimale de 1,5 % ne joue qu'à partir de 7,6 millions d'euros de chiffres d'affaires, nous avons proposé d'élargir l'assiette en prévoyant que la contribution à la valeur ajoutée, qui ne bénéficie actuellement qu'aux départements et aux régions, s'applique à taux plein à partir d'un chiffre d'affaires d'un million d'euros. Les services du ministère ont toutefois considéré que cela serait trop brutal et ont donc proposé que le mécanisme joue progressivement à partir de 500 000 euros de chiffre d'affaires et jusqu'à 50 millions. Cela provoquerait un manque à gagner dont j'aimerais, madame la ministre, que vous nous indiquiez le montant exact. Pouvez-vous également nous dire où vous trouverez l'argent pour augmenter les dotations de l'État à due proportion ? Les sociétés réalisant plus de 50 millions d’euros de chiffres d'affaires disposent de conseillers fiscaux pour contourner les assujettissements normaux, mais c'est surtout sur le cas des grosses PME qu'il faut se pencher.
Par ailleurs, nous voulons tous, dans l'intérêt des collectivités, que soit préservé un lien indissociable entre les territoires et les entreprises. Or dans l'avant-projet vous proposez de globaliser la valeur ajoutée au niveau national, tous groupes confondus, et de la réaffecter. Cette nationalisation de la valeur ajoutée ne nous convient pas. Nous souhaitons donc une réaffectation, groupe par groupe, selon des critères objectifs – nombre de salariés et surfaces occupées – entre les régions et les départements afin d'éviter des agrégats trop petits.
Enfin, nous avons reçu les premières simulations et nous avons bien évidemment respecté le secret qui nous avait été demandé. Mais il convient aujourd'hui que nous disposions également d'au moins une dizaine de simulations à partir d'échantillons types de communes, départements et de régions. Les élus en ont besoin pour se prononcer.
M. Michel Bouvard. S'agissant du lien territorial il me paraît important, si l'on veut que les territoires se mobilisent, que les intercommunalités soient également intéressées à la valeur ajoutée.
Par ailleurs, actuellement les fonds départementaux de taxe professionnelle ne sont pas une composante des budgets départementaux mais des outils indispensables de péréquation, notamment en faveur des communes les plus pauvres. Ne devons-nous pas craindre aujourd'hui qu’ils ne passent à la trappe ? De même, comment sera compensé le fonds de péréquation de taxe additionnelle aux droits de mutation ?
M. Jérôme Cahuzac. Mme la ministre nous dit que les entreprises sont globalement gagnantes ; M. le ministre affirme que les collectivités ne sont pas perdantes, on se demande donc qui paie et combien ? On sait déjà que cette réforme coûtera 2 milliards d’euros à l'État qui abandonne cette somme en frais d'assiette et de recouvrement. Comment cette perte de recettes sera-t-elle financée ? Par des économies ou par un accroissement de l'endettement ?
Par ailleurs, comme l'a souligné Jean-Pierre Balligand, vous prévoyez que les entreprises seront assujetties à la contribution complémentaire à la valeur ajoutée à partir de 500 000 euros de chiffre d'affaires pour atteindre le taux marginal à 50 millions d'euros. Cela signifie non seulement que le rendement sera moindre qu'avec le système que vous proposaient Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, mais aussi que les petites et moyennes entreprises paieront à la place des grandes, qui disposent pourtant de moyens considérables d'optimisation fiscale, l'actualité récente l'a montré… Êtes-vous disposée à ce que ce barème soit revu en profondeur ?
M. Charles de Courson. Je félicite le gouvernement de procéder enfin à l'enterrement de la taxe professionnelle, qui n’en finissait pas de mourir depuis la réforme Strauss-Kahn.
Deux problèmes demeurent toutefois : le lien entre certaines collectivités territoriales et les entreprises et la question de l'autonomie fiscale, qui disparaît pour les régions et, largement, pour les départements, tandis qu'elle subsiste pour les communes et les intercommunalités. Pourquoi traiter différemment les collectivités ? Résoudre le problème de la fiscalité locale exige de doter les grandes collectivités d'un impôt moderne, ce qui supposerait de réduire les dotations de l'État aux régions et aux départements et de les doter d’une CSG, impôt neutre pour l'État, impopulaire mais démocratique.
L’UDF, dont le Nouveau Centre est l’héritier, s'est toujours battue pour que l'on maintienne un lien entre les citoyens et les assemblées élues localement, de façon à ce que ceux qui abusent dans le rapport entre le montant de l'impôt et le service public rendu soient sanctionnés. Dès lors que les régions ne sont plus chargées que de gérer des dotations, à quoi bon aller voter lors des prochaines élections régionales ? Je le redis, la seule solution est de doter les collectivités d'un impôt moderne.
S'agissant du lien entre les entreprises et les collectivités territoriales, les propositions du gouvernement ne me paraissent pas cohérentes avec les compétences des trois niveaux car ce sont les communes et les intercommunalités qui ont compétence en matière d'équipements d'accueil. Ne serait-il donc pas plus logique de donner une partie de la valeur ajoutée aux intercommunalités et de prévoir une CSG avec réduction à due concurrence des dotations de l'État ? Je regrette d'ailleurs que le rapport de nos collègues passe aussi rapidement sur ce sujet.
Pour les « quatre grosses » – RFF, EDF, France Telecom et Areva, qui sont les principales bénéficiaires de la réforme, à auteur d'un milliard d'euros – vous créez quatre nouveaux impôts, en particulier la taxe sur les pylônes de télécommunications, la taxe sur les pylônes électriques entre 53 et 200 kilovolts et la taxe sur les éoliennes.
M. Jérôme Cahuzac. Cela fait quand même 23 nouvelles taxes depuis 2007 !
M. Charles de Courson. Pourriez-vous, madame la ministre, nous apporter plus de précisions à ce propos ?
Comment entendez-vous par ailleurs répondre aux problèmes structurels qu'une telle réforme pose pour le transport routier et le transport aérien ?
Quid également des 40 000 à 70 000 entreprises qui verront leur impôt s'accroître par rapport à l'ancien dispositif ?
Pourriez-vous enfin nous en dire davantage sur le lien entre taxe carbone, certificats d'économie d'énergie, entreprises sous quota de CO2 et réforme de la taxe professionnelle car cette accumulation d'impôts met les entreprises de certains secteurs en grande difficulté ?
M. Claude Bartolone. A-t-on un moment donné envisagé de lier la réforme de la taxe professionnelle et celle des collectivités locales ?
Au moins pour les départements, le dispositif qui se substituera à la taxe professionnelle me paraît contre-cyclique puisque les recettes seront abondantes quand tout ira bien, donc quand les dépenses sociales seront au plus bas. Actuellement, avec la baisse des recettes liées à la TIPP et aux droits de mutation, c'est exactement l'inverse et les départements vont devoir utiliser l'investissement comme variable d'ajustement, ce qui aura des conséquences directes sur les PME-PMI.
J'aimerais enfin savoir sur quelles bases le dispositif sera élaboré car retenir les bases de l'actuelle période de dépression aurait des conséquences négatives sur les premières recettes du nouveau système.
M. Daniel Garrigue. Pour les activités à forte intensité de main-d’œuvre, on retrouve en fait la masse salariale dans la valeur ajoutée. Des correctifs sont-ils prévus ?
Comment parviendra-t-on par ailleurs à maintenir le lien entre les taux des impôts sur les ménages et le taux de l'impôt appelé à remplacer la taxe professionnelle dès lors que les taux seront fixés à l'échelon national ?
Il me semble par ailleurs que priver de ressources dynamiques les communautés de communes qui privilégient l'investissement risque de poser problème. Ne va-t-on pas opposer agglomérations de villes centres et agglomérations de villes moyennes situées à la périphérie ?
S'agissant des recettes nouvelles de l'État, on a l'impression qu'en créant des taxes sur les équipements, vous cherchez surtout à éviter d'actionner le bouclier fiscal, comme d'ailleurs pour le financement de la sécurité sociale quand vous envisagez de faire appel au forfait hospitalier plutôt qu’à la CSG…
M. Jérôme Cahuzac. Très bien !
M. Jean Launay. Si l'on peut comprendre que l'on souhaite moins taxer l'investissement productif, on peut se demander si vous estimez toujours nécessaire que les entreprises continuent à participer à l'équilibre financier de l'État… Avez-vous cherché de nouvelles sources d'assiette du côté de la grande distribution, du secteur bancaire, des services non marchands ou de l'énergie ?
Vous semblez considérer que la fiscalité antérieure reposait sur des motivations bien obscures, mais, compte tenu des interrogations qui subsistent, ceux qui s'intéressent de près au sort des collectivités locales ne trouvent guère dans cette réforme de motifs de sérénité. Si 2010 sera une année de transition, que se passera-t-il ensuite ? Comment cette réforme s'articulera-t-elle avec celle des collectivités territoriales ?
En matière de fiscalité, l'exigence de lisibilité à moyen terme est aussi forte pour les collectivités territoriales que pour l'État. Ne conviendrait-il donc pas d'envisager des moyens financiers de manière pluriannuelle, en cohérence avec la durée des mandats locaux ?
Enfin, il ne me semble pas inutile de rappeler, à un moment où l'on parle beaucoup de retour vers les collectivités, que la loi de 1992 portant administration territoriale de la République était un texte véritablement décentralisateur, doté d'un volet relatif à la réforme fiscale, et qui a grandement facilité l'aménagement du territoire.
M. Michel Piron. Revisiter les composantes de la taxe professionnelle est une très bonne chose, mais je distingue mal la cohérence entre les objectifs de la réforme territoriale et la réaffectation des ressources locales que vous nous proposez. Alors que les régions et les intercommunalité sont les échelons qui s'occupent le plus de l'économie, les premières récupéreraient un quart du nouvel impôt économique tandis que les secondes, qui percevaient 60 % de la taxe professionnelle, verraient leurs recettes à ce titre divisées par trois. Or, si elles sont de la sorte moins incitées à accueillir les entreprises, cela pourrait avoir des effets sur le foncier, donc sur le rendement fiscal. En outre, tandis qu'une part de l'impôt ménage sera affectée aux intercommunalités, ce sont les départements, qui ont d'abord des responsabilités en matière sociale, qui percevront les trois quarts de l'impôt économique. Il y a là un problème de lisibilité.
Enfin, on peut se demander si une progressivité excessive du futur impôt ne déboucherait pas sur des phénomènes d'optimisation fiscale de la part des entreprises.
M. Jean-Pierre Gorges. Il me semble qu'il faudrait travailler en même temps sur la réforme des collectivités et sur celle de la taxe professionnelle.
Mme la ministre. C'est bien pour cela que nous sommes là tous les deux…
M. Jean-Pierre Gorges. Si le dispositif proposé va dans le sens de la simplification que nous appelons de nos vœux, on ne saurait oublier que la loi Chevènement a institué un couple intercommunalités-communes, avec une utilisation particulière de la taxe professionnelle. Comment maintenir cet équilibre si l’on prévoit une compensation au bénéfice des communes ? Si la TP doit se transformer en CLA, avez-vous également réfléchi à l'avenir de la taxe d'habitation, du foncier bâti et du foncier non bâti ?
M. Marc Goua. J'aimerais que vous nous précisiez qui sera le garant de la péréquation des recettes des communes dans le cadre de cette réforme.
S'agissant du coût de la réforme pour l'État, si le manque à gagner est de 6 milliards d’euros pour 85 000 emplois créés en dix ans, cela signifie qu'un emploi reviendra à 700 000 euros, c'est quand même assez cher...
Enfin, alors que l'on affirme vouloir alléger la fiscalité pesant sur les entreprises, on annonce que le paiement de l’acompte de l'impôt sur les sociétés pour 2011 serait avancé à 2010, ce qui représenterait une ponction de 1,5 milliard d’euros. Qu'en est-il, madame la ministre ?
M. Henri Emmanuelli. Disjoindre recettes fiscales et incitation à l'implantation des entreprises serait une erreur tragique pour notre pays ! Dans mon département, l'argument de la taxe professionnelle est le seul que nous avons pu utiliser pour faire accepter des équipements qui dérangent, comme des laminoirs.
Je suis particulièrement choqué par l'argument, encore utilisé le week-end dernier par Xavier Bertrand dans les Landes, selon lequel la réforme des collectivités locales permettrait de faire des économies. Recourir de la sorte à la démagogie vous expose à ce que l'on compare le coût des élus locaux à celui de la communication de Matignon ou au budget de l'Élysée… Je ne suis pas certain que l'on ait intérêt à porter ce débat devant les Français.
Si dans certaines régions les investissements sont supportés essentiellement par les intercommunalités, dans les Landes ils incombent au département. N'oubliez pas, madame la ministre, que les collectivités locales assument 70 % des budgets d'investissement et que les réductions qu’elles sont obligées d'opérer risquent d'avoir d'importants effets macro-économiques.
M. Pierre-Alain Muet. Nous aurons en effet beaucoup de mal à justifier l'accueil des entreprises s’il n’est plus lié à des recettes fiscales pour nos collectivités. Ainsi, je me vois mal plaider pour que l'on continue à développer l'industrie chimique si cela n'entraîne aucune contrepartie au profit de la communauté urbaine de Lyon.
Par ailleurs, si le nouveau dispositif allège de 5 milliards d'euros le fardeau fiscal pour les entreprises, cette perte de recettes sera-t-elle reportée sur les ménages ou sera-t-elle compensée par un accroissement du déficit qui me paraîtrait difficilement compatible avec l'état de nos finances publiques ?
Mme la ministre. En régime de croisière et sans tenir compte des mesures relatives aux « super-gagnants » et aux petits perdants, le coût de la réforme sera de 7,150 milliards d'euros avant IS et de 5,5 milliards d’euros après. Les taxes spécifiques relatives aux super-gagnants devraient permettre de récupérer 1,5 milliard d’euros avant IS et 1,125 milliard après. On atteint donc un total, net d’IS, de 4,435 milliards d’euros. Sous réserve d'arbitrage, les mesures en faveur des petits perdants – sur un total de 2,9 millions d'entreprises, 70 000 seraient perdantes dont 42 000 dans une plus forte proportion – devraient représenter 440 millions d'euros, pour un coût total de la réforme de 4,8 milliards d’euros nets d’IS.
C'est à juste titre que vous avez fait le lien avec la contribution climat énergie - CCE - car si une restitution est prévue en faveur des ménages, la redistribution prévue pour les entreprises, c’est la réforme de la taxe professionnelle.
M. Jérôme Cahuzac. Les PME vont êtres contentes…
Mme la ministre. Même si je ne souhaite pas communiquer à ce propos car l'assiette comme le taux de la CCE sont appelés à évoluer, son produit devrait être de l’ordre de 2 milliards d'euros pour la part « entreprises », ce qui nous laisserait 2,8 milliards d’euros à financer au titre de la réforme de la TP. La décision n'est pas encore arrêtée.
M. Jérôme Cahuzac. Le produit de la CCE est supposé rendre les comportements vertueux, pas boucher les trous du budget…
Mme la ministre. En 2010, le coût de la réforme devrait se situer entre 9,5 et 11 milliards d'euros, compte tenu des mesures que nous avons prises dès 2009 et des effets de transitions. Mais il vaut mieux avoir à supporter ce coût plus important l'année de la réforme, ce qui permettra de renforcer la trésorerie des entreprises et profitera à l'investissement.
Alain Marleix vous répondra à propos des simulations pour les collectivités locales, mais je veux rendre hommage au travail considérable d'ores et déjà accompli par la direction de la législation fiscale.
Vous avez tous insisté sur la nécessité de maintenir un lien étroit entre activité économique et territoires et notre projet devra être modifié en ce sens. Il me semble qu'il faudra déterminer la valeur ajoutée au niveau de l'entreprise puis procéder à la ventilation au niveau des établissements en fonction d'un certain nombre de critères de pondération.
S'agissant des DMTO, le texte comporte une coquille puisque c'est bien au niveau communal et non départemental qu’une part doit être affectée, qui sera prélevée sur la part de l’État.
Dans un souci de simplification et de clarification, nous avons prévu d'affecter les quatre vieilles aux communes et aux intercommunalités et la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée aux départements et aux régions, qui nous paraissent les échelons les plus pertinents. C'est dans le même esprit que nous avions écarté initialement le versement au bloc communal d'une partie de la cotisation complémentaire et que nous avons réduit les impôts fonciers des départements et des régions.
S'agissant de la liberté de fixation des taux, nous savons que le souci de modérer la pression fiscale est partagé à tous les échelons. Il est prévu de laisser suffisamment d'autonomie au niveau soit du taux soit de la base. Les communes conservent bien l'autonomie financière et même fiscale puisqu'elles auront la liberté de fixer leurs taux au regard des bases foncières. Mais il est indispensable que le taux de la cotisation complémentaire soit fixé au niveau national. Par le jeu du dynamisme des bases, les régions et les départements bénéficieront d'un système qui repose sur la création de valeur dans notre pays.
S'agissant des mécanismes de compensation, des dotations budgétaires d’un montant limité sont prévues. Cela ne remet pas en cause le principe constitutionnel de l'autonomie financière des collectivités.
M. Jérôme Cahuzac. C'est plutôt la garantie des ressources qui constitue un principe constitutionnel !
M. Henri Emmanuelli. Le Conseil constitutionnel tranchera…
Mme la ministre. Les dotations budgétaires atteindront 4,5 milliards d'euros, soit deux fois moins que ne le permet la Constitution.
Un fonds de garantie sera par ailleurs institué pour chaque niveau de collectivités territoriales afin d'équilibrer les gains et les pertes.
La réforme entrera en vigueur en 2010 pour les entreprises et en 2011 pour les collectivités territoriales, ce délai étant nécessaire pour régler les questions de « tuyauterie ». Si les dispositions sont prises dès la loi de finances pour 2010, elles pourront être modifiées par la suite.
M. Michel Sapin. Comment la ressource des collectivités locales pour 2010 sera-t-elle calculée ?
M. le rapporteur général. En dégrèvement.
Les communes ou les départements qui augmenteront leurs taux de taxe professionnelle en 2010 bénéficieront de la recette liée à cette augmentation. En revanche, la base de compensation à partir de 2011 ne prendra pas forcément en compte les augmentations de taux qui auraient pu intervenir en 2010.
M. Jérôme Cahuzac et M. Henri Emmanuelli. Nous avons donc intérêt à augmenter nos taux en 2010…
M. le rapporteur général. Non, puisque l'on n’en tiendra pas compte en 2011.
Mme la ministre. Vous m'avez par ailleurs interrogée sur le barème retenu pour déterminer la valeur ajoutée. MM. Balligand et Laffineur proposaient de supprimer le seuil de 7,6 millions d'euros de chiffre d'affaires à partir duquel la taxe professionnelle est prélevée, toutes les entreprises concernées se voyant appliquer un taux de contribution économique territoriale de 1,5 %, ce qui aurait représenté une charge supplémentaire très forte pour les petites et moyennes entreprises. Nos services ont donc élaboré un certain nombre d'hypothèses et nous avons retenu le 8 juillet celle qui consiste à entrer dans le système à partir d'un seuil de 500 000 euros de chiffre d'affaires, avec un taux progressant de 0 à 1,5 jusqu’à 50 millions de chiffre d’affaires. L'écart entre la proposition de vos collègues et le projet est d'un milliard d'euros, que l'on retrouve dans le total que je vous ai indiqué tout à l'heure.
M. le rapporteur général. De prime abord, je n'ai pas bien compris pourquoi on fixait un taux de contribution complémentaire à 1,4 et non pas 1,5 au-delà de 7,6 millions d’euros et en deçà de 50 millions d’euros de chiffres d'affaires. Mais la raison est simple : aujourd'hui, la cotisation minimale représente l'ensemble des cotisations alors que, la ministre ayant accepté notre proposition de découplage, une entreprise qui supportera une cotisation à 1,4 paiera également la cotisation locale d’activité. La plupart des entreprises concernées paieront donc davantage qu'aujourd'hui. D'ailleurs leurs représentants demandaient que l'on conserve une cotisation de 1,5 tout compris.
Mme la ministre. Nous travaillons actuellement sur les taxes sectorielles, dont certaines existent déjà et seront augmentées. Je peux vous indiquer que la taxe ne portera pas sur les pylônes mais sur les transformateurs.
M. Charles de Courson. Attention : les transformateurs sont la propriété des syndicats locaux d'électricité.
M. le président Didier Migaud. Certaines modalités restent sans doute à préciser mais que les choses soient claires, il ne s'agit pas d'instituer des prélèvements supplémentaires mais de compenser la diminution de la taxe professionnelle afin que quelques grosses entreprises ne soient pas bénéficiaires de la réforme.
Mme la ministre. J'ai conscience ne pas avoir répondu à toutes vos questions mais moi-même et mes services demeurons à votre disposition
M. le président Didier Migaud. Nous nous reverrons le 30 septembre, mais sans doute serait-il utile de prévoir une audition supplémentaire sur ce thème.
M. le secrétaire d’État. Monsieur Emmanuelli, je vous enverrai mon intervention liminaire que vous n’avez pas entendue. À propos des élus, je vous informe qu’un chapitre du projet de loi de réforme des collectivités territoriales améliorera largement le statut des élus en termes de formation et d’indemnisation. J’espère que vous le voterez car ils le méritent bien.
La direction générale des collectivités locales est désormais en mesure de procéder aux simulations demandées, par niveau et par structure de ressources. Nous vous les communiquerons avant le débat en séance publique et nous pourrons en débattre en commission des Finances d’ici à la fin du mois.
S’agissant du calendrier et des garanties de ressources, en 2010, les collectivités continueront de recevoir le produit de la taxe professionnelle par l’intermédiaire de l’État.
M. Michel Sapin. Selon quelles modalités de calcul ? Y aura-t-il actualisation ?
M. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales. Rien ne s’oppose a priori à ce que les collectivités votent et à ce que le nouveau système ne s’applique qu’en 2011 sans prendre alors nécessairement en compte ce qui se sera passé en 2010.
M. le secrétaire d’État. En 2011, les collectivités recevront leurs nouvelles ressources. En revanche, en 2010, le fonds de garantie individuelle sera activé pour chaque commune et il n’y aura ni gagnant ni perdant.
Par ailleurs, le Gouvernement est ouvert au débat sur la répartition de la contribution complémentaire au profit des intercommunalités. Nous en discuterons en séance publique. Pour le moment, les préconisations du rapport Belot ont été suivies mais nous avons entendu les souhaits des associations de communes et d’intercommunalités. Cela dit, ce qu’elles auront gagné sera perdu par les départements et les régions.
En ce qui concerne le fonds de solidarité de la région Ile-de-France et des fonds départementaux de péréquation de la TP qui constituent des mécanismes essentiels de redistribution horizontale, il convient de les conserver tout en réévaluant les modalités d’écrêtement et les conditions d’éligibilité aux interventions.
Quant aux taxes sectorielles, elles se justifient économiquement, contribuent au lien réclamé par tous entre activité et territoire et constituent une sorte de dédommagement pour les nuisances ou contraintes que les équipements peuvent causer. Elles iront en priorité au niveau communal et intercommunal, notamment celle frappant l’énergie ; les taxes sur les télécoms et les équipements ferroviaires allant aux régions, qui sont compétentes en la matière depuis la loi Pons de 1997.
M. Charles de Courson. Qu’adviendra-t-il de l’indexation de la DGF calculée en fonction du potentiel fiscal si la TP disparaît ?
M. le directeur général des collectivités locales. Nous avons un peu de temps devant nous pour régler cette question. A priori, il serait difficile de procéder à une compensation intégrale en modifiant les potentiels fiscaux.
M. le secrétaire d’État. Le chantier est ouvert, mais il n’aboutira pas avant 2011-2012, une fois que les collectivités auront perçu leurs ressources se substituant à la taxe professionnelle.
M. le président Didier Migaud. Nous devons organiser le plus vite possible une réunion sur les simulations, avant la réunion du Comité des finances locales qui se tiendra le 29 septembre.